dimanche 11 septembre 2011

Les apports de la loi relative à l’initiative économique au droit des sociétés commerciales (II).

Les apports en matière de société anonyme - Protection des actionnaires minoritaires.

II-                Des solutions correctives

La loi du 27 décembre 2007 a été une occasion pour le législateur de réécrire l’alinéa 1er de l’article 284 et l’article 290 du code des sociétés commerciales traitant respectivement de la possibilité pour les actionnaires détenant une quote-part du capital de demander communication ou copie de certains documents sociaux et l’annulation de certaines délibérations des assemblées générales pour abus de majorité ou violation des statuts. La loi du 27 décembre 2007 a ajouté en outre au code des sociétés commerciales un article 290 (bis) étendant à la société anonyme une mesure connue jusque-la que dans la seule société à responsabilité que l’on peut désigner par l’expertise de gestion. Avant de faire le point de l’apport de la loi en matière du droit à l’information (B) et du droit à la contestation des décisions des organes délibérants (C), on évoquera la problématique générale des textes nouveaux (A).

A)    Problématique générale

Les problèmes que soulèvent les textes sont à la fois d’ordre politique (1) et juridique (2).

1)      Les problèmes de politique législative

Le trait commun de l’ensemble de dispositions de la loi est de n’accorder le bénéfice des prérogatives d’actionnaires qu’elles instituent qu’en faveur un ou plusieurs actionnaires détenant certaines fractions du capital social et qui sont déterminées de manière différente selon la mesure concernée. En apparence, les prérogatives légales constituent une faveur pour les minoritaires, mais à bien réfléchir elles constituent autant des restrictions à leurs droits. Un actionnaire ne détenant qu’une simple et unique action se voit refuser la possibilité de prendre communication de certains documents sociaux, contrairement au principe de base énoncé par l’article 11 du code des sociétés commerciales, ou la possibilité d’enquêter sur un acte de gestion ou de contester la validité d’une délibération de l’assemblée générale rompant l’égalité entre actionnaires ou violant le pacte social.

La difficulté lorsqu’il s’agit de réserver le bénéfice d’une prérogative légale à certains actionnaires représentant une fraction du capital est de déterminer un seuil significatif de titularité. La fixation d’un seuil élevé risque d’exclure du bénéfice de loi des intérêts dignes de protection. A l’inverse, la fixation d’un seuil réduit peut altérer la marche normale de la société. L’opposition est ainsi entre le souci d’équité et celui d’efficacité.

La démarche retenue par le législateur dans les articles 284, 290 et 290 (bis) du code des sociétés commerciales consiste à retenir un seuil de participation réduit lorsque la prérogative est d’un impact faible sur le fonctionnement de la société. Ainsi, le droit de prendre communication des documents, qui étaient soumis à l’examen des assemblées générales, peut être largement ouvert même si cela gène les services de la société ou occasionne un surcoût dans la gestion du papier. En revanche, le seuil de participation sera plus important lorsque la prérogative risque de produire un traumatisme dans la vie sociale. Une demande d’expertise sur une ou plusieurs opérations de gestion est certainement plus grave que la communication de documents précédemment publiés. Il s’agit en effet de rechercher des éléments d’information que les dirigeants ont occultés ou qu’ils n’ont pas jugé utile de divulguer. De même une action en nullité d’une délibération de l’assemblée générale des actionnaires serait plus lourde de conséquence qu’une opération d’expertise et elle ne manquera pas d’avoir des répercussions néfastes sur la société et sur son crédit.

Une distinction fondée sur la gravité des droits d’actionnaire sur le fonctionnement de la société risque de méconnaître le lien étroit pouvant exister entre ces droits. En effet, si l’on reconnaît à l’actionnaire des droits à l’information, il est vrai d’intensité diverse, c’est éventuellement dans la perspective d’une action au fond tendant à l’annulation d’une délibération sociale ou à l’engagement de la responsabilité des dirigeants. De ce fait, il ne sert plus rien à une minorité d’actionnaires de rechercher une information si on la contraint par la suite à l’inaction à cause de l’élévation du taux de participation requis pour son exercice. On ne doit pas de retirer d’une main ce que l’on donne par une autre.

Cette discussion montre à quel point il est difficile de trouver un accord sur les pourcentages devant être retenus si l’on retient le principe d’une limitation du droit d’accès à la protection légale en fonction d’un niveau de participation. Il y a à la fois une part de politique et une part d’arbitraire ; le chiffre idéal n’existe pas. Peut être qu’à long terme et sous condition d’une évolution parallèle du droit associatif, les restrictions légales aux droits des actionnaires minoritaires pousseront ces derniers, notamment ceux des sociétés cotées en bourse, à trouver d’autre formes d’organisations, moins informelles, telles que la création d’association d’actionnaires ayant pour objet la protection des intérêts de minoritaires[1].

Il reste tout de même un terrain sur lequel le risque de désaccord et moins probable. Le réalisme juridique devrait conduire le législateur à opérer une distinction, fondamentale, entre les sociétés selon leur statut : il ne peut retenir les mêmes taux de participation dans une société à capital fermée et dans un capital ouvert. Hélas, ce n’est pas la solution retenue par le législateur. Le seul écho de cette idée est limité au droit des actionnaires de prendre communication des documents se rapportant aux assemblées générales annuelles. Pour les autres droits des actionnaires minoritaires et contre toute attente, les mêmes minima sont retenus aussi bien pour les sociétés faisant appel public pour l’épargne que les sociétés ne faisant pas appel public  l’épargne. Il semble que le politique prend le pas sur le réalisme juridique.

2)      Les problèmes juridiques

Quelle que soit la prérogative sociétaire en cause, le même problème juridique se pose immanquablement lorsqu’il faut tenir compte d’un minima de participation pour exercer une action en justice destinée à faire valoir un droit. Ainsi l’on peut se demander si la réduction, en cours d’instance, du taux de participation[2] en deçà du minimum légal requis est de nature à rendre l’action irrecevable. Le seuil minimum de participation requis doit-il être maintenu jusqu’au prononcé du jugement[3] ? Les textes ne permettent pas de se prononcer sur la question. Le législateur n’est intervenu expressément qu’à propos de l’action en responsabilité ut singuli exercée contre le gérant d’une société à responsabilité limitée[4]. Si l’on raisonne en terme d’opportunité, il faudra peut être opérer une distinction entre la réduction du taux de participation consécutive à une cession et celle consécutive à une dilution du capital. Dans ce dernier cas, l’actionnaire minoritaire mérite toujours protection car il ne fait que subir les conséquences d’une décision prise par les majoritaires, qui, de surcroît, peut n’être motivée que par le souci de fraude de ses droits, c’est-à-dire par le souci de l’évincer de la protection de la loi. La Cour de cassation française a eu à se prononcer sur une pareille difficulté en matière d’expertise de gestion. Elle estime que « l’exercice du droit d’agir en justice s’apprécie à la date de la demande introductive d’instance et ne peut être remis en cause par l’effet de circonstances postérieures »[5]. La Cour d’appel de Versailles a repris la même motivation dans un arrêt récent[6]. La solution semble être puisée non dans une règle de droit des sociétés mais dans une règle de procédure civile. L’on peut même envisager l’hypothèse inverse. L’actionnaire ne dispose pas au moment de l’action de la fraction de capital requise pour l’exercice de l’action, mais il régularise sa situation en cours de procédure. L’action ne devrait pas être déclarée recevable même si la régularisation intervient avant que le juge ne se prononce. Un annotateur pense que les autres demandes en contentieux des sociétés vont obéir au même régime[7].
B-    L’information des actionnaires

L’intervention législative dans l’article 284 du code des sociétés commerciales a pour but de remédier à certaines imperfections des textes antérieurs lorsqu’il s’agit de déterminer la fraction du capital nécessaire pour permettre aux actionnaires de prendre copie une simple communication des documents présentés durant les trois dernières années aux assemblées générales. Le législateur a abaissé le pourcentage initialement requis en opérant une distinction entre les actionnaires d’une société faisant appel public à l’épargne et ceux d’une société ne faisant pas appel public à l’épargne. Il a également assouplit l’exercice du droit de communication en permettant à ceux qui ne détiennent pas le minimum de titres de se réunir pour former le nombre requis (1).

Pour compléter les outils d’information des actionnaires, il a été ajouté au code des sociétés commerciales un article 290 (bis). Ce texte introduit dans la société anonyme la procédure d’expertise de gestion destinée à permettre aux actionnaires d’apprécier, à la lumière d’un rapport d’expertise, une ou plusieurs opérations de gestion. Les mêmes conditions que celles posées en matière de société à responsabilité limitée[8] sont requises pour solliciter une telle mesure, mais le rapport d’expertise est diffusé plus largement (2).

1)      Le droit de communication

Le droit de communication est normalement exercé par les actionnaires lors des assemblées générales pour leur permettre de voter en connaissance de cause. L’époque d’exercice de ce droit de communication définit à la fois son objet, ses bénéficiaires et sa durée. Du moment où tout actionnaire a droit d’accès aux assemblées et a droit de vote[9], l’exercice du droit à l’information n’est pas subordonné à la condition de détenir un nombre minimum d’actions. Bien plus, si les statuts peuvent, sous certaines conditions, subordonner l’accès à l’assemblée générale ordinaire à la condition de posséder un nombre d’actions déterminé par les statuts[10], la non détention de ce minimum n’empêche par l’exercice du droit de communication. En effet d’une part, les restrictions au droit d’actionnaire sont d’interprétation stricte[11] et d’autre part, les actionnaires qui ne possèdent les actions requises peuvent se réunir et pour cela ils doivent être mesure d’être informés pour donner utilement des instructions au mandataire commun sur le sens du vote.

Le droit de communication peut-il être exercé en dehors des époques des assemblées générales ? Dans ce cas, quel pourrait être son objet ? L’article 11 du code des sociétés commerciales apporte une réponse lorsqu’il dispose que tout associé a le droit à tout moment de l’année, soit personnellement soit par un mandataire, de consulter et de prendre copie de tous les documents présentés aux assemblées générales tenues au cours des trois derniers exercices. L’associé peut également obtenir copie des procès-verbaux desdites assemblées. Ce texte constitue une règle de droit commun à toutes les sociétés commerciales. La notion d’associé est employée dans un sens générique pour englober l’associé détenteur de parts sociales ou l’associé détenteur d’actions, que l’on nomme plutôt actionnaire. Les détenteurs de titres de capital dans une société par actions autre que des actions ordinaires sont également des associés et, à ce titre, ils bénéficient du droit de communication prévu par la règle de droit commun[12]. Le droit de communication est exercé à toute époque de l’année, mais son objet est limité aux seuls documents présentés aux assemblées générales. La loi ne distingue pas selon la nature de l’assemblée générale, cela peut s’entendre de l’assemblée générale ordinaire comme de l’assemblée générale extraordinaire[13]. Le droit de prendre communication des documents présentés aux assemblées générale est complété par le droit de prendre communication des procès-verbaux desdites assemblées, car ces procès-verbaux sont le véhicule de décisions collectives que l’actionnaire doit pourvoir connaître puisqu’elles s’imposent normalement à lui. Le droit de communication est cependant limité aux seuls documents des trois derniers exercices[14]. On peut se demander pour quelle raison le législateur a retenu chiffre. Ce délai n’est pas sans rappeler le délai de prescription de plusieurs actions sociales.

Le législateur ne s’est pas contenté de ce texte de portée générale pour son application au cas d’une société anonyme. L’alinéa 1er de l’article 284 (nouveau)[15] du code des sociétés commerciales, dispose qu’un ou plusieurs actionnaires détenant au moins cinq pour cent du capital social de la société anonyme ne faisant pas appel public à l’épargne ou trois pour cent pour celle qui ne fait pas appel public à l’épargne, d’obtenir, à tout moment, copie des états financiers et ses annexes, les rapports de gestion qui concernent les trois derniers exercices, ainsi qu’une copie des procès-verbaux et feuilles de présence des assemblées tenues au cours des trois derniers exercices. Cette disposition a une portée plus restreinte que la règle de droit commun. La première limite qu’elle apporte concerne les titulaires du droit de communication. Ce droit ne peut être exercé que par le ou les actionnaires qui justifient, à titre individuel ou collectif, de la détention d’une fraction du capital. En outre, l’objet du droit de communication ne s’étend qu’aux états financiers et ses annexes, les rapports de gestion qui concernent les trois derniers exercices, les procès-verbaux et feuilles de présence des assemblées tenues au cours des trois derniers exercices. On souligne avec étonnement que les rapports du commissaire aux comptes ne sont pas visés par la loi[16]. Les documents présentés à l’occasion des assemblées générales extraordinaires ne sont donc pas concernés par la mesure. L’on peut également douter, en raison du contexte d’énonciation, de la possibilité de prendre communication des procès-verbaux de ces assemblées générales extraordinaires.

Dans ces conditions, il reste à déterminer l’articulation pouvant exister entre la règle de droit commun et la règle spéciale. L’hésitation est entre une application exclusive de l’article 284 ou entre une application distributive des textes en ce sens où l’article 11 trouvera application chaque fois qu’il s’agit de prendre communication des documents qui ne sont pas visés par l’article 284.

L’intérêt de la nouvelle rédaction de l’article 284 du code des sociétés commerciales c’est qu’elle a réduit le pourcentage de capital requis qui était dix pour cent. La réforme a opéré en la matière une distinction selon le statut de l’émetteur. Lorsque la société fait appel public à l’épargne[17], le ou les actionnaires sollicitant la communication des documents sociaux doivent détenir trois pour cent du capital ; le taux est de cinq pour cent si la société ne fait pas appel public à l’épargne. L’idée sous-jacente à cette différence de traitement c’est que dans les sociétés faisant appel public à l’épargne, le capital est généralement plus dilué en ce qu’il l’est dans une société ne faisant pas appel public à l’épargne. La fixation d’un pourcentage identique revient à traiter de la même façon des situations par nature différentes. La solution légale n’a pas d’équivalent dans d’autres hypothèses où la loi exige la détention d’un pourcentage de participation pour exercer un droit. Il est difficile d’expliquer un tel désintérêt du législateur à différencier le traitement du statut des actionnaires selon la nature de la société émettrice.

La réforme de 2007 a assouplit le régime du droit de communication à un autre niveau. Le seuil de participation requis pour exercer le droit de communication peut être atteint par l’actionnaire individuellement ou conjointement avec d’autres alors que sous l’empire de la loi ancienne, la demande devait émaner d’un seul actionnaire détenant dix pour cent du capital. Si la demande émane de plusieurs actionnaires conjointement, ils doivent nommer un représentant parmi eux[18]. Mais contrairement à la société à responsabilité limitée[19] l’actionnaire ne peut se faire aider par un expert comptable.

Le refus par la société de communiquer ou de remettre copie des documents requis à l’actionnaire demandeur n’est pas sanctionné par une sanction pénale, mais celui-ci peut saisir le juge des référés[20]. C’est l’alinéa 2 de l’article 284 du code des sociétés commerciales qui prévoit un tel recours. Le juge est saisi par voie d’assignation et non par voie de requête. Pourtant cette dernière procédure aurait été plus préférable en raison de l’absence d’une discussion sur le droit de l’actionnaire demandeur. Le choix d’une procédure contradictoire se justifie cependant par l’objet de la demande qui tend à enjoindre à la société d’exécuter une obligation de faire. La compétence devrait revenir au président du tribunal de première instance du siège social. L’action devra être dirigée contre la société représentée en la personne du président directeur général ou du directeur général[21].

L’article 284 aliéna 2 ne précise pas quels sont les pouvoirs du juge des référés[22]. Normalement, le demandeur voudra obtenir satisfaction en nature et demandera au juge de prononcer à l’encontre de la société une injonction de communiquer les documents demandés. Si une telle possibilité est reconnue, elle sera une véritable dérogation aux règles de droit commun, car selon l’article 275 du code des obligations et des contrats l’inexécution d’une obligation de faire se résout par des dommages et intérêts[23]. Mais à supposer que le demandeur puisse obtenir une ordonnance d’injonction comment pourra-t-il être sûr qu’elle soit suivie d’effet ? Le juge prononcera-t-il une injonction sous astreinte contre la société ou désignera-t-il un mandataire pour le faire ?[24] Cette dernière solution est difficile à retenir car il n’est pas possible d’exécuter l’obligation de communication des documents sans l’intervention personnelle des dirigeants sociaux[25]. L’astreinte n’a pas reçu une consécration dans la législation tunisienne, mais elle n’est pas inconnue dans la pratique judiciaire[26]. La liquidation du montant définitif de l’astreinte devrait cependant échoir au juge de fond[27].

Le droit de communication des documents précédemment présentés aux actionnaires aux assemblées générales n’est peut être pas d’un grand apport informationnel puisque les documents en question ne renseignent que sur les informations qu’auront voulu les dirigeants soumettre aux actionnaires[28].

Il est à craindre une politique de rétention d’information que seule une enquête ne peut lever. L’expertise de gestion semble être une voie indiquée.

2)      L’expertise de gestion

L’article 15 de la loi n°2007-69 du 27 décembre 2007, relative à l’initiative économique introduisant un article 290 (bis) au code des sociétés commerciales a étendu à la société anonyme une mesure qui n’était prévue initialement qu’en matière de société à responsabilité limitée. Il est énoncé qu’un ou plusieurs actionnaires détenant au moins dix pour cent du capital social peuvent, individuellement ou conjointement, demander au juge des référés la désignation d’un expert ou d’un collège d’experts qui aura pour mission de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. C’est la même rédaction que l’article 139 du code des sociétés commerciales[29]. Plusieurs praticiens ont relevé les discordances législatives entre les deux formes de sociétés. Des questions qui se posent en termes identiques ne devraient-elles pas recevoir des réponses uniformes ou du moins équivalentes[30] ? L’impression donnée est comme si le code des sociétés commerciales a été écrit par deux législateurs différents.

Devant le mutisme initial du code des sociétés commerciales à propos de l’expertise de gestion on avait pu se demander s’il est permis de raisonner par analogie pour étendre la procédure prévue pour la société à responsabilité limitée à la société anonyme. Une réponse négative ne devrait pas faire de doute, en raison du caractère spécial de la procédure qui interdirait tout raisonnement par analogie. Il n’appartient pas au juge de combler les lacunes de la loi ou de parfaire l’œuvre législative[31]. Il ne reste alors pour les actionnaires de la société anonyme que de recourir à l’expertise de droit commun que le juge des requêtes ordonne sur le fondement de l’article 213 du code de procédure civile et commerciale. C’est d’ailleurs ce qui pourrait se produire aujourd’hui, après que l’expertise de gestion a été introduite dans la société anonyme, chaque fois que le demandeur ne se satisfait pas à la condition de la détention du dixième du capital[32].

Le contexte d’énonciation de l’expertise de gestion en matière de société anonyme est différent de celui de la société à responsabilité limitée. Dans une société à responsabilité limitée, les associés peuvent poser au gérant des questions écrites que ce soit à la veille de l’assemblée générale annuelle[33] ou en cours d’exercice[34]. Une telle procédure n’est pas prévue pour les actionnaires d’une société anonyme. Si l’on peut légitimement s’interroger sur le caractère subsidiaire ou autonome de l’expertise de gestion dans une société à responsabilité limitée[35], l’expertise de gestion étant exclusive de tout autre moyen d’enquête à la disposition des actionnaires, elle revêt certainement un caractère autonome dans la société anonyme. La recevabilité de la demande d’expertise n’est donc pas subordonnée à la justification de l’épuisement des moyens d’information non juridictionnel.

Le législateur s’est soucié d’assurer une large diffusion du rapport d’expertise qui est communiqué au demandeur, au ministère public, au conseil du marché financier si la société fait appel public à l’épargne. Il est également communiqué aux organes de gestion et de contrôle. Il est mis à la disposition des actionnaires en vue de la prochaine assemblée générale ordinaire ou extraordinaire. Il est tout à fait paradoxal que le législateur se soucie de la diffusion du rapport d’expertise en dehors de la société et de refuser d’ouvrir l’initiative de la procédure à ces mêmes personnes que le rapport d’expertise est communiqué[36].

La mise en œuvre de l’expertise de gestion nécessite que soient résolues les principales questions suivantes[37] : qu’est ce qu’on entend par opération de gestion ? La notion est centrale car elle définira l’objet même de l’expertise. Ensuite, quels sont les pouvoirs du juge pour ordonner ou refuser une expertise de gestion ? Quelle sera la mission de l’expert, en quoi elle se différencie de la mission ou d’un expert judiciaire nommé dans les conditions de droit commun ? On aurait aimé disserter sur ces questions à partir de la pratique des tribunaux tunisiens appelés à ordonner une expertise de gestion sur le fondement de l’article 139 du code des sociétés commerciales. Malheureusement, peu de chose nous connaissons de cette pratique ce qui nous contraint à ne faire qu’une exégèse des textes en nous référant dans la mesure nécessaire à l’expérience française qui a inspiré notre législateur tunisien.

1)      Le domaine de l’expertise de gestion

Selon l’article 290 (bis) du code des sociétés commerciales, le demandeur sollicite du juge qu’il désigne un expert ou un collège d’experts chargés d’établir un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. Un premier enseignement que l’on peut tirer de ce texte, c’est que l’expertise ne peut être étendue à toute la gestion de la société. Peu importe si le demandeur circonscrit sa demande à une gestion accomplie dans un délai court et précis. Une spécification précise de l’opération de gestion en cause est donc nécessaire pour le succès de la demande. Une demande formulée en termes généraux est vouée à l’échec.

La difficulté ne tient pas tant de définir le point de départ de l’opération de gestion mais de définir son extension. Il est indéniable que l’opération de gestion est d’abord une opération accomplie par les organes chargés de la gestion sociale ou, plus exactement, les organes chargés de l’administration de la société et de sa direction générale. Dans une société anonyme à directoire et à conseil de surveillance, l’opération est accomplie par le directoire. Même s’il arrive que des actes soient soumis à l’approbation des assemblées générales d’actionnaires pour approbation, ils ne perdent pas leur nature d’opérations de gestion pouvant être soumises à expertise. La difficulté de qualification de l’opération de gestion commence lorsqu’il faut déterminer l’extension de l’opération de gestion ; peut-elle englober les opérations décidées par l’assemblée générale ? Les solutions données par la jurisprudence française se tiennent à une application restrictive de la procédure. Les tribunaux sont, dans leur majorité, hostiles à l’extension de l’expertise de gestion aux opérations relevant de la compétence des organes délibérants[38]. La doctrine apprécie d’une manière divergente ces solutions, car les organes délibérants prennent eux-mêmes des décisions de gestion, telles que, pour une assemblée générale ordinaire, la décision de répartition des dividendes qui influe sur le mode de financement de la société. Certains auteurs appellent à une définition fonctionnelle de l’acte de gestion[39].

L’expertise de gestion peut-elle être demandée par un actionnaire minoritaire d’une société mère sur une opération accomplie au niveau de la filiale dans laquelle ils ne détiennent pas une participation[40] ? Une interprétation littérale du texte amène à conclure à une réponse négative[41]. Pourtant une réponse contraire semble pouvoir être admise par référence aux dispositions de l’article 477 du code des sociétés commerciales. Ce texte autorise en effet la minorité des associés d’une société appartenant à un groupe de sociétés dont la participation n’est pas inférieure à dix pour cent à exercer l’action sociale contre les associés représentant la majorité dans la société mère en cas de prise d’une décision portant atteinte aux intérêts de la société et ayant pour objectif de servir les intérêts de la majorité au détriment des droits légitimes de la minorité. Si l’on reconnaît à la minorité dans un groupe d’exercer une action en responsabilité contre les majoritaires, il faut lui donner les moyens d’enquêter sur les opérations de gestion litigieuses qui se déroulent au niveau de la filiale.

2)      Le pouvoir du juge

Le juge saisi d’une demande de nomination d’expert a-t-il le pouvoir d’apprécier le bien- fondé de la demande ? Peut-il la rejeter et sur quel fondement ? Le texte ne permet de conclure à aucune réponse. D’aucuns peuvent incliner à dire que le juge est tenu de donner suite à la demande de nomination de l’expert puisque le texte énonce qu’un ou plusieurs actionnaire peuvent demander au juge des référés la nomination et non que le juge peut, sur demande d’un ou plusieurs actionnaires, désigner un expert ou un collège d’expert. Une telle conclusion est, à notre avis, hâtive, car elle sacrifie une notion fondamentale de la procédure civile : l’intérêt. Les actionnaires demandeurs doivent non seulement justifier de leur qualité comme détenteurs d’une fraction du capital, mais aussi justifier d’un intérêt à demander un complément d’information sur l’acte de gestion. Cet intérêt n’est pas vérifié lorsque l’information est déjà disponible ou lorsque l’opération de gestion paraît régulière et non suspecte[42]. Par ailleurs comme nous l’avons précédemment signalé, le juge doit rejeter la demande chaque fois qu’elle est formulée en termes généraux ne désignant pas une ou plusieurs opérations de gestion déterminées.

3)      Le déroulement de l’expertise de gestion

En droit commun de l’expertise judiciaire, l’expert doit respecter le principe du contradictoire. L’expert convoque les parties par lettre recommandée avec accusé de réception. Les parties peuvent présenter des déclarations dûment signées par elles[43]. Elles doivent être convoquées, sous peine de nullité à toutes les réunions et pas seulement à la première. Mais leur absence n’est pas de nature à faire obstacle à la poursuite des travaux d’expertise si elles sont régulièrement convoquées. Pour donner un fondement à cette solution il faut se rappeler que l’expertise se trouve prise entre deux logiques : en effet, si le rapport d’expert n’est pas une décision, alors le contradictoire n’a pas de raison de s’appliquer dans la procédure propre à l’expertise. Et symétriquement, si l’on veut justifier la présence d’un débat contradictoire, alors il faudrait reconnaître la puissance normative de l’expert. Deux raisons conduisent à la justification du principe de contradictoire : le respect des droits de la défense : se défendre après l’expertise, c’est souvent se défendre trop tard. En effet, se défendre contre l’avis autorisé est singulièrement plus ardu que de fournir des arguments aptes à convaincre l’expert avant qu’il n’arrête une opinion si influente[44]

Si la pertinence de l’avis exprimé par l’expert dépend de la participation des parties aux opérations d’expertise, il doit en découler que les parties doivent avoir accès à tous les documents ayant servi à l’élaboration du rapport d’expertise et ce avant le dépôt du rapport[45] et ce par analogie avec la procédure suivie devant tribunal où les pièces produites par l’une des parties doivent être portées à la connaissance de l’autre partie. La question s’est posée de savoir si ces principes de l’expertise judiciaire doivent être étendus à l’expertise de gestion. La jurisprudence française ne l’admet qu’avec précaution. Elle estime que « si l'expertise doit avoir un caractère contradictoire, l'expert désigné en application de l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 peut procéder seul à certaines constatations dans la comptabilité et les documents remis en consultation par la société, sans qu'au cours de l'expertise ceux-ci soient communiqués aux demandeurs, dès lors que le rapport qu'il est chargé de présenter est destiné à fournir tous les éléments utiles à l'information sur la ou les opérations de gestion en cause »[46]. Une telle solution se recommande d’un souci de la protection du secret des affaires. Elle est un prolongement d’une solution retenue en matière de preuve par des documents comptables. La communication ou la représentation des documents comptables ordonnée par le juge en application de l’article 12 du code de commerce se fera entre les mains du juge ou de l’expert et jamais entre les mains de l’adversaire.



[1] Benoit Le Bars, Les associations de défense d’actionnaires et d’investisseurs, LGDJ, p. 4. La constitution des association s’est libéralisée après la Révolution du 14 janvier. Les associations d’actionnaires peuvent désormais plus facilement se constituer.
[2] La réduction du taux de participation peut se réaliser selon différents scénarios : soit que l’actionnaire cède tout ou partie de sa participation soit que la société décide d’augmenter le capital sans que l’actionnaire souscrive aux actions nouvelles. Versailles, 14e ch., 14 février 2007, note Isabelle Urbain-Parleani.
[3] CA Versailles, 12e ch., 11 mars 1999, R.T.D. Com. 1999, p. 676. Contra V. CA Paris, 14e ch., 5 janv. 1978 : Rev. Sociétés. 1978, p. 742, note M. Guilberteau. Cet arrêt a décidé que l'actionnaire minoritaire ayant perdu la qualité d'associé en cédant ses actions après la désignation de l'expert, le magistrat était fondé à rapporter son ordonnance. Cpr. CA Lyon, 16 janv. 1998 : J.C.P. éd. E., 1999, p. 351, déclarant recevable une demande d'expertise de gestion en estimant sans incidence le défaut de libération totale des 25 % du capital détenu par un associé.
[4] Art. 118 al. 2 C.S.C.
[5] Cass. com., 6 déc. 2005, R.T.D. Com., 2006, p. 141, obs. Paul Le Cannu ; D. 2006, AJ, p. 67, obs. A. Lienhard ; Rev. Sociétés 2006, p. 570, note A. Cerati-Gauthier ; JCP éd. E., 2006, n°3, p. 1123 ; PA 15 mars 2006, n° 53, p. 10, note D. Gibirila.
[6] CA Versailles, 14e ch., 14 fév. 2007, Rev. Sociétés 2007, p. 635, note Isabelle Urbain-Parleani.
[7] Paul Le Cannu, obs. op. cit.
[8] Art. 139 du code des sociétés commerciales.
[9] Art. 11 du code des sociétés commerciales.
[10] Art. 279 du code des sociétés commerciales.
[11] Art. 540 du code des obligations et des contrats.
[12] Art. 349 du code des sociétés commerciales pour les porteurs d’action à dividende prioritaire sans droit de vote et article 382 du même code pour les porteurs de certificat d’investissement.
[13] Les assemblées spéciales sont cependant exclues.
[14] A rapprocher avec l’article 128 al. 6 du code des sociétés commerciales.
[15] Tel que modifié par l’article 14 de la loi n°2007-69 du 27 décembre 2007, relative à l’initiative économique. L’ancien texte prévoit la détention de dix pour cent du capital pour l’exercice de ce droit de communication.
[16] Heureusement que la lacune est comblée par la loi du 16 mars 2009.
[17] La notion de société faisant appel public à l’épargne est définie à l’article 162 du code des sociétés commerciales : « Sont réputées sociétés faisant appel public à l’épargne celles qui émettent ou cèdent des valeurs mobilières en appelant le public à l’épargne ». La définition est en partie tautologique.
[18] La solution n’est pas expressément énoncée par la loi, mais elle est dégagée par voie d’analogie.
[19] Art 128 du code des sociétés commerciales.
[20] Philippe Delebecque (Conseil d’administration, Répertoire Dalloz) remarque que « les conflits qui naissent à son sujet proviennent souvent d'antagonismes personnels entre l'actionnaire et la direction générale ».
[21] Ou du liquidateur si la société est en liquidation.
[22] Art. 284 al. 2 du code des sociétés commerciales.
[23] Il est légitime de s’interroger pourquoi le législateur n’a pas généralisé la procédure pour le cas de communication des documents à l’occasion de la tenue de l’assemblée générale.
[24] Frédéric Manin et Emmanuel Jeuland, Les incertitudes du référé injonction de faire en droit des sociétés, Rev. Sociétés 2004 p. 1. Comparer l’article 127 du code des sociétés commerciales. Le juge des référés pourra ordonner au gérant de convoquer l’assemblée générale ou désigner un mandataire pour le faire.
[25] Dans les sociétés faisant appel public à l’épargne les sociétés doivent mettre en place des services de relation avec les actionnaires. Le juge ne peut adresser une injonction directe aux services de la société. Le personnel de la société ne reçoit des ordres que du dirigeant, mais le juge peut désigner un mandataire ad hoc choisi parmi le personnel pour exécuter l’injonction.
[26] Mohamed Moncef. Chaffai, La demeure du débiteur dans l’exécution du contrat en droit civil, thèse de Doctoral d’Etat en droit, Faculté de droit, des sciences politiques et économiques, Tunis, 1984. p. 232 et s.
[27] Mohamed Moncef Chaffai,, op. cit. p. 242.
[28] La portée de ce droit à l’information institué par l’art. 284 du code des sociétés commerciales ne doit pas être exagéré en raison de la possibilité donnée à tout intéressé de prendre communication de certains documents déposés en annexe au registre de commerce (Art 51 (nouveau) de la loi n° 95-44 du 2 mai 1995 relative au registre du commerce) et de la possibilité de consulter les quotidiens ou le bulletin officiel du conseil du marché financier pour les sociétés faisant appel public à l’épargne (Article 3 bis (nouveau) de la loi du 14 novembre 1994, relative à la réorganisation du marché financier).
[29] L’expertise de gestion connaît en droit tunisien ainsi un cheminement inverse à celui qu’avait connu le droit français.
[30] Exemple : questions écrites, responsabilité des dirigeants en cas d’ouverture d’une procédure collective, action sociale et action ut singuli.
[31] Cass. Com., 17 janv. 2006, R.T.D. Com. 2006, p. 605, obs. Claude Champaud.
[32] Cass. Com. 28 janv. 1992, Rev. Sociétés 1992, p. 508, obs. Yves Guyon ; CA Paris, 4 oct. 2002, R.T.D. Com. 2004, p. 520, obs. Claude Champaud; CA Paris, 14e ch. A, 31 oct. 2000, R.T.D. Com. 2001, p. 133, obs Claude Champaud.
[33] Art. 128 du code des sociétés commerciales.
[34] Art. 138 du code des sociétés commerciales.
[35] En France, le caractère non subsidiaire de l’expertise de gestion a été toujours affirmé par les tribunaux (Cass. Com. 21 oct. 1997, R.T.D. Com. 1998, p. 171, obs. Bruno Petit), mais le législateur français est récemment intervenu pour imposer une procédure préalable d’information avant la mise en oeuvre de la procédure (CA Paris, 14e ch. A, 12 nov. 2003, R.T.D. Com. 2004, p. 321, obs. Claude Champaud; Cass. Com., 14 févr. 2006, R.T.D. Com. 2006, p.418, obs. Claude Champaud).
[36] On ne doit pas exagérer la portée de cette remarque. En effet selon l’art. 33 de la loi 94-117 du 14 novembre 1994, portant réorganisation du marché financier, le Conseil du marché financier peut demander aux experts comptables inscrits à l'ordre des experts comptables de Tunisie, ou à un expert inscrit sur une liste d'experts judiciaires, de procéder auprès des personnes mentionnées au sous-paragraphe 2 de l'article 29 de la loi, à toute analyse complémentaire ou vérification qui lui paraîtrait nécessaire.
[37] D’autres questions demeurent possibles mais le cadre étroit de la présente contribution ne permet pas d’évoquer :
[38] Cass. Com., 19 nov. 1991, R.T.D. com. 1992, p. 639, obs. Yves Reinhard (une opération de reprise de la société par ses salariés) ; CA. Paris, 14e Ch. A, 27 nov. 1991, RTD com. 1992, p. 828 ; CA Paris, 14e Ch., 19 mai 1999 R.T.D. com. 1999, p. 674, note Claude Champaud (la régularité de la convocation d’une assemblée générale) ; Cass. Com. 12 janv. 1992, Recueil Dalloz 1993, p. 139, note Thierry Bonneau (une opération d’apport partiel d’actif soumise à une décision de l’assemblée générale extraordinaire) ; CA Paris, 30 sep. 1994, Rev. Sociétés 1995, p. 1995 (distribution d’acompte sur dividendes). CA Paris, 4 fév. 2000, R.T.D. Com. 2000, p. 373, obs. Claude Champaud (régularité des comptes sociaux réservée au contrôle du commissaire aux comptes).
[39] Nadine Prod’homme, Promotion de lege lata d’un organe de régulation : l’expert de gestion, R.T.D. com. 2003, p. 639.
[40] P. Le Cannu, L'expertise de gestion et les filiales : Bull. Joly 1994, p. 147.
[41] C. d’appel Lyon, 3e ch., 31 mars 1995 J.C.P. éd. E. 1996, n°11, p. 337.V. Cass. com., 14 déc. 1993 : J.C.P., 1994, éd. E, II, p. 567, note Yves Guyon ; Cass. Com. 30 nov. 2004, R.T.D. Com. 2005, p. 117.
[42] CA Lyon, 8 avr. 1994, R.T.D. com. 1994, p. 517, obs. Bruno Petit.
[43]  Art. 110 CPCC.
[44] Marie-Anne Frison-Roche, La procédure d’expertise, in L’expertise, Dalloz, 1995, p. 93.
[45] Cass. 1re civ., 7 mars 2000, J.C.P. éd. G., 2000, p. 1720 « Pour rejeter l'exception de nullité de l'expertise fondée sur son caractère non contradictoire, l'arrêt retient que les parties étaient présentes lors des prélèvements et que les résultats figuraient dans le rapport de l'expert. En statuant ainsi, alors que les parties n'avaient pas eu connaissance de l'avis du laboratoire d'analyses avant le dépôt du rapport, la cour d'appel a violé l'article 16 du Nouveau Code de procédure civile ».
[46] Cass. com. 26 novembre 1996. Rev. Sociétés, 1997, p. 97, note Paul Le Cannu. Nathalie Dedessus-Le-Moutier, Expertise gestion et principe du contradictoire, Rev. Sociétés 1998, p. 46.

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