lundi 7 novembre 2022

Variations sur le quorum dans les organes collégiaux

 

Variations sur 
le quorum dans les organes collégiaux

 

Chaque fois où un texte légal ou réglementaire crée un organe collégial, appelé à prendre des décisions ou donner des avis, il prévoit des règles relatives au conditions de son fonctionnement. Parmi ces règles celles du quorum.

Le quorum se définit en droit des affaires comme étant « le nombre des participants, présents ou représentés, nécessaire pour qu'une assemblée d'une association ou d'une société par exemple puisse délibérer (Lexique des termes juridiques, 2017-2018, Dalloz, p.924) ». Cette définition peut être généralisée à tout organe collégial. Le quorum est calculé par tête et pour les assemblées générales des sociétés commerciales, il est calculé par nombre de parts sociales ou actions détenues dans le capital. Nous exposons ci-après quelques idées générales relatives à l’exigence du quorum (1) et au traitement à réserver quand le quorum n’est pas réuni (2).

1)     L’exigence du quorum

Fondement du quorum. L’exigence du quorum est associée à l’existence d’un organe collégial qui prend des décisions ou donne des avis à la majorité. Son fondement est  que la décision ou l’avis doit émaner des délibérations d’un collège représentatif de l’ensemble des membres le composant. Le quorum exprime de cette représentativité : c’est le nombre minimum de voix présentes.

Caractère d’ordre public du quorum. Les règles relatives au quorum sont d’ordre public et l’on ne peut y déroger. Elles sont destinées à protéger les membres des collèges contre leur propre absentéisme et contre les abus des décisions prises en catimini. Elles sont suffisamment substantielles pour que des sanctions existent : la nullité d’une délibération faite en violation de la règle du quorum.

Les sources formelles du quorum. On considère que les dispositions spéciales déterminant le quorum requis pour qu’un collège siège valablement ont trait à l’exercice par ce collège de la compétence décisoire ou consultative qui lui est dévolue. Les règles de quorum doivent dès lors résulter du texte législatif ou réglementaire fixant la composition et les règles de fonctionnement du collège et ne sauraient être compétemment édictées par lui au titre d’un règlement intérieur. Les règles du quorum ne peuvent être fixées par le règlement intérieur du collège hors habilitation expresse du législateur ou du pouvoir réglementaire. Ces règles conditionnent le fonctionnement de l’organe collégial. Elles contribuent même à l’existence effective du collège. D’ailleurs pour que celui-ci puisse fixer son règlement intérieur, il faut au préalable qu’il puisse se réunir et statuer conformément aux règles de quorum qui lui sont applicables. Celles-ci sont donc extérieures au collège.

Le quorum de droit commun. Généralement, la loi fixe le quorum requis. Mais des fois, les textes omettent de le chiffrer. Quel est donc le quorum de droit commun en cas de silence de la loi ? Une décision du Conseil d’Etat français (CE., ass., 18 avr. 1969, n°72551, Meunié, Lebon, p. 208 ; AJDA 1969, p. 431 chron. J.-L. Dewost et Denoix de Saint Marc) a posé une solution de principe. Il a été estimé que le quorum correspond à la moitié des membres du collège plus un : « Considérant, d’une part qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’ayant fixé un quorum applicable aux délibérations de ladite commission, celle-ci peut valablement délibérer dès lors que plus de la moitié des membres la composant sont présent ». On aurait pu imaginer une solution qui fixe le quorum à la moitié des membres composant le collège.

Calcul du quorum. Seuls sont décomptés les membres physiquement présents. Les membres absents mais représentés par mandat donné à un autre membre, ne peuvent pas faire partie du quorum. Des textes spécifiques peuvent cependant prévoir une exception et tenir compte de la présence par représentation. Tel est le cas d’une assemblée générale d’une société anonyme.

Il arrive qu’un membre du collège soit interdit de vote. Dans ce cas, sa voix n’est pas prise en compte dans le calcul du quorum. L’assiette de calcul du quorum ne tient pas compte de sa présence effective concernant le point de l’ordre du jour pour lequel il est interdit du droit de vote.

Il arrive qu’il y ait un cas de vacance par suite d’une démission, décès, révocation ou un quelconque évènement qui est de nature à faire perdre une personne sa qualité de membre du collège. Cette situation de vacance d’un poste peut être comblée par la désignation d’un autre pour le remplacer. Mais quid si le remplacement n’intervient pas ? Comment calculer dans une telle hypothèse le quorum ? Est-ce qu'on le calcule sur le nombre légal des membres ou sur le nombre des membres qui sont en fonction ? Nous estimons que le calcul du quorum s’effectue par rapport au nombre des membres en exercice, c’est-à-dire effectivement en fonction, qui peut différer de l’effectif légal du collège. En effet, le quorum se calcule en droit sur le nombre des personnes ayant une voix dans le collège délibérant. Or, du moment qu’un membre a perdu sa qualité, la voix dont il dispose n’est plus prise en compte dans le calcul du quorum. C’est donc sur la base du nombre des membres restants en fonction que le quorum doit être calculé.

Vérification du quorum. Le quorum doit être vérifié et atteint à trois moments différents de la réunion du collège. Il l’est tout d’abord en début de la séance. Une réunion ne peut être déclarée ouverte qu’après avoir procédé à l’appel nominal et avoir vérifié le quorum. Il est souvent dressé une feuille de présence. Le quorum est ensuite vérifié lors de la mise en discussion de chaque point de l’ordre du jour. La règle du quorum doit être vérifiée délibération par délibération. Mais les départs des membres, survenus entre la mise en discussion d’une délibération et le vote, demeurent sans effet sur le quorum. Ce choix est non seulement fondé juridiquement mais aussi réaliste car il empêche les manœuvres. Le quorum est, enfin, apprécié à la reprise de la réunion s’il y a eu suspension, qu’il ne faut pas confondre avec l’interruption de fait ou la clôture d’une réunion.

Qu’en est-il si le quorum n’est pas atteint ?

2)     Le défaut du quorum.

Procès-verbal de carence. Le défaut du quorum n’empêche pas les membres présents de continuer la réunion sans toutefois prendre des décisions. Il faut néanmoins ajouter une précision. Le défaut de quorum ne dispense pas d’établir un procès-verbal de carence pour constater le défaut du quorum. C’est très utile en cas de deuxième convocation.

Les solutions légales spéciales. Il arrive souvent que les textes prévoient le traitement à réserver quand la réunion n’atteint pas le quorum requis. La loi peut baisser le quorum en deuxième convocation ou permettre une deuxième convocation où le collège peut délibérer sans s’arrêter à un quorum. Le plus souvent, cet assouplissement est prévu pour éviter une paralysie totale de l’organe. Des fois, la loi tout en baissant le quorum lors d’une deuxième ne permet plus d’aller plus loin quand le quorum n’est pas atteint dans la deuxième réunion. C’est le cas pour les sociétés à responsabilité limitée ou les sociétés anonymes quand il s’agit de modifier les statuts. La décision de modification étant grave, le quorum est infranchissable. D’une manière générale, les textes spéciaux doivent recevoir application. La question est plus délicate quand il y a silence de la loi. Quelle est la règle de droit commun ?

La règle de droit commun. Un arrêt de principe est rendu par le Conseil d’Etat français (CE., 18 mars 1981, n°03799, Union générale des fédérations des fonctionnaires CGT, Lebon, p. 577). Il s’agit en l’espèce, de la réunion du Conseil supérieur de la fonction publique (français) qui a été consulté sur les dispositions du décret du 7 mai 1976. La procédure à suivre exigeait en principe le quorum des 2/3 des membres prévu par l’article 10 du décret du 14 février 1959. Rien n’est dit au cas où ce quorum n’est pas atteint. En l’espèce, le président de l’assemblée générale de ce conseil, après avoir constaté que 15 des 30 membres de l’assemblée générale s’étaient abstenus de déférer le 18 décembre 1975 à la convocation qui leur avait été adressée, a convoqué de nouveau cette assemblée, avec le même ordre du jour, le 23 décembre suivant. En s’abstenant de déférer à cette nouvelle convocation, les 15 représentants des organisations syndicales ont mis le conseil dans l’impossibilité de respecter le quorum. Le Conseil d’Etat a jugé par suite, quels qu’aient été les motifs de cette abstention, le Conseil supérieur a pu régulièrement délibérer le 23 décembre 1975.

Il faut toutefois attirer l’attention que cette solution de droit commun ne peut valablement jouer que si la première convocation était régulière en la forme (CE, 10 juin 2013, n°355791, JurisData n°2013-011914, La semaine juridique Administrations et collectivités territoriales, n°26 ; 24 juin 2013, act. 543).

La reconvocation. Les systèmes de reconvocation à une deuxième réunion peuvent varier. On peut par exemple penser que dans la mesure où la loi ne fixe pas de contraintes en termes de délai de reconvocation, celle-ci pourra avoir lieu le jour même. Il convient néanmoins, dans ce cas, d’en avertir les membres dans la lettre qui vaudra convocation pour les deux réunions. Il arrive aussi de fixer une autre date. En cas de doute relatif à l’atteinte du quorum à la première convocation, l’auteur de la convocation peut informer les membres de la date retenue pour la deuxième convocation. Ce procédé ne dispense cependant pas de renouveler les formalités de convocation quand une deuxième réunion s’avère nécessaire. L’auteur de la convocation doit préciser qu’il s’agit d’une deuxième convocation.

Bien entendu, l’auteur de la convocation peut décider de renouveler la convocation en faisant comme s’il s’agit d’une première convocation auquel cas, il faut revenir aux règles de quorum d’une première réunion.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire