mercredi 12 août 2015

Les clauses d’indexation unilatérale 

du loyer dans les baux commerciaux


Les parties à un contrat de location d’un local à usage commercial négocient le prix, communément désigné par loyer. Il doit être déterminé (art. 733 et 735 COC renvoyant à l’art. 579 COC du même Code). Les parties jouissent de la liberté contractuelle à la date d’établissement du contrat. Le loyer est souvent une somme fixe. Mais comme le contrat est appelé à se poursuivre dans le temps, le bailleur cherche à faire évoluer le loyer à la hausse en stipulant un taux d’indexation unilatérale (par ex 5% annuellement). Après un certain temps, la hausse du loyer par le jeu de la clause devient insupportable pour le locataire qui soulève l’exception de nullité (335 COC) pour échapper au paiement. Par un arrêt n°29817-2009 du 29 fév. 2009 (inédit), la Cour de cassation a estimé, sous le visa des art. 22 et 32 de la loi du 25 mai 1977, que la clause est nulle et que l’augmentation du loyer n’est possible qu’en vertu d’une clause d’échelle mobile. Ainsi, elle censure l’arrêt d’appel (CA, Tunis, n°46127 du 26 mars 2008, inédit) qui a refusé de donner effet à l’exception de nullité invoquée. La Cour de renvoi s’est rangée du côté de la Cour de cassation (CA Tunis, n°25260 du 22 juin 2010, inédit).

Si le contrat de location commerciale était régi par le droit commun, la clause d’indexation unilatérale serait valable et produit ses effets. Or le loyer des baux commerciaux est régi par un texte spécial, en l’occurrence l’article 22 de la loi de 1977, selon lequel « le montant du loyer des baux à renouveler ou à réviser doit correspondre à la valeur locative équitable. ». Le même article donne les critères permettant d’apprécier cette valeur locative.


Ainsi, la valeur locative équitable s’impose pour les baux commerciaux à renouveler (1) ou à réviser (2).

1) Le loyer du contrat à renouveler

Le contrat est à renouveler lorsqu’il arrive à expiration au terme de la période initiale convenue.

Le renouvellement peut être demandé par le locataire (V. Le Manager, Mai 2015, n°218, p. 78). Le bailleur peut, en réponse, accepter sous de nouvelles conditions, notamment quant au loyer. A défaut d’accord entre les parties, le loyer sera équivalent au loyer équitable (art. 22) déterminé par le président du tribunal (art. 28) sur avis d’un expert commis à cet effet.


Mais le renouvellement peut aussi être implicite. La difficulté surgit à l’occasion de la date d’anniversaire de la clause d’indexation unilatérale. Le locataire peut refuser de l’appliquer en soulevant l’exception de nullité. C’était le cas dans l’arrêt précité. Il arrive cependant que le locataire s’exécute et paie le loyer majoré dans les conditions du contrat. La question se pose s’il peut agir en nullité et demander la restitution. En principe la réponse est affirmative. En réglant le loyer sur la base contractuelle, tant que la clause d'indexation unilatérale n'avait pas été déclarée nulle, le locataire n'avait pas renoncé, par avance, à réclamer le remboursement des sommes indûment versées. Mais si, d’après les circonstances, le locataire avait payé, en connaissance de la cause de nullité, le loyer résultant de la clause, son paiement pourrait être considéré comme une renonciation à la nullité. Il n’en demeure pas moins qu’il peut invoquer la nullité de la clause pour le futur.

2)  La révision du loyer

La règle de l’article 22 s’applique également aux baux à réviser. Que cela signifie-t-il  ?

La réponse est donnée par l’article 24 de la loi : « Les loyers des baux d’immeubles ou de locaux régis par les dispositions de la présente loi renouvelés ou non, peuvent être révisés à la demande de l’une ou de l’autre des parties sous les réserves prévues aux articles 25 et 26 de la loi ». La demande de révision du loyer ne pourra être faite, selon l’article 25, que « trois ans au moins à partir de la date d’entrée en jouissance des locaux ou après le point de départ du bail renouvelé. ». Concrètement, l’article 25 permet de demander la révision du loyer même au cours de la période initiale du contrat. Imaginons que le bail soit conclu pour une durée initiale de 10 ans et qu’il prévoie ou non une clause d’augmentation fixe ou, ce qui revient au même, qu’il prévoie un loyer à paliers. Il n’est pas interdit à l’une des parties de demander la révision du loyer après trois années au moins à partir de la date d’entrée en jouissance. La révision du loyer est aussi possible en cas de renouvellement du bail.

La demande de révision triennale ne peut aboutir que « si les conditions économiques se sont modifiées au point d’entraîner une variation de plus du quart de la valeur locative des lieux fixée contractuellement ou par décision judiciaire ».

En toute logique, le même article 25 tire cette conséquence que « des nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable », mais l’on doit toujours tenir compte de la condition relative à l’amplitude de la variation de la valeur locative.

La règle de la révision triennale reçoit exception dans deux hypothèses : vente du fonds de commerce (art. 25) et sous-location du local (art. 20). La révision peut, dans ces deux cas, être demandée avant le délai de trois ans.

Article publié au magazine Le Manager, Juin 2015, n°209, p. 74

1 commentaire:

  1. Merci pour ces explications..là vous parlez de révision du montant de loyer; MAIS quelles sont les règles applicables svp pour appliquer une augmentation annuelle du loyer??

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