mardi 25 décembre 2018

Droit du marketing. Le produit-partage




Droit du marketing. Le produit-partage




Des entreprises parrainent des organismes à caractère social, culturel, scientifique ou autre pour financer leurs activités. Les contrats fixent les actions à entreprendre, leurs modalités de réalisation et le volume des dépenses à engager. La pratique désigne ce mode de financement des organismes sans but lucratif par l’expression produit-partage. Il est défini comme « un produit ou service commercialisé dont une part du prix de vente est affectée à un organisme sans but lucratif contre l'usage par l'entreprise de sa dénomination dans sa communication. » (Olivier Binder, Le produit-partage - Une démarche solidaire, Juris associations 2007, n°369, p. 19) Etant généralement utilisé comme une déclencheur d'un acte d'achat, il peut être vu comme l'outil d'une stratégie commerciale ; il est appelé "cause related marketing" chez les Anglo-Saxons. 


Le produit-partage présente un air de famille avec d’autres pratiques de financement des associations. Ainsi il arrive qu’une entreprise, en particulier la grande distribution, émette au profit des clients des cartes de fidélité leur assurant le bénéfice de points qui sont transformés en bons d’achat de produits ou services. L’émetteur propose à ses clients qu’ils transforment les points cumulés en dons au profit d’un organisme sans but lucratif, préalablement choisi. Une autre pratique, appelée « don en fin de vente », propose aux clients de l’entreprise, au moment de paiement de leurs achats, de consentir un don à un organisme sans but lucratif. Dans ces deux derniers modes de financement, l’entreprise n’est pas donatrice, ce sont les clients qui sont donateurs. L’entreprise joue un rôle de mandataire dans la collecte des dons. (Aurélie Carlier et Alexandra Vinas, Le traitement fiscal des points « fidélité » ou le passage du statut de consommateur à celui de donateur, Juris associations 2009, n°409, p.31 ; Sarah Farhat et Emmanuel Sadorge, Les risques liés à la pratique de « dons en fin de vente », Juris associations 2018, n°586, p.32) 


Dans le produit-partage, le produit proposé à la vente peut être créé spécifiquement ou déjà existant ; il peut être vendu selon le tarif habituel ou faire l'objet d'un surcoût que le consommateur paie mais que le parrain abonde ; il peut être conditionné par la remise par le consommateur du coupon-réponse associé au produit et de la preuve d'achat, impliquant une démarche active. Le montant versé à l'organisme peut être complété par un don forfaitaire de l'entreprise. 


Les actions produit-partage soulèvent des problèmes de droit fiscal et de droit de la publicité commerciale. 


Fiscalité.


Pour l’entreprise qui supporte les frais de l’opération, il s’agit de savoir si elle peut déduire les charges qu’elle supporte du résultat imposable. L’article 12 du Code de l’IRPPIS précise que « le résultat net est établi après déduction de toutes charges nécessitées par l'exploitation, celles-ci comprennent notamment : 4) dans la mesure où ils sont justifiés et à concurrence de 2‰ du chiffre d'affaires brut, les dons et subventions servis à des œuvres ou organismes d'intérêt général, à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social ou culturel ; et 5) Les mécénats accordés aux entreprises, projets, et œuvres à caractère culturel ayant obtenu l’approbation du ministère chargé de la culture. D’après ces textes, la déductibilité des charges liées aux dons est soumise à des limites contraignantes. Mais elles n’ont lieu à s’appliquer que si nous sommes en présence d’un véritable don ou d’un mécénat. Toute la difficulté est de savoir si le produit-partage relève du don et des mécénats exclusifs de toute contrepartie. Une décision du Conseil d’Etat français a admis qu’il s’agit non d’un mécénat mais d’un parrainage où l’entreprise expose une dépense dans l’intérêt de l’exploitation et est en rapport avec l’avantage attendu (CE., 15 févr.2012, n°340855, note Béatrice Guillaume, Fiscalité - Produit partage - Une fiscalité non identifiée, Juris associations 2012, n°461, p. 43 ; Frédérique Perrotin, Parrainage ou mécénat : une délicate distinction à opérer, Petites affiches - n°204 - page 3). « En l'absence de contrepartie en nature fournie par l'organisme bénéficiaire - sous forme de bien ou de prestation de services -, il convient d'évaluer l'« intérêt commercial » de l'entreprise. Il importe notamment d'apprécier si, à défaut de partenariats avec les organismes bénéficiaires, l'entreprise aurait pu vendre ses produits dans les mêmes conditions » (Armelle Verja, Fiscal - Produit-partage - Action de mécénat ou parrainage ?, Juris associations 2012, n°464, p.42). 

Pour l’organisme bénéficiaire, la somme reçue dans le cadre du parrainage est une recette publicitaire et est soumise à l’impôt commercial. S’il s’agit d’un mécénat, le don n’est pas imposable. La nature d'opération de parrainage entraîne des conséquences en matière de TVA. Elle y est assujettie au taux normal (Le Lamy Optimisation fiscale de l'entreprise, n°338-35) 

Les parties ont intérêt à conclure une convention précisant notamment la définition de l'opération, l'apport respectif des parties, leurs droits de contrôle sur l'opération et la durée de l'opération. Ces données permettront de qualifier l'opération de mécénat ou de parrainage et, par conséquent, de déterminer le régime fiscal applicable. 


Publicité commerciale


Les entreprises de parrainage font souvent une campagne de communication à destination des consommateurs pour leur faire connaître leur engagement social auprès des organismes sans but lucratif. Les messages publicitaires sont diffusés sur les différents supports et sur les emballages des produits. Il est dit en substance que le producteur s'engage à prélever une certaine somme, relativement modique, par unité de produit vendu, du prix de vente pour la remettre à tel ou tel organisme à caractère social. 


La communication sur des opérations produit-partage doit respecter les règles posées par la loi n°98-40 du 2 Juin 1998, relative aux techniques de vente et à la publicité commerciale et par la loi n° 92-117 du 7 Décembre 1992, relative à la protection du consommateur. 


Au sens de l’article 35 de la loi de 1998, « est considérée comme publicité, toute communication ayant un but direct ou indirect de promouvoir la vente de produits ou de services, quels que soient le lieu ou les moyens de communications mis en œuvre. » La communication d'une action de parrainage contribue indirectement à promouvoir la vente de produits car elle est de nature à donner au consommateur un motif spécifique à l'acte d'achat. En achetant les produits concernés, le consommateur croit contribuer lui-même à la réussite de l'action de l’organisme bénéficiaire. 


Du moment que l’activité de parrainage n’est pas interdite par la loi, la publicité qui y est afférente n’est pas interdite en vertu de l’article 36 de la même loi. La Cour de cassation française a estimé que l’opération ne constitue pas un acte de concurrence déloyale (Cass. com., 30 juin 1998, no 19.401, SEFRB et CEREDAP c/ L'Oréal).


Selon l’article 36 de la loi de 1998, « l’annonceur doit être en mesure de prouver l’exactitude des allégations, indications ou présentations annoncées. » L’article 13 de la loi 1992 interdit quant à lui toute publicité pour des produits comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations ou indications fausses ou de nature à induire en erreur... » Ainsi, la publicité commerciale ne doit être ni mensongère ni trompeuse. 


Le terme exactitude a un sens fort de correspondance à la réalité des choses. La publicité ne doit pas être mensongère. Le respect de cette condition doit amener l’entreprise à aménager les moyens de preuve de l’exactitude. Il faut tenir compte qu’il peut exister divers canaux de publicité véhiculant chacun un message publicitaire propre. Tous doivent être exacts. 


On communique, dans le cas d’une opération produit-partage, à propos d’un engagement financier auprès de certains organismes sans but lucratif. L’engagement du parrain est dans la majorité des cas plafonné mais il n’apparait pas en tant que tel dans le message publicitaire. En effet, en s’adressant au public des consommateurs, pendant une période donnée, le parrain s’engage à prélever une certaine somme sur chaque produit vendu mais sans dire jusqu’à quel montant l’accord est établi. L’engagement pris vis-à-vis du consommateur cible n’est pas indiqué en valeur absolue, même si le produit concerné est indiqué d’une manière précise. 


La publicité ne peut être considérée comme exacte que si le parrain est capable de fournir les moyens de preuve de la véracité de son allégation relative à l’engagement pris. Ce sont les éléments tirés de la comptabilité qui vont faire ressortir le volume des ventes effectuées pour le produit considéré pendant la période de publicité. 


Le parrain est amené à arrêter la campagne de communication quand le montant des prélèvements à effectuer atteint le budget alloué aux organismes concernés. 


La dernière remarque relative à la cessation de la publicité quand le montant du budget alloué sera atteint, nous amène à réfléchir à cette circonstance que la communication publicitaire sur l'action de parrainage est véhiculée par des stickers apposés sur l'emballage des produits. Or la durée de commercialisation des produits sur le marché peut se prolonger dans le temps avec des taux de rotation différents selon les régions. Il est par exemple possible que des consommateurs résidents à Kebili continuent à trouver sur le marché des produits portant des stickers annonçant l'engagement de parrainage alors que le volume des ventes dans d'autres zones permet déjà de couvrir le montant budgétisé. Ce risque résiduel est inévitable. La précaution à prendre est d'imprimer et d'apposer un nombre de stickers correspondant au volume de vente global nécessaire au financement du budget alloué. 


L'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARRP) en France préconise que le message publicitaire intègre le nom de l'organisme bénéficiaire et la destination des fonds sollicités. Lorsque le montant des fonds ne peut être clairement défini en amont, elle recommande qu'une estimation ou que les éléments servant de base au calcul de cette somme soient mentionnés dans la publicité de l'entreprise. 

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