vendredi 25 septembre 2015

Les récentes grèves dans les services publics de la santé et de l’enseignement

Les récentes grèves 

dans les services publics de la santé et de l’enseignement


Les agents de la santé publique ont observé une grève les 11 et 12 juin dernier, la troisième en deux mois et qui intervient après deux grèves sectorielles le 28 et 29 avril 2015, et les 20,21 et 22 mai 2015. La commission administrative sectorielle de la santé relevant de l’UGTT a par la suite décidé l’organisation d’une ‘’grève administrative’’ du 22 au 27 juin, suivie d’une grève sectorielle le 9 et 10 juillet dans tous les établissements hospitaliers publics. Cette décision intervient en signe de protestation contre les retenues effectuées sur les traitements pour les jours de grève, mesure que certains syndicalistes qualifient de ‘’pénalisante’’, ‘’provocatrice’’, ‘’unilatérale’’ et ‘’portant atteinte au droit à la grève’’. 

La ‘’grève administrative’’ signifie, selon le syndicat, que les usagers pourront bénéficier, contrairement à ce que prévoient les règlements (Décret n° 98-409 du 18 février 1998), de la gratuité des consultations et des soins, tout au long de la période de grève. Suivie pendant deux jours, la ‘’grève administrative’’ a été suspendue le 24 juin. Une enquête préliminaire semble être ouverte contre certains agents sur initiative propre du ministère public (Journal Assabah 24 juin 2015). Dans un communiqué daté du 19 juin 2015, le ministère de la santé considère que ‘’cette décision n’est pas légale et que son impact sur les recettes des établissements hospitaliers sera important.’’

Les enseignants des établissements publics d’enseignement du secondaire et du primaire ont déclenché à leur tour des grèves. Ceux du primaire ont aussi appelé à une ‘’grève administrative’’ qui laisse entendre que les instituteurs boycottent toute activité autre que l’enseignement, notamment ils ne font pas passer les examens du troisième semestre. La ‘’grève administrative’’ a eu lieu comme tout le monde sait, mettant en échec le système d’évaluation scolaire habituel. Les parents d’élèves ne voient pas d’un bon œil la grève des enseignants du secondaire (http://www.leconomistemaghrebin.com/2015/02/16/). Par arrêté en date du 10 juin 2015, le ministre de l’éducation a décidé, à titre exceptionnel pour l’année scolaire 2014-2015, que ‘’tous les élèves des écoles primaires inscrits aux établissements d'enseignement publics accèdent au niveau supérieur’’. La Fédération générale de l’enseignement de base a agi en nullité dudit arrêté devant le Tribunal administratif et a présenté à son Premier président une requête en sursis à exécution qui fut rejetée pour défaut d’intérêt (Ordonnance n°418620 du 29 juil. 2015, journal Hakaekonline, le 6 août 2015). Les syndicats menacent de boycotter la prochaine rentrée scolaire.

Ces grèves dans les services publics de la santé et de l’enseignement interpellent le juriste surtout qu’elles interviennent après la promulgation de la nouvelle Constitution du 27 janvier 2014. Trois questions seront brièvement évoquées dans cette chronique : le droit des fonctionnaires à faire grève (1), la notion de ‘’grève administrative’’ rapprochée avec celle de grève (2) et le droit de l’administration de faire des retenues sur le traitement normalement dû aux grévistes (3).

1) Le droit de grève des fonctionnaires


a) Un droit à valeur constitutionnelle. La nouvelle Constitution de 2014 a mis fin à un débat qui avait agité la doctrine tunisienne. Il s'agissait de savoir si les fonctionnaires pouvaient régulièrement faire grève. Une réponse négative était traditionnellement avancée sur la base, à la fois, du principe de droit administratif de la continuité du service public (Yadh Ben Achour, Droit administratif, 3e éd. CPU 2010, p. 361) et de l’article 107 du Code pénal (CP) qui réprime de l'emprisonnement pendant deux ans ‘’le concert, arrêté entre deux ou plusieurs fonctionnaires ou assimilés en vue de faire obstacle par voie de démission collective ou autrement, à l'exécution des lois ou d'un service public.’’ ‘’Cette disposition, poursuit l’alinéa 2 du même article, ne fait pas obstacle à l'exercice, par les agents publics, du droit syndical, pour la défense de leurs intérêts corporatifs dans le cadre des lois qui le réglementent’’. L’article 107 CP a un champ d'application large puisqu’il vise les fonctionnaires et assimilés dont la définition est donnée à l’article 82 CP.

Le Doyen Abdelfatteh Amor (La reconnaissance du droit de grève dans les services publics en Tunisie, Mélanges René Chapus, LGDJ, 1992, p. 39 et notamment p. 53), usant d’un raisonnement a contrario à partir des statuts particuliers édictés en application de l'article 2 du statut général de la fonction publique (Loi n°83-112 du 12 déc. 1983) et refusant expressément à certaines catégories de fonctionnaires le droit de grève, soutient l’idée que la grève n’est pas interdite pour les autres fonctionnaires. Il n'y aurait ni infraction pénale, ni faute disciplinaire à faire grève.

M. Neji Baccouche (La répression pénale et disciplinaire dans la fonction publique, CREA, Tunis 1990, p. 64) est d’un avis contraire en récusant le raisonnement a contrario surtout que l’article 107 CP n’a pas été expressément abrogé. Il est, en effet, tout à fait incongru qu’un texte infra-légal (un statut particulier étant promulgué par décret), puisse servir à un raisonnement a contrario pour déroger à une règle légale expresse (art 107 CP) ou à un principe général de droit (continuité du service public) ayant la même valeur juridique qu’un texte de loi.

Le Tribunal administratif s'est rangé derrière les auteurs favorables au droit de grève des fonctionnaires (TA. 1153 du 18 avr. 1986 cité par Abdelfattah Amor op.cit. ; TA n°1195 27 mars 1987 rec. 1975-1993, p. 179 ; TA 2 mai 1990 cité par Amel Aouij-Mrad cité infra). ‘’Si la grève est explicitement interdite pour certains corps de fonctionnaires, par contre, elle est permise pour les autres corps à la condition de s’exercer dans le cadre de la réglementation en vigueur.’’ Une auteure (Amel Aouij-Mrad, Droit des services publics, ENA, 1998, p. 74) estime que cette jurisprudence est réaliste et raisonnable. Il fallait, peut être, lire plus attentivement la fin de l’attendu de la décision du Tribunal administratif qui exige que le droit de grève soit exercé dans le cadre de la règlementation en vigueur. Or celle-ci fait justement défaut si l’on considère que le Code du travail a un domaine d’application limité aux relations privées de travail alors même qu’il s’applique aux entreprises publiques (art 1er).

La Constitution de 2014 clos le débat sur le principe du droit de grève dans les services publics. Elle donne d’une part, au droit de grève une valeur constitutionnelle et élargit d’autre part, le cercle des titulaires. Elle a énoncé, dans une rédaction large, à l’alinéa 1er de l’article 36 que ‘’Le droit syndical est garanti, y compris le droit de grève.’’ Strictement entendu, cet alinéa fait une distinction conceptuelle entre le droit syndical et le droit de grève. Cette distinction est faite en écho à l’article 8 al. 2 de la constitution du 1er juin 1959 qui ne se prononçait qu’à propos du droit syndical en le garantissant. Les employés de quelque secteur qu’ils soient pouvaient s’organiser en syndicats pour la défense de leurs droits professionnels. Mais cela n’impliquait en rien reconnaissance de la valeur constitutionnelle du droit de grève.

L’alinéa 1er de l’article 36 de la Constitution de 2014 est complété par deux autres sur proposition faite en assemblée plénière de la constituante par certains députés. En vertu de l’alinéa 2, l’armée nationale se voit dénier le droit syndical avec son corollaire le droit de grève et en vertu de l’alinéa 3, les forces de sécurité intérieure se voient refuser le droit de grève seulement.

b) Un droit constitutionnellement aménagé. La question reste cependant posée de savoir si le droit de grève est absolu. L’article 36 de la Constitution doit être complété par l’article 49, applicable à tous les droits et libertés, selon lequel ‘’la loi détermine les restrictions relatives aux droits et libertés garanties par la présente constitution, et à leur exercice, sans que cela porte atteinte à leur essence. Ces restrictions ne peuvent être décidées qu’en cas de nécessité exigée par un Etat civil et démocratique et dans l’objectif de protéger les droits d’autrui, la sécurité publique, la défense nationale, la santé publique ou la morale publique en respectant le principe de la proportionnalité des restrictions à l’objectif recherché.’’ (Vers une nouvelle ère dans la protection des droits fondamentaux en Tunisie : La mise en œuvre de l’article 49, Rapport d’un séminaire tenu à Gammarth les 27 et 28 novembre 2014, avec la participation d’experts nationaux et internationaux. Rapport élaboré par le Programme des Nations Unies pour le Développement en TUNISIE (PNUD), en collaboration avec l’Institute for Democracy and Electoral Assistance (IDEA) et Democracy Reporting International (DRI) http://democracy-reporting.org/files/rapport_article_49_1.pdf. Le droit de grève risque, en effet, d’entrer en conflit avec d'autres principes constitutionnels auquel cas la loi devrait les concilier. Le Conseil constitutionnel français a reconnu que ‘’le droit constitutionnel de grève pouvait être mis en balance avec d’autres principes à valeur constitutionnelle, comme la continuité du service public rattachée à la continuité de l’Etat, la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens ou le principe d’égalité’’ (Philippe Terneyre, Grève dans les services publics, Rép. trav. Dalloz, sept. 2008, n°72 ; Pierre-Yves Gahdoun, Les aléas du droit de grève dans la constitution, Droit social 2014, p. 349 et s). 

En principe, il appartient au législateur de fixer les limites du droit de grève. Il agira sous le contrôle du juge constitutionnel. On peut se demander si, pendant cette période délicate d’agitation sociale que connaît la nouvelle Tunisie, l’ARP est politiquement en mesure de voter une loi encadrant le droit de grève des fonctionnaires. En raison du vide législatif actuel, il appartient à l'autorité administrative, responsable de l’ordre public et de l’organisation et du fonctionnement du service public, de réglementer la grève dans le secteur public. ‘’Sa compétence est supplétive de la carence du législateur’’ (Philippe Terneyre, op. cit.) Il est bien évident qu’elle reste soumise au contrôle du juge administratif (CE Ass. 7 juil. 1950, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 12e éd, p. 436). Mais qu’est-ce qu’une grève et une ‘’grève administrative’’?

2) Grève et ‘’grève administrative’’


a) Une définition implicite de la grève. Il ne faut pas s’attendre à ce que la constitution nous donne la définition de la grève. Rare ou jamais la constitution définit les notions qu’elle emploie.

On peut penser emprunter la définition donnée en droit privé du travail. Ceci est d’autant plus légitime que la grève ne doit pas avoir un sens différent selon qu’elle est poursuivie par des travailleurs employés dans le secteur privé ou par des fonctionnaires employés dans le secteur public.

En réalité, le Code de travail (CT), régissant la grève dans le secteur privé, omet de donner une définition de la notion. On peut faire un effort définitoire en combinant plusieurs règles. Ainsi d'abord l’article 92 régit la question de la récupération d’heures de travail par suite d’une interruption de travail résultant d’une grève. Ensuite, l’article 376 exige qu’il soit donné un préavis de grève, approuvé par la centrale syndicale, indiquant la date d’entrée en grève et sa durée. Enfin, l’article 388 interdit l’occupation des lieux pendant la grève. Ces divers éléments permettent d’avancer cette définition que ‘’la grève est une interruption collective pure et simple d’activité en vue de la défense d’intérêts économiques et professionnels.’’ C’est la définition habituelle que donne la Cour de cassation française en l’absence d’une définition dans le Code de travail français (Cass. soc. 3 juill. 1986 1987. Somm. 205 obs. M.-A. Rotschild-Souriac).

b) La ‘’grève administrative’’ n’est pas une grève. La définition que nous avons proposée de la grève permet de dire si la ‘’grève administrative’’ est une grève au sens juridique du terme, avec toutes les conséquences qui découlent de son régime juridique.

Une réponse négative s’impose sans nul doute. La ‘’grève administrative’’ n’est pas une cessation de travail, mais exécution d’un travail d’une manière non-conforme. Ainsi quand, le personnel de santé décide de donner des soins aux usagers sans qu’ils aient à justifier du paiement des redevances réglementaires, comme l’exigent les instructions données par l’employeur, il n’y a pas juridiquement une cessation de travail, c’est-à-dire une grève (Compr. Cass. Soc 16 mars 1994 D. 1994. 364, note Y. Saint-Jour, rendu à propos d’un contrôleur de la SNCF ‘’travaillant’’ sans vérifier les titres de transport). La même remarque vaut pour les enseignants qui décident de dispenser des cours, mais refusent de faire passer aux élèves les examens. Juridiquement, de telles pratiques sont considérées comme un « refus d’exécuter le service conformément aux prescriptions de l’autorité hiérarchique, sans qu’il y ait pour autant cessation du travail ». Quelle conséquence peut avoir une grève et une ‘’grève administrative’’ sur le traitement normalement dû au fonctionnaire ?

3) Les retenues sur traitement pour fait de grève et ‘’grève administrative’’


a) Le principe du trentième indivisible en cas de grève. L'administration a-t-elle droit de retenir une partie du traitement dû au fonctionnaire qui interrompt son activité en faisant grève ? La retenue est-elle obligatoire ? Comment calculer son montant ?

En vertu de l’article 13 de la loi n°83-112, les agents publics ont droit, ‘’après service fait’’, à une rémunération. La notion de service fait est également exprimée à l'article 126 du Code de la comptabilité publique (CPP). ‘’Est normalement en service l'agent public qui se trouve durant le temps du service, dans le « lieu du service » et utilise les moyens du service, et ce, normalement en vue d'exercer sa fonction’’ (Stéphane Guérard et alias, Encyclopédie des collectivités locales, Chapitre 5 (folio n°10352) - Les rémunérations, Dalloz, n°6). La grève étant une interruption d’activité du fait du fonctionnaire, elle doit donner lieu, comme dans le cas d’une absence individuelle (TA n°1310 du 18 juin 1986), à une retenue sur le traitement pour service non-fait. Le principe de la retenue, contrairement à ce que soutiennent les syndicats, ne porte pas atteinte au droit de grève. ‘’La retenue n'a pas un caractère disciplinaire et l'agent, qui en fait l'objet, ne bénéficie donc pas des garanties attachées à une procédure disciplinaire. Mais elle ne doit pas être utilisée par comme un « substitut de sanction disciplinaire » pour réprimer toutes les actions commises par les agents durant une grève.’’ (Stéphane Guérard et alias, op. cit. n°43)

Les syndicats cherchent à négocier des accords avec l’administration en vue de ne pas effectuer les retenues. En droit strict, de tels accords sont illicites et susceptibles d’annulation par le juge administratif (CAA Douai, 21 juin 2007, AJFP 2007 p. 312) ‘’Le paiement des jours de grève, qui est une pratique assez courante s'inscrivant dans la logique des négociations relatives à l'issue du conflit, est surtout une pratique illégale : en l'absence de service fait, l'autorité compétente n'a aucun fondement pour payer légalement un agent.’’ Le paiement irrégulier du traitement peut donner lieu à restitution.

Le calcul du montant de la retenue se fait, en principe, avec la règle du trentième indivisible exprimée à l’article 96 CCP. ‘’Autrement dit, la grève pendant une fraction quelconque de la journée donne lieu à une retenue égale à un trentième du traitement mensuel’’ (Fabrice Melleray, Les retenues pécuniaires pour fait de grève dans les services publics, AJDA 2003, p. 1648).

Des difficultés particulières surgissent dans le cas spécifique des enseignants et du personnel de santé.

Prenons l'exemple d’un enseignant dont le temps de service n’est pas continu. Le Conseil d’Etat français a estimé qu’‘’en cas d’absence de service pendant plusieurs jours consécutifs, le décompte des retenues à opérer sur le traitement mensuel d’un agent public s’élève à autant de trentième qu’il y a de journées comprises du premier jour inclus au dernier jours inclus où cette absence de service fait a été constaté, même si, durant certaines de ces journées, cet agent n’avait, pour quel cause que ce soit, aucun service à accomplir’’ (CE 7 juil. 1978, Rec. CE 1978, p. 304). Dans une autre décision, le même Conseil d’Etat estime que ‘’les personnels enseignants bien que n’ayant aucun cours à assurer devant les élèves le jour de la grève, ont manifesté leur volonté de s’associer au mouvement de cessation concertée du travail organisée dans leur établissement peuvent légalement être regardés comme n’ayant pas accompli de service pendant toute la durée de ladite grève’’ (CE 6 mai 1988, AJDA, 1988, p. 585, chron. Michel Azibert et Martine Boisdeffre).

Ou encore l’exemple emprunté à M Fabrice Melleray (op. cit.) d’un personnel de santé ayant un service se déroulant entre 20 heures et 6 heures du matin et qui s’associe à une grève ayant lieu durant une journée civile ‘’n’’ en arrêtant le travail le jour ‘’n’’ à 0 heures et en reprenant le travail le jour ‘’n + 1’’ à 0 heures. Le Conseil d’Etat français considère qu’il convient d’opérer une retenue correspondant à deux jours de grève (CE Ass. 15 fév. 1980, AJDA 1980, p. 282 chron Yves Robineau et Marc-André Feffer).

En réalité, s’il y a lieu de discuter la question des retenues sur les rémunérations, c’est au niveau de leur mode de calcul et non au niveau de leur principe. La commission administrative de l’UGTT a appelé à la révision de la législation qui régit les prélèvements (http://www.leconomistemaghrebin.com/2015/05/22/). L’article 49 de la Constitution de 2014 exige que les restrictions au droit de grève respectent le principe de la proportionnalité. ‘’La règle du trentième indivisible s’éloigne évidemment d’une logique de stricte proportionnalité entre la retenue et l’absence de service fait dans un sens défavorable aux grévistes’’ (Fabrice Melleray, op. cit.). Le juge constitutionnel français a refusé de censurer la règle du trentième indivisible en estimant que ‘’pour les personnels de l’Etat et des établissements publics de l’Etat à caractère administratif, la retenue sur traitement s’analyse en une mesure de portée comptable et n’a pas, par elle-même, le caractère d’une pénalité financière.’’ (DC du 28 juil. 1987, Chron. Cons., Pouvoirs n°44, p. 186). On se demande si telle sera la position du juge administratif tunisien en présence d’un texte exprès de la constitution exigeant le respect de la règle de la proportionnalité.

b) Le cas de la ‘’grève administrative’’. Il va sans dire que l’exécution défectueuse des obligations nées du service caractérise une faute professionnelle (art. 6 de la loi 83-112). Elle peut faire l’objet de sanction disciplinaire. On peut même craindre que la ‘’grève administrative’’ poursuivie par les agents de la santé ne tombe, en raison de ses effets financiers négatifs, sous le coup de la loi pénale comme l’avait soutenu le ministre de la santé dans une note datée du 20 juin 2015 adressée au directeur des établissements publics de santé et faisant référence aux articles 96 et 107 CP. D’ailleurs l’un des journaux quotidiens rapporte qu’une ‘’enquête était ouverte contre 6 agents de la santé publique à Sfax suite à leur participation à la grève administrative’’.

Sur un autre plan, on peut se demander si une retenue sur traitement doit également s’opérer en cas de ‘’grève administrative’’. La notion de service non-fait englobe-t-elle le service mal fait ?

En l’absence d’un texte exprès, nous sommes d’avis de retenir une conception restrictive de service fait et de son opposé du service non-fait. La retenue sur salaire pour une activité mal faite s’apparente à une mesure disciplinaire. Or, l’art 51 (nouveau) de la loi 83-112 donne un caractère limitatif aux sanctions disciplinaires et ne prévoit pas des réductions ou des retenues pécuniaires. C’est d’ailleurs dans ce sens que s’est prononcé le Conseil d’Etat français. ‘’Le fait pour des professeurs d'avoir, en application de consignes syndicales, refusé d'accueillir plus de vingt cinq élèves dans une classe n'est pas assimilable à une cessation de travail dès lors que les intéressés ont assuré un enseignement pendant la totalité des heures qui leur étaient imparties. L'article 4 de la loi du 29 Juillet 1961 n'étant pas applicable, illégalité des retenues opérées sur le traitement des intéressés.’’ (CE 20 mai 1977, Recueil Lebon)

Il est peut être utile de rappeler que l’irresponsabilité pécuniaire de l’agent pour grève illégale ne fait pas obstacle à la responsabilité civile du syndicat professionnel ayant été à son origine. La jurisprudence française admet déjà la responsabilité des syndicats pour mouvements illicites (Cass. soc. 26 janv. 2000, D. 2000, p. 67) et pour faits illicites commis à l’occasion d’une grève (Cour de cassation, soc. 17 juil. 1990, D. 1990. p. 200) lorsqu’il est établi qu’ils étaient eux-mêmes les instigateurs, par instructions ou par tout autre moyen, des actes illicites. Les mêmes solutions peuvent valoir en droit tunisien sur la base des articles 82 et 83 du Code des obligations et des contrats. Il est grand temps d’activer la responsabilité civile des syndicats au même titre que celle des individus ou de l’Etat.

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