L’annulation du décret-loi de confiscation :
La Chambre de première instance du Tribunal administratif s’est-elle trompée ?
Résumé. La Chambre de première instance du Tribunal administratif a annulé le
décret-loi n°2011-13 du 14 mars 2011, portant confiscation des biens et avoirs
de l’ancien Président de la République, de sa famille, de ses alliés et de
certains de ses proches collaborateurs. La saisine du tribunal a eu lieu en mai
2011, mais la décision n’est rendue que quatre ans après. Le gouvernement a interjeté
appel contre cette décision. Quelles sont les questions auxquelles doit
répondre la juridiction d’appel et quelles sont les réponses qui semblent être
les mieux fondées ? On estime dans cet article que le Tribunal
administratif est compétent pour examiner un recours en excès de pouvoir contre
le décret-loi tant qu’il n’a pas été ratifié. Cette compétence lui permet
notamment de vérifier si le Président de la République par intérim a agi dans
la limite de l’habilitation législative qu’il a reçue. Si l’excès de pouvoir
est reconnu, le juge administratif annule le décret-loi. Cette sanction de ne
doit pas être confondue avec la caducité qui résulte du défaut de ratification.
Postérieurement à la saisine du Tribunal administratif, le décret-loi a été ratifié
implicitement, ce qui se répercute immanquablement sur la compétence du
tribunal et rend superflue le vote d’une loi de validation.
*****
La Chambre de première instance du Tribunal
administratif vient d’annuler, lundi 8 juin 2015, le décret-loi n°2011-13 du 14
mars 2011, en vertu duquel est décidée la confiscation des biens et avoirs de l’ancien
Président de la République et des personnes de sa famille et alliés et de trois
de ses proches collaborateurs (JORT du 18 mars 2011). Au total 114 personnes
sont concernées par la mesure.
La confiscation est, le plus souvent, une sanction de nature pénale[1]
décidée par jugement[2].
Elle a pour effet de transférer un bien
privé vers le régime de la propriété publique, ou plus précisément le domaine
privé de l’Etat. Elle se distingue de la nationalisation et de l’expropriation
pour cause d’utilité publique par l’absence d’une contrepartie ou d’une
indemnité au profit des propriétaires évincés.
Dans les circonstances de l’après 14
janvier 2011, et sous le bénéfice de la légitimité révolutionnaire « le
gouvernement de transition a fait le choix de ne pas attendre la justice qui
pourrait prendre beaucoup trop de temps et de réagir rapidement » en
décidant par décret-loi la confiscation des biens ‘’présumés mal acquis’’ ».
(Mariam Kehila, Confiscation
et droit des sociétés, mémoire de fin d’études en master révision
comptable, Institut des Hautes Études Commerciales, Université de Carthage, Juin 2014, p. 3.) Le droit
tunisien a connu un autre précédent de confiscation de biens à l’occasion d’un
changement politique. En effet, juste après la proclamation de la République Tunisienne
et la suppression du pouvoir beylical, une loi fut votée prononçant la
confiscation des biens des membres de la famille régnante (loi n°57-2 du 29
juillet 1957).
Le Tribunal administratif n’a pas rendu un
communiqué public sur la décision d’annulation, mais des magistrats en son sein,
apparemment bien informés, révèlent dans les médias[3]
que la nullité serait liée au défaut de ratification du décret-loi par l’Assemblée
nationale constituante ou l’Assemblée des représentants du peuple. On rapporte cette
précision avec les précautions d’usage*[4].
La décision du Tribunal administratif
intervient suite à une saisine en excès de pouvoir contre le décret-loi intentée
par quelques personnes concernées par la confiscation. L’article 8 de la loi
72-40 régissant le Tribunal administratif donne à pareil recours un caractère
objectif en ce sens que lorsqu’il est reconnu fondé et qu’il conduit à l’annulation
de la décision attaquée, la nullité, totale ou partielle, aura l’autorité
absolue de la chose jugée. De la sorte, les effets de la décision s’étendent à toute
personne visée par la confiscation et non seulement aux requérants.
La décision de la Chambre de première
instance du Tribunal administratif est susceptible d’appel devant l’une des
chambres d’appel du même tribunal. Un communiqué de la présidence du
gouvernement en date du 19 juin 2015 annonce qu’un appel a été interjeté. Le
gouvernement a décidé d’exercer le recours sans attendre la notification de la
décision du tribunal. Il cherche par là à bénéficier au plus vite de l’effet
suspensif de l’appel afin de rassurer l’opinion publique et surtout les tiers ayant
déjà acquis certains biens confisqués et les administrateurs judiciaires des
biens confisqués qui avaient annoncé la suspension de leurs missions. Le Chef du
contentieux de l’Etat, qui assure la représentation de l’État dans cette
procédure[5]
(loi n°88-13 du 7 mars 1988), dispose d’un délai de soixante jours pour déposer
un mémoire ampliatif indiquant les moyens d’appel. La Chambre d’appel statue
sans autre recours possible.
La requête introductive d’instance
présentée à la juridiction de premier degré, publiée par l’un des médias
électroniques (akher khabar on line), soulève, sans suivre un ordre logique
distinguant les aspects relatifs à la compétence du Tribunal administratif et
ceux de fond, plusieurs arguments au soutien de la nullité. Ainsi, elle
rappelle que le Président de la République par intérim a reçu habilitation législative
de prendre des décrets-lois en vertu d’une loi adoptée par la Chambre des
députés et la Chambre des conseillers sur le fondement de l’article 28 de la
Constitution de 1959 (Loi n°2011-5 du 9 février 2011, JORT du 10 février 2011).
Ladite habilitation couvre certains domaines sans s’étendre à la confiscation des
biens et avoirs qui revêt un caractère pénal. La même requête ajoute que le
décret-loi serait nul pour défaut de ratification par la Chambre des députés et
la Chambre des conseillers au terme de la période d’habilitation comme le
prévoit expressément l’article 2 de la loi d’habilitation. Selon les auteurs de
la requête, la dissolution de la Chambre des députés et de la Chambre des
représentants, décidée par décret-loi en date du 23 mars 2011, a pour effet de
rendre impossible la ratification. Enfin, la requête invoque deux autres motifs
de nullité tirés de l’atteinte à la présomption d’innocence et au droit de
propriété, garantis par la Constitution de 1959. Même s’il ressort des
déclarations publiques faites par certains magistrats que la nullité est
encourue seulement pour défaut de ratification par l’assemblée législative, il
faudra attendre la lecture du texte de la décision pour voir la motivation exacte
sur l’ensemble des points soulevés par les requérants.
Il n’empêche que nous pouvons d’ores et
déjà discuter les questions de droit auxquelles le Tribunal
administratif avait à répondre. Au stade de l’appel, ces questions seront
encore débattues.
Au jour de la saisine du tribunal
administratif (10 mai 2011), le décret-loi de confiscation n’est pas encore
ratifié. Peut-il tomber sous le contrôle du Tribunal administratif pour excès
de pouvoir ? C’est ce qu’admet la juridiction de premier degré de ce
tribunal. Cette compétence une fois reconnue lui permet de vérifier si le
Président de la République par intérim a dépassé l’habilitation législative qui
lui est consentie. Si le dépassement est avéré, il en résulte certainement la
nullité du décret-loi. En revanche le défaut de dépôt d’un projet de loi
portant ratification du décret-loi n’entraine pas la nullité de ce dernier mais
simplement sa caducité (I).
En cours de procédure, le décret-loi fut ratifié
implicitement ce qui a pour conséquence de consolider définitivement le sort de
la mesure de confiscation sans besoin d’une loi de validation (II).
I)
Le contrôle par le tribunal administratif
du décret-loi de confiscation non ratifié
La requête présentée au tribunal
administratif, telle que révélée par les médias, n’est pas élaborée d’une
manière judicieuse. Il a fallu au préalable qu’elle fonde la compétence du
tribunal administratif (A) avant d’aborder les questions de fond (B).
A) La compétence du
tribunal administratif
Il s’agit tout d’abord de dire si le Tribunal
administratif est compétent pour statuer sur la validité d’un décret-loi. Un
juge ne peut, en effet, dire le droit que s’il se déclare compétent. Il statue
sur sa propre compétence.
Depuis la réforme du 11 février 2002, le « Tribunal
administratif statue sur tous les litiges à caractère administratif ».
Plus particulièrement, il « est compétent pour statuer sur les recours
pour excès de pouvoir tendant à l’annulation des actes pris en matière
administrative. » En annulant le décret-loi de confiscation, la Chambre
de première instance du Tribunal administratif admet le caractère administratif
du décret-loi non ratifié et se déclare ainsi compétente.
Des voix se sont pourtant élevées pour
rejeter cette analyse. Elles estiment que du moment où un décret-loi intervient,
sur habilitation législative, dans une matière relevant du domaine de la loi,
il acquiert la valeur d’une loi et échappe par conséquent au contrôle du juge
administratif. Certains ont tiré argument d’une sorte de précédent
jurisprudentiel quand le Premier président du Tribunal administratif a rendu
une ordonnance (ord. n°413626 du 17 juin 2011 citée par Me Mustapha Sakhri dans un article qu’il a publié
sur les colonnes du journal Essabeh, édition du 14 juin 2015) de rejet d’une
demande de sursis à l’exécution du décret-loi de confiscation, au motif qu’il
ne serait pas un acte administratif. Il faut avouer que cette ordonnance est
rendue en matière des référés et ne constitue pas un véritable précédent devant
le juge de fond.
En lisant la requête introductive
d’instance, on la voit puiser argument dans deux opinions doctrinales exprimées
en Tunisie au début des années soixante-dix par des jeunes juristes. Yadh Ben Achour a, en effet, publié un
article à connotation polémique intitulé ‘’Contribution à l’étude théorique
des décrets-lois’’ (Revue tunisienne de droit 1972, p. 171 et s.). Il écrit
que « le décret-loi est un décret entre deux lois. Malgré les lois qui
l’entourent [il sous-entend la loi d’habilitation et la loi de
ratification], c’est un acte administratif. Rien ne peut lui donner valeur
législative, sauf un texte exprès de la constitution. Or, en l’occurrence il
n’y en a pas… » (op. cit. p. 172). Il ajoute que « les
décrets-lois sont des actes unilatéraux pris de l’organe exécutif et
conditionnés par des actes législatifs qui s’imposent à eux ce qui est une
caractéristique générale des actes administratifs. » (op. cit.
p. 173). Cette opinion est encore celle de Habib Ayadi exprimée deux ans plus tôt dans un article intitulé ‘’Les
décrets-lois dans la constitution tunisienne du 1er juin 1959’’
(Revue tunisienne de droit 1969-1970). L’auteur estime, en suivant en cela
l’opinion dominante en France, « que les décrets-lois pris sur une
habilitation législative [l’article 28 de la constitution] sont des
actes administratifs susceptibles d’un contrôle juridictionnel par voie
d’action et d’exception. Seule la ratification parlementaire convertit ces
décrets-lois en lois ordinaires et les soustrait par conséquent au contrôle du
juge. » (op. cit. p. 105-106). Ces opinions doctrinales
n’avaient pas, avant 2002, un intérêt pratique puisque le Tribunal
administratif était incompétent de connaître, par voie d’action, des recours en
excès de pouvoir contre les décrets à caractère réglementaire. La loi organique
n°2002-11 du 4 février 2002 a mis fin à cette situation. Il est donc dans
l’ordre naturel des choses que le Tribunal administratif saisisse l’occasion du
recours contre le décret-loi de confiscation pour affirmer, pour la première
fois dans l’histoire du droit tunisien, une solution de principe soumettant au contrôle
du juge administratif les décrets-lois avant leur ratification. La doctrine
tunisienne la plus récente n’est pas défavorable à une telle solution (Cf. Mohamed
Chafik Sarsar, Les nouveaux
aspects de la hiérarchie des normes en Tunisie, in Les aspects récents
du droit constitutionnel, Faculté de droit et des sciences politiques de
Tunis, Tunis 2005, p. 138).
Une fois qu’elle s’est reconnue
compétente, la juridiction de premier degré peut examiner le litige quant au
fond.
B) Les problèmes de
fond
La juridiction de premier degré a été
appelée à vérifier si le Président de la République par intérim a agi en dehors
de l’habilitation législative, ce qui nous paraît tout à fait normal. Le dépassement
de pouvoir peut être, dans ce cas, sanctionné par la nullité. En revanche, le
Tribunal administratif ne peut valablement vérifier le défaut de ratification
et de surcroît le sanctionner par la nullité.
a) L’excès de pouvoir
Le Conseil d’Etat français, qui est
l’homologue de notre Tribunal administratif, avait, il y a plus d’un siècle,
effectué un revirement de jurisprudence en affirmant sa compétence pour
connaître des recours contre les règlements d’administration publique. « Si
les actes du chef de l’Etat portant règlement d’administration publique sont
accomplis en vertu d’une délégation législative et emportent, en conséquence,
l’exercice dans leur plénitude des pouvoirs qui ont été conférés au
Gouvernement, ils n’échappent pas, en raison de ce qu’ils émanent d’une
autorité administrative, au recours en excès de pouvoir. » (CE. 6 déc.
1907, D, 3e, 1909, p. 57) Ce recours devrait lui permettre
d’examiner si les dispositions édictées rentrent dans les limites des pouvoirs
délégués au chef de l’Etat. C’est à ce même contrôle qu’avait été invité le Tribunal
administratif dans l’affaire du décret-loi de confiscation.
Les auteurs du recours mettent l’accent
sur le caractère pénal de la mesure édictée et disent que la loi d’habilitation
votée par la Chambre des députés et la Chambre des conseillers (Loi n°2011-5
précitée) n’a pas donné une habilitation spéciale au Président de la République
par intérim pour prendre un décret-loi en matière pénale. Seule est visée la
matière d’amnistie générale, ce qui serait insuffisant.
Nous ignorons la réponse du Tribunal
administratif[6].
On peut penser trouver assise juridique à la confiscation dans la référence faite
dans la loi d’habilitation aux matières de « lutte contre le
blanchiment d’argent » et de « propriété ». La
confiscation en ce qu’elle emporte atteinte au droit de la propriété privée et
en ce qu’elle est fondée sur une présomption de biens mal acquis et recyclés
dans les circuits économiques pour être blanchis par la personne investie de l’autorité suprême dans l’Etat, rentre
suffisamment dans la délégation législative. Le Président de la République par
intérim a donc agi, à notre avis, dans les limites de l’habilitation
législative.
b)
La sanction du défaut de dépôt d’un projet
de loi de ratification : Nullité ou caducité ?
Le Tribunal administratif aurait pu prononcer
la nullité du décret-loi de confiscation s’il était établi que le Président de
la République par intérim a outrepassé l’habilitation législative. La nullité
est la sanction normale du dépassement des pouvoirs. Tel n’est pas le cas à
notre avis.
La nullité serait plutôt prononcée en
raison de l’absence de ratification législative du décret-loi. Nous discuterons
en deuxième partie de cet article l’existence d’une ratification implicite qui semble
avoir échappé aux parties et à la juridiction de premier degré et nous nous limitons,
à ce niveau de l’analyse, à dire si le défaut de ratification peut être
sanctionné par la nullité du décret-loi.
La Chambre de première instance du
Tribunal administratif sanctionne par la nullité un décret-loi non ratifié par
l’assemblée législative. La nullité a cette particularité de produire un effet
rétroactif, imposant le retour au statu quo ante. Dans notre cas, les
biens confisqués font retour au patrimoine de leurs propriétaires initiaux. Cet
effet est troublant dans la mesure où peut se poser la question du sort des
biens vendus. Il y a un risque d’assister à ce qu’on appelle une ‘’nullité en
cascade’’.
La sanction par la nullité est, en vérité,
à contre courant de l’opinion dominante selon laquelle un décret-loi n’ayant
pas fait l’objet d’un dépôt de projet de loi de ratification dans le délai
imparti devient caduc. La caducité du décret-loi n’a pas d’effet rétroactif. Il
en découle que « Les dispositions légales antérieures à l’ordonnance
(C’est ainsi qu’on les appelle en France) sont considérées, à la date de la
caducité de l’ordonnance, comme maintenues en vigueur. » (Jean-Eric GicqueL, Ordonnances, JurisClasseur
Administratif, fasc. 35, n°57) Seul Yadh Ben
Achour avait soutenu, contre l’opinion dominante qu’il reconnaît, la
sanction par la nullité qu’il explique de la manière suivante. « Or non
ratifié, l’acte s’analyse alors comme un acte réglementaire empiétant, par
certains ou toutes ses dispositions sur les pouvoirs du législateur. Nous
sommes devant une incompétence ratione materiae. » (op. cit. p.
175) C’est une opinion isolée que nous ne partageons pas car en édictant un
décret-loi, le Président de la République par intérim agit dans les limites des
pouvoirs qu’il a reçus de l’assemblée législative. La nullité est une sanction
du manquement à un élément constitutif à l’origine de l’édiction de l’acte
juridique. Pour cette raison nous inclinons à retenir la caducité comme seule
sanction possible du défaut de dépôt d’un projet de loi portant ratification.
A défaut d’avoir accepté nos propositions que
nous défendrons dans la deuxième partie de cet article, la Chambre d’appel du
Tribunal administratif peut être amenée à substituer la sanction de la nullité
du décret-loi de confiscation par la caducité. Si tel est le cas quelles
seraient les conséquences de cette sanction sur le droit de propriété de l’État
sur les biens confisqués ?
On enseigne qu’un décret-loi caduc ne peut
plus servir de fondement légal à une décision administrative ultérieure. Il
reste à savoir si une telle conséquence empêche, dans notre cas, l’État d’agir
selon les règles de droit commun pour réclamer son droit de propriété sur des
biens non encore inventoriés par le Commission de confiscation. Il nous semble
cela possible en raison de l’effet translatif instantané du décret-loi de
confiscation. La caducité du décret-loi, n’étant pas rétroactive, les biens et
avoir confisqués le demeurent une fois pour toute. Et contrairement à ce que
l’on pense, l’éventuel contentieux pétitoire relève de la compétence des
tribunaux de droit commun dans la mesure où les biens confisqués intègrent le
domaine privé de l’État. Le Tribunal administratif n’ayant pas reçu compétence
en la matière.
II)
La ratification du décret-loi de
confiscation
Nous soutenons deux idées qui semblent
avoir échappé aux juges de premier degré et à plusieurs jurisconsultes. D’une
part, il n’existe pas réellement une obligation juridique de soumettre le
décret-loi de confiscation à la ratification formelle de l’assemblée
législative (A) et d’autre part, cette ratification a eu lieu d’une
manière implicite (B).
A)
Le décret-loi de confiscation n’est pas
obligatoirement soumis à la procédure de ratification
Un argument de texte est avancé pour
imposer de soumettre à la ratification de l’assemblée législative les
décrets-lois. L’article 28 de la Constitution de 1959, sur la base duquel
l’habilitation législative est donnée, dispose que « la Chambre des
députés et la Chambre des conseillers peuvent habiliter le Président de la
République, pour un délai limité et en vue d’un objet déterminé, à prendre des
décrets-lois qu’il soumettra, selon le cas, à l’approbation de la Chambre des
députés ou des deux chambres, à l’expiration de ce délai. » La loi
d’habilitation rappelle cette formalité à son article 2. « Les
décrets-lois pris en application des dispositions de l’article premier de la
présente loi sont approuvés conformément à l’article 28 de la constitution. »
Malgré ce que laisse entendre la lettre du
texte, nous sommes d’avis de faire une distinction entre les décrets-lois à
caractère normatif et les décrets-lois à caractère individuel. La procédure de
ratification ne serait obligatoire que dans le premier cas. Un décret-loi est
dit normatif lorsqu’il pose une norme générale, impersonnelle et permanente. Sa
ratification est surtout destinée à faire perdurer les effets de la norme qu’il
consacre pour son application ultérieure. Par la ratification, l’effet
obligatoire de la norme se perpétue au-delà de la période de validité de
l’habilitation législative. En revanche, un décret-loi à caractère individuel
n’a pas besoin de ratification puisque son édiction est destinée à ne produire
effet de droit qu’une seule fois, par son application au cas individuel visé. Traitant
des actes individuels, Pr. Yadh Ben
Achour écrit qu’il « épuiserait tous ses effets juridiques dès
son édiction. Elle se suffit à elle-même, et n’attend rien. Son édiction se
confond avec sa fin. » (Pr. Yadh Ben
Achour, Droit administratif, 3e éd., CPU 2010, p. 395)
C’est pour cette raison qu’on estime que la ratification d’un décret-loi à
caractère individuel par le pouvoir législatif ne semble pas nécessaire. Elle
est inutile dans la mesure où il n’est pas appelé à s’appliquer à des cas
ultérieurs au-delà de la période de validité de l’habilitation législative.
Dans notre cas, l’habilitation législative
consacrée par la loi 2011-5 a donné lieu à l’édiction de deux décrets-lois à
caractère individuel. Il s’agit du décret-loi 2011-1 du 19 février 2011,
portant amnistie générale[7]
et le décret-loi 2011-13 du 14 mars 2011, portant confiscation des biens et
avoirs. Ces deux décrets-lois épuisent leurs effets par leur seule édiction et
ne seraient pas appelés à des nouvelles applications même si l’on suppose qu’ils
soient ratifiés. La Chambre de première instance du Tribunal administratif
s’est attachée à la lettre de l’article 28 de la Constitution de 1959 sans
esprit de nuance et sans véritable compréhension du sens et de l’utilité de la
ratification législative. La Chambre d’appel peut faire sienne cette analyse à
défaut d’avoir estimé que la ratification a été donnée comme nous le démontrerons.
B) La ratification
implicite du décret-loi de confiscation
La Chambre de première instance du Tribunal
administratif a annulé le décret-loi de confiscation au motif qu’il n’a pas
donné lieu à une ratification par l’assemblée législative. L’opinion publique
s’en est offusquée. Plusieurs juristes et non juristes ont alors rétorqué que
le décret-loi de confiscation n’était pas le seul à être pris par le Président de
la République par intérim. La quasi-majorité des décrets-lois n’avait pas
formellement donné lieu à ratification expresse[8].
Seraient-ils pour cette raison nuls au risque de « mettre en échec
toute l’architecture juridique établie depuis plus de quatre ans et ayant géré
la période transitoire. » ? La remarque est justifiée, car même
si aucune action principale en nullité n’est poursuivie contre l’un de ces décrets-lois,
le risque existe de voir certains justiciables soulever devant le juge
administratif l’exception de nullité (ou de caducité) tirée du défaut de
ratification.
Quelle que soit la légitimité de la réaction
de l’opinion publique, elle paraît pour un juriste de nature plus politique que
juridique. Le juge ne peut en tenir compte faute d’être conceptualisée et
traduite dans un langage juridique permettant de sauver le décret-loi de la
sanction qui le frappe pour défaut de ratification. C’est l’occasion pour nous
de proposer la théorie de la ratification implicite.
S’il est vrai qu’aucune loi de
ratification expresse n’a été promulguée depuis la parution du décret-loi de 14
mars 2011, il n’empêche qu’il a donné lieu à une ratification implicite ce qui
est juridiquement suffisant pour sceller définitivement son sort. En nous
inspirant des précédents du droit français, auxquels le juge administratif
tunisien se réfère souvent, on doit admettre que la ratification d’un
décret-loi peut s’opérer de manière implicite. Le Conseil constitutionnel
français (Cons. const., 29 févr. 1972, déc. n° 72-73 L, Rec. Cons. const.
1972, p. 31 - Cons. const., 23 janv. 1987, déc. n° 86-224
DC, Conseil de la concurrence : Rec. Cons. const. 1987, p. 8) et le Conseil
d'État (CE, 25 janv. 1957, Sté des Établissements Charlionnais : Rec. CE 1957,
p. 54, pour les décrets-lois. - CE, 10 juill. 1972, Cie Air Inter : Rec. CE
1972, p. 537. - CE, ass., 20 nov. 1981, Assoc. pour la protection de la vallée
de l'Ubaye : Rec. CE 1981, p. 429 ; RDP 1982, p. 473, concl. B. Genevois ; AJDA 1982, p. 72, chron. F. Tiberghien et B. Lasserre. - CE, 7 févr. 1994, Ghez :
Rec. CE 1994, p. 55) l’ont déjà admis. Il y a une ratification implicite
lorsqu’une disposition législative tient compte d’une norme consacrée par le décret-loi
et devient un élément nécessaire à son application.
Nous nous rappelons les débats qui ont eu lieu
lors de l’élaboration, la discussion et le vote des lois de finances pour les exercices
2012, 2013 et 2014. Les divers gouvernements de l’époque étaient appelés à
mobiliser des fonds pour financer le budget de l’État et, à l’occasion, ils
avaient présenté à l’Assemblée nationale constituante ou à l’Assemblée des
représentants du peuple des chiffres prévisionnels sur les recettes escomptés de
la vente des biens confisqués[9].
Nous citons surtout la loi de finance pour l’exercice 2012, promulguée par la
loi n°2011-7 du 31 décembre 2011, juste après l’entrée en fonction de l’Assemblée
nationale constituante, qui contient l’article 43 destiné à faciliter la tâche
des mandataires de justice, des administrateurs judiciaires et autres
auxiliaires de justice, désignés pour assurer la gestion des biens immeubles et
meubles ayant été confisqués. Il énonce que « Par dérogation aux
dispositions du dernier paragraphe de l'article 15 du code des droits et
procédures fiscaux, les mandataires de justice, les administrateurs judiciaires
et autres auxiliaires de justice, désignés pour assurer la gestion des biens
immeubles et meubles ayant été confisqués en application du décret-loi n°
2011-13 du 14 mars 2011, sont dispensés de l'obligation de produire une
ordonnance du juge compétent a l'effet de se faire délivrer des copies
certifiées conformes aux originaux des contrats enregistrés auprès des recettes
des finances, ou des extraits des registres réservés à la formalité de
l'enregistrement, et relatifs à ces biens. » Nous citons aussi
l’article 2 de la loi n°2012-1 du 16 mai 2012, portant loi de finance
complémentaire pour l’exercice 2012, qui a « autorisé pour l'année 2012
le transfert au profit des recettes du Titre I du budget de l’État d’un montant
de 1.200.000.000 dinars provenant des recettes de la caisse des avoirs et biens
confisqués et récupérés par l’État. »[10]
La même loi de finance complémentaire énonce à son article 23 que « Les
dispositions prévues par les articles 14, 15, 17,18 et 19 de la présente loi ne
s’appliquent pas aux créances à la charge des personnes dont les biens meubles
et immeubles et droits sont confisqués en vertu de la législation en vigueur. »
Enfin, l’article 26 de la même loi ajoute que « les dispositions
prévues par les articles 24 et 25 de la présente loi ne s’appliquent pas aux
personnes dont les biens meubles et immeubles et droits sont confisqués en
vertu de la législation en vigueur. » Ces différents textes disent
long sur la certitude d’une ratification implicite du décret-loi de
confiscation. La même idée de ratification implicite peut être appliquée au décret-loi
2011-1 portant amnistie générale[11].
Nous présumons que la Chambre d’appel du Tribunal administratif ne restera
insensible à notre analyse. Quelles en seront alors les conséquences ?
La ratification implicite du décret-loi
consolide définitivement le sort du décret-loi qui acquiert désormais une
valeur législative. Le Tribunal administratif n’est pas compétent pour juger de
sa validité.
Certaines voix ont appelé, après le
prononcé de la nullité du décret-loi par la juridiction de premier degré du Tribunal
administratif, à une intervention législative. La doctrine enseigne, en effet, que
« le parlement conserve la capacité de conférer une valeur législative
à portée rétroactive à une ordonnance caduque. Il est aussi en droit, sous
réserve des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée, de
valider les actes administratifs pris sur le fondement d’une ordonnance, en
tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de sa caducité. »
(Jean-Eric Gicquel, op. cit.
n°58). Une loi de validation est encore envisageable pour couvrir un vice
éventuel de compétence du Président de la République par intérim. Cette loi de
validation tombe bien évidemment sous le contrôle du juge constitutionnel. Mais
comme, dans notre cas, on reconnaît que la ratification a eu lieu, une loi de
validation nous ne semble pas nécessaire.
Sami Frikha
[1] On distingue en droit
pénal la confiscation spéciale et la confiscation générale. La confiscation
spéciale porte sur un bien précis, généralement le produit d’une action
infractionnelle ou l’instrument ayant servi à la commission de l’infraction (article
28 du Code pénal). La
confiscation générale atteint, sans distinction, tout ou partie des biens
meubles et immeubles composant le patrimoine des personnes physiques ou morales.
[2]
La confiscation peut être facultative ou obligatoire pour le juge.
[3]
Voir déclaration du juge Ahmed Sweb à la radio privée Mosaique FM le 11 juin
2015.
http://www.mosaiquefm.net/fr/index/a/ActuDetail/Element/53358-a-souab-le-gouvernement-ne-doit-pas-soumettre-le-decret-loi-de-saisie-a-l-arp-avant-de-faire-appel
[4]
* A l’heure où nous mettons le magazine sous presse, une copie de la décision
du tribunal administratif est publiée sur les réseaux sociaux. http://fr.slideshare.net/zoubeirbelaid3/moussadara
Les développements que nous présentons dans cet article ne sont pas pour autant
remis en cause, on se contente de faire des commentaires en note de bas de page
quand le besoin se fait sentir.
[5]
La décision du tribunal administratif révèle que le Chef du contentieux de
l’Etat n’a pas répondu à la requête malgré qu’elle lui a été signifiée et
malgré les rappels qui lui ont été adressés. Le Chef du contentieux a, nous
semble-t-il, suivi la politique de la chaise vide, ce qui est, à notre avis,
une erreur capitale.
[6]
La décision publiée en ligne sur les réseaux sociaux comporte l’attendu
suivant :
"وحيث
أن الإحجام عن المصادقة على المرسوم محل الطعن من قبل المجلس التأسيسي عن المصادقة
على المرسوم محل الطعن من قبل المجلس التأسيسي والحال انه تدخل في مجال تشريعي ومس
من حق الملكية الذي يعتبر حقا كونيا لصيقا بالذات الإنسانية تضمنه الدساتير
والمعاهدات الدولية يجعل القرار المنتقد خارقا لإجراء شكلي جوهري ومشوبا بعيب
الإختصاص وحريا بالإلغاء على هذا الأساس".
Dans cet attendu la Chambre de première instance ne dit pas que le
Président de la République a outrepassé les matières déléguées.
[7]
Le caractère individuel du décret-loi de confiscation ne fait pas de doute
puisqu’il vise des personnes nommément désignées. En revanche le caractère
individuel du décret-loi d’amnistie est occulté par le qualificatif
‘’générale’’. Or dans la mesure où il est un texte rétroactif, il consacre une
décision et non une norme. Jacques Héron, Étude structurale de l’application de la loi dans le temps, RTDCiv,
1985, p. 294 et s.
[8]
On vise surtout les décrets-lois antérieurs au décret-loi n°2011-14 du 23 mars
2011, portant organisation provisoire des pouvoirs publics et qui a dissout la
Chambre des députés et la Chambre des conseillers. A été expressément ratifié
le décret-loi 2011-5 du 19 février 2011, portant approbation de l’adhésion de
la République tunisienne au protocole facultatif se rapportant à la convention
contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou
dégradant, et ce en vertu de l’article 25 de la loi organique n°2013-43 du 21
octobre 2013 relative à l’instance nationale pour la prévention de la torture.
[9]
La loi de finance pour l’exercice 2013 prévoit une somme de 900.000.000 DT
comme produit de la vente de biens confisqués. La loi de finance pour
l’exercice 2104 prévoit une recette de 1.000.000 DT, mais la loi de finance
complémentaire pour le même exercice prévoit une recette de 300.000.000 DT. La
loi de finance pour l’exercice 2015 prévoit une recette de 200.000.000. Voir
aussi la présentation du projet de la loi de finance pour l’exercice 2015 sous
l’intitulé poursuite du soutien à la reprise économique p. 92 :
"نقص منتظر في حدود
14 م.د على مستوى الموارد الذاتّية غير الجبائّية يفسر بنقص في المداخيل الراجعة
للّدولة من التّصّرف في الأموال والممتلكات المصادرة، حيث من المنتظر أن لا تتجاوز
المداخيل الّصافية الراجعة للّدولة بعنوانها 100 م.د مقارنة بمبلغ 300 م.د مقدرة
صب قانون المالية التكميلي لسنة 2014 وذلك بإعتبار التعقيدات القانونية والإجرائية
المتعلقة بوضعيتها وبإستخلاص مداخيلها أو
التفويت فيها."
http://www.finances.gov.tn/images/actualites/asqua/visite/LOI_2015/20141024_LF2015_pr%C3%A9sentation_VD.pdf
[10] Le décret-loi n°2011-68 du
14 juillet 2011, relatif à la création d’une commission nationale de gestion
d’avoirs et des fonds objets de confiscation ou de récupération en faveur de l’État a prévu à l’art 12 la création d’un compte
spécial dénommé caisse des avoirs et biens confisqués et récupérés par l’État. Seront
déposées dans ce compte les recettes découlant de la gestion des avoirs et
biens objet de confiscation ou de récupération. Les dépenses nécessaires
rattachées aux biens et aux participations et biens meubles et immeubles objet
de confiscation et de récupération seront imputées sur ce compte.
[11]
On cite à cet effet la loi n°2012-4 du 22 juin 2012, portant dispositions
dérogatoires pour le recrutement dans le secteur public. Son article 3 exclu du
concours externes sur dossiers et épreuves, les recrutements directs réservés
au profit des bénéficiaires de l’amnistie générale au sens du décret-loi
n°20111 du 19 février 2011 portant amnistie générale, et à défaut, au profit
d’un seul membre de leurs familles. On cite aussi la loi de finance pour
l’année 2013 qui a comporté une disposition (art 32) consacré à la
régularisation es situations des bénéficiaires de l’amnistie vis-à-vis des
caisses sociales. Le budget de l’État prend en charge le montant des
contributions salariales et patronales au titre de la retraite et de la pension
de vieillesse selon les taux fixés par les textes en vigueur durant toute la
période d’interruption du travail pour les agents publics bénéficiant de
l’amnistie au sens du décret-loi n°2011-1 du 19 février 2011 ayant réintégré le
travail dans le secteur public ou ceux qui n’ont pas pu être réinsérés ou
recrutés. Ces deux textes traduisent d’une manière certaine la ratification
implicite du décret-loi portant amnistie générale.
[1] On distingue en droit
pénal la confiscation spéciale et la confiscation générale. La confiscation
spéciale porte sur un bien précis, généralement le produit d’une action
infractionnelle ou l’instrument ayant servi à la commission de l’infraction (article
28 du Code pénal). La
confiscation générale atteint, sans distinction, tout ou partie des biens
meubles et immeubles composant le patrimoine des personnes physiques ou morales.
[2]
La confiscation peut être facultative ou obligatoire pour le juge.
[3]
Voir déclaration du juge Ahmed Sweb à la radio privée Mosaique FM le 11 juin
2015.
http://www.mosaiquefm.net/fr/index/a/ActuDetail/Element/53358-a-souab-le-gouvernement-ne-doit-pas-soumettre-le-decret-loi-de-saisie-a-l-arp-avant-de-faire-appel
[4]
* A l’heure où nous mettons le magazine sous presse, une copie de la décision
du tribunal administratif est publiée sur les réseaux sociaux. http://fr.slideshare.net/zoubeirbelaid3/moussadara
Les développements que nous présentons dans cet article ne sont pas pour autant
remis en cause, on se contente de faire des commentaires en note de bas de page
quand le besoin se fait sentir.
[5]
La décision du tribunal administratif révèle que le Chef du contentieux de
l’Etat n’a pas répondu à la requête malgré qu’elle lui a été signifiée et
malgré les rappels qui lui ont été adressés. Le Chef du contentieux a, nous
semble-t-il, suivi la politique de la chaise vide, ce qui est, à notre avis,
une erreur capitale.
[6]
La décision publiée en ligne sur les réseaux sociaux comporte l’attendu
suivant :
"وحيث
أن الإحجام عن المصادقة على المرسوم محل الطعن من قبل المجلس التأسيسي عن المصادقة
على المرسوم محل الطعن من قبل المجلس التأسيسي والحال انه تدخل في مجال تشريعي ومس
من حق الملكية الذي يعتبر حقا كونيا لصيقا بالذات الإنسانية تضمنه الدساتير
والمعاهدات الدولية يجعل القرار المنتقد خارقا لإجراء شكلي جوهري ومشوبا بعيب
الإختصاص وحريا بالإلغاء على هذا الأساس".
Dans cet attendu la Chambre de première instance ne dit pas que le
Président de la République a outrepassé les matières déléguées.
[7]
Le caractère individuel du décret-loi de confiscation ne fait pas de doute
puisqu’il vise des personnes nommément désignées. En revanche le caractère
individuel du décret-loi d’amnistie est occulté par le qualificatif
‘’générale’’. Or dans la mesure où il est un texte rétroactif, il consacre une
décision et non une norme. Jacques Héron, Étude structurale de l’application de la loi dans le temps, RTDCiv,
1985, p. 294 et s.
[8]
On vise surtout les décrets-lois antérieurs au décret-loi n°2011-14 du 23 mars
2011, portant organisation provisoire des pouvoirs publics et qui a dissout la
Chambre des députés et la Chambre des conseillers. A été expressément ratifié
le décret-loi 2011-5 du 19 février 2011, portant approbation de l’adhésion de
la République tunisienne au protocole facultatif se rapportant à la convention
contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou
dégradant, et ce en vertu de l’article 25 de la loi organique n°2013-43 du 21
octobre 2013 relative à l’instance nationale pour la prévention de la torture.
[9]
La loi de finance pour l’exercice 2013 prévoit une somme de 900.000.000 DT
comme produit de la vente de biens confisqués. La loi de finance pour
l’exercice 2104 prévoit une recette de 1.000.000 DT, mais la loi de finance
complémentaire pour le même exercice prévoit une recette de 300.000.000 DT. La
loi de finance pour l’exercice 2015 prévoit une recette de 200.000.000. Voir
aussi la présentation du projet de la loi de finance pour l’exercice 2015 sous
l’intitulé poursuite du soutien à la reprise économique p. 92 :
"نقص منتظر في حدود
14 م.د على مستوى الموارد الذاتّية غير الجبائّية يفسر بنقص في المداخيل الراجعة
للّدولة من التّصّرف في الأموال والممتلكات المصادرة، حيث من المنتظر أن لا تتجاوز
المداخيل الّصافية الراجعة للّدولة بعنوانها 100 م.د مقارنة بمبلغ 300 م.د مقدرة
صب قانون المالية التكميلي لسنة 2014 وذلك بإعتبار التعقيدات القانونية والإجرائية
المتعلقة بوضعيتها وبإستخلاص مداخيلها أو
التفويت فيها."
http://www.finances.gov.tn/images/actualites/asqua/visite/LOI_2015/20141024_LF2015_pr%C3%A9sentation_VD.pdf
[10] Le décret-loi n°2011-68 du
14 juillet 2011, relatif à la création d’une commission nationale de gestion
d’avoirs et des fonds objets de confiscation ou de récupération en faveur de l’État a prévu à l’art 12 la création d’un compte
spécial dénommé caisse des avoirs et biens confisqués et récupérés par l’État. Seront
déposées dans ce compte les recettes découlant de la gestion des avoirs et
biens objet de confiscation ou de récupération. Les dépenses nécessaires
rattachées aux biens et aux participations et biens meubles et immeubles objet
de confiscation et de récupération seront imputées sur ce compte.
[11]
On cite à cet effet la loi n°2012-4 du 22 juin 2012, portant dispositions
dérogatoires pour le recrutement dans le secteur public. Son article 3 exclu du
concours externes sur dossiers et épreuves, les recrutements directs réservés
au profit des bénéficiaires de l’amnistie générale au sens du décret-loi
n°20111 du 19 février 2011 portant amnistie générale, et à défaut, au profit
d’un seul membre de leurs familles. On cite aussi la loi de finance pour
l’année 2013 qui a comporté une disposition (art 32) consacré à la
régularisation es situations des bénéficiaires de l’amnistie vis-à-vis des
caisses sociales. Le budget de l’État prend en charge le montant des
contributions salariales et patronales au titre de la retraite et de la pension
de vieillesse selon les taux fixés par les textes en vigueur durant toute la
période d’interruption du travail pour les agents publics bénéficiant de
l’amnistie au sens du décret-loi n°2011-1 du 19 février 2011 ayant réintégré le
travail dans le secteur public ou ceux qui n’ont pas pu être réinsérés ou
recrutés. Ces deux textes traduisent d’une manière certaine la ratification
implicite du décret-loi portant amnistie générale.