dimanche 11 septembre 2011

Les soldes saisonniers et les promotions

Quelques réflexions à propos de la loi n° 98-40 du 2 juin 1998 relative aux techniques de vente et à la publicité commerciale

Introduction. Pour  une politique d’exhortation à la consommation et donc à l’acquisition des marchandises, produits et services, les commerçants s’efforcent toujours de relever les avantages que l’opération procure à l’acheteur.


Pour y parvenir, plusieurs possibilités leur sont offertes. Ils peuvent soit agir sur les prix en proposant ces produits et services à moindre coût soit permettre à l’acquéreur d’en prendre livraison à une date  antérieure au paiement du prix. Ils peuvent également agir sur le produit en proposant une prime gratuite, immédiate ou différée à l’occasion de tout achat.

De telles pratiques de baisse des prix, de vente à crédit et de vente avec primes pourraient présenter des dangers pour les commerçants eux-mêmes qui risquent d’être ruinés et éliminés de la vie économique d’une part, et pour les consommateurs qui peuvent faire l’objet de machinations et de manœuvres de nature à fausser leur choix et déterminer leur jugement d’autre part.

Pour éviter de telles conséquences fâcheuses, le législateur tunisien est intervenu le 2 juin 1998 par deux lois. La première n°98-39, relative aux ventes avec facilité de paiement[1] et la deuxième n° 98-40 relative aux techniques de vente à la publicité commerciale.

Cette dernière loi organise les ventes avec réduction de prix, les ventes hors magasins et la publicité commerciale. Dans le chapitre relatif aux ventes avec réduction de prix, la loi traite des soldes saisonniers ou périodiques, des liquidations et des promotions.

L’intérêt pratique d’une étude sur les soldes et promotions est évident. L’heure est actuellement aux soldes. Les commerçants doivent faire leur apprentissage de la loi nouvelle. De leur côté, les pouvoirs publics ont manifesté un intérêt accru à l’usage de ces techniques.

Sur le plan théorique, l’étude de ces deux techniques permet de constater que le législateur poursuit deux objectifs : réaliser une meilleure transparence de ces pratiques commerciales et assurer la protection des consommateurs.

Le présent article traite des soldes saisonniers ou périodiques (1) et des promotions (2). Mais tout en distinguant ces techniques de vente, le législateur les soumet à des règles communes relatives à la l’indication et à l’annonce de la réduction des prix (3).

1.      Les soldes saisonniers ou périodiques

L’article 3 de la loi du 2 juin 1998 définit les soldes comme « toute offre de vente ou vente au consommateur faite par les consommateurs de produits neufs démodés, défraîchis, dépareillés ou fin de séries et qui est pratiquée en fin de saison en vue du renouvellement saisonnier de la marchandise par l’écoulement accéléré du produit moyennant une réduction des prix ». Il résulte de cette définition que les soldes ne peuvent être pratiqués que pour certains produits et en fin de saison (1.1). Le régime juridique auquel ils sont soumis témoigne d’un double souci du législateur : s’assurer d’une transparence commerciale et d’une protection du consommateur (1.2).

1.1.Champ d’application des soldes

Les opérations de solde concernent les produits neufs démodés, défraîchis, dépareillés ou de fin de séries. Elles sont pratiquées en fin de saison en vue d’un renouvellement de la marchandise. La notion de fin de saison renvoie à un critère temporel pour la détermination duquel l’article 5 de la loi s’en remet à l’autorité administrative. Cette double précision des produits pouvant être vendus sous ce régime (1.1.1) et du moment de leur vente (1.1.2.) permet de tracer le champ d’application de la réglementation.

1.1.1.      Les produits en stocks

Il ne suffit pas que les produits soient démodés, défraîchis, dépareillés ou de fin de séries (1.1.1.1.) encore faut-il qu’ils existent en stock chez le commerçant à la fin de la saison (1.1.1.2).

1.1.1.1. Une marchandise de second choix

Par souci de clarté, le législateur a pris le soin de clarifier le sens de certains termes de la loi du 2 juin 1998. Ainsi le terme produit désigne non seulement les biens, mais également les services. Ce même terme « produits » est utilisé par l’article 3 de la loi, mais placé dans son contexte d’énonciation, il ne désigne que la catégorie des biens corporels, c’est-à-dire les marchandises.

La non-application du régime des soldes aux services est inscrite dans la nature même de ces produits qui ne peuvent être stockés. Ce n’est pas pour autant que les prestataires de services ne rencontrent pas des difficultés de saisonnalité d’activité où se succèdent des périodes d’activité intense et où la capacité de production ne suffit pas à la demande, et des périodes de sous-activités. Pour y faire face, ils peuvent soit agir sur l’offre en ajustant la capacité à la demande, par une augmentation des salariés à temps partiel ou par la réduction du service à l’essentiel…, soit agir sur la demande par sa régulation en période de pointe et sa stimulation en période de sous-activité (mise en place de tarifs différents, d’un système de réservation et de gestion des files d’attente). L’application aux services d’un tarif réduit en période de basse saison n’est pas une raison suffisante pour une assimilation avec la technique des soldes. Le service ne subit pas nécessairement une dépréciation au niveau de sa qualité contrairement aux produits mis en vente sous le régime des soldes, et surtout la différenciation des prix ne fait que refléter la forme et la pente d’une courbe de demande relative au produit. Il suffit d’observer sur ce point la stratégie de prix des opérateurs de téléphone (tarif du jour et tarif de nuit) ou des hôteliers (tarif de haute saison et de basse saison) et des compagnies aériennes.

L’article 3 de la loi du 2 juin 1998 n’admet la vente sous le régime des soldes que pour les produits neufs démodés, défraîchis, dépareillés ou fin de séries. Ce sont généralement les invendus, les rossignols de l’arrière saison. Cette précision de nature des produits soldés amène à faire une observation sur le champ d’application personnel de la loi. En effet, il ne faut pas confondre le régime des soldeurs saisonniers avec celui des soldeurs professionnels. Ces derniers sont spécialisés dans la vente tout au long de l’année, à des prix bas, des produits neufs ou d’occasion démodés, défraîchis, dépareillés ou fin de séries. Même si la loi du 2 juin 1998 ne leur est pas applicable, elle leur interdit de faire une publicité ou d’avoir une enseigne, une dénomination sociale ou nom commercial employant le mot « soldes » ou de ses dérivés, par exemple « solderies », ainsi que toute dénomination équivalente inspirant au consommateur une opération de soldes non conforme aux prescriptions de la loi (art. 8). L’interdiction est d’autant plus justifiée qu’il a été constaté que les soldeurs professionnels ne commercialisent plus des invendus ou des fins de série, ce qui justifierait leur appellation, mais mettent à bas prix sur le marché des stocks d’entreprises en liquidation, qui ne légitiment en aucun cas la qualification de soldes au sens des textes[2]. Le non respect de cette interdiction est sanctionné d’une amende de 500 à 3.000 dinars.

Il ne suffit pas que les produits soient démodés, défraîchis, dépareillés ou de fin de séries, il faut encore qu’ils soient des produits saisonniers existant en stock chez le commerçant.

1.1.1.2. Les produits saisonniers en stock

La vente sous le régime des soldes est destinée à un renouvellement saisonnier de la marchandise. Le commerçant doit justifier de ces marchandises dans ses stocks de fin de saison. Cette règle conduit à certaines conséquences.

Le régime de la vente en soldes ne s’applique normalement pas aux produits « basiques » qui se vendent sur toute la saison, par exemple les sous-vêtements ou les articles de sport même s’ils sont dépareillés ou défraîchis. La circulaire du ministre du commerce du 11 mars 1999 précise également que le régime des soldes ne s’applique pas aux produits frais ou périssables.

Par ailleurs, les produits doivent exister en stock chez le commerçant. Cette condition est la conséquence directe du but poursuivi par le commerçant : l’écoulement accéléré du produit ; le commerçant doit absolument décongestionner ses locaux d’une marchandise pour pouvoir recevoir une autre plus adaptée aux exigences de la nouvelle saison. Dans cette voie, l’article 6 de la loi du 2 juin 1998 impose que le commerçant « justifie de la possession du produit à écouler depuis au moins trois ans ». Ceci a pour conséquence d’interdire aux commerçants de s’approvisionner en ses produits pour les vendre spécialement dans la période des soldes. De même, elle lui interdit de se réapprovisionner durant cette même période.

1.1.2.      Le temps des soldes

La notion de fin de saison employée par l’article 3 de la loi du 2 juin 1998 est une notion imprécise et peut donner des interprétations différentes selon chaque type de commerce, sinon selon chaque commerçant. Une telle imprécision peut même encourager certains commerçants à engager les ventes en soldes plus tôt.

Conscient de l’imprécision de la notion de fin de saison, le législateur a prévu à l’article 5 de la loi du 2 juin 1998 que « les dates et les durées des soldes périodiques ou saisonniers sont fixées par décision du ministre chargé du commerce par référence aux usages et après avis du conseil national de la distribution ».

La compétence du ministre du commerce de fixer les dates et les durées des soldes est de nature réglementaire. Le législateur emploie le terme « décision » au lieu d’« arrêté » dans l’objectif d’affranchir l’administration de l’obligation de publication du texte au journal officiel. Les puristes regretteront certes cette entorse au principe général de la publication des textes à caractère réglementaire proclamé par la loi n° 93-64 du 5 juillet 1993.

La détermination des dates et des durées des soldes se fait par référence aux usages et après consultation du conseil national du commerce. Cette double référence aux usages et à l’avis du conseil national de distribution est ambiguë. Le ministre doit-il simplement se contenter de codifier l’usage ou prend-il une décision politique dictée seulement par des considérations socio-économiques ? Certes le conseil national du commerce ne peut jouer le rôle d’un observatoire des usages de commerce : ce n’est ni sa mission ni sa composition qui lui permettent d’accomplir cette fonction. Et même si on veut lui reconnaître ce rôle, il aurait été plus indiqué d’élargir la sphère de la consultation aux conseils régionaux du commerce, notamment pour tenir compte des usages locaux. Enfin, on note qu’en raison des effets des soldes sur la concurrence, le ministre du commerce peut consulter le conseil de la concurrence sur la base de l’article 9 (nouveau) de la loi du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix.

Par décision en date du 21 décembre 1998, et après consultation du conseil national du commerce, le ministre du commerce fixe la durée des soldes à six semaines. La même décision prévoit des soldes d’hiver, commençant le 15 février et finissant le 31 mars, et des soldes d’été commençant le 15 août et finissant le 30 septembre. Ces durées et dates sont uniformes quelque soit le secteur d’activité et quelle que soit la région. Bien entendu, les commerçants sont libres de déterminer à l’intérieur de ces dates la durée pendant laquelle ils pratiqueront la vente sous le régime des soldes.

La détermination uniforme des dates et délais des soldes n’est pas appréciée de la même façon. Le conseil de la concurrence français lui reproche de limiter la liberté des commerçants et de conduire à un ajustement simultané des prix ce qui restreint une forme de la concurrence[3]. En revanche, il a été observé qu’une détermination différente des périodes de soldes peut soulever quelques difficultés pour certains types de commerce, tels que les centres commerciaux, les galeries marchandes, les franchisés liés à une enseigne nationale. Dans ces exemple se ressentent les nécessités  d’une gestion commune de la publicité qu’une détermination différente des dates des soldes risque de contrarier[4].

1.2. Le régime spécifique des soldes

Les articles 4 et 6 de la loi du 2 juin 1998 imposent un contrôle administratif atténué. Le commerçant désirant pratiquer des soldes doit en faire une déclaration préalable au ministère du commerce (1.2.1.). En outre, le commerçant doit offrir une réelle sinon une substantielle réduction du prix qui ne saurait être inférieure à un certain pourcentage d’un prix de référence (1.2.2).

1.2.1.      La déclaration préalable

Selon l’article 4 de la loi, « la vente des produits sous la forme des soldes périodiques ou saisonniers, quelle que soit la dénomination utilisée et quelque soit le prix pratiqué, ne peut avoir lieu sans déclaration préalable auprès du ministère chargé du commerce. La déclaration doit être déposée au moins 15 jours avant la date prévue pour le début de la vente ».

Dans une interprétation littérale du texte, le commerçant peut annoncer à ses clients son intention de vendre à prix réduit avant même d’avoir accompli la formalité de déclaration. Seule la vente antérieure à la déclaration est interdite.

La circulaire du ministre du commerce précise que le commerçant exploitant plusieurs points de vente dans des gouvernorats différents peut faire une seule déclaration auprès de la direction régionale dans le ressort de laquelle se trouve son siège social ou son premier établissement à condition que les produits soient d’un même genre.

L’article 6 de la loi du 2 juin 1998 précise le contenu de la déclaration. Celle-ci doit notamment comporter un inventaire détaillé des produits à écouler en indiquant le prix de vente public toutes taxes comprises. La mention relative au prix est imprécise. La circulaire du ministre du commerce exige une indication du prix avant et pendant la période des soldes. Pour plus de précision, et en conformité avec l’article 22 al. 2, on doit admettre que la mention relative au prix avant soldes doit refléter le prix de référence[5]. Cette double référence à l’ancien et le nouveau prix permet d’organiser un contrôle sur dossier de la légalité de l’opération des soldes.

Dans sa déclaration, le commerçant doit justifier de l’ancienneté de son stock[6]. Théoriquement, le commerçant doit produire à l’appui de sa déclaration les justificatifs de la date d’achat des produits en cause, mais en pratique l’administration se montre, à ce stade du contrôle, peu exigeante et se contente d’une simple déclaration sur l’honneur.

Enfin, le commerçant doit indiquer le lieu et la date de la vente ainsi qu’une description de la publicité des messages et des supports qu’il se propose d’utiliser pour cette vente. 

L’exigence d’une déclaration préalable est à approuver. Elle réalise un équilibre parfait entre les impératifs des affaires, les soldes étant après tout un acte normal de gestion, et les impératifs d’une transparence commerciale.

La vente en l’absence d’une déclaration préalable est sanctionnée d’une amende de 500 à 10.000 dinars. En outre les produits peuvent être saisis. Le texte ne précise pas si une déclaration incomplète ou mensongère est considérée comme un défaut de déclaration.

1.2.2.      Le prix de vente 

Les soldes sont une technique de réduction du prix. Sur ce point, la réglementation affranchit le commerçant d’une contrainte et lui impose une autre.

En effet et quoique l’article 3 de la loi du 2 juin 1998 prévoit que le soldeur vend ses produits à des prix réduits, il faut admettre, en application de l’article 26 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix, que le commerçant peut vendre à perte les soldes réglementaires de fin de saison.

L’article 22 de la loi du 2 juin 1998 impose cependant au commerçant d’accorder une réduction dont le taux ne peut être inférieur à un pourcentage fixé par arrêté du ministre du commerce. La réduction du prix est de l’essence des soldes, c’est pour cette raison que le législateur veut s’assurer que les soldes ne soient pas illusoires pour les consommateurs. Une réduction minimale est exigée. Par arrêté en date du 3 décembre 1998, le ministre fixe le taux de la réduction à 20%.

Le taux de la réduction est calculé par rapport à un prix de référence, qui est le plus bas prix effectivement pratiqué pendant les trois mois précédant immédiatement les soldes. Il y a une corrélation entre la durée de la détention des stocks et la période de référence pour la détermination du prix.

La référence au plus bas prix effectivement pratiqué permet de tenir compte des réductions de prix et promotions accordées par le commerçant à la clientèle avant la période des soldes.

2. Les promotions

L’article 15 de la loi du 2 juin 1998 définit les promotions comme étant «  toute opération de vente ou de prestation de service accompagnée d’une réduction du prix pratiqué, pendant une période limitée, en vue de lancer ou de relancer la vente d’un ou de plusieurs produits ou de services ».

Le texte caractérise cette technique de vente par les objectifs qu’elle poursuit et par sa durée limitée. La liberté du commerçant ou du producteur de consentir une réduction des prix n’a de limite que le souci de protéger le consommateur contre des annonces de promotion fictive. La réduction de prix doit être réelle.

2.1. Les objectifs de la promotion


Le législateur ne prévoit qu’un double objectif à la promotion par réduction des prix : Lancer un produit ou le relancer pour faire face à la concurrence. Néanmoins dans la pratique, il n’est pas rare que les professionnels visent un troisième objectif celui d’une optimisation de leurs ventes ou prestations de services en pratiquant des prix différenciés selon les catégories de clients.

2.1.1. La réduction des prix une technique de lancement de produits ou de services

Lors du lancement d’un produit nouveau le producteur peut adopter l’une des politiques suivantes : fixer un prix de vente élevé avec un soutien publi-promotionnel fort durant les premières phases du cycle de vie de produit puis consentir une réduction progressive du prix ou inversement fixer un produit bas puis une augmentation. Le choix de l’une ou de l’autre des méthodes est fonction des buts poursuivis et de la nature de produits en cause. La première correspond à l’hypothèse d’un produit innovateur ou d’une absence de référence permettant au client de juger la valeur offerte. Par contre, la deuxième correspond à la vente des produits de masse[7].

La réduction de prix comme instrument de pénétration de marché ou de lancement d’un produit est tenue pour évidente par les commerçants. Ils la considèrent à l’instar des coûts de publicité ou de référencement. Elle n’est cependant la seule technique d’incitation à l’essai et d’introduction d’un produit sur le marché. L’offre d’échantillon, l’offre d’essai, la garantie de remboursement en cas de non-satisfaction, etc. sont également utilisées pour le lancement d’un produit nouveau.

La notion de lancement de produits doit être interprétée d’une manière large. Elle concerne aussi bien les produits nouveaux que des produits à présentation nouvelle. Elle peut même coïncider avec l’ouverture d’un nouveau point de vente.

La promotion pour le lancement des produits ou services est souvent l’œuvre des producteurs. L’interdiction que leur impose l’article 7 de la loi du 1er juillet 1991 portant organisation des circuits de distribution de vendre directement aux consommateurs les oblige à faire transiter la réduction par les distributeurs en leur accordant des remises. Mais rien n’assure que ces derniers vont les répercuter sur les consommateurs. Il faut se demander alors par quelle technique juridique ils peuvent s’assurer que leur sacrifice ne sera pas confisqué par le distributeur.

Le producteur peut-il imposer au distributeur de vendre au prix présumé de la promotion ? L’article 28 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix “ interdit d’imposer directement ou indirectement un caractère minimum du prix de vente d’une marchandise ou d’un service ”. Ce texte s’applique seulement au cas de fixation d’un prix minimal. Il n’interdit pas d’imposer la vente à un prix maximal.

Pour assurer l’efficacité de la promotion, le producteur peut envisager de distribuer directement aux consommateurs des coupons de réduction[8] ou à consentir aux distributeurs des ristournes au lieu de remises[9]. Enfin, le producteur peut se contenter de diffuser aux consommateurs le prix qu’il a conseillé à ses distributeurs[10].

2.1.2.      La réduction des prix pour relancer un produit ou un service


La promotion visant à relancer un produit ou service renvoie à l’usage du prix comme un outil de concurrence entre fabricants ou distributeurs. La promotion est utilisée pour contrer un concurrent.

2.1.3.      Discrimination par les prix


La question est de savoir si la loi de 2 juin 1998 s’applique lorsque le commerçant entend simplement stimuler une demande d’une catégorie de clients en faisant ce qu’il est convenu d’appeler dans le langage des marketeurs une discrimination par les prix. Dans cette logique, le commerçant n’offre de réduction de prix qu’à une cible bien déterminée. La théorie économique montre en effet que les entreprises gagnent plus d’argent en n’offrant pas le même prix. La discrimination par les prix permet à la fois d’attirer un plus grand nombre de consommateurs et faire payer chacun le prix le plus élevé[11]. A la vérité, la discrimination par les prix ou si l’on veut la promotion réservée, même si elle offre une réduction de prix elle reste en dehors du champ d’application de la loi car elle a un caractère permanent.

2.2.       La limitation dans le temps de la promotion


La promotion est pratiquée pour une période limitée. En conséquence, le commerçant ne peut annoncer des promotions permanentes. Une pratique contraire est sanctionnée par une amende allant de 500 à 5.000 dinars.

La loi n’impose pas une durée maximale ou minimale, mais la circulaire du ministre du commerce du 11 mars 1999 prévoit que lorsque la promotion vise à lancer un produit nouveau, le commerçant doit être en mesure de prouver que le prix du produit a été relevé à l’issue de la promotion et que la durée de l’augmentation du prix doit être significative.

L’article 17 de la loi du 2 juin 1998 interdit de pratiquer des promotions pendant les périodes de soldes saisonniers ou périodiques[12] et dans les quarante jours qui précédent ces périodes. Le texte organise ainsi une période d’attente des soldes durant laquelle les promotions sont interdites. La généralité des termes employés par l’article 17 autorise de dire que l’interdiction s’applique à tous les produits qu’ils soient ou non susceptibles d’être vendus en solde, mais la circulaire du ministre du commerce est de nature à jeter un doute sur une telle conclusion. L’administration explique en effet la période d’attente par le souci « d’éviter que des commerçants effectuent sous l’appellation « promotion » des opérations d’écoulement de leur stock en dehors des périodes de solde et obtiennent ainsi un avantage indu par rapport à leurs concurrents ». Or si telle est la raison de la mesure seule sera interdite la promotion des produits susceptibles d’être vendus en solde.

L’interdiction des promotions pendant la période d’attente rend difficile en droit l’organisation de promotions pendant les manifestions commerciales exceptionnelles (les foires par exemple) d’une durée limitée. Il aurait été plus indiqué d’introduire une exception. Consciente peut être de la rigueur de la restriction, la circulaire du ministre de commerce « excepte les réductions de prix organisées par la profession ou l’administration[13] dans le cadre de la lutte contre la cherté de la vie ».

2.3.       La réduction des prix : modalités et réalité

La promotion est une réduction de prix. Il faut s’entendre sur cette notion et ses modalités d’application (2.3.1). La réduction du prix doit être réelle (2.3.2.). Ceci se vérifie par rapport à un prix de référence ainsi que par la capacité du commerçant à satisfaire les demandes des consommateurs. Mais en aucun cas la réduction des prix ne doit être un prétexte pour pratiquer une revente à perte (2.3.3).

2.3.1. La notion de réduction de prix

Prise dans un sens littéral, la réduction des prix est limitée au cas où le commerçant déciderait de réduire les prix qu’il pratiquait jusqu’à la veille de la période de promotion. La réduction des prix se fait alors par rapport à un prix de référence tourné vers le passé. En fait le législateur assimile à une réduction l’annonce d’une augmentation prochaine des prix.

Lorsqu’il s’agit de lancer un nouveau produit, le consommateur n’a pas un prix de référence passé. La réduction du prix ne prend sa signification que par rapport à un prix futur plus élevé. L’article 16 de la loi du 2 juin 1998 oblige dès lors le commerçant de relever ses prix à la fin de la campagne promotionnelle.

Lorsque la promotion de lancement est prise sur l’initiative du producteur, il n’est pas certain que les distributeurs pratiqueront un prix supérieur au prix de lancement à la fin de la période. Une telle attitude menace le producteur de poursuites pour publicité mensongère[14].

On peut se demander si certaines modalités de promotions sont régies par la loi du 2 juin 1998. C’est le cas par exemple des offres de remboursement, de coupon à valoir sur un achat futur ou de vente avec reprise.

L’offre de remboursement consiste en un remboursement, total ou partiel, du prix payé lors d’un achat réalisé dans des conditions normales. Le client reçoit un chèque[15] contre l’envoi d’une ou plusieurs preuves d’achat[16]. Le montant du chèque peut être fixe ou plus ou moins croissant en fonction du nombre de preuves d’achat à collecter. Se rapproche de ce procédé de promotion des ventes la pratique des primes auto-payantes. Le consommateur achète au prix normal et la réduction de prix est offerte sur d’autres achats futurs.

Dans le premier procédé de promotion, la réduction de prix est consentie sur un achat précédent passé à un prix normal alors que dans le second elle est consentie sur un achat futur ne faisant pas l’objet d’une annonce de réduction de prix. Dans ces conditions les dispositions de la loi de 2 juin 1992 ne devraient pas recevoir application[17].

La vente avec reprise utilisée dans le secteur des biens durables consiste à reprendre dans des conditions spécifiées, notamment pour un prix forfaitaire, un objet plus ou moins comparable à celui acheté[18]. Le procédé peut s’analyser comme une réduction de prix si l’échange est fait sans considération de la valeur du produit repris.

2.3.1.      La réalité de la réduction des prix

La réalité de la réduction implique une comparaison entre deux prix : celui pratiqué lors de la promotion et celui postérieur ou antérieur selon qu’il s’agit d’une promotion de lancement ou de relance de produit ou de service. L’exigence d’une réduction réelle a pour effet d’interdire la pratique des réductions dérisoires ou des prix inchangés.

La loi du 2 juin 1998 est plus explicite sur les critères de comparaison lorsque la réduction se fait par rapport à un prix passé. Le prix de référence est le plus bas prix effectivement pratiqué, pendant les trois mois précédant immédiatement le début d’application du prix réduit. Par contre, il n’existe pas un prix de référence lorsque la promotion vise le lancement d’un produit nouveau. Le législateur se limite à exiger que l’augmentation du prix ultérieure soit significative. Il appartient alors aux tribunaux d’apprécier la réalité de la promotion.
La réalité de la réduction se vérifie également par la disponibilité des produits. Le commerçant doit durant la période prévue pour la promotion satisfaire les demandes des consommateurs en produits ou services offerts (art. 18)[19]. Cette règle emporte deux conséquences:

- En cas de succès de l’opération de promotion, le commerçant peut affronter des problèmes de rupture de stocks l’empêchant de satisfaire les demandes des consommateurs. L’indisponibilité du produit dans ses magasins n’est pas en principe un motif d’exonération de la responsabilité civile ou pénale. Il en sera autrement si les produits ne sont pas normalement, selon les usages de la profession et les spécificités de certains produits, livrables immédiatement. La circulaire du ministre du commerce prévoit cependant qu’en cas d’épuisement de stock ou empêchement quelconque, le commerçant doit cesser immédiatement et informer, si nécessaire, le consommateur.

- En cas d’échec de la promotion d’un produit nouveau, le producteur doit maintenir la fabrication et la vente du produit même si le lancement n’est pas un succès[20].

Le législateur a voulu donc lutter contre la tentation de certains commerçants de pratiquer des prix d’appel sur un produit donné. C’est le procédé qui consiste à annoncer une réduction de prix sur un produit, généralement de marque, alors que les quantités disponibles sont manifestement insuffisantes. La satisfaction des demandes des consommateurs se fera alors par la vente de produits de substitution non offerts en promotion.

3.      Règles communes aux soldes et promotions : annonce et indication de réduction de prix.

La promotion par réduction des prix s’accompagne toujours d’une compagne publicitaire destinée à faire connaître son existence aux consommateurs. En outre les commerçants sont tentés d’agir sur la perception de la réduction par le consommateur. C’est pourquoi la loi du 2 juin 1998 définit certaines obligations en matière d’annonce et d’indication de réduction de prix.

3.1.L’annonce de la réduction de prix


Le législateur s’attache à réglementer le contenu du message publicitaire. L’article 24 de la loi dispose que «  toute publicité à l’égard du consommateur, se rapportant aux ventes visées par la loi, doit comporter les indications suivantes :
-          le montant de la réduction en pourcentage ou en valeur absolue par rapport au prix de référence ;
-          les produits ou catégories de produits concernés ;
-          la date à partir de laquelle le prix réduit sera appliqué ;
-          la mention “ jusqu’à épuisement du stock ” pour les stocks et les liquidations
Pour les promotions il faut indiquer la période prévue ».

Il découle de ce texte que :
- les mentions obligatoires doivent figurer sur le message publicitaire quel que soit le support utilisé.
- la réduction du prix peut être exprimée soit par un pourcentage soit par un chiffre. Le commerçant est dispensé de mentionner le prix de référence passé ou futur. Cependant une interprétation littérale du texte semble conduire à une interdiction de l’annonce d’une fourchette de pourcentage ou de rabais.
- L’identification des produits[21] peut se limiter l’indication de leurs catégories. Mais ceci a pour conséquence d’interdire des mentions peu précises telles que des réductions de 30% sur l’ensemble du magasin[22]. Une telle mention ne renseigne pas réellement sur l’objet de la promotion[23].
- Le texte exige, enfin, du commerçant qu’il indique la durée de la promotion en précisant son point de départ et la date à la quelle elle prend fin. Mais pour les soldes saisonniers ou périodiques le législateur exige que l’annonce porte la mention « jusqu’à épuisement du stock ». C’est qu’ici le soldeur contrairement à celui qui promeut un produit n’est pas tenu de renouveler son stock pour satisfaire sa clientèle. Il lui est même fait interdiction de le renouveler.

Enfin, on doit préciser que le défaut d’une mention obligatoire n’est pas expressément sanctionné par la loi du 2 juin 1998, mais toute annonce trompeuse ou non conforme à la réalité tombe sous le coup de l’incrimination de la publicité mensongère (articles 37 et 51).

Lorsque l’initiative de l’opération est prise par un producteur n’ayant pas la maîtrise du prix final[24], ni la garantie que la promotion distributeur va être transférée au client final[25], il doit souvent se contenter d’une annonce générale de la réduction.

3.2. L’indication de la réduction de prix


La loi du 29 juillet 1991 impose aux professionnels une obligation d’information des consommateurs sur les prix. L’information peut avoir lieu par voie de marquage, d’affichage ou d’étiquetage. La doctrine juridique justifie la règle par le dessein de permettre au consommateur de faire des choix, “ éclairés et conscients ” donc rationnels. Lorsque le professionnel envisage de faire une réduction des prix, il ne peut plus se contenter d’indiquer ses nouveaux prix par les mêmes procédés, il doit en outre rappeler l’avantage procuré au consommateur.

La théorie économique a mis en exergue la nature duale du prix : il est à la fois l’élément d’information, considéré comme le principal facteur de décision rationnelle ; il est aussi la source de comportements peu rationnels souvent rangés dans les phénomènes de prix psychologiques où celui-ci semble jouer un rôle quasi magique. La théorie économique invite à distinguer alors entre l’information sur les prix et la perception ou le jugement des prix. L’article 23 de la loi du 2 juin 1998 prévoit que “ sauf pour les cas de lancement d’un nouveau produit, l’indication de la réduction du prix doit être effectuée par le système du double marquage ”. On précisera l’étendue de la règle (3.2.1.) et ses modalités d’application (3.2.2.).

3.2.1.      L’étendue de la règle du double marquage

La règle du double marquage ne s’applique par lorsque la réduction des prix est utilisée pour lancer de nouveaux produits. Le commerçant ne dispose pas d’un prix de référence passé. La référence est plutôt future. La liberté du commerçant semble toutefois être limitée par la cause de la réduction du prix. Ainsi s’il peut faire mention du seul prix de vente avec la mention “ prix de lancement ”, il ne peut utiliser les expressions “ offre exceptionnelle ” ou “ offre spéciale ”, car elles ne renseignent pas valablement sur la cause de la réduction du prix.

La règle du double marquage s’applique simplement lorsque le commerçant se propose de consentir une réduction du prix avant l’achat. Elle n’a point à s’appliquer lorsque la réduction est postérieure, c’est-à-dire sous forme d’une offre de remboursement.

3.2.2. Les modalités du double marquage

La règle du double marquage connaît plusieurs variantes : le législateur autorise certaines d’entre elles et interdit certaines autres.

Les modalités permises sont au nombre de trois :
-          Les deux premières relèvent du même ordre puisqu’elles obligent le distributeur à faire référence à son prix historique. Les prix ancien et nouveau sont indiqués en valeur absolue selon deux modalités. Le commerçant peut soit apposer le nouveau prix à côté du prix antérieur surchargé d’une barre soit indiquer les deux prix accompagnés de la mention littérale “ nouveau prix ” “ ancien prix ”.
-          Dans la troisième modalité, le commerçant peut ajouter une mention d’un pourcentage de réduction, mais il doit toujours indiquer le nouveau prix figurant à côté du prix antérieur surchargé d’une barre. La réduction de prix en pourcentage est moins signifiante pour le client, mais permet de mettre en valeur une réduction pour un produit à faible prix.

L’obligation du double marquage a pour conséquence d’interdire au commerçant d’indiquer une “ réduction de prix intégrés ”, c’est-à-dire simplement prise en compte dans le nouveau prix, car la règle du double marquage est trahie.
Le texte prévoit expressément que l’annonce d’une réduction variable par l’indication d’une fourchette de réduction en pourcentage ou valeur absolue est interdite. L’indication d’une réduction variable est souvent utilisée lorsque la réduction de prix concerne plusieurs produits à la fois. L’interdiction s’impose car ce mode d’indication est imprécis et provoque l’erreur du consommateur, surtout que le commerçant est tenté de privilégier d’indiquer le plus taux de réduction pratiqué.


[1] Voir notre article « La conclusion du contrat de vente avec facilités de paiement ».
[2] Giles Heidsieck, La nouvelle réglementation économique des soldes, semaine juridique, Ed. E, 1991, n°54.
[3] Michel Roubach, La nouvelle réglementation des soldes, G.P. 1990, Doct. p. 181.
[4] Giles Heidsieck, article précité.
[5] Sur cette notion, voir infra 1.2.2.
[6] Voir supra 1.1.1.2.
[7] Pierre Desmet & Monique Zollinger, Le prix, de l’analyse conceptuelle aux méthodes de fixation, Economica, 1997, p. 132.
[8] Pour éviter de voir supporter les conséquences de la baisse des prix sur l’ensemble son chiffre d’affaires, les producteurs recourent à ses supports coûteux pour le consommateur en termes de temps et d’effort à investir dans la transaction. Les distributeurs sont réservés à l’égard de cette modalité de réduction car elle entraîne pour eux des charges de gestion, de vérification et de manipulation de bons.
[9] Les remises sont portées immédiatement sur la facture alors que les ristournes donnent lieu à un paiement différé à l’issu d’un délai donné.
[10] Mais un prix conseillé ne doit pas cacher un prix imposé. C’est le cas lorsque le fabriquant prend des mesures de rétorsion contre le distributeur qui refuse de suivre le prix conseillé.
[11] Jagmohan Raju, La promotion une stratégie optimale des annonceurs, série d’interviews d’experts, in comment créer des promotions efficaces et profitables, Décisions marketing, n°12, 1997, p. 24.
[12] Les soldes d’hiver allant du 15 février au 31 mars et les soldes de l’été allant du 15 août au 30 septembre. Voir la première partie du présent article.
[13] On se doit de souligner l’ambiguïté d’une promotion organisée par l’administration.
[14] Mémento pratique Francis Lefebvre, Concurrence consommation 1998, n°3052.
[15] Les appellations sont diverses : coupons, bons de réduction, carte de fidélité.
[16] Pierre Desmet, Promotion des ventes, Nathan, 1992, p. 133.
[17] Mais ce n’est pas là un motif suffisant pour ne pas encadrer juridiquement ces pratiques commerciales. Une intervention du législateur est souhaitable.
[18] Ibid, p. 134.
[19] La même règle est reprise à l’article 19 de la loi en matière d’annonce de réduction des prix. Aucune annonce de réduction de prix ne peut être faite pour des produits qui ne sont pas disponibles à la vente ou pour des services qui ne peuvent être fournies pendant la période indiquée par l’annonce. Le distributeur ne peut annoncer une promotion sur des produits qu’il savait ne pas pouvoir obtenir en quantités suffisantes.
[20]Mémento précité, n°3052.
[21] Le texte omet cependant de mentionner les services.
[22] Sous direction de François Terré, Le consommateur & ses contrats, Ed. Juris-classeur, p. 809, n°075-05.
[23] L’article 36 interdit en outre la publicité d’un produit non disponible sur le marché. La violation de l’interdiction est sanctionnée par une amende allant de 500 à 10.000 dinars. L’incrimination fait double emploi avec celle prévue à l’article 46 sanctionnant l’annonce d’une réduction d’un produit indisponible, mais la peine prévue dans ce dernier cas est une amende allant de 500 à 5.000 dinars. Une harmonisation des textes s’impose.
[24] L’article 7 de la loi du 1er juillet 1991 relative à l’organisation du commerce de distribution, limite la liberté du producteur à vendre directement au consommateur.
[25] L’article 28 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix interdit la vente à prix imposé.

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