transformation d’une société à
responsabilité limitée en société anonyme
La
transformation de la société à responsabilité limitée en société anonyme qu’elle
soit obligatoire ou choisie suppose une délibération spéciale prise en
assemblée générale extraordinaire. Il s’agit en effet d’une délibération
modificative des statuts. Par exception à la solution de principe, une majorité
d’associés représentant au moins la moitié du capital social est suffisante si
ce dernier est supérieur à cent mille dinars.
La transformation peut être
décidée sans besoin d’écoulement d’une certaine durée depuis la constitution
mais il faut vérifier la réunion des conditions légales de la société anonyme.
Néanmoins, la Cour d’appel de Poitier a admis la validité de la transformation en SA malgré un nombre
insuffisant d'actionnaires. « La Cour constate l'absence de disposition
expresse prévoyant la nullité d'une telle décision de transformation. La
nullité ne résulte pas davantage des dispositions relatives à la SA, lesquelles
envisagent comme seule sanction de la violation du minimum légal de sept
actionnaires la dissolution de la société » (CA Poitiers, 2e ch. civ., 24
janv. 2012, Dorothée Gallois-Cochet, Dr. Sociétés 2012, comm. , 185).
La
difficulté juridique naît de l’articulation des articles 435 et 144 du code des
sociétés commerciales. En effet, le premier texte, constitutif d’une règle de
droit commun applicable à la transformation de toute société, exige que les
dirigeants présentent un rapport dans lequel ils exposent les causes, les
objectifs et la forme de la société qui en sera issue accompagné, le cas
échéant, d’un rapport du commissaire aux comptes. Le texte ne précise pas le
contenu de ce rapport mais on s’accorde à admettre qu’il a trait à « la
situation de la société ». Or, l’article 144 exige la désignation d’un
expert comptable ou d’un comptable avec la double mission de présenter un
rapport sur la situation de la société et de vérifier la valeur des biens
composant l’actif social. La question se pose de savoir si les deux articles
sont d’application cumulative ou alternative.
L’application
cumulative des deux textes conduit à présenter par deux professionnels deux
rapports portant sur la même question : un rapport sur la situation de la
société à la veille de la transformation.
Une
application alternative des textes conduit à n’appliquer l’article 144 que dans
l’hypothèse où la société n’est pas dotée d’un commissaire aux comptes. Mais
dans ce cas, la mission du commissaire aux comptes est limitée à la seule
situation de la société ; il n’est pas amené à présenter un rapport la
valeur des actifs de la société ni encore à vérifier les avantages particuliers
éventuellement stipulés.
En
droit tunisien, on hésite entre une interprétation littérale et téléologique
des articles 144 et 435.
Une
interprétation littérale conduit une application cumulative des deux textes mais,
dans ce cas, on peut admettre que le commissaire aux comptes et l’expert
comptable ou le comptable puissent présenter un rapport commun sur la situation
de la société. Pour le reste, il appartient à l’expert comptable ou au
comptable de présenter un rapport d’évaluation des actifs non-liquides de la
société comme en matière de commissariat aux apports ; il vérifie
également l’absence d’éléments juridiques susceptibles de grever leur valeur[1].
A notre sens et contrairement à ce qui a
pu être soutenu par certains auteurs (Christine Labastide Dahdouh et Habib
Dahdouh, Droit commercial, Vol. 2, Entreprises sociétaires & Groupements
privés, T. 2, règles particulières, 1ere éd. IHE Editions 2007, p.197), ce sont
tous les actifs non-liquides qui sont soumis à évaluation et non seulement ceux
qui ont été apportés à la société. L’expert comptable ou le comptable vérifie
également la teneur des avantages particuliers stipulés dans les statuts de la
future société anonyme.
L’interprétation
téléologique soutient que si la société à responsabilité est soumise à un
contrôle du commissaire il n’est nullement besoin de vérifier l’exactitude de
l’évaluation des biens de la société. Une solution contraire reviendrait à
ruiner la confiance qu’on a en la personne des commissaires aux comptes. Nous
inclinons à cette solution, mais un décret d’application des articles 144 et
435 du code des sociétés commerciales est souhaitable pour évacuer toute
incertitude et assurer les opérations de transformation.
Nous
observons cependant que l’article 144 du code des sociétés commerciales n’exige
pas expressément que l’assemblée générale approuve l’évaluation de l’actif
social mais cela nous semble une suite logique du rapport de l’expert comptable
ou du comptable. En effet, l’article 173 in fine C.S.C. énonce que
« le procès-verbal de l’assemblée générale
constitutive doit mentionner expressément l’approbation des apports en nature,
à défaut la société ne peut se constituer légalement ». En ce cas,
l’approbation expresse de l’évaluation des actifs doit être distincte de la
résolution décidant la transformation.
L’expert
comptable ou le comptable engage sa responsabilité civile délictuelle à l’égard
des tiers en cas de surévaluation des actifs. Sa responsabilité est exclusive
de celle des associés (Christine Labastide Dahdouh et Habib Dahdouh, op. cit.,
p. 197). Faute d’une disposition spéciale dans le code des sociétés
commerciales, le délai de prescription est celui de droit commun (Art. 115
C.O.C).
L’assemblée
générale extraordinaire se prononce également sur l’attribution des avantages
particuliers qu’elle ne peut réduire qu’à l’unanimité.
L’article
144 du code des sociétés commerciales ne précise pas les conditions de
désignation de l’expert comptable ou du comptable à la transformation. Mais en
vertu de l’article 173 du code des sociétés commerciales, la désignation se
fait par le juge des requêtes à la demande du gérant. A notre avis, du moment
où la mission se rapproche à celle d’un commissaire aux apports, la désignation
directe de l’expert comptable ou du comptable par les associés peut également
être faite par décision unanime des associés.
L’expert
comptable ou le comptable désigné est soumis aux conditions d’incompatibilité
du commissaire aux apports d’une société anonyme (art 174 C.S.C).
Aucune règle du code des sociétés commerciales
n’impose d’adresser aux associés avant la tenue de l’assemblée générale
extraordinaire le rapport du commissaire aux comptes ou celui de l’expert
comptable ou du comptable. Il n’est pas également requis leur dépôt au registre
national des entreprises. En effet, la
loi relative au registre national des entreprises requiert le dépôt du seul
rapport d’évaluation des apports en nature fait à la constitution de la société
ou l’augmentation de son capital.
L’aliéna dernier de l’article 144 du code des
sociétés commerciales sanctionne par la nullité la décision de transformation
prise en violation des règles relatives à la compétence de l’assemblée générale
extraordinaire et à la désignation d’un expert comptable ou du comptable à la
transformation. Une fois prononcée, la société est ramenée à sa forme initiale.
La société ne sera pas pour autant irrégulière et ne perd pas sa personnalité
morale Stéphanie Darmon, Frédérique Desprez et Ey Law, La transformation en société par actions sous
turbulences législatives, Rev. Sociétés 2005, p. 119).
Les parts sociales représentatives d’un apport en industrie
doivent être supprimées si
elles existent. L’échange parts sociales contre
des actions pose un problème, puisque les statuts d’une société à
responsabilité fixent librement la valeur des parts sociales alors que pour une
société anonyme la valeur nominale ne peut être inférieure à un dinar (Art. 161 in
fine C.S.C).
L’assemblée
générale statuant dans les conditions de quorum et de majorité d’une assemblée
générale ordinaire doit désigner les premiers administrateurs. Si la société
n’est pas déjà dotée d’un commissaire aux comptes, elle en doit désigner un.
[1] En droit français, le
commissaire à la transformation établit un rapport où il atteste que le montant
des capitaux propres est au moins égal au capital social (art. R. 224-3, al. 2
C. com.). Ce montant doit être apprécié à la date du dernier bilan arrêté avant
la transformation. En pratique, il est souvent établi une situation
intermédiaire. Dans l’hypothèse où les capitaux propres seraient inférieurs au
capital social, les associés doivent d’abord réduire le capital, avant de
procéder à la transformation (Isabelle
Riassetto, Joly Sociétés, n°074, date d’actualisation 7 mars 2018).
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