dimanche 18 septembre 2011

LA DELIMITATION DES FONCTIONS DE PRODUCTION ET DE DISTRIBUTION


LA DÉLIMITATION DES FONCTIONS

DE PRODUCTION ET DE DISTRIBUTION


La loi n°2009-69 du 12 août 2009, relative au commerce de distribution, n’a pas remis en cause l’apport de la loi n°44-91 du 1er juillet 1991, qui a nettement distingué les rôles des producteurs et celui des distributeurs. Le trait caractéristique de ces textes est la consécration d’un circuit long, où chaque phase de processus de distribution est assurée par une entreprise indépendante au plan juridique. On rencontre dans ce processus trois types d’opérateurs correspondant aux trois fonctions de distribution[1] : les producteurs, les grossistes et les détaillants. Plus explicitement, la loi ne permet pas, en principe, aux producteurs industriels d’exercer le commerce de distribution. La vente directe de leurs produits aux consommateurs est restreinte (1). De leur côté, les distributeurs ne peuvent pas cumuler les fonctions de gros et de détail que sous certaines conditions (2).

1.- LA DIFFUSION PAR LES PRODUCTEURS INDUSTRIELS


Les alinéas 1er et 2 de l’article 7 de la loi du 1er juillet 1991 interdisaient en principe aux producteurs, autres que les agriculteurs et les artisans, au niveau de leur entreprise de production d’exercer le commerce de distribution en gros ou en détail (1.1). De même les  producteurs ne peuvent vendre directement leurs produits aux consommateurs qu’exceptionnellement sous certaines conditions (1.2). Les mêmes dispositions ont été littéralement reproduites, sous la même numérotation, par la loi de 12 août 2009. Le but évident de ces restrictions à l’activité commerciale des producteurs est d’éviter qu’ils entrent en concurrence avec les distributeurs.

1.1.- Le principe de l’interdiction du commerce de distribution aux producteurs

L’article 7 de la loi du 12 août 2009 dispose que « le producteur industriel ne peut, au niveau de son entreprise de production, exercer le commerce de distribution en gros ou en détail. La conséquence de ce texte est d’interdire aux producteurs d’acheter des produits qu’ils revendent en l’état ». D’une manière plus simple, il est interdit au producteur d’acheter un produit en vu de le vendre en l’état. Sa fonction est de faire des opération de transformation.

La règle posée par l’article 4 est mal comprise par les parlementaires. Lors de la discussion du projet de la loi de 1991, les commissions parlementaires se sont interrogées s’il est logique de traiter du commerce des industriels dans une loi consacrée aux distributeurs. Il a été également observé qu’il est aberrant de vouloir interdire aux producteurs de commercialiser leurs produits sur le marché. En outre, certains députés ont souligné d’une part, l’inopportunité de la disposition qui empêche le consommateur de se procurer directement auprès des industriels de produits à prix bas[2] et d’autre part, la contradiction du projet de loi qui permet aux grossistes, contrairement aux producteurs, de vendre directement aux consommateurs[3].

En réponse à ces critiques, le Ministre de l’Economie Nationale a précisé que le texte se limite simplement à préciser le rôle du producteur dans les circuits de distribution. Il justifie la mesure par le double objectif de pousser les producteurs à maîtriser leur production, pour l’améliorer qualitativement et quantitativement[4], et d’assurer les conditions d’une concurrence loyale entre les secteurs[5].

Cette dernière justification est importante car il arrive que les relations soient tendues entre le distributeur et le fabricant. Celui-ci considère parfois l’utilisateur comme son propre client et le distributeur comme un simple intermédiaire. Les difficultés peuvent surgir quand il s’agit de déterminer les lignes de produits à confier aux distributeurs. Certaines entreprises distribuent elles-mêmes leurs produits aux clients les plus rentables. D’autres se réservent l’exclusivité des lignes de produits qui génèrent les profits les plus élevés. Il peut même arriver qu’un fabricant distribue un produit directement même si des distributeurs sont chargés de cette tâche. Les prix que le fabricant demande aux clients peuvent être sensiblement les mêmes que qu’il impose au distributeur, une relation de concurrence s’établit alors entre eux.

La rédaction de l’alinéa 1er de l’article 7 peut, à certains égards, paraître problématique. En effet, quel sens peut-on donner à la phrase selon laquelle le producteur ne peut pas « au niveau de son entreprise de production et en sa qualité de producteur exercer l’activité du commerce de distribution ? L’entreprise de production est-elle l’usine de production, en tant que local aménagé en vu de l’accomplissement de l’activité industrielle, ou plutôt la personne ou l’être juridique qui s’adonne à cette activité ? Le choix d’un sens au lieu d’un autre conduit à des conséquences différentes. Ainsi dans le premier cas, le producteur-distributeur devra ouvrir un local distinct de son usine, local spécialement aménagé pour l’exercice du commerce de distribution, alors que dans le deuxième cas, il devra confier l’activité de distribution à une personne juridique distincte mais soumise à son contrôle de droit ou de fait.

Les travaux préparatoires reflètent cette ambivalence du concept « entreprise ». Ainsi à une demande de clarification du projet de l’article 7, le Ministre de l’Economie Nationale a répondu que « le commerçant ne peut exercer le commerce de distribution dans les locaux de production ». Cependant il a ajouté que « si le producteur choisit de s’adonner au commerce de distribution, il devra le faire dans le cadre d’une entreprise commerciale indépendante juridiquement de son entreprise de production »[6]. « Il agira alors dans le cadre d’une entreprise dotée de la personnalité morale constituée même avec un capital réduit [7]». Cette deuxième interprétation est plus conforme à l’intention du législateur. On considérera que c’est la même solution qui est reconduite par la loi de 2009.

1.2.- La restriction de la vente directe par les producteurs aux consommateurs

La vente directe par les producteurs de leurs produits aux consommateurs est autorisée à titre exceptionnel[8] selon deux régimes, l’un est permanent (b), l’autre est conjoncturel (c). Mais avant de commenter ces deux régimes nous devons définir le concept de consommateur (a).
a)      Définition du consommateur

Ni la loi de 1991, ni celle de 2009 ne donnent une définition du consommateur. La loi n°92-117 du 7 décembre 1992, relative à la protection du consommateur, ne fait pas mieux en le définissant comme « celui qui achète un produit dans le but de le consommer ». Le mérite d’une définition plus significative est revenu aux lois n° 98-38 du 2 juin 1998, relative aux facilités de paiement et n° 98-38 du 2 juin 1998, relative aux techniques de vente et de publicité commerciale. Selon ces deux lois, « est consommateur celui qui achète un produit en vue de le consommer ou un service pour en bénéficier à des fins autres que professionnelles ». Cette définition met l’accent sur l’usage personnel et non professionnel que l’acheteur destine aux biens acquis[9].

La définition que nous avons donnée du consommateur ne résout pas toute la difficulté d’interprétation de l’article 7 de la loi de 1991. La question est de savoir si un producteur peut effectuer directement une vente au détail à un autre professionnel, voire même à une administration ou établissement public. Une telle question suppose implicitement une interdiction absolue faite dans l’alinéa 1er de l’article 7 aux producteurs de vendre leurs produits au détail aussi bien à des consommateurs pour leur usage domestique que pour les professionnels pour leurs activités professionnelles[10]. Comprise dans ce sens, l’exception de vente directe aux consommateurs dans les conditions définies par un décret apparaît comme la seule concession faite aux producteurs. Elle pourrait être justifiée par la volonté de protéger la vocation des grossistes qui achètent aux producteurs par grandes quantités pour les revendre en plus petites quantités à des utilisateurs professionnels (détaillants, industriels, artisans, prestataires de services à caractère commercial) et à des collectivités.

b)     Le régime permanent de la vente directe par les producteurs industriels aux consommateurs

L’alinéa 3 de l’article 7 prévoit que le producteur peut vendre directement au consommateur selon des conditions déterminées par décret. Le Ministre de l’Economie Nationale a donné lors de la discussion du projet de loi quelques indications sur les conditions d’application de l’alinéa 3. Il a, notamment, cité les cas des produits nouveaux pour lesquels les circuits de distribution ne sont pas encore développés. Mais il a précisé que le principe de l’interdiction du commerce de distribution retrouve application si les conditions économiques changent.

A l’heure actuelle, le décret n°2010-828 du 20 avril 2010 encadre la vente directe par le producteur au consommateur. Ce décret abroge et remplace le décret n°92-351 du 17 février 1992[11]. A bien regarder, on trouve que le nouveau décret est une reproduction de l’ancien. Rien n’explique donc cette abrogation.
La vente directe au consommateur peut être perçue comme contribuant à une réduction des coûts. C’est d’ailleurs la justification habituelle qu’on apporte au soutien des circuits courts de distribution. « Mais la littérature économique nous a appris qu’une institution peut trouver intérêt à conserver le contrôle d’opérations de distribution au lieu de les déléguer au canal, et ceci afin de maximiser son profit. Ce choix conduit à un raccourcissement du canal, puisque le nombre des intermédiaires est plus faible. Mais la firme qui conserve le contrôle des opérations de distribution pourra tirer parti de sa situation pour accroître ses profits, éventuellement au détriment du coût du fonctionnement du canal que subira l’acheteur final.

Les règles issues du décret de 2010 prévoient les cas suivants où le producteur peut vendre directement aux consommateurs :

1) La vente dans les magasins implantés dans l’enceinte même du lieu de production sous réserve que ces magasins répondent aux conditions suivantes :
- être aménagés et ouverts au public selon les usages professionnels
- avoir une comptabilité distincte

Il s’agit, dans ce cas, des ventes dans des magasins d’usine. Le consommateur doit avoir de la peine à visiter le magasin ; il n’est pas toujours facile à faire le déplacement car souvent l’usine est située dans une zone industrielle, loin des zones d’habitation. Le consommateur se trouve donc obligé d’engager des dépenses spécifiques qu’il ne peut rentabiliser que s’il fait des achats de grande importance ou s’il trouve le prix intéressant par rapport au commerce traditionnel[12]. Le magasin d’usine doit être aménagé dans les mêmes conditions qu’un commerce de détail ordinaire selon les usages professionnels.

2) La vente effectué pour le compte de l’entreprise par des commerçants et ou agents commerciaux. Ces cas visent l’hypothèse où le producteur recourt à des commissionnaires pour vendre ses produits. C’est un procédé courant de distribution. Le distributeur n’est pas tenu de distribuer sa production à travers des commerçants qui achètent pour leur propre compte en vu de la revente. On précisera au passage que le contrat de commission établit un mandat sans représentation. Il en va autrement lorsque le producteur confie la distribution de ses produits à un agent commercial.

3) La vente par correspondance ou à domicile à condition qu’elles constituent une activité permanente et continue de l’entreprise[13].

4) La vente à un autre producteur lorsque le produit est utilisé par ce dernier comme matière première, produit semi-fini, matière consommable ou accessoire nécessaire à sa production. La notion de vente à un producteur doit être comprise dans un sens large : il peut s’agir d’un industriel, d’un artisan ou d’un agriculteur.

5) La vente réalisée ou opérée à la suite d’un marché négocié pour satisfaire les propres besoins de l’acheteur.

6) La vente exclusivement réservée au personnel de l’entreprise. Pour éviter que le personnel ne soit utilisé pour détourner l’interdiction de la vente directe au consommateur, le décret exige que les quantités vendues ne dépassent pas les besoins normaux d’un consommateur ordinaire.

c)      Le régime exceptionnel de la vente directe au consommateur

L’alinéa 4 de l’article 7 de la loi de 2009 prévoit que le ministre chargé du commerce peut pour des considérations d’intérêt national ou de contraintes spéciales ou conjoncturelles concernant un secteur déterminé ou à l’occasion de manifestations à caractère économique (foires par exemple), sociale ou culturel autoriser à titre exceptionnel les producteurs à vendre directement aux consommateurs.

 

La vente directe au consommateur destinée à assurer un approvisionnement normal de certaines régions dont le niveau de développement du réseau de distribution est insuffisant, semble relever aussi du régime exceptionnel de vente au consommateur prévu à l’alinéa 4 de l’article 7 de la loi de 2009.

La dérogation peut être à caractère général ou particulier ; elle est nécessairement limitée dans le temps.

2-. LA DIFFUSION PAR LES DISTRIBUTEURS

Partant du principe de la liberté du commerce, l’article 4 de la loi de 91 avait reconnu, dans sa rédaction initiale, la possibilité pour les distributeurs de cumuler les deux activités de distribution en gros et au détail. La seule condition qu’il posait est l’ouverture de locaux différents et l’enregistrement comptable distinct des opérations d’achat et de vente.

La faculté de cumul des stades de distribution reconnue par l’article 4 de la loi de 1991 était dans l’esprit du législateur une manifestation du principe de liberté du commerce proclamé par la même loi[14]. Bien plus, le régime du cloisonnement physique qu’il avait organisé, était considéré comme une solution provisoire dans l’attente de la libération des prix[15].

Le choix pour un opérateur de s’adonner à une activité de gros ou de détail n’est pas neutre sur le plan juridique[16] et sur le plan fiscal[17].

L’article 4 de la loi de 1991 avait subi une modification par la loi n°94-38 du 24 février 1994[18] où il avait organisé deux formes de cloisonnement des circuits de distribution :

-          un cloisonnement juridique ou accentué, où l’exercice du commerce de distribution au stade du  gros et de détail pour un type de produit doit être fait par des personnes juridiques différentes ;
-          un cloisonnement physique ou atténué, qui exige simplement l’ouverture de locaux différents et la mise en place d’une comptabilité distincte pour chaque activité.

La nouvelle rédaction de l’article 4 de la loi de 1991 constituait donc un revirement inattendu. Ledit article prévoit désormais la possibilité de supprimer la faculté de cumul des stades de distribution par l’exigence d’une séparation juridique. Une personne ne peut distribuer un même produit à la fois au stade du gros et au stade du détail. Il appartient à l’administration le pouvoir de déterminer les secteurs concernés par cette interdiction de cumul.

Aucune indication n’est donnée par l’article 4 (nouveau) sur les conditions de fond de son application. Cependant dans l’exposé des motifs du projet de la loi de 1994, il a été précisé que le non-cumul des commerces de gros et de détail est justifié par la structure du marché et la distinction qu’il recèle, en fait, entre les deux types de circuits. Pour les secteurs où la distinction n’est pas solidement assise, les opérateurs ne sont tenus qu’à une séparation atténuée ou physique de leurs activités.

Au vu de cette justification, l’interdiction du cumul est appelée à n’être qu’une consécration juridique d’une séparation déjà opérante dans les faits. C’est pour cette raison que la commission parlementaire chargée de l’examen du projet de réforme de la loi de 1991, a, légitimement, posé la question des indices qui permettent à l’administration la reconnaissance de l’existence d’une distinction entre les structures de commerce de gros et de commerce de détail et de là l’interdiction de leur cumul. La commission parlementaire a même demandé que lui soient fournis quelques exemples d’illustration.

La réponse de l’administration n’était pas précise. Elle s’est contentée de remarquer que ces indices sont tirés des usages de commerce et de la réalité du marché. L’administration cite comme exemple de secteurs où la différenciation des activités de commerce de gros et de détail est suffisamment établie, le commerce des produits alimentaires, la papeterie et les boissons. En revanche, certains secteurs ne connaissent qu’un seul stade de distribution, celui du détail. Tels est le cas par exemple le commerce des produits électriques.

Mais quoiqu’il en soit, la réalité du marché est insuffisante à justifier la réforme proposée. Le passage d’une situation de non-cumul spontané à une situation de non-cumul obligatoire est de nature à restreindre le principe de la liberté de commerce proclamé par l’article 1er de la loi de 1991. L’administration avait justifié cette entorse au principe par le non-respect du régime initial de séparation des locaux et de la comptabilité ce qui est de nature à porter atteinte à la loyauté dans la concurrence[19] et à la transparence des prix[20] de sorte que la séparation juridique des activités apparaît comme le meilleur remède[21].

De tels propos nous autorisent à dire que les pouvoirs publics ont résolu les dysfonctionnements des structures de contrôle économique et la timidité de la répression[22] par une mesure radicale d’interdiction.

Un arrêté du Ministre de l’Economie Nationale en date du 15 juillet 1994 a fixé la liste des secteurs d’activités commerciales devant comprendre obligatoirement deux circuits de distribution[23]. Il s’agit des secteurs des fruits et légumes, poissons, mollusques et crustacés, produits alimentaire et agro-alimentaires, produits avicoles, boissons à emporter, chaussures, textiles et prêt à porter, articles de maroquinerie, articles de librairies, articles de quincaillerie et de droguerie, articles de lainage et d’électroménager, article de mercerie, matériel électrique, matériels et équipements informatiques, pièces de rechange, pneumatique et matériaux de construction et bois.

En cas d’importation de produits et marchandises en vue de la revente en l’état, la distinction des deux stades de distribution est également obligatoire, à l’exception des magasins à rayon multiples.

La loi de 2009 a modifié sensiblement les règles posées par la loi de 1991. Elle énonce que « sans préjudice à la législation spécifique, l’activité de commerce de distribution est exercée au stade du gros ou au stade du détail. En cas de cumul entre les deux stades, la séparation entre les locaux de vente en gros et les locaux de vente de détail est obligatoire ainsi que la tenue d’une comptabilité distincte pour chaque stade ». Le nouveau texte n’impose plus un cloisonnement juridique des activités de gros et de détail. Une telle séparation ne peut résulter que d’une législation spéciale. Il faudra donc qu’une loi soit à l’origine de la séparation et non un acte réglementaire comme c’était le cas sous l’empire de l’ancienne loi. Le commerçant distributeur est donc libre, en droit commun, d’opter pour le système de cumul des stades de distribution. Mais dans un tel cas, il lui faudra opérer une séparation physique et comptable des activités. Le législateur revient donc aux règles initialement établies par la loi de 1991.

Le non-respect de l’interdiction du cumul des deux formes de distribution pour un même produit est sanctionné selon l’article 33 de la loi de 2009 par une amende allant de 300 à 3.000 DT.

Le commerçant grossiste qui cumule les fonctions de détail d’une manière irrégulière risque également d’engager sa responsabilité civile envers ses clients détaillants qui peuvent lui reprocher la désorganisation de leurs activités.


[1] La loi de 1991 ne traitait pas du rôle des consommateurs en matière de distribution. La lacune est comblée par la loi de 2009 ou elle reconnait expressément les centrales d’achat.
[2] Délibérations de la Chambre des Députés, page  2045.
[3] Sur la possibilité de cumuler le commerce de gros et de détail, voir infra deuxième partie.
[4] Délibérations de la Chambre des Députés, page  2038.
[5] Le Ministre de l’Economie Nationale précise également que dans certains secteurs, la production industrielle est non-concurrentielle de sorte qu’en ouvrant la porte à la commercialisation directe au consommateur il y a un risque de consolidation des positions dominantes.
[6] Délibérations de la Chambre des Députés, page 2043.
[7] Délibérations de la Chambre des Députés, page 2054.
[8] En droit français, les ventes directes d’usines étaient régies par l’article 39 de la loi n°73-1193 du 27 décembre 1973 et le décret n°74-429 du 15 mai 1974. Elles étaient soumises à autorisation du maire sauf les exceptions ci-après : les ventes dans les magasins de l’entreprise lorsque ceux-ci sont spécialement aménagés à cet effet et ouvert au public selon les usages locaux, les ventes par correspondance ou à domicile quand elles constituent une activité permanente de l’entreprise, des ventes exclusivement réservées au personnel de l’entreprise, des ventes effectuées pour le compte de l’entreprise par des commerçants ou des agents commerciaux régulièrement immatriculés des et des ventes effectuées par les entreprises inscrites au répertoire des métiers. Ce système a été abrogé par la loi n°96-603 du 5 juillet 1996. Les ventes directes aux consommateurs ne sont désormais soumises à autorisation que si elles constituent des ventes au déballage.
[9] Gérard Cornu définit le consommateur comme « 1. Tout acquéreur non professionnel de biens de consommation destinés à son usage personnel ; 2. Tout bénéficiaire non professionnel de services fournis par des professionnels ». Vocabulaire juridique, p. 193, 5 éd., PUF – Delta 1996.
[10] Cette interprétation extensive de l’interdiction est d’ailleurs suggéré par une réponse donné par le Ministre de l’Economie Nationale aux députés : « le producteur doit vendre ses produits aux personnes que la présente loi autorise s’adonner au commerce de distribution ». Débats parlementaires, p. 2055.
[11] Les anciens textes, pris en application de la loi de 70, ne reconnaissent au producteur la possibilité de pratiquer la vente directe que sous des conditions strictes. Le producteur doit solliciter l’agrément pour la vente au détail de sa propre production. L’autorisation lui est donnée s’il ressort du dossier qu’une telle vente est de nature :
-          soit à faciliter l’écoulement de certaines productions ;
-          soit de permettre un approvisionnement normal de certaines régions ;
-          soit à réduire le coût de la distribution ».
[12] La possibilité de vendre directement aux consommateurs vise, parfois, l’écoulement de certaines productions constituant de ses surplus, des articles déclassés et des produits de second choix. Etant précisé que la loi n° 98-40 du 2 juin 1998, relative aux techniques de vente et de publicité commerciale soumet la vente des produits sous la forme de soldes périodiques ou saisonnières à une déclaration préalable au ministère du commerce. Voir notre article sur le lien suivant : http://samifrikha.blogspot.com/2011/09/les-soldes-saisonniers-et-les.html En France, le « magasin d’usine » ne peut être utilisé qu’à condition que les exposants soient des fabricants ou des intermédiaires mandatés par ceux-ci et vendant exclusivement pour leur compte les produits exposés. « Il s’agit par là d’éviter que des commerçants agissent sous un prête-nom et trompent le consommateur sur l’origine des biens qu’ils vendent ». Cette distinction montre bien la distinction qui doit être faite entre le fabricant qui écoule ses propres produits de second choix et le soldeur professionnel dont l’activité habituelle est d’acheter à des commerçants de gros ou de détail ou à des fabricants des marchandises neuves dépareillées, défraîchies, démodées ou de deuxième choix en vue de les revendre dans un local où il exerce son commerce. Par ailleurs, la crainte a été exprimée de voir certains producteurs tentés de fabriquer de deuxième choix soit pour des sous-marques, soit pour des gammes de produits génériques. N’y a-t-il pas un risque de dérive vers une production de productions déclassées spécialement destinées aux magasins d’usines ?
[13] La vente par correspondance et le démarche sont régies par les articles 25 à 34 de la loi n°98-40 du 2 juin 1998, relative aux techniques de ventes et à la publicité commerciale. Ce sont des ventes hors locaux de l’entreprise et des ventes à distance.
[14] Voir les délibérations de la Chambre des Députés p. 2032 année 1991.
[15] Ibid, p. 2032.
[16] Le choix du statut de grossiste risque de poser une difficulté lorsque la revente du produit est faite aux consommateurs dits « grands comptes » (banques, grands industriels, administrations publiques…). Le grossiste n’empiète-t-il pas sur le détaillant ? Pour résoudre la difficulté, il faut se référer à la définition du commerçant grossiste donnée par l’article 2 al. 3 de la loi de 2009 : « Est réputé commerçant distributeur grossiste, tout commerçant, selon l’usage professionnel, procède à des achats de produits ou de marchandises en gros auprès de producteurs locaux ou à l’importation, afin de leur revente en gros ». Ainsi, le commerçant n’est pas défini par la clientèle à laquelle il vend (par exemple les revendeurs) mais par les quantités vendues, déterminées selon les usages. Cette interprétation est confirmée implicitement par la définition du détaillant donnée par l’article 2 de la loi de 2009. C’est celui qui « met à la disposition du public des produits ou marchandises.. ». Selon le tribunal administratif, « la vente au détail est celle qui s’effectue au prix de détail avec une quantité raisonnable qui répond aux besoins personnels du consommateur. » TA 30 décembre 1980 Habib / Ministre de l’Economie Nationale, p. 452, Recueil des arrêts 1980.
[17] Les reventes en l’état effectuées par les commerçants grossistes exerçant dans d’autres secteurs et qui approvisionnent d’autres commerçants revendeurs (à l’exception des grossistes en alimentation générale) sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Les ventes des produits en l’état par des commerçants détaillants qui réalisent un chiffre d’affaires annuel global égal ou supérieur à 100.000 DT, sont également soumises à ladite taxe.
[18] Nous notons au passage que la loi de 1994 a également apporté  une modification à l’article 3 de la loi de 1991 de nature à  permettre  la réglementation de certains secteurs - dont la liste sera arrêtée par décret - par voie de cahier de charges approuvé par le ministre chargé du commerce. Sur le contenu des futurs cahiers des charges, voir Mohamed Ben Fredj, mise à niveau du secteur de la distribution, p. 17, Conjoncture n° 191, juillet-août 1996.
[19] La concurrence est souvent l’œuvre du grossiste qui cumule les ventes au détail. J-M Mousserons et autres : « Il est mauvais pour un grossiste de concurrencer directement ses propres clients en bénéficiant de la contraction des marges. », droit de la distribution, p. 200, Librairies techniques 1975. 
[20] La transparence des prix est explicitement réglementée sous l’angle du commerce du détail et du commerce de gros. L’article 22 al. 1er de la loi n°91-64 du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix telle que modifiée par la loi n°95-42 du 24 avril 1995 dispose que « le détaillant doit ... informer le consommateur sur les prix et les conditions particulières de vente ». L’al. 2 du même article poursuit « dans les établissements de vente de détail, les prix de marchandises et denrées doivent être indiqués de façon lisible ». De sa part, le chapitre 2 de la même loi traite des obligations à l’égard des professionnels : l’article 27 dispose que « tout grossiste ou importateur est tenu de communiquer à tout revendeur qui en fait la demande, son barème des prix et ses conditions de vente qui comprennent le cas échéant les conditions de règlement et le cas échéant, les rabais et ristourne ». Enfin, l’article 36 de la loi considère comme une pratique des prix illicites « les ventes, par des grossistes, à des prix de détail, de quantité de quantité de marchandises correspondant habituellement à des ventes en gros ».
[21] Nous pouvons douter de l’efficacité de la séparation ainsi faite si les mécanismes de contrôle ne sont pas renforcés.
[22] Le non-respect de l’obligation de séparation physique des commerces de gros et de détail était sanctionné par une amende allant de 200 à 1000 DT.
[23] Lors de la discussion du projet de la loi portant modification de l’article 4 de la loi de 1991, le Ministre de l’Economie Nationale a tenu d’atténuer l’apparent pouvoir discrétionnaire de l’administration dans la détermination des secteurs compris dans la liste d’interdiction du cumul. Il fait observer que l’administration consultera au préalable les membres de la profession et le Conseil National du Commerce institué par la loi de 1991. Cependant, à la lecture de l’arrêté du 15 juillet 1994, nous constatons qu’il ne comporte pas dans son visa une référence à l’avis du Conseil National du Commerce. On serait tenté de conclure à son irrégularité Le Tribunal Administratif considère, en effet selon une jurisprudence constante, que la non-consultation d’un organe consultatif constitue une violation d’une formalité substantielle susceptible de justifier une nullité. T.A n°184 du 18 mai 1979 Mohamed Trad / Ministre de l’intérieur, p. 138, Recueil des arrêts 1977; T.A. n°189 du 8 décembre 1978 Mohamed Fehri Sahli / Ministre de la Santé, p. 221, Recueil des arrêts 1978. En réalité, l’article 4 (nouveau) a donné une compétence réglementaire au Ministre chargé du commerce sans exiger, expressément, une consultation  préalable du Conseil National du Commerce. L’article 10 de la loi de 1991 portant création du Conseil National du Commerce prévoit que ce dernier donne son avis sur les questions qui lui sont soumises ». Au vu de ce texte, le Conseil n’est donc compétent que pour examiner les questions que veulent bien lui soumettre les pouvoirs publics. Il n’a de compétence que celle que lui est reconnue par l’administration. Henry Roussillon, Administration consultative et représentation des intérêts professionnels, p. 39 et s. In la représentation des intérêts professionnels en Tunisie, sous la direction de Hafedh Ben Salah et Henry Roussillon, Publication de la Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis 1995. Sur le faible niveau de participation du Conseil à l’élaboration des textes, voir M. Ben Fredj, le commerce de distribution : situation et perspectives, p. 25, Conjoncture n°200.

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