mardi 25 octobre 2016

La déclaration à la suite d’une saisie-arrêt. Les conséquences d’une omission

La déclaration à la suite d’une saisie-arrêt
Les conséquences d’une omission


Un créancier peut, sur autorisation du président du tribunal ou en vertu d’un jugement, même non exécutoire, pratiquer une saisie-arrêt des sommes d’argent ou des biens meubles appartenant à son débiteur et se trouvant entre les mains des tiers.

La saisie-arrêt à un double effet : l’un conservatoire, se manifestant par le gel chez le tiers saisi des avoirs ou biens revenant au débiteur ; l’autre exécutoire où le juge autorise, à la fin de l’action en validation de la saisie-arrêt, le tiers saisi à remettre les sommes d’argent ou les biens meubles saisis au créancier saisissant. Les sommes d’argent sont directement appliquées par le créancier au paiement de sa créance, mais les biens meubles doivent être vendus aux enchères par un huissier de justice.

Le tiers saisi, que le créancier fait intervenir à l’action en validation, a une obligation légale de faire une déclaration, exacte et appuyée, au greffe du tribunal des sommes ou biens meubles dont il peut être redevable envers le débiteur saisi. Il n’échappe pas à l’obligation de déclaration quand bien même il n’est redevable d’aucune somme ou bien. On dira, dans ce dernier cas, qu’il fera une déclaration négative.

Le défaut de déclaration, en première instance ou la déclaration mensongère ou incomplète, est sévèrement sanctionnée puisque la loi permet au créancier saisissant de demander au tribunal de déclarer le tiers saisi débiteur ni plus ni moins des sommes pour lesquelles la saisie-arrêt a été effectuée. Le fondement de la condamnation du tiers saisi est la faute délictuelle. Peu importe en droit si elle est intentionnelle ou non intentionnelle. Les banques sont souvent les destinataires privilégiées des saisies-arrêts et il leur arrive, souvent, d’être condamnées ni plus ou moins suite à une omission de déclaration. C’est là une aubaine pour le créancier saisissant qui trouve un meilleur répondant que son débiteur insolvable. Le risque de non-paiement échoit, dans ce cas, sur la banque qui ne peut exercer utilement son recours en remboursement contre le débiteur.

La sévérité de la loi à l’égard du tiers saisi défaillant est tempérée par la possibilité qui lui est donnée de faire appel et, à l’occasion, de présenter la déclaration manquante. Mais pour cela il doit justifier d’un « motif légitime ». C’est ce concept flou qui soulève une difficulté juridique.

Les tribunaux n’acceptent d’exonérer le tiers saisi que si le motif invoqué est sérieux (Cass. 36314 du 5/4/1995 Bull. Civ. 1, 1995, p. 160), mais là on ne fait que remplacer une notion floue par une autre. Comme pour souligner l’exigence du caractère sérieux du motif invoqué on ajoute que la « simple omission » n’est pas suffisante. C’est toujours une tournure rhétorique qui est employée par les tribunaux et non une analyse proprement juridique.

Dans un arrêt (Cass. 42179 du 1/12/1998, Bull. Civ. 1, 1998, p. 283), la Cour de cassation a admis que le tiers saisi puisse soulever des moyens nouveaux en appel à l’instar du débiteur saisi, et par voie de conséquence, il peut présenter la déclaration manquante en appel. Une telle motivation n’est pas totalement exacte puisque la loi exige que le tiers saisi justifie d’un motif légitime expliquant sa défaillance en premier degré. L’arrêt cité est rendu à propos d’une banque qui a présenté sa déclaration à un juge de différent de celui qui est réellement saisi de l’action en validation. Elle aurait pu dire que, dans un tel cas, la banque justifie d’un motif légitime lui permettant de se rattraper en appel.

La Cour de cassation (Cass. 17865 du 8/5/1991, Bull. 1991, 1, p.38) n’accepte pas comme motif légitime que le tiers saisi invoque le défaut de connaissance de la procédure. Il est vrai que nul n’est censé ignoré la loi, mais surtout, l’exploit de la saisie-arrêt comporte, comme condition de validité, un rappel de la teneur de la règle légale imposant la déclaration légale et la sanction de l’omission.
Dans un arrêt (Cass. 24062 du 15 avril 2003, Bull. Civ. 2003, 1, p. 324), la Cour de cassation déclare que le motif légitime est tout motif établissant la bonne foi du tiers saisi. Certes la complicité du tiers saisi est exclusive de tout motif légitime, mais le défaut de l’argument est d’opérer un renversement de la charge de la preuve. Le tiers saisi est toujours présumé de bonne foi jusqu’à preuve du contraire dont la charge incombe au tiers saisissant.

Dans un autre arrêt (Cass. 5673 du 2/11/2006, Bull. Civ. 2006, 1, p. 292) la Cour de cassation évoque les circonstances extérieures (retard du courrier postal) à la volonté du tiers saisi et l’ayant empêché de produire sa déclaration dans les délais légaux.


A notre sens, on ne peut se passer d’une analyse juridique serrée de la nature de l’obligation du tiers saisi. Elle seule peut nous donner un critère opérationnel de la notion de motif légitime autorisant une déclaration en appel. Nous tentons ici une idée que nous croyons féconde. Le tiers sais est tenu de faire une déclaration au tribunal. Ce faisant il accomplit (ou doit accomplir) un acte juridique au sens de l’article 2 du Code des obligations et des contrats, c’est-à-dire une déclaration (unilatérale) de volonté destinée à produire un effet de droit. Or dans tout acte juridique, on exige pour sa validité, qu’il émane d’une une volonté libre et éclairée (art. 42). Lorsque le consentement du tiers saisi est vicié par erreur de fait, de droit ou sur la personne, il peut se rattraper en appel et invoquer un motif légitime l’ayant conduit à se tromper sur la teneur de la déclaration ou l’ayant même empêché de la faire (erreur invincible). Le tribunal apprécie d’une manière concrète l’existence du vice de consentement allégué. 

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