mercredi 19 février 2020

MARCHES PUBLICS L’ATTESTATION SUR LA SITUATION FISCALE



MARCHES PUBLICS
L’ATTESTATION SUR LA SITUATION FISCALE


1. - L’art. 110 (nouveau) du Code des droits et procédures fiscaux, tel que modifié par l’article 32 de la loi n° 2017 – 66 du 18 décembre 2017 portant loi de finances pour l'année 2018 dispose que « la participation aux marchés, concessions et enchères publiques de l'Etat, des collectivités locales, des établissements et entreprises publics et organismes soumis au contrôle de l'Etat est exclusivement réservée aux personnes ayant déposé toutes leurs déclarations fiscales non prescrites et échues avant vingt jours, au moins, de la date limite fixée pour la présentation des offres, en cas d'appel à la concurrence, ou de la date de présentation de l'offre, en cas de procédure de consultation ou de négociation directe, ou de la date fixée pour les enchères. La participation aux appels d'offres relatifs à l'octroi des contrats de partenariat public privé est également, exclusivement réservée aux personnes ayant déposé toutes leurs déclarations fiscales non prescrites et échues avant vingt jours, au moins, de la date limite fixée pour la présentation des offres. La participation aux appels d'offres relatifs à l'octroi des contrats de partenariat public privé est également, exclusivement réservée aux personnes ayant déposé toutes leurs déclarations fiscales non prescrites et échues avant vingt jours, au moins, de la date limite fixée pour la présentation des offres. » Dans sa version antérieure[1], le texte réservait cette attestation à la seule participation aux seuls marchés publics suite d’un appel d’offres[2]. Le  décret gouvernemental n°722 du 20 juin 2016, portant fixation des conditions et des procédures d'octroi des contrats de partenariat public-privé, a toutefois comblé la lacune de l’article 110 en prévoyant que les documents administratifs constituant le dossier de présélection comprennent notamment une attestation fiscale décrivant la situation fiscale du candidat pour les résidents et valide jusqu’à la date limite de réception des candidatures. 

L’administration fiscale a publié une note commune (n°13/2018 du 13/2/2018) portant commentaires de la nouvelle rédaction de l’article 110 à laquelle nous renvoyons[3]

2. - Le Site Internet L’Information et la Communication Administrative (SICAD) [4] nous renseigne que la demande d’attestation est présentée au bureau de contrôle des impôts dont relève le requérant et que l’attestation est remise au requérant dans un délai de deux jours à partir de la date de dépôt de toutes les pièces du dossier. Néanmoins un rapport de la Banque Mondiale, datant de mai 2014,a relevé « que les sociétés qui voulaient obtenir un marché public pouvaient être empêchées de concourir par l’administration fiscale qui avait la latitude de retarder l’émission du certificat qui prouvait que ladite société est en règle (donc que sa situation fiscale est en conformité) avec le fisc. Plusieurs répondants ont noté que l’administration fiscale pouvait prendre beaucoup de temps pour émettre les certificats en question surtout dans le cas des entreprises qui avaient pris la liberté de critiquer ses décisions. »[5]

3. - La participation à un contrat public signifie le dépôt d’une offre nécessaire à la formation d’un contrat public. 

4. - La participation est soumise aux conditions fixées par le cahier des charges et portée à la connaissance des candidats dans l’avis à l’appel d’offres. Ces conditions doivent permettre à l’acheteur public de s’assurer au préalable, au vu des pièces justificatives exigées de la capacité juridique du candidat, de sa situation au regard de certaines obligations légales, de ses moyens et ses compétences professionnelles. Or l’une des justifications requises par la loi est de produire une attestation de régularité de la situation fiscale. Celle-ci s’entend doublement : présentation des déclarations fiscales et paiement des sommes exigibles au titre de ses déclarations. 

5. -La preuve de la régularité de la situation fiscale est apportée moyennant la production d’un certificat délivré par la recette des finances compétente. 

6. -La commission d'appel d'offres est tenue de rejeter les candidatures ne comportant pas les pièces mentionnées à l’article 56 du décret de 2014 ou comportant des pièces non signées. 

7. - En principe, les pièces justificatives doivent être fournies au moment du dépôt de l’offre. Néanmoins en vertu de l’alinéa dernier de l’art. 56 du décret de 2014, « toute offre ne comportant pas les pièces suscitées ainsi que toute autre pièce exigée par les cahiers des charges sera éliminée à l'expiration d’un délai supplémentaire éventuellement accordé aux soumissionnaires par la commission d’ouverture des offres conformément aux dispositions de l’article 60 du présent décret à l’exception du cautionnement provisoire dont la non présentation constitue un motif de rejet d'office.»

8. - Le délai de régularisation est facultatif pour la commission d’ouverture des offres. Le délai de régularisation qu’elle accorde n’est pas plafonné mais on estime qu’il ne peut être postérieur à la date d’ouverture de plis[6]. Par ailleurs, le délai ne peut être prorogé ou renouvelé. Plus généralement, la Cour de justice de l'Union européenne a précisé que « le principe d'égalité de traitement doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'un pouvoir adjudicateur demande à un candidat, après l'expiration du délai imparti pour le dépôt des candidatures à un marché public, la communication de documents descriptifs de la situation de ce candidat », sous réserve que les documents demandés sont antérieurs à la date de dépôt des candidatures (tel en l'espèce, le bilan), que le règlement de la consultation n'ait pas exclu une telle possibilité de régularisation, et que la demande de complément ne favorise ou défavorise pas le candidat concerné. »[7]

9. - Si le candidat ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. 

10. - Si l'acheteur ne peut admettre de candidatures incomplètes, sans doute est-il aussi appelé à un devoir de vigilance quant à la sincérité ou l'authenticité des informations transmises. Ainsi le Conseil d'État français a considéré que des informations erronées ne devaient pas permettre l'attribution du marché au candidat en tort. 

11. – Le juge administratif français a estimé que « l’acheteur public n’a pas préalablement à la conclusion d'un marché, l'obligation de contrôler que l'entreprise adjudicataire remplit effectivement les conditions énumérées à l'art. 52, relatives à la régularité de sa situation au regard de ses obligations fiscales et sociales. »[8] Cette jurisprudence est pourtant rendue en présence d’un texte légal qui n’exige du candidat que de produire « une attestation établie par lui sous sa responsabilité, comportant la mention du numéro d'immatriculation de tous les établissements de l'employeur à la sécurité sociale et certifiant qu'il a satisfait, pour la totalité des impôts et des cotisations dus aux adresses de ces divers établissements, à l'ensemble des obligations rappelées à l'art. 52. »[9]Si la solution est retenue par le juge français c’est parce que l’acheteur public français communique aux administrations concernées les certificats établis par le candidat. C’est un système différent qui est retenu en Tunisie mais dont les résultats sont équivalents. L’art 110 du Code des droits et procédures fiscaux exige la remise d’une attestation établie par les services de l’administration fiscale. L’acheteur public est ainsi épargné de tout contrôle d’autant plus qu’il ne maîtrise pas les données fiscales et le contrôle risque d’être long. 

12. – Si l’acheteur public n’a pas en principe d’obligation de vérification de la régularité de la situation fiscale, est-il tenu de le faire quand un autre candidat attire son attention sur la question en communiquant des données précises sur le caractère erroné de l’attestation administrative ? 

13. - A notre sens quand bien même l’acheteur public ait reçu d’un concurrent une copie de certains documents extraits du système d’information de l’administration fiscale sur la situation fiscale d’un soumissionnaire de nature à remettre en cause la teneur des déclarations figurant dans l’attestation administrative, il est difficile d’exiger de l’acheteur public qu’elle accomplisse des diligences pour vérifier ou demander des renseignements auprès du candidat intéressé. En effet, l’apparente régularité de l’attestation fiscale et sa signature ne sont pas remis en cause par des documents produits par le concurrent. Pour qu’il en soit autrement, le candidat évincé doit avoir justifié auprès de l’acheteur public d’une part de la possession régulière des documents qu’il produit,car l’accès au système d’information de l’administration fiscale est protégé par le secret professionnel, et d’autre part le caractère régulier des documents. 

14. – Un candidat en situation de concurrence avec un soumissionnaire peut cependant solliciter une expertise judiciaire sur la situation fiscale de ce dernier à la date de la remise de son offre. 




[1]L’article 110 est une reprise de l’ancien article 89 du code de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de l'impôt sur les sociétés. 


[2]L’art. 56 du décret n°2014-1039 du 13 mars 2014 portant réglementation des marchés publics, rappelle l’obligation légale en y ajoutant l’attestation de solde délivrée par la CNSS, un certificat d’agrément du ministère de l’équipement pour les entreprises de travaux et un certificat de non-faillite. 


[3]http://www.impots.finances.gov.tn/images/nc1318fr.pdf


[4]http://www.sicad.gov.tn/Fr/Prestation_Attestation-de-situation-fiscale-pour-la-participation-a-des-marches-publics_57_27_D419


[5]La Révolution Inachevée, Créer des opportunités, des emplois de qualité et de la richesse pour tous les Tunisiens, May 2014, Revue des politiques de développement, p. 123. 


[6] CE., 7ème et 5ème sous-sections réunies 14-03-2003 n° 251610, Lebon 2003. 


[7]CJUE 10 oct. 2013, Ministeriet for Forskning c/ Manova A/S, aff. C-336/12, AJDA 2013. 2307, chron. M. Aubert, E. Broussy et H. Cassagnabère ; Contrats, Marchés publ. 2013, no 309, note W. Zimmer. 


[8]Conseil d'Etat 4e et 1re s.-sect. Réun, 24-09-1990, n° 78719, Dalloz 1991, obs. Philippe Terneyrep. 186. 


[9]Le législateur français a substitué au système de déclaration sur l'honneur la production de certificats attestant la régularité de la situation fiscale et sociale des candidats. Il rejoint ainsi le droit tunisien.

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