dimanche 29 octobre 2017

Le pas-de-porte

Le pas-de-porte



Le pas-de-porte, ou le droit d’entrée, est la somme d’argent que le preneur à bail verse à la signature du contrat, le plus souvent en une seule fois, au bailleur d’un local à usage industriel, commercial ou artisanal, en sus du loyer, et qui reste définitivement acquise à celui-ci. Puisqu’il s’agit d’une somme versée au bailleur, le pas-de-porte ne doit pas être confondu avec le prix de cession d’un bail commercial payé à l’ancien locataire. Le pas-de-porte ne peut également être confondu avec le dépôt de garantie.

Le pas-de-porte était historiquement lié au phénomène de pénurie de bons locaux (François Robin, Le pas-de-porte et droit au bail, AJDI 2000, p. 499). Les commerçants payaient donc le prix pour avoir accès aux locaux qui les rapprochaient de la clientèle. Plus tard quand était apparue la législation relative à la propriété commerciale donnant au locataire un droit au renouvellement du bail malgré l’expiration du terme, le pas-de-porte était utilisé comme une compensation anticipée de ce que le bailleur aurait à verser au locataire pour l’évincer et récupérer le local libre.

Le pas-de-porte est une pratique contractuelle parfois occulte non stipulée dans le contrat de bail où les sommes sont versées de main en main pour des raisons de fraude fiscale. C’est une simulation du prix qui n’est pas en soit nulle dans les rapports entre les parties. La simulation expose néanmoins à des sanctions pénales en vertu de l’article 101 du Code des droits et procédures fiscaux. 
Le marché des bureaux et des locaux d'activité professionnelle et services ignore totalement la pratique du pas-de-porte depuis des décennies. Elle se rencontre par contre dans les emplacements de premier rang et dans les centres commerciaux dont les promoteurs stipulent parfois, par acte séparé, que la somme versée est « une couverture des frais d’aménagement du local demandés par les preneurs. » (Marie-Pierre Dumont-Lefrand, Clauses financières liées aux mécanismes du statut –, Dalloz action Droit et pratique des baux commerciaux, 2017-2018, n°520-70)

Il arrive qu’une telle déclaration soit purement formelle ne correspondant nullement à des travaux réellement demandés par le preneur. Il est clair qu’une telle somme sert à faciliter le plan de financement du promoteur ou du bailleur. Le versement à la signature du contrat qui allège les frais financiers ou les coûts, peut être considéré comme un loyer payé d'avance. 

L’analyse juridique du pas-de-porte mobilise deux séries de règles. Celles de droit privé dans les rapports entre les parties et celle de droit fiscal dans les rapports des parties vis-à-vis du fisc.

1) Les rapports de droit privé


Deux principales questions se posent. Le pas-de-porte est-il valable au regard de la loi du 25 mai 1977 régissant les baux commerciaux ? Quelle est sa nature juridique ?

a) La validité du pas-de-porte


La licéité du pas-de-porte a été depuis longtemps admise par les juridictions civiles. Aucun texte ne le prohibe directement. Les parties sont libres de fixer les conditions pécuniaires de leur accord au moment de la location. La somme ainsi payée a une cause et une cause licite. Certains locataires ont vainement cherché à fonder la nullité du paiement sur les dispositions de l’article 32 de la loi du 25 mai 1977 déclarant « nuls et de nul effet quelle qu’en soit la forme les clauses, stipulations et arrangement faisant échec au droit au renouvellement du bail. » Il leur a été répondu que la conclusion du bail et la perception d’une somme d’argent au moment de la conclusion du contrat ne peut être considérée comme privant, même indirectement, le futur locataire du bénéfice d’un droit qu’il ne possède pas encore. De même lorsque le paiement du pas-de-porte constitue pour le locataire « le prix qu'il doit payer pour acquérir la propriété commerciale », ou, autrement dit, « le prix de la dépréciation que subissent les lieux du fait d'une occupation commerciale qui donne droit au renouvellement ou à l'indemnité d'éviction ». Dans ce cas, le locataire achète un droit d'ordre public accordé par la loi (Marie-Pierre Dumont-Lefrand, op. cit, n°250-530). Une partie minoritaire de la doctrine récuse cette opinion et c’est sans doute pour cette raison que le pas-de-porte n’est pas considéré par certains comme la contrepartie du droit au renouvellement mais comme la contrepartie « d’éléments de nature diverses »

b) La qualification du pas-de-porte


Les sommes payées par le preneur au moment de l’entrée dans les lieux peuvent recevoir deux qualifications possibles : soit elles sont considérées comme une indemnité compensatrice de l’immobilisation du bien du bailleur par le droit au renouvellement du bail, soit elles sont considérées comme un supplément de loyers payés d’avance. Les parties peuvent choisir dans le contrat l’une ou l’autre des qualifications. En cas de silence du contrat, il appartient au juge de se prononcer. Le rédacteur professionnel doit attirer l’attention des contractants sur le choix de la qualification sous peine d’engager sa responsabilité professionnelle. D'autres qualifications ont été retenues en pratique comme « l'achat d'une commercialité », qui doit alors s'assimiler à l'achat d'une clientèle, ou encore des « indemnités en contrepartie d'avantages exceptionnels donnés par le bailleur » (exclusivité notamment), ou enfin « des rachats d'aménagements » qui ne seront pas assimilables à un pas-de-porte.

Le choix d’une qualification n’est pas neutre. Il entraîne des conséquences en rapport avec la législation sur les baux commerciaux. 


- Considéré comme un supplément de loyer payé d’avance, il est tenu compte du pas-de-porte au moment des révisions et renouvellements en tant que loyer. 

- Considéré comme une indemnité compensatrice d’avantages supportés par le bailleur (une durée de bail longue, bail tous commerces, faculté de cession libre, droit de préférence du locataire en cas de vente des murs, absence de dépôt de garantie), le pas-de-porte n’influe pas sur l’exécution du contrat sauf au locataire de rappeler lors de son éviction par le bailleur qu’il avait payé un pas-de-porte. Dans les centres commerciaux, il s'agit de baux investisseurs, le preneur supportant généralement toutes les charges, il est difficile d’accepter la qualification d’indemnité compensatrice. C’est plutôt un supplément de loyer. 

2) Les conséquences fiscales du pas-de-porte


Ces conséquences varient selon la qualification retenue de la nature du pas-de-porte. Le juge fiscal n’est pas tenu par la qualification donnée par les parties. Les conséquences fiscales s’apprécient tant du point de vue du bailleur que du point de vue du locataire. 

a) La fiscalité du bailleur


La fiscalité du bailleur varie selon son statut fiscal.

Il peut tout d’abord s’agir d’une personne physique agissant à titre particulier ou d’une société de personne n’exerçant pas une activité professionnelle (une société civile immobilière notamment). Selon une doctrine administrative et une jurisprudence fiscale, les sommes que le locataire verse au propriétaire en sus du prix annuel du loyer, à titre de pas-de-porte, doivent être prises en compte pour la détermination du revenu foncier, au même titre que le loyer proprement dit dès lors qu’elles présent le caractère d’un supplément de loyer. Il a été cependant admis que ces sommes puissent échapper à l’impôt sur les revenus fonciers lorsque le contribuable établit que la somme versée lors de la conclusion ou du renouvellement du contrat du bail est destinée à compenser une dépréciation subie par l’immeuble ou lorsqu’elle est la contrepartie de la perte d’un élément de son patrimoine, mais faut-il pour autant que le loyer soit normal. La disparition ou la dépréciation du fonds de commerce ou de certains éléments de ce fonds que le bailleur exploitait justifie l’absence de taxation comme supplément de loyer du droit d’entrée (Emmanuel Cruvelier, Bail commercial. – Fiscalité. Indemnité d’entrée. – Dépôt de garantie. – Indemnité de déspécialisation, JurisClasseur Bail à Loyer, Fasc. 1500, n°33.) Par ailleurs, il peut arriver que le bailleur et le locataire soit traités de façon dissymétrique (Jean-Pierre Maublanc, Le versement d’un pas-de-porte au bailleur peut constituer une compensation à la dépréciation de l’immeuble, AJDI 2001, p. 50). Le droit d’entrée est considéré comme supplément de loyer pour le premier et comme le prix d’acquisition d’un élément d’actif pour le second.

Il peut ensuite s’agir d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés ou d’une entreprise exerçant une activité industrielle, commerciale, agricole ou non commerciale. Les sommes versées au titre de pas-de-porte doivent être regardées dans la plupart des cas comme présentant pour le bailleur un supplément de loyer. Elles sont comprises dans le résultat de l’exercice au cours duquel elles sont réputées acquises en vertu des stipulations du contrat. Il en sera autrement quand le droit d’entrée a pour contrepartie l’exécution des travaux s’étalant sur plusieurs exercices ou lorsqu’il constitue des annuités indexées payables sur plusieurs exercices.

b) La fiscalité du locataire


La dépense supportée par le locataire ne saurait être assimilée, par le locataire, à des frais de premier établissement immédiatement déductibles. Elle présente, en principe, le caractère d’un supplément de loyer lorsque son montant, augmenté du loyer stipulé au bail n'excède pas la valeur locative réelle de l'immeuble. La charge doit être répartie sur la durée du bail. Mais aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle comptable n'interdisent à l'entreprise de répartir cette indemnité sur une durée plus longue que la période du bail : la jurisprudence, rapportée par la doctrine administrative, a ainsi validé la déduction d'un pas-de-porte sur une durée de vingt-cinq ans correspondant à "la durée probable de la location" (Emmanuel Cruvelier, op. cit., n°44).

Des fois la somme versée peut constituer le prix de revient d'un élément incorporel du fonds de commerce. Deux constantes reviennent cependant dans la qualification du pas-de-porte comme prix d'acquisition d'avantages commerciaux ou comme prix d'un élément incorporel du fonds de commerce. Pour déterminer si une indemnité versée par le preneur au bailleur est une charge de loyer déductible ou si elle constitue le prix d'acquisition d'éléments corporels de fonds de commerce, il y a lieu de tenir compte non seulement des clauses du bail et du montant de l'indemnité stipulée mais aussi du niveau normal de loyer correspondant au local ainsi que des avantages effectivement offerts par le propriétaire en sus du droit de jouissance découlant du contrat de bail (Emmanuel Cruvelier, op. cit., n°46)



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Le décès de l'entrepreneur individuel

Le décès de l'entrepreneur individuel

S’installer pour son propre compte. Les personnes physiques peuvent, en principe, exercer toutes les professions indépendantes de leur choix. Leur pleine capacité juridique et la liberté du commerce et de l'industrie sont les fondements légaux du libre exercice professionnel. Poussant la règle jusqu'à son ultime conséquence, il n'est pas interdit de voir la même personne exercer plusieurs professions à la fois ou même cumuler un exercice professionnel indépendant et un autre salarié. La loi, au sens formel du terme, peut limiter l'exercice professionnel soit en exigeant la satisfaction de certaines conditions d’accès, de non-cumul ou d’exclusivité, soit en exigeant la participation au capital d'une société dotée d'une personnalité juridique distincte de celle des associés, ayant ou non une forme spécifique. L'exercice individuel d'une profession n'est pas remis en cause lorsqu'une personne prend la qualité d'associé dans une société de moyens -ou prendre part un groupement d'intérêt économique-, qui se limite à procurer aux associés les moyens matériels et humains nécessaires à leur exercice professionnel indépendant. La législation tunisienne, restée longtemps rangée derrière une conception classique de la société qui exige la réunion de deux associés au moins, a évolué, depuis 2000, pour admettre, timidement, qu'une personne physique crée une société unipersonnelle à responsabilité limitée. Dans cette hypothèse, il s’agit en droit d’un exercice social de l'activité économique, mais les économistes lèvent le voile de la personnalité morale et qualifient la société d’entreprise individuelle.
L'exercice professionnel indépendant conduit donc à la mise en place d'une entreprise individuelle, dont la taille est plus ou moins grande. La plus élémentaire fait de l’entrepreneur un ouvrier car c’est lui-même qui exécute les prestations de l'entreprise, aidé parfois par les membres de sa famille dans un travail non rémunéré. L'entrepreneur peut être un employeur avec un nombre plus ou moins important de salariés placés sous sa direction et son contrôle. L'entreprise est soit créée ex nihilo, soit acquise auprès d'une autre personne en pleine propriété ou en jouissance, voire même héritée.
Le décès facteur perturbateur. La pérennité de l'entreprise individuelle est un impératif économique si l'on considère certains événements perturbateurs, tels qu’un accident entraînant une incapacité de l’entrepreneur ou, plus dramatiquement, la survenance d’un décès. Dans cette dernière hypothèse spécialement, on peut se trouver dans l’une des deux configurations suivantes. Dans la première, le décès est anticipé et la transmission de l'entreprise est planifiée. L'entrepreneur prépare les conditions de la transmission de l'entreprise à un repreneur qu'il choisit dans le libre exercice de son pouvoir de disposition de ses biens. Les motifs du choix n’est pas relevant en droit, mais les sciences de gestion s’y intéressent. Selon la modalité de transmission choisie, l’entrepreneur se désengage de l'entreprise avant le décès ou organise une transmission où l'événement du décès soit un facteur déclencheur, par exemple par la cession de son vivant de la nue-propriété de l'entreprise. Dans une modalité plus élaborée, l’entrepreneur personnifie son entreprise individuelle en l’apportant à une société qu’il fonde et où il serait le principal associé, mais en conférant le pouvoir de gestion au successeur désigné. Le processus de personnification peut cependant être interrompu au cas où le décès intervient prématurément et c’est déjà la deuxième configuration. Le décès peut en effet survenir précocement, soit que l'entrepreneur n'avait pas des déterminants personnels de passer à l'acte de transmettre, soit qu'il avait des difficultés objectives à le faire.
De quelques difficultés juridiques. Dans notre pratique au prétoire, nous avons traité certains problèmes juridiques en rapport avec la transmission de l’entreprise par décès. Nous les signalerons brièvement dans cette chronique sans esprit de système.

A)     La dernière maladie

La transmission préparée se traduit par un acte juridique passé entre l’entrepreneur et le successeur. Le plus souvent il s’agit d’une donation. Si elle est conclue tardivement pendant la période de maladie elle risque d’être remise en cause par les héritiers évincés. Souvent, le litige naît en raison d’une crise familiale.
Le droit tunisien offre aux héritiers évincés le moyen d’agir en nullité des actes faits à titre gratuit pendant la dernière maladie (art. 354 et 355 COC). La jurisprudence dans son rôle d’interprétation des textes définit la notion négativement et positivement. La dernière maladie n’est pas la vieillesse, ni encore la maladie chronique ; elle n’est pas non plus une incapacité du malade, ni un vice de consentement. (Cass. 49760 du 24 fév. 1998, Bulletin 1998, p. 141 ; Cass. 50827 du 19 fév. 1998, Bulletin 1998, p. 138.) C’est plutôt une malade grave empêchant le malade de vaquer à ses occupations ordinaires et qui fait craindre la mort et que mort s’en suive (Cass. 4140 du 19 Juin 2001, Bulletin 2001, p. 81).Le délai séparant entre la date de la maladie et celle du décès a donné lieu des difficultés d’appréciation. Certains arrêts le fixent à une année au maximum (Cass. 269 du 27 Juin 2005, Bulletin 2005, p. 149). Le délai de prescription de l’action en nullité est cependant incertain car la loi ne prévoit pas un texte exprès. Si l’on estime que la nullité sanctionne une incapacité de jouissance du malade pendant la dernière maladie (art. 6 COC in fine) dans le but de protéger les héritiers, lesquels peuvent confirmer l’acte, elle est qualifiée de nullité relative et se prescrit pas une année à partir de la date de décès (330 COC).

B)      Les prétentions d'un tiers soi-disant associé

La transmission normale de l’entreprise individuelle se complique au cas où un tiers prétend être associé de l’entrepreneur prédécédé. Le tiers soutient soit avoir conclu avec le de cujus une société en participation soit qu’ils étaient comportés comme des associés, ce qui serait qualifié comme une société créée de fait. Ce qui serait commun à la société en participation et à la société créée de fait est l’absence d’écrit. La preuve de la société est ainsi rendue difficile. Méthodologiquement, la seule preuve fiable de l’existence d’une société est la recherche de l'affection societatis. Il permet d'objectiviser l'intention des parties au moyen de comportements juridiquement signifiants. En ce sens, la recherche de l'intention apparaît comme un moyen de reconstituer une volonté qui, par hypothèse, a été mal formulée, ou n'a pas été exprimée du tout. L'existence d'une société ne se devine pas a écrit un auteur (Vincent Cuisiner, L'affectio societatis, Litec 2008, p. 85). Elle se prouve à travers le comportement au quotidien. Le prétendu associé qui ne prouve pas avoir pris part à la participation à la gestion de la société, ou du moins à son contrôle ou à ses fruits pendant sa durée ne peut se contredire au détriment d’autrui (547 COC). On peut lui opposer qu’il s’était comporté conformément au statut qu’il se représentait au moment des faits, c’est-à-dire comme un non associé. La Cour de cassation française (Cass. 25 juillet 1949, Bulletin N. 307 p. 784) exige des juges de fond qu'ils caractérisent l'existence de tous les éléments constitutifs du contrat de société, et elle exerce un contrôle rigoureux sur ce point. Par contre dans les rapports avec les créanciers, la preuve de la société en participation ou la société créée de fait est appréciée d’une manière globale indépendamment de l'existence apparente de chacun des éléments de la société." (Cass. civ., 13 
novembre 1980, Bulletin des arrêts, N. 293)

C)      L'entreprise successorale indivise

Avec le décès de l’entrepreneur individuel, les actifs de son patrimoine tombent dans le patrimoine des héritiers. Trois difficultés sont à signaler quand l’entreprise successorale opère dans une activité non réglementée.
Il arrive qu’un incapable mineur ou majeur soit parmi les héritiers. Il ne peut exercer des actes juridiques que s’il est représenté par un tuteur. L’article 17 COC précise que « le tuteur ne peut continuer à exercer le commerce pour le compte de ce dernier, s’il n’y est autorisé par le juge des tutelles, qui ne devra l’accorder que dans l’intérêt manifeste de l’incapable. » La disposition légale a vocation à s’appliquer au cas où l’entreprise successorale a un objet commercial, les activités civiles ne sont donc pas visées. La complication se produit quand le juge refuse de donner son autorisation et que les autres héritiers souhaitent continuer l’activité commerciale. Une solution consiste à ce qu’ils prennent à bail ou lui achètent sa part indivise dans l’entreprise. L’autorisation du juge est également nécessaire.
Il y a indivision quand deux ou plusieurs personnes sont propriétaires d’un même droit réel et que le droit de chacune d’elles porte sur l’ensemble et non sur une portion déterminée de la chose commune (56 CDR). L’indivision n’est pas une société dotée de la personnalité morale. Quand il s’agit de conclure des actes juridiques en rapport avec l’entreprise indivise, il faut désigner les héritiers un à un par leur nom et il faut qu’ils interviennent dans les actes à moins qu’ils ne donnent mandat à quelqu’un. Le mandataire agit es-qualité sinon il sera tenu personnellement par l’acte conclu. Pour cela seul l’indivision est déjà lourde à fonctionner. Mais ce n’est pas encore fini. Un indivisaire ne peut agir seul et obliger les autres co-indivisaires à contribuer avec lui pour leur quote-part que pour les actes de conservation (64 CDR) ; les actes d’administration peuvent être accomplis par la majorité des trois-quarts des intérêts qui forment l’indivision (68 CDR). En revanche pour les actes de disposition, d’innovation ou de contracter des obligations nouvelles, la majorité ne peut obliger la minorité (69 CDR). Rien que pour obtenir un crédit bancaire ou pour faire un investissement dans l’entreprise indivise, il faut obtenir l’accord unanime des copropriétaires. Le plus grave encore est que l’état d’indivision est précaire destiné à cesser à tout moment. L’article 71 du code des droits réels édicte à cet égard que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision ; chacun des coindivisaires peut toujours provoquer le partage.
L’état de précarité de l’indivision est un principe que les copropriétaires peuvent écarter par écrit pour une durée déterminé. Cette convention semble nécessaire pour bénéficier d’un avantage fiscal sous forme d’exonération des droits de mutation successorale. Le bénéfice de l’avantage est en effet subordonné à la continuation de l’exploitation pendant trois ans à compter du premier janvier de l’année qui suit l’année du décès (art 52 Code de l’enregistrement et de timbre).