dimanche 11 septembre 2011

Les apports de la loi relative à l’initiative économique au droit des sociétés commerciales (III).

Les apports en matière de société anonyme - L’action en nullité pour violation des statuts ou pour abus de majorité

L’article 290 du Code des sociétés commerciales traite de l’action en nullité des délibérations des assemblées générales d’actionnaires pour violation des statuts ou pour abus de majorité. Il soumet l’action à un régime juridique unifié quant à la qualité pour agir, les conditions de régularisation[1] et la prescription[2]. Eu égard aux dangers que peut présenter l’action en nullité sur le bon fonctionnement de la société et à son crédit, l’article 290 permet à celle-ci de demander au juge des référés d’ordonner au demandeur la présentation d’une caution bancaire pour couvrir les dommages qui pourraient lui être causés[3].

La modification apportée à cet article par la loi du 27 décembre 2007, relative à l’initiative économique consiste en l’abaissement du taux de participation nécessaire pour agir en nullité. De 20% du capital prévu initialement, ce taux est ramené à 10%.

L’article 290 du Code des sociétés commerciales s’applique aux seules actions en nullité des délibérations des assemblées générales fondées sur la violation des statuts ou sur la rupture d’égalité entre actionnaires. Il ne s’applique pas à l’action en nullité pour violation de la loi[4] ni à l’action en responsabilité liée à la violation des statuts ou à l’abus de majorité[5]

Il ne rentre pas dans notre propos de commenter l’article 290 du Code des sociétés commerciales. Il s’agit simplement d’apprécier la modification qu’il a subie par la loi du 27 décembre 2007. Pourquoi l’exercice de l’action en nullité des délibérations d’une société anonyme pour violation des statuts ou pour abus de majorité nécessite la détention d’une certaine quotité du capital ? Manifestement, il s’agit là d’une question de qualité pour agir. L’action en nullité devient une action attitrée, elle ne peut être exercée que par des actionnaires détenant la fraction de capital définie par la loi. Les questions auxquelles on se propose de répondre sont au nombre de trois : L’exigence de la détention d’une fraction de capital s’accorde-t-elle avec la cause de la nullité ? (1) S’accorde-t-elle avec cette possibilité laissée à la société d’exiger que l’actionnaire agissant fournisse une garantie bancaire ? (2) La contrainte posée par la loi à l’exercice de l’action en nullité peut-elle être modifiée par les statuts ? (3). La première et la deuxième question tendent à vérifier si la loi ne porte pas en elle-même les germes d’une contradiction. La troisième tend à explorer le régime juridique de la condition légale.

1)      L’exigence d’un taux de participation dans ses rapports avec la cause de la nullité

La réforme de 2007 n’avait fait que réduire le taux de participation requis pour agir en nullité pour violation des statuts ou pour rupture d’égalité entre actionnaires. Nous ne revenons pas à notre remarque précédente selon laquelle le législateur n’a pas songé à retenir des taux de participation différents selon que la société fait ou non appel public à l’épargne[6]. L’appréciation que nous allons faire ici se situe au cœur même de la solution légale qui exige par principe que l’action en nullité ne puisse être ouverte qu’à certains actionnaires détenteurs d’une certaine part dans le capital social. Que le taux de participation requis soit 20%, comme il l’était sous l’ancien texte, ou 10%, comme il l’est sous le nouveau, la solution ne serait acceptable que si elle peut être fondée sur une raison qui la justifie. La recherche du fondement est impérieuse car la solution légale n’a d’équivalent ni dans les textes antérieurs ni dans les dispositions du Code des sociétés commerciales régissant les autres formes de sociétés commerciales, notamment la société à responsabilité limitée. La recherche du fondement s’impose également car l’on comprend a priori mal qu’un même régime juridique soit appliqué à deux motifs distincts de nullité. L’identité du régime suppose une identité de fondement, ce qui reste à vérifier.

Il y a lieu de s’interroger pour quelle raison la violation des statuts par l’assemblée générale ne peut être sanctionnée par la nullité que sur une demande présentée par un ou plusieurs actionnaires détenant une certaine quotité du capital (a). La même question doit être posée à propos de l’action en nullité fondée sur l’abus de majorité (b).

a)      La violation des statuts

Les statuts d’une société anonyme sont élaborés à l’unanimité lors de la constitution[7], mais ils peuvent être modifiés dans toutes leurs stipulations en cours de vie sociale à une majorité qualifiée[8]. Comme dans toute société commerciale, ils doivent indiquer la forme, la durée, la dénomination sociale, le siège social, l’objet social et le montant du capital[9]. Les statuts doivent en outre être complétés par d’autres mentions prévues spécialement par la loi pour cette forme de société[10]. Par ailleurs, ou bien la loi interdit d’insérer certaines clauses contraires aux solutions qu’elle retient[11], ou bien elle permet de déroger à certaines autres[12].
En dehors des solutions expresses prévues par la loi appelant à compléter le régime légal, permettant ou interdisant d’y déroger, deux questions demeurent posées :

-          les statuts peuvent-ils déroger à des solutions légales en l’absence d’une autorisation expresse de la loi ? c’est l’hypothèse des clauses d’infléchissement de la loi ;
-          les statuts peuvent-ils compléter le régime légal en dehors de toute autorisation expresse de la loi ?

Il ne rentre pas dans le cadre du présent article de se prononcer sur de telles possibilités ou sur leurs limites, on les tiendra pour acquises ce qui correspond parfaitement à la réalité des affaires, notamment lorsqu’il s’agit de stipuler des clauses dérogatoires ou complémentaires à la loi poursuivant des buts de renforcement des droits des minoritaires. De telles clauses sont manifestement plus utiles que les pactes d’actionnaires extrastatutaires car elles produisent un effet obligatoire à toute la collectivité des actionnaires et non seulement aux signataires du pacte[13].

Si l’on admet que certaines stipulations statutaires d’une société anonyme poursuivent un objectif d’amélioration des droits des minoritaires, la question est de savoir si une délibération de l’assemblée générale prise en violation d’une clause statutaire peut être annulée et quel est le titulaire de l’action en nullité. Les deux questions sont intimement liées comme on le verra.

Certes, l’article 290 du Code des sociétés commerciales semble avoir évacué le problème en admettant le principe de nullité d’une délibération prise en violation d’une clause des statuts. La nullité serait même encourue sans que les statuts l’aient prévue[14]. Mais une telle justification de la nullité est peu satisfaisante car elle ne fait que donner l’assise légale d’une solution et non son fondement. Dans la recherche du fondement d’un texte, la meilleure méthode consiste à le supprimer, idééllement, en raisonnant comme s’il n’existait pas. L’exercice consiste alors à chercher si malgré le silence de la loi la nullité peut être puisée dans un autre principe de droit. En d’autres termes, est-ce que la nullité de la délibération des actionnaires peut être cherchée en dehors de l’article 290 du Code des sociétés commerciales?

En effet, on peut être tenté d’interpeller les dispositions régissant le pouvoir de l’assemblée générale en cause. Une délibération qui viole les statuts conduit, indirectement, à une modification des statuts laquelle relève de l’assemblée générale extraordinaire. Cette première explication ne pourrait être utile que si la violation des statuts est commise par l’assemblée générale ordinaire. Or une assemblée générale extraordinaire peut, elle-même, commettre une violation des statuts. On n’explique pas sur ce fondement pourquoi dans ce cas également la nullité pourrait être  poursuivie. En réalité, il faut distinguer, en droit, entre la violation des statuts et leur modification. Il n'y a de modification que si un organe décide formellement le changement d'une stipulation des statuts. Une atteinte aux statuts n'est pas une modification des statuts, c’est plutôt une faute.

Une autre explication de la nullité peut être recherchée dans l’article 242 du Code des obligations et des contrats. Selon cette thèse[15], les statuts d’une société anonyme constituent la loi des actionnaires. Les statuts ne perdraient pas leur caractère contractuel alors même qu’ils peuvent être modifiés par une majorité qualifiée et non à l’unanimité comme le requiert la théorie générale des contrats. L’assemblée générale doit se soumettre aux statuts au même titre qu’elle se soumet à la loi. En réalité sans être fausse, l’explication par recours à la force obligatoire du contrat mérite d’être affinée car, à bien y regarder, l’article 242 du Code des obligations et des contrats ne traite que de la force obligatoire d’un contrat et non de la sanction de la violation de cette force. Un juge qui se contente de condamner une personne à réparer le dommage résultant pour la victime de la violation du contrat ne fait que consacrer la force obligatoire d’un contrat. La nullité d’une délibération de l’assemblée générale faite en violation des statuts reste donc à chercher.

Les statuts d’une société peuvent définir les droits pécuniaires des associés. Ils peuvent par exemple, préciser les conditions d’affectation des résultats en stipulant la constitution d’une réserve statutaire avant toute distribution ou le paiement d’un dividende statutaire (premier dividende). Ils peuvent aussi fixer les conditions d’élaboration de la volonté collective destinée à permettre aux associés de bénéficier de leurs droits pécuniaires[16]. Les statuts déterminent ainsi une procédure pour la production d’actes juridiques. Eu égard à ce double contenu, la violation des statuts peut consister soit dans la production d’un acte juridique qui ne respecte pas les droits pécuniaires statutaires en eux-mêmes soit la production d’actes juridiques (des délibérations) selon un processus non conforme au mode arrêté par les statuts.

Le juge qui annule la délibération non conforme en ce qu’elle porte atteinte aux statuts, ne fait que supprimer ce qui aurait été fait contrairement aux statuts, mais le juge ne va pas au-delà ; il annule la délibération mais sans se substituer à l’organe délibérant. Si la nullité de l’acte est poursuivie, on fait comme si l’on veut assurer une réparation en nature de l’obligation de respecter les statuts. La nullité rétablit l'intégrité des statuts.

Ce fondement que l’on assigne à l’action en nullité pour violation des statuts est-il compatible avec la condition de détenir une certaine quotité de capital pour agir ? Il n’est pas certain, car tout actionnaire est membre de la société, donc partie au contrat social. Il doit être à même d’agir en vue de rétablir la « légalité statutaire ». De la même façon qu’un actionnaire est soumis aux obligations qui lui sont imposées par les statuts, il doit être à même de défendre le respect des statuts par les assemblées générales dont il est membre. Une solution qui exigerait la détention d’un certain nombre d’actions pour agir en nullité méconnaîtrait la nature profonde du droit d’actionnaire.

Une difficulté d’application[17] de l’article 290 du Code des sociétés commerciales peut se produire lorsque la violation des statuts par l’assemblée générale touche à sa gestion financière telle que gouvernée par les statuts. Nous avons pu voir que les statuts peuvent prévoir la constitution d’une réserve statutaire ou la distribution d’un premier dividende. Si l’on suppose que l’assemblée générale ordinaire compétente pour décider de l’affectation des bénéfices prend une délibération contraire aux statuts soit pour décider que la somme qui doit être virée à la réserve statutaire sera mise en distribution comme dividende, soit inversement pour décider que la somme destinée à être versée comme premier dividende sera virée au compte report à nouveau ou compte de réserves facultatives, quelle est la sanction que devra prononcer le juge ? Doit-il se limiter à prononcer la nullité de la délibération sans se substituer aux organes compétents ? Peut-il prononcer un jugement ordonnant la constitution de la réserve ou ordonnant la distribution du dividende ? A notre sens, le juge ne peut pas se substituer à l’organe social compétent, alors même que celui-ci apparaît dans une compétence liée comme l’expriment si bien les « administrativistes ». En effet, même si la clause des statuts limite la liberté des actionnaires dans l’affectation du bénéfice, cette atteinte n'est pas aussi grande qu'en matière de constitution de réserve légale. Les statuts peuvent être modifiés dans toutes leurs dispositions[18]. Le juge ne peut qu’annuler la décision contraire en laissant aux actionnaires la possibilité de modifier le pacte social soit pour supprimer pour l'avenir toute obligation de constituer une réserve statutaire ou de distribuer un premier dividende, soit pour décider que cette réserve ou ce dividende ne sera pas doté au titre d'un ou plusieurs exercices déterminés. D’ailleurs, l’article 290 du Code des sociétés commerciales permet au juge de donner à la société un délai de régularisation.

Si donc seule l’action en nullité est possible, quels sont les actionnaires ayant qualité pour agir ? Faut-il qu’un ou plusieurs actionnaires minoritaires détiennent la fraction de 10% du capital ? L’action n’est elle pas une action en nullité d’une délibération prise en violation des statuts, régie par l’article 290 du Code des sociétés commerciales ? La difficulté est bien sérieuse si l’on examine l’article 287 (nouveau) du Code des sociétés commerciales. Cet article définit le bénéfice distribuable. Ce dernier « est constitué du résultat comptable net majoré ou minoré des résultats reportés des exercices antérieurs, et ce, après déduction de ce qui suit :

-          une fraction égale à 5% du bénéfice déterminé comme ci-dessus indiqué au titre de réserves légales. Ce prélèvement cesse d’être obligatoire lorsque la réserve légale atteint le dixième du capital.
-          la réserve prévue par les textes législatifs spéciaux dans la limite des taux qui y sont fixés
-          la réserve statutaire »

L’article 287 est en réalité mal rédigé, nous en avons déjà fait l’observation dans un autre article[19]. Ce qui nous intéresse ici c’est la sanction que prévoit son dernier alinéa pour toute distribution de bénéfice non conforme. Toute résolution prise en violation des ses dispositions est nulle précise le texte. Lorsque l’assemblée générale omet de prélever la réserve légale, c’est une violation de la loi et la délibération est nulle[20]. L’action en nullité peut être exercée par tout intéressé. En est-il de même lorsque l’assemblée, en violation des statuts, ne prélève pas la réserve statutaire ? Comment concilier les dispositions de l’article 287 du Code des sociétés commerciales avec celles de l’article 290 du même Code qui réservent l’action en nullité pour violation des statuts aux actionnaires détenant 10% du capital ? A notre avis, la question doit être résolue par une disqualification de la nature de la nullité encourue. Elle n’est pas une nullité pour violation des statuts mais plutôt une nullité pour violation de la loi. L’on peut soutenir qu’en la matière, le législateur assimile dans l’article 287 du Code des sociétés commerciales les réserves statutaires aux réserves légales au regard de la notion de bénéfice distribuable. L’assimilation est d’autant plus affirmée que la loi sanctionne pénalement les dirigeants qui distribuent un dividende fictif[21]. Le dividende est fictif lorsqu’il est distribué en méconnaissance des articles 287 et 288[22]. Ce raisonnement ne peut être étendu en cas de violation de la clause du premier dividende. L’action en nullité ne peut être poursuivie que par les actionnaires détenant 10% du capital. La solution est malencontreuse, car elle vient contrecarrer les intérêts des actionnaires minoritaires que la clause est censée protéger.

La solution consacrée par le législateur à l’article 290 du Code des sociétés commerciale ressemble, étrangement, celle qu’il a retenue en matière d’action ut singuli[23]. Cette action, on le rappelle, est reconnue par la loi à une minorité d’actionnaires pour leur permettre d’agir en responsabilité contre les dirigeants sociaux pour la défense de l’intérêt collectif. L’action n’est ouverte qu’à une minorité d’actionnaires représentant une certaine quotité du capital définie par la loi. Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir du seuil de la participation, on peut admettre qu’une telle action soit attitrée, limitée, car, après tout, la défense de l’intérêt collectif est du ressort exclusif des organes sociaux. Il est donc compréhensible que la brèche ouverte par la loi à ce pouvoir exclusif des dirigeants soit limitée dans sa portée. Mais lorsqu’on se penche sur la question de la violation des statuts, il n’y a pas, à notre avis, identité de fondement avec l’action ut singuli. Car si l’action ut singuli tend à défendre le patrimoine social, l’action en nullité pour violation des statuts relève d’un autre ordre d’idée. C’est une action de défense d’un intérêt propre à l’actionnaire comme membre d’un contrat social, contrat justement méconnu par un organe délibérant ayant reçu des compétences soit pour définir les droits des actionnaires en matière de contrôle des actes de gestion et de distribution des dividendes, soit pour changer les statuts. Si les statuts ont arrêté certaines stipulations destinées à encadrer l’action de ces organes sociaux dans leur propre compétence, il y a lieu de craindre que la violation commise des statuts ne soit à l’abri de toute sanction en raison de l’exigence de la détention d’une part de capital social pour agir en nullité.

Faut-il pour autant décrier la solution légale ? Echappe-t-elle à toute justification ? Il semble que non. Le législateur a cherché une voie médiane entre la consécration des principes libéraux de la force obligatoire du contrat et le souci pratique d’efficacité de l’action des organes sociaux. L’article 290 se situe ainsi à mi-chemin avec la solution du droit français[24] qui ne reconnaît pas, encore que la question soit discutée en doctrine et divergente en jurisprudence[25], la violation des statuts comme cause de nullité d’une délibération sociale. En admettant la nullité mais en la soumettant à une limite de détention de capital, le législateur tunisien part, semble-t-il, d’une certaine conception du rôle de la majorité au sein de la société. C’est la majorité qui gouverne la société, et les décisions prises ne peuvent être remises en cause que par une minorité substantielle. C’est la rigueur de cette solution qui est tempérée par le législateur dans la loi du 27 décembre 2007. L’abaissement du taux de participation requis de 20% à 10% est destiné à ouvrir la voie du prétoire aux actionnaires minoritaires. La question se pose cependant de savoir pourquoi il y a identité de solution lorsqu’il s’agit de la nullité pour abus de majorité. L’abus de majorité est-il une variété de la violation des statuts ?

b)     L’abus de majorité

Il résulte de l’article 290 du Code des sociétés commerciales qu’une décision régulièrement votée en la forme peut être annulée si le demandeur administre la preuve de la réunion de deux conditions :

-          la décision incriminée est contraire à l’intérêt social ;
-          elle est prise dans l’intérêt particulier d’un ou de quelques actionnaires ou au profit d’un tiers.

Sans que le législateur emploie l’expression, cet article vise ce que la doctrine française nomme communément d’abus de majorité. Au regard des conditions posées par la loi, il serait préférable de parler de rupture d’égalité mais par commodité on continuera à employer l’expression abus de majorité.

La solution donnée par l’article 290 est destinée à tempérer la rigueur de la règle de la majorité dans la société anonyme. Même si la loi protège les actionnaires contre l’augmentation de leurs engagements sans leur consentement[26], ils courent toujours un risque que les actionnaires majoritaires ne soient tentés d’utiliser leur droit de vote non pour la satisfaction de l’intérêt commun mais pour la satisfaction d’un intérêt personnel, rompant ainsi avec le principe de l’égalité entre actionnaires.

La jurisprudence tunisienne, rendue sous l’empire du Code de commerce, sanctionnant l’abus de majorité n’est pas publiée. Mais on ne peut dire qu’elle est inconnue de la pratique des prétoires. Les praticiens reconnaissent avoir traité des affaires relatives à la politique de distribution des dividendes. Les juridictions inférieures n’hésitent pas parfois à condamner à la distribution les sociétés qui ne font que décider du report à nouveau des bénéfices sociaux.

Dans la société à responsabilité limitée, les rédacteurs du Code des sociétés commerciales n’ont donné qu’une réponse partielle à la problématique posée par l’abus de majorité. Leur intérêt s’est seulement porté à réguler la politique de distribution des dividendes en imposant à la société de distribuer, au moins une fois tous les trois ans, le tiers du bénéfice[27]. Le but poursuivi est la prévention de l’abus de majorité. On peut discuter la légitimité de cette solution qui conduit à rigidifier l’action sociale. En tout cas, elle n’évacue pas le problème de l’abus de majorité dans ses autres manifestations. La solution donnée par l’article 290 du Code des sociétés commerciales semble être meilleure non seulement en raison de son caractère global mais aussi en raison du rôle qu’elle laisse aux actionnaires en évitant toute immixtion du législateur ou du juge dans la gestion de la société.

Comme nous l’avons fait lorsque nous avons traité la question de la nullité des délibérations pour violation des statuts, nous nous demandons ici si la nullité pour abus de majorité peut avoir un fondement en dehors de l’article 290 du Code des sociétés commerciales. La recherche du fondement nous permettra d’apprécier le bien fondée de la condition relative à la qualité pour agir.

En l’absence d’une disposition équivalente à l’article 290, la jurisprudence française comparée se limite à annuler les délibérations litigieuses sans se substituer aux organes sociaux compétents. Les décisions d’annulation sont rendues sous le visa de l’article 1382 du Code civil ce qui renvoie à la responsabilité pour faute délictuelle[28].

Certains auteurs français ont cherché à justifier l’appel à l’article 1382 du Code civil français par l’idée de réparation en nature[29]. L’abus de majorité est une faute dont la sanction est la nullité. Mais plus intéressante est la position défendue par Dominique Schmidt dans un ouvrage traitant des « conflits d’intérêts dans la société anonyme »[30]. L’auteur souligne que le fondement de la nullité c’est la notion de société elle-même. « Si certains utilisent leurs droits et pouvoirs dans la société pour obtenir davantage que leur part légitime, ou pour obtenir un profit aux dépens de la société, le contrat liant les membres du groupement n’est plus respecté »[31]. Le même auteur poursuit plus loin en écrivant « le fondement textuel s’impose avec évidence : en ce qu’un abus de majorité provoque nécessairement une violation de l’intérêt commun des associés. Il suffirait d’asseoir l’annulation sur les articles 1833 et 1844-10 du Code civil »[32]. Cette explication s’accorde parfaitement avec les conditions posées par l’article 290 du Code des sociétés commerciales. Selon ce texte, est abusive la décision contraire à l’intérêt social et prise dans l’intérêt particulier d’un ou de quelques actionnaires ou au profit d’un tiers. La contrariété à l’intérêt social doit s’entendre comme une contrariété avec l’intérêt commun des actionnaires. On comprend par là pour quelle raison le législateur a unifié le régime de l’action en nullité pour violation des statuts et celle pour abus de majorité. Ces deux actions ont pour point d’ancrage le contrat social.

Certains ne manquent pas de souligner la différence de nature entre violation des statuts et abus de majorité. L’abus paraît, à un certain point de vue, plus grave, car il remet en cause le fondement même du contrat social : l’égalité entre actionnaires. Le principe d’égalité est affirmé par l’article 1300 du Code des obligations et des contrats. Sa violation par une clause statutaire entraîne la nullité de la société. L’article 288 du Code des sociétés commerciales consacre le même principe en matière société anonyme, mais la sanction qu’il organise est seulement la nullité partielle de toute clause contraire des statuts qui rompt l’égalité. A fortiori il doit être de même pour toute délibération des actionnaires rompant l’égalité entre actionnaire même si elle est extérieure aux statuts. Il y a donc contradiction entre le régime de nullité d’ordre public prévu par le droit général des sociétés et le régime de nullité, on dirait relatif, prévu à l’article 290 du Code des sociétés commerciales. Comment justifier que l’action en nullité ne puisse profiter à tout actionnaire indépendamment de sa participation au capital ? N’y a-t-il pas là une contradiction entre le fondement donné à la nullité et l’exigence d’une certaine quotité de capital pour agir ? Les associés minoritaires ne détenant pas la fraction de capital requise pour agir en nullité seraient-ils devenus des actionnaires de seconde zone vouée à la marginalisation et à l’ignorance. La solution législative serait de ce point de vue inacceptable, mais elle peut être légitimée par deux considérations : l’une d’ordre juridique l’autre d’ordre pratique.

La première considération part d’un certain rapprochement avec l’action ut singuili. On a précédemment critiqué le législateur lorsqu’il a organisé le régime de l’action en nullité pour violation des statuts à l’image de l’action ut singuli. Une telle critique est moins évidente lorsqu’il s’agit du régime de l’action pour abus de majorité. Car, après tout, l’article 290 du Code des sociétés commerciales exige comme condition de nullité que la délibération soit contraire à l’intérêt social. C’est la société qui se trouve être victime. Dans cette logique, l’action appartient en principe à la société et elle peut l’exercer par ses représentants légaux[33]. Il est donc dans l’ordre naturel que l’action soit attitrée lorsqu’elle est ouverte aux actionnaires. A la vérité, cette explication peut ne pas être pas partagée par tous les auteurs, notamment ceux qui considèrent que l’intérêt social dont il s’agit est l’intérêt commun des actionnaires[34].

La deuxième considération est d’ordre pratique. Elle rejoint ce que l’on a pu écrire à propos de l’action en nullité pour violation des statuts. Il est clair qu’en exigeant la détention d’une fraction de capital comme condition de recevabilité de l’action en nullité pour abus de majorité, le souci du législateur n’est pas tant de faire respecter le pacte social, mais d’assurer pleine efficacité à l’action sociale et à discipliner les minoritaires. Ceux qui ne satisfont pas les conditions de qualité ne doivent pas perturber la gestion de la société, ils ne peuvent qu’aller demander réparation du préjudice qu’ils subissent à la majorité et aux dirigeants fautifs. Le législateur va jusqu’au bout de sa logique lorsqu’il permet à la société d’agir en référé pour exiger des minoritaires la fourniture d’un cautionnement bancaire pour la prémunir contre les dommages qu’elle risque de subir du fait de l’action.

2)      L’exigence d’un taux de participation peut être doublée de l’exigence d’une garantie bancaire

Non satisfait d’avoir restreint l’exercice de l’action en nullité à des actionnaires détenant une certaine fraction du capital, le législateur ajoute un autre mécanisme restrictif au profit de la société et contre les minoritaires. La société peut agir en référé pour demander aux actionnaires poursuivants qu’ils présentent une garantie bancaire destinée à la couvrir contre les dommages qui risquent de lui être occasionnés du fait de l’action. La solution est valable quel que soit le motif de la nullité invoqué : violation des statuts ou abus de majorité. L’idée qui sous-tend cette mesure vient de cette observation faite par certains auteurs soulignant les pratiques de harcèlement de la majorité par la minorité. Quelle appréciation pouvons-nous faire de cette solution ?

En réalité, le risque d’abus n’est surtout présent que lorsqu’il s’agit de critiquer les délibérations des assemblées générales pour abus de majorité. Il y a, en effet, une part d’incertitude pour dire si la délibération incriminée occasionne ou non une rupture d’égalité aux actionnaires. Sauf les cas limites, l’appréciation que l’on peut faire de l’économie d’une délibération peut varier d’une personne à une autre. Bien que le risque d’abus des minoritaires soit réel, la doctrine s’est montrée dans son ensemble satisfaite d’une application des règles de droit commun de la responsabilité civile. Il a été constaté que la discipline des minoritaires est déjà assurée par les conditions de fond exigées par la jurisprudence (par la loi en Tunisie). Il n’y a d’abus que si la décision est contraire à l’intérêt social et poursuit la satisfaction de l’intérêt d’un actionnaire ou d’un tiers. Le juge saisi de l’action en nullité peut, tout en déboutant les demandeurs, les condamner à des dommages et intérêts pour abus dans l’exercice d’une voie de droit. Bien sûr, il faut qu’il y ait abus. Le simple fait d’agir n’est pas en lui-même constitutif d’abus.

En permettant à la société de requérir un cautionnement bancaire pour garantir la réparation du dommage qu’elle pourrait subir du fait de l’action, le législateur place la barre trop haut pour les minoritaires. Ceux-ci risquent de ne pas avoir accès au crédit bancaire et ont peu de chance de pouvoir présenter une telle sûreté. De même, permettre à la société d’exiger un tel cautionnement est de nature à dissuader les minoritaires pour agir.

Il est peut être excessif d’exiger à la fois une certaine quotité de capital pour agir en nullité et la fourniture d’un cautionnement bancaire. Il y aurait une double contrainte que rien ne justifie. La détention du dixième du capital n’est-elle pas en soi une garantie suffisante pour la société en cas de condamnation des minoritaires à la réparation.

Il ne reste dans ces conditions qu’espérer que le juge des référés fasse un usage raisonnable de l’institution pour protéger les minoritaires contre le harcèlement exercé par les majoritaires. Même si le texte est muet deux conditions peuvent être posées pour que l’action en référé prospère[35]. La société doit d’une part démontrer le caractère manifestement abusif de l’action des minoritaires et d’autre part, le caractère probable du dommage qu’elle va subir du fait de l’action. Le juge n’ordonne à la minorité de fournir le cautionnement que si ces deux conditions sont remplies. Le juge des référés ne doit être pas instrumentalisé pour fournir une immunité de fait à la majorité.



[1] Le tribunal saisi peut même d’office fixer un délai pour la régularisation.
[2] L’action en nullité se prescrit par une année.
[3] Les frais et dépenses sont mis à la charge de la société si la régularisation est intervenue après l’introduction de l’action.
[4] Art. 179 C.S.C.
[5] L’article 207 du Code des sociétés commerciales prévoit la responsabilité des administrateurs pour la violation de la loi ou pour faute de gestion. Aucune référence n’est faite à la violation des statuts. La responsabilité civile des actionnaires majoritaires est expressément visée par l’article 477 du Code des sociétés commerciales régissant le groupe de sociétés.
[6] Voir notre article sur le lien suivant.
[7] Art. 172 al. 1er C.S.C. pour la société anonyme faisant appel public à l’épargne et art. 181 al. 1er C.S.C. pour la société ne faisant pas appel public à l’épargne.
[8] Art. 291 al. 1er C.S.C.
[9] Art. 9 C.S.C.
[10] Exemples : art. 161 C.S.C. (la valeur nominale de l’action) ; art. 190 al. 2 (la durée du mandat des administrateurs est fixée dans les statuts) ; art. 200 al. 1er (l’assemblée approuve les conventions réglementées dans les conditions prévues dans les statuts) ; art. 200 (les statuts définissent les emprunts importants requérant l’autorisation du conseil d’administration) ; art. 229 (le directoire prend ses décisions selon les conditions fixées par les statuts) ; art 237 al. 1er (les membres du conseil de surveillance doit détenir un nombre d’actions déterminé par les statuts) ; art. 239 al. 1er (la durée du mandat des membres du conseil de surveillance est fixée dans les statuts) ; art. 286 (le droit de prendre communication de la liste des actionnaires à l’occasion de l’assemblée générale).
[11] Exemples : Art. 199 al. 2 C.S.C. (le quorum pour la validité des délibérations du conseil d’administration) ; art. 206 (rémunération des administrateurs) ; art. 220 (l’action ut singuli contre les administrateurs) ; art. 288 al. 1er (proportionnalité dans la participation aux bénéfices) ; art. 289 al. 1er (interdiction de la clause d’intérêt fixe) ; art. 291 al. 1er (clause limitant le pouvoir de l’assemblée générale extraordinaire) ; art. 294 in fine (clause conférant au conseil d’administration le pouvoir de décider une augmentation de capital) ; art. 296 al. 1er (clause relative au droit préférentiel de souscription à l’augmentation de capital en numéraire) ; art. 322 (le jeu de la clause d’agrément en cas d’exécution en bourse pour défaut de libération)…
[12] Exemples : Art. 172 al. 3 et 190 al. 2 C.S.C. (la possibilité de renouvellement du mandat des administrateurs), art. 189 al. 2 (la qualité d’actionnaire n’est pas requise pour être administrateur) ; art 196 al. 1er (un salarié peut être nommé un administrateur) ; art 197 al. 3 et art. 211. al. 2 (les statuts peuvent limiter les pouvoirs du conseil d’administration) ; art. 199 al. 3 (le conseil d’administration prend ses décisions à la majorité) ; art. 199 al. 4 (la voix du président du conseil d’administration est prépondérante en cas de partage de voix dans le conseil d’administration) ; art. 215 al. 1 (les statuts peuvent opter pour la dissociation entre la fonction de président du conseil d’administration et la fonction de directeur général) ; art. 224 al. 1er (les statuts peuvent opter pour une administration par un directoire sous le contrôle d’un conseil de surveillance) ; art. 226 al. 1 (la durée du mandat des membres du directoire) ; art. 232 al. 2 (les statuts peuvent habiliter le conseil de surveillance à attribuer le pouvoir de représentation à plus membres du directoire) ; art. 232 al. 3 (les statuts peuvent limiter les pouvoirs du directoire) ; art. 239 al. 3 (les membres du conseil sont rééligibles) ; art. 245 (les statuts peuvent prévoir que le conseil d’administration délibère à une majorité forte ; la voix du président est prépondérante) ; art. 277 (les délibérations des assemblées générales se tiennent dans le siège ou tout autre endroit de la République) ; art. 279 al. 1er (les statuts peuvent exiger la détention d’un nombre d’actions déterminé pour accéder à l’assemblée générale ordinaire) ; art. 281 (les statuts peuvent déterminer la personne qui préside l’assemblée générale) ; art. 288 (les statuts peuvent prévoir la constitution de réserves) ; art. 293 al. 1er (l’assemblée générale extraordinaire peut décider d’augmenter le capital social dans les conditions fixées par les statuts) ; art. 317 (les statuts peuvent créer des catégories d’actions) ; art. 321 (les statuts peuvent comporter une clause d’agrément) ;
[13] Les clauses statutaires n’ont d’intérêt que si elles ne risquent pas d’être remises en cause par un changement des statuts décidé par l’assemblée générale extraordinaire dans les conditions de droit commun. S’il n’existe pas une minorité de blocage, il sera prudent pour les stipulants de verrouiller les statuts en renforçant les conditions de droit commun de quorum et de majorité dans les assemblées générales. La validité des clauses dérogatoires aux conditions de quorum et de majorité sont discutées.
[14] Il faudra cependant distinguer selon que la violation des statuts intéresse les rapports internes aux actionnaires ou les rapports de la société ou des actionnaires avec les tiers. Pour ce dernier aspect des rapports avec les tiers, le législateur n’a traité que d’une seule hypothèse, celle des effets des limitations statutaires des pouvoirs des dirigeants à l’égard des tiers (art. 211 in fine C.S.C.). Ces limitations sont inopposables aux tiers de bonne foi. En d’autres termes, un tiers de mauvaise foi qui a connaissance personnelle de la limitation des pouvoirs peut se voir opposer la limitation de pouvoirs. En précisant que la limitation des pouvoirs pourrait être opposable aux tiers, il en découle que la violation des statuts par les dirigeants n’entraîne pas la nullité de l’acte conclu avec la société mais simplement son inopposabilité à la société ; il serait considéré comme accompli par un dirigeant en dépassement de son pouvoir. Les règles du mandat exigent que le dirigeant imprudent soit responsable à l’égard des tiers (art. 1156 C.O.C.). Le législateur a cependant omis de préciser le sort d’une cession d’actions faite au mépris d’une clause d’agrément (art. 321 C.S.C.).
[15] Yves Guyon, Droit des affaires, T. 1, droit commercial général et sociétés, 9e éd. Economica - Delta, 1996, p. 460.
[16] Les statuts se limitent parfois à reprendre le texte de la loi. La violation des statuts n’est alors qu’apparente. Il s’agit d’une violation de la loi.
[17] Encore que la frontière entre l’action en nullité pour violation de la loi et l’action en nullité pour violation des statuts soit incertaine. Lorsque la loi renvoie aux statuts pour compléter son dispositif et que l’assemblée générale viole cette disposition statutaire, y a-t-il violation de la loi ou violation des statuts ? P. Le Cannu parle à ce propos d’une clause statutaire d’application de la loi. (Droit des sociétés, 2e éd. Montchrestien, 2003, p. 279) Sa violation justifie une annulation des actes accomplis contrairement à la clause. Nous inclinons personnellement à considérer qu’il s’agit d’une violation de la loi.
[18] Art. 291 C.S.C.
[19] S. Frikha, La distribution des bénéfices sociaux, Actes du colloque « Le Code des sociétés commerciales après les modifications 2005 », organisé par le Centre d’études juridiques et judiciaires le 3 et 4 février 2006, Pub. C.E.J.J., Tunis, 2006, op. cit., p. 80. Voir le lien ci-après.
[20] L’article 289 C.S.C. qualifie de fictive toute distribution faite contrairement aux dispositions ci-dessus énoncées. On peut dans ces conditions faire application de l’article 223-1 C.S.C. qui sanctionne les membres du conseil d’administration qui, en l’absence d’inventaire, ou au moyen d’inventaire frauduleux, ont opéré entre les actionnaires la répartition de dividendes fictifs.
[21] Art. 223 C.S.C.
[22] Art. 289 C.S.C.
[23] Art. 220 C.S.C.
[24] La difficulté provient de la rédaction ambiguë des articles 1844-10 du Code civil et 360 de la loi de 1966 qui admettent comme cause de nullité « la violation des lois qui régissent les contrats ».
[25] Dans un sens défavorable à l'annulation, V. Hémard, Terré, Mabilat, t. 3, no 743. Dans un sens favorable, V. Y. Guyon, Assemblée d'actionnaires, Répertoire Dalloz Sociétés ; J.-P. Legros, La violation des statuts est-elle une cause de nullité ? Dr. Sociétés, avr. 1991, chron. 1.
[26] Art. 292 al. 3 C.S.C.
[27] Art. 140 C.S.C. Voir notre article S. Frikha, La distribution des bénéfices sociaux, quoi de neuf dans la loi n°2005-65 du 27 juillet 2005 modifiant et complétant le Code des sociétés commerciales ? op. cit., p. 77.
[28] Les juridictions tunisiennes ne font référence à aucun texte légal lorsqu’elles condamnent la société à distribuer des dividendes ou lorsqu’elles annulent la délibération litigieuse. Si elles avaient à suivre la jurisprudence française, elles auraient fait référence à l’article 103 du Code des obligations et des contrats. Ali Mezghani (note sous jugement du tribunal de première instance du 30 avr. 1981, R.T.D. 1981, p. 423) observe que l’article 103 régit la responsabilité délictuelle et il est étranger à l’abus de droit naissant d’une prérogative contractuelle. En vérité, l’abus de droit est un principe général de droit qui a vocation à s’appliquer à tout droit.
[29] P. Le Cannu, Droit des sociétés, op. cit. p. 145.
[30] Dominique Schmidt, Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, Version nouvelle, Joly-Delta, 2004, pp. 311 et s.
[31] Ibid, p. 312 ; adde. M. Cozian, A. Viandier, Fl. Deboissy, Droit des sociétés, 12e éd. Litec 1999, p. 172.
[32] Dominique Schmidt, op. cit. p 350. 
[33] Ph. Merle, Sociétés commerciales, 7e édition, Dalloz 2000, p. 665.
[34] Dominique Schmidt, op. cit. p. 318. L’auteur considère qu’il n’y a pas lieu à distinguer entre les deux conditions contrariété de la délibération à l’intérêt social et favoriser un actionnaire ou un tiers. L’auteur pose la question, incongrue selon lui, comment un résolution pourrait être à tout à la fois conforme à l’intérêt social et prise dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité ? La situation est, selon l’auteur, théorique, sans exemple tant elle est invraisemblable.
[35] L’injonction du juge des référés risque de rester sans suite. La loi ne semble pas faire de la fourniture du cautionnement une condition de recevabilité de l’action au fond. Mais la société peut prendre des mesures conservatoires sur la base du jugement des référés en cas de carence des minoritaires à y obtempérer.

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