lundi 21 décembre 2015

Le contrat de franchise et le droit de la concurrence

Le contrat de franchise et le droit de la concurrence

Définition. Le contrat de franchise est défini à l’article 14 de la loi 2009-69 relative au commerce de distribution comme « le contrat par lequel le propriétaire d’une marque ou d’une enseigne commerciale accorde le droit de son exploitation à une personne physique ou morale dénommée franchisé, et ce, dans le but de procéder à la distribution de produits ou à la prestation de services moyennant une redevance. Le droit d’exploitation de la franchise comprend le transfert des connaissances acquises, le savoir faire et l’exploitation des droits de la propriété intellectuelle. » La définition légale du contrat de franchise est incomplète car d’une part elle ne mentionne pas la contrepartie que doit payer le franchisé pour le bénéfice des droits de propriété intellectuelle et des connaissances du franchiseur et d’autre part, elle doit être complétée par les indications de l’article 16 de la même loi où il est précisé que « le franchiseur est tenu de fournir au franchisé durant la relation contractuelle l’assistance commerciale et technique… » Ainsi le contrat de franchise doit être entendu « comme celui où il comprend des licences de marque et d’enseigne, une communication de connaissances et une assistance technique. » Il se distingue des contrats voisins de distribution, tels que le contrat de distribution sélective, la licence de marque, le contrat de prêt d’enseigne, le contrat d’affiliation, le contrat de mandat d’intérêt commun, le contrat de licence de savoir-faire, le contrat d’agence commerciale, le contrat de concession.
Incomplétude du régime de la franchise. La définition légale figurant dans la loi de 2009-69 n’est pas le prélude à une régulation complète du contrat de franchise. Le législateur tunisien, à l’instar de plusieurs législateurs étrangers, a préféré s’en remettre à la volonté des parties pour la détermination du contenu de leur contrat. La loi s’est contentée de renvoyer à un décret d’application (D. 2010-1501) dont l’objet est seulement d’indiquer aux parties ce qu’elles doivent convenir dans leur contrat. Elle pose des données minimales, c’est une sorte de liste de pointage utile pour les rédacteurs de contrat.
Risque d’entente illicite. La loi de 2009-69 laisse cependant entière la question de la conformité des contrats de franchise au droit de la concurrence, jadis réglementé par la loi n°91-64 relative à la concurrence et aux prix et aujourd’hui par la loi n°2015-36, portant réorganisation de la concurrence et les prix. Le rapport entre le contrat de franchise et le droit de la concurrence, sujet de notre chronique mérite d’être abordée pour deux raisons au moins. La première tient au fait que la protection des signes distinctifs et du savoir-faire implique la présence dans le contrat de franchise de clauses susceptibles de tomber sous le coup de la prohibition des ententes. La deuxième tient au fait que la généralisation des réseaux de franchises peut, par leur effet cumulatif restreindre l’accès au marché.
L’article 5 de la loi 2015-36 "prohibe les actions concertées et les ententes expresses ou tacites visant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur le marché lorsqu’elles tendent à :
1- faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de l’offre et de la demande ;
2- limiter l’accès au marché à d’autres entreprises ou le libre exercice de la concurrence ;
3- limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;
4- répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement".
Au vu de ce texte, les éléments constitutifs d'une entente sont au nombre de deux :
- Un accord ou une concertation entre deux ou plusieurs entreprises.
- Un objet ou des effets restrictifs sur la concurrence.
Sanction de l’entente illicite. La violation de l’interdiction de l’entente entraîne trois sanctions : une amende non pénale prononcée par le Conseil de la concurrence[1] et la nullité civile du contrat que prononce le juge de l’ordre judiciaire ; le juge pénal peut également prononcer une sanction pénale si l’entente donne lieu à l’une des pratiques restrictives condamnées per se par les articles 33 à 37 de la loi n°2015-36.
Possibilité d’une exemption. L’article 6 de la loi 91-64 qui était applicable à l’époque de la promulgation de la loi 2009-69 prévoit à son article qu’elles ne sont pas anticoncurrentielles, les ententes et les pratiques dont les auteurs justifient qu’elles ont pour effet un progrès technique ou économique et qu’elles procurent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte. Ces pratiques sont soumises à l’autorisation du ministre du commerce après avis du Conseil de la concurrence.
L’exposé des motifs du projet de la loi n°2009-69 présente la reconnaissance juridique du contrat de franchise comme s’inscrivant dans la perspective d’une modernisation du commerce de distribution. Mais le respect des contraintes posées par la loi 91-64 oblige les parties à solliciter, au cas par cas, une autorisation du ministre chargé du commerce. Il a été estimé que « la franchise concourt donc à augmenter le nombre des offreurs (commerçants) face à la clientèle, et devient un facteur de concurrence » (Claude Lucas de Leyssac et Glibert Parleani, Droit du marché, PUF, 2002, p. 840)
Exemption catégorielle de certains contrats de franchise. Pour éviter de prendre des décisions individuelles, le ministre du commerce a pris un arrêté en date du 28 juillet 2010 « portant l’octroi systématique, à certains contrats de franchise, de l’autorisation prévue par l’article 6 de la loi n°91-64. » Il s’agit d’un arrêté à caractère réglementaire qui ne correspond pas réellement aux prévisions de la loi de 91-64 qui ne prévoit que des exemptions individuelles. C’est la nouvelle loi n°2015-36 qui valide rétroactivement cet arrêté ministériel. Désormais selon l’article 6, il est permis au ministre chargé du commerce « d’exempter les ententes, pratiques ou catégories d’accords dont les auteurs justifient qu’ils sont nécessaires pour garantir un progrès économique et qu’ils procurent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte. »
Limites de l’exemption catégorielle. Il est bien évident que l’exemption catégorielle ne joue qu’en présence d’un véritable contrat de franchise. Il n’est pas interdit au juge de la concurrence de requalifier le contrat soumis à son examen en fonction de son contenu car la qualification donnée par les parties à leur contrat ne s’impose pas à lui.
Le domaine d’application de l’exemption « est limité à toutes les franchises pour les marques tunisiennes[2] et pour certains secteurs de distribution ou de services pour les marques étrangères. » (28 secteurs) Quand le système de l’exemption par catégorie n’est pas applicable, il faudra revenir au système de l’exemption individuelle.
Caractère anticoncurrentiel de certaines clauses du contrat de franchise. La prohibition de l’entente, nous l’avons vu, s’apprécie tant par son objet anticoncurrentiel que par son effet. Certaines clauses du contrat de franchise sont condamnables en raison de leur objet. La multiplication des contrats de franchise peut produire un effet anticoncurrentiel.
Prohibition de l’entente en raison de son objet anticoncurrentiel. L’article 2 du décret 2010-1501, portant fixation des clauses minimales obligatoires des contrats de franchise prévoit notamment que le contrat de franchise détermine les conditions d’exclusivité, les clauses de non-concurrence, la délimitation de la zone géographique exclusive d’exploitation de la marque ou de l’enseigne commerciale. De telles clauses si elles existent dans le contrat auront un objet anticoncurrentiel mais seront a priori valides si l’on s’en tient à une interprétation littérale du texte. En réalité, les autorités de la concurrence étrangères ont une position plus nuancée. C’est ce que nous allons voir.
La clause d’exclusivité territoriale. Ainsi en matière d’exclusivité territoriale, la réservation d’un territoire au franchisé peut conduire à des effets anticoncurrentiels dans deux cas : lorsque le revendeur n’est pas autorisé à effectuer des ventes passives (répondre à des commandes en provenance d’utilisateurs situés en dehors de la zone d’exclusivité) et des ventes à d’autres franchisés.
La clause de non-concurrence post-contractuelle, qui en droit civil tunisien (art. 118 COC) peut être limitée dans le temps ou dans l’espace et pas nécessairement dans le temps et dans l’espace comme en droit français, est destinée à protéger le savoir-faire transmis au franchisé. Mais elle ne doit pas excéder ce qui est nécessaire à la protection du franchiseur[3]. C’est ainsi que dans une affaire connue par le Conseil de la concurrence en matière de franchise avant la loi de 2009 (Décision n°2-94 du 25 mai 1994, RJL juil. 1995), il a invité la défenderesse, déjà en position dominante sur le marché, à réduire la durée de la clause de non-rétablissement à une année. Le Conseil de la concurrence a réitéré cette position dans une affaire opposant les gérants des stations de services à des sociétés de distribution des produits pétroliers (Décision n°5196 du 31 déc. 2005, Rapport annuel 2005, annexe II, p. 168).
 Les clauses d’exclusivité d’approvisionnement ne sont valables qu’autant qu’elles sont nécessaires à la protection de la renommée de la franchise. Le Conseil de la concurrence tunisien a reconnu la validité de la clause d’approvisionnement exclusif insérée dans un contrat de franchise quand le produit a un lien avec l’activité exercée dans le cadre de la franchise (Décision n°2-94 précitée). Le franchiseur a, en effet, un souci légitime pour que les consommateurs ne soient pas induits en erreur sur l’origine des produits. Dans cette même logique, le Conseil de la concurrence français a estimé que le franchiseur ne peut imposer « une unité centrale définie par le fabricant et une référence dès lors que tous les ordinateurs P.C sont compatibles entre eux. » (Yves Marot, Franchise et droit français de la concurrence, LPA. 27 nov. 1998, n°142, p. 120).
Les accords de prix. Le décret 2010-1501 énonce à son article 4 que « le contrat de franchise ne doit comporter des clauses anticoncurrentielles relatives à l’imposition des prix de revente. » Le franchiseur peut cependant conseiller un prix maximum ou minimum à la revente. Mais si le contrat ou la pratique des affaires montre que le franchiseur assure une police des prix, il y aura une pratique de prix imposé. « Il en est ainsi du pré-étiquetage par le fournisseur des prix de revente ou l’existence d’une clause selon laquelle le franchisé s’obligeait à commercialiser des articles aux prix indicatifs communiqués par le franchiseur, envoi aux franchisés de prospectus portant la mention du prix de revente à respecter. » Le Conseil de la concurrence français a sanctionné la pratique d’absence de transparence et d’information des revendeurs franchisés sur le montant des remises rétrocédés par le franchiseur agissant comme une centrale de référencement amenant les revendeurs à calculer leur prix de revente au consommateur à partir du seul prix d’achat correspondant au tarif fournisseur (Jean-Michel Vertut, Communications en matière de prix de revente et droit de la concurrence, CCC, n°11, Nov. 2000, chron. 15.)[4] L’interdiction de fixer le prix de revente n’interdit pas selon le Conseil de la concurrence français la concertation sur les prix de revente entre les membres du réseau quand ils ne sont pas situés sur la même zone territoriale (Louis Vogel. Droit français de la concurrence, 2006-2007, p. 336).
Les clauses d’objectif. De même l’article 4 du décret 2010-1501 interdit de fixer un chiffre d’affaires minimum. Les clauses d’objectif sont ainsi nulles.
Prohibition de l’entente en raison de son effet anticoncurrentiel. L’entente est prohibée quand elle produit des effets anticoncurrentiels. C’est le cas par l’effet cumulatif de réseaux parallèles. « L’accord de distribution ne s’apprécie pas isolément car l’existence de contrats similaires est une circonstance, qui avec d’autres, peut former un ensemble constitutif du contexte économique et juridique dans lequel le contrat doit être apprécié. La règle de « l’effet cumulatif » signifie que « lorsque la totalité ou la quasi-totalité des fournisseurs présents sur le marché en nombre réduit impose à une fraction très importante des distributeurs des contrats d’exclusivité similaire, cela peut conduire à un verrouillage du marché. L’article 6 de la loi n°2015-36 dispose à cet effet l’entente exemptée ne doit pas conduire à exclure totalement la concurrence sur le marché ou une partie substantielle du marché. » (Philipe Le Tourneau et Michel Zoïa, Conditions de validité des contrats de concession au regard du droit de la concurrence, Fasc 1030, Jurisclasseur Contrat-Distribution, n°29)
Nous terminons cette brève analyse par deux remarques.
Franchise et abus de dépendance économique. La franchise peut donner lieu à une pratique anticoncurrentielle prohibée par l’article 5 de la loi 2015-36. C’est lorsque le franchiseur abuse de la situation de dépendance économique dans laquelle se trouve le franchisé. Mais le Conseil de la concurrence pose pour cela certaines conditions dont l’une risque de ne pas d’être remplie. Le Conseil de la concurrence exige qu’elles soient prouvées :
-          la notoriété de la marque du partenaire
-          la part qu’elle occupe sur le marché de référence,
-          la part du partenaire dans le chiffre d’affaires du client ou fournisseur,
-          la difficulté pour ce dernier de trouver une solution équivalente
Il ajoute cependant que « la dépendance économique ne doit pas résulter du comportement de la personne en dépendance économique ou de sa politique commerciale, étant considéré que la dépendance économique est un état subi et non volontaire. » Il peut être rétorqué au franchisé qui se plaint d’un abus de dépendance économique qu’il s’est volontairement soumis au régime de la franchise.
Franchise et concentration économique. La franchise peut être l’instrument ou l’occasion d’une opération concentration économique auquel cas il faudra obtenir une autorisation du ministre du commerce dans les conditions de l’article 7 de la loi n°2015-36.

Article publié sur les colonnes du magazine Le Manager, Déc. 2015, n°214, p. 72.




[1] La loi n°2015-36 a rehaussé le plafond de l’amende qui peut atteindre 10% du chiffre d’affaires de l’intéressé réalisé la dernière année précédent le jugement. Le montant de l’amende était plafonné à 5% dans la loi de 91.
[2] La généralité de l’exemption pour les marques tunisiennes ne doit pas abuser car la définition de la franchise donnée par l’article 14 de la loi 2009-69 exclut la franchise industrielle.
[3] Voir l’article 120 COC. La clause doit avoir été stipulée pour servir un intérêt légitime.
[4] Comparer avec l’actuel art. 34 de la loi 2015-36.

dimanche 29 novembre 2015

Rémunération du président du conseil d'administration


Rémunération du président du conseil d'administration


Le problème juridique nous semble être le suivant : Le président du conseil d’administration d’une société anonyme de droit tunisien peut-il, en cette seule qualité, recevoir une rémunération distincte de celle qui pourrait lui être allouée à titre de jeton de présence en sa qualité d’administrateur ?
Une réponse positive peut être soutenue grâce à une lecture combinée des articles 208, 211, 205, 204, 206 et 200 du Code des sociétés commerciales. On le démontrera dans les développements qui suivent.

Le statut organique du Président-directeur général. L’article 208 du Code des sociétés commerciales pose le principe de cumul des fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général. Cet organe exécutif est désigné sous l’appellation de président-directeur général.

L’article 208 détermine le statut organique du président directeur général. On entend par statut organique les conditions de nomination, la durée du mandat et la possibilité d’allouer au titulaire une rémunération.

Le statut fonctionnel du président-directeur général. Le statut fonctionnel du président directeur général est fixé quant à lui à l’article 211 du même Code. Il y est énoncé que « le président du conseil d'administration assure, sous sa responsabilité, la direction générale de la société. Il représente la société dans ses rapports avec les tiers. » Le président-directeur général est ainsi investi d’une fonction de direction interne au sein de l’entreprise sociale et d’une fonction de représentation de la société dans les rapports avec les tiers. Le rôle du président-directeur général dans le fonctionnement du conseil d’administration n’est pas expressément visé dans cet article 211, mais on peut le dégager indirectement lorsque le Code des sociétés commerciales traite de la possibilité de dissocier les deux fonctions de président et de directeur général.

La possibilité de dissociation entre la fonction de président et de directeur général. L’article 215 du Code des sociétés commerciales prévoit, en effet, que les statuts de la société peuvent opter pour la dissociation entre les fonctions de président du conseil d'administration et celles de directeur général de la société.

L’apparente lacune de la loi quant au statut organique du président du conseil d’administration. Quand le législateur traite de la possibilité de la dissociation des fonctions de président et de directeur, il s’intéresse à définir expressément le statut organique du directeur général (art 217 al. 1, 2, et 3) et à la répartition des fonctions entre ce dernier (art 217 al. 4) et le président du conseil d’administration (art 216). Au vu de la teneur de ces deux textes, on peut dire, sans risque d’erreur, que l’ensemble comporte une lacune apparente quand il s’agit de dire quelles sont les règles qui encadrent le statut organique du président du conseil d’administration. Par comparaison du président-directeur général on peut se poser la question s’il peut une personne morale ; s’il doit être choisi parmi les administrateurs et s’il doit au surplus être actionnaire. On peut prolonger le questionnement pour se demander si le président peut recevoir une rémunération pour ses fonctions.

Interprétation de l’article 208 CSC. Toutes ses questions ne reçoivent pas de réponse explicite dans l’article 208. Un effort d’interprétation est nécessaire.

A bien réfléchir, le silence du législateur à propos du statut organique du président du conseil d’administration n’est qu’apparent. En effet, l’article 208 du Code des sociétés commerciales régit tant le cas de cumul des fonctions de président et de directeur général que le cas de scission. En effet, l’article 208 précise que le conseil d’administration choisit parmi ses membres un président. La qualité président-directeur général qui lui est attribuée dans la suite du texte n’est faite que dans la perspective de la solution de principe de cumul des fonctions. Si ce cumul est écarté par une stipulation expresse des statuts, conformément à l’article 211, la personne nommée sera seulement désigné par le vocable président. Dans cette compréhension du texte, la désignation du président non cumulard se fait dans les mêmes règles posées à l’article 208. Ainsi, il doit être membre du conseil d’administration, personne physique et actionnaire. La durée de son mandat est déterminée par le conseil d’administration sans qu’elle dépasse la durée de son mandat d’administrateur ; le président est révocable à tout moment, toute clause contraire est nulle. Si nous admettons que le statut organique du président du conseil d’administration trouve assise légale dans l’article 208, nous devons également admettre que l’allocation d’une rémunération se fait dans les mêmes conditions.

La rémunération du président a une cause spécifique. Le droit à la rémunération du président, en vertu d’une décision du conseil d’administration, a une cause juridique : la fonction qu’il exerce au sein du conseil d’administration est bien distincte de celle qu’il exerce en sa qualité d’administrateur. En convoquant le conseil d’administrateur, en préparant l’ordre du jour de la réunion et en assurant le suivi des décisions du conseil d’administration, le président effectue un travail permanent en dehors des réunions du conseil d’administration ; il ne s’agit pas simplement d’accomplir des tâches formelles et matérielles. Son travail est de nature intellectuelle avant et après les réunions du conseil d’administration. Sa fonction exige de lui qu’il soit en contact rapproché à la fois avec la direction générale, sans immixtion dans la gestion, et avec les administrateurs pour leur fournir l’information dont ils auraient besoins. Il est ainsi collecteur et pourvoyeur d’informations sur la marche de la société. L’information est donnée aux administrateurs soit sur initiative propre du président, soit à leur demande.

La rémunération du président est spécifique par rapport à celle d’un directeur général. Mais dans la mesure où, dans l’hypothèse retenue, le président n’assure pas la direction générale de la société, une évaluation spécifique de la rémunération due devra être faite sur des bases différentes de celles habituellement retenues pour un président-directeur général.

La rémunération du président n’est pas une rémunération pour mission exceptionnelle. Les dispositions de l’article 205 du Code des sociétés commerciales ne sont pas applicables à la rémunération du président du conseil d’administration. Nous rappelons que ce texte régit les missions exceptionnelles pouvant être dévolues à l’un des administrateurs et pour lesquelles il peut être rémunéré. En exigeant que la rémunération soit exceptionnelle, le législateur se montre réservé à l’égard des rémunérations dues aux administrateurs. Il y a, en effet, un risque d’abus préjudiciable à l’intérêt des actionnaires. Le caractère exceptionnel de la rémunération présente deux significations : Le mandat confié à l’administrateur doit être ponctuel, précis et distinct de la fonction d’administrateur ; la rémunération qui en est la contrepartie doit être raisonnable[1], ce qui exclut la possibilité de fixer une rémunération variable en fonction du chiffre d’affaires. 

A comparer à ces missions exceptionnelles, nous pouvons affirmer que la mission confiée au président du conseil d’administration n’a rien d’exceptionnel ou de ponctuel. C’est même le contraire qu’il s’agisse. C’est une mission permanente, car elle suit le rythme des activités de la société. Il faut toutefois noter qu’il n’est pas interdit pour le conseil d’administration de confier à son président une mission ponctuelle distincte de la mission de président.

La possibilité pour le président de cumuler des jetons de présence. La rémunération due au président du conseil d’administration sur décision préalable du conseil d’administration ne doit pas être confondue avec les jetons de présence dont le montant est fixé par l’assemblée générale. Etant membre du conseil d’administration, la doctrine admet même que le président puisse recevoir à titre de jeton de présence une part supérieure aux autres administrateurs.


Réfutations des obstacles à l’octroi de la rémunération au président du conseil. Pour que notre analyse soit complète, nous devons chercher s’il existe des textes en sens contraire interdisant au président du conseil d’administration de recevoir une rémunération.

Réfutation de l’argument de l’article 206 CSC. Tout d’abord, nous devons écarter l’obstacle de l’article 206 du Code des sociétés commerciales déterminant d’une manière rigoureuse les rémunérations pouvons être servies aux administrateurs. Cet article ne peut, sans contestation aucune, faire échec à la rémunération du président du conseil d’administration. Le texte a un sens clair car il vise les membres du conseil d’administration qui ne sont ni chargés de mission exceptionnelle ni de fonction permanente de présidence.

Réfutation de l’argument de l’article 200 CSC. D’aucuns peuvent tirer argument du silence observé par l’article 200-II-5 du Code des sociétés commerciales à propos du président du conseil d’administration pour exclure son droit à la rémunération. L’objectif de ce texte est d’encadrer les rémunérations octroyées aux organes d’administration et de direction. Le législateur transpose le régime des conventions réglementées aux rémunérations des dirigeants. Ce régime concerne toutes « les obligations et engagements pris par la société elle-même ou par une société qu’elle contrôle au sens de l’article 461 du présent code, au profit de son président-directeur général, directeur général, administrateur délégué, l’un de ses directeurs généraux adjoints, ou de l’un de ses administrateurs, concernant les éléments de leur rémunération … Ces rémunérations sont du ressort du conseil d’administration et le dirigeant l’intéressé ne peut prendre part au vote. L’assemblée exerce un contrôle a posteriori sur rapport spécial du commissaire aux comptes. Comme nous pouvons le constater aucune référence n’est faite dans cette disposition au président du conseil d’administration qui pourrait se voir allouer une rémunération. Ce silence peut être interprété par un raisonnement a contrario comme signifiant l’interdiction de toute rémunération.

Il ne faut pas, à notre avis, exagérer la portée de cette omission. Elle n’est qu’une maladresse de rédaction. Nous en avons pour preuve les dispositions précédentes du même article 200 quand elles traitent des obligations déclaratives mises à la charge des personnes ayant conclues des opérations réglementées avec la société. Ainsi selon l’article 200-II-3, chacune des personnes indiquées à l’alinéa 1 ci-dessus doit informer le président-directeur général, le directeur général ou l’administrateur délégué de toute convention soumise aux dispositions du même alinéa, dès qu’il en prend connaissance. Ainsi comme dans l’alinéa 5 nulle mention n’est faite de l’information que peut recevoir le président du conseil d’administration quand c’est le directeur général qui contracte avec la société. Interprété littéralement on sera amené à dispenser le directeur général d’informer son président d’une convention qu’il a conclu avec la société. Nul ne peut contester qu’une telle interprétation soit illogique et trahit la volonté du législateur.

Conclusion. En définitive, sans distordre les notions de jetons de présence, de rémunération exceptionnelle, il est possible d’allouer au président du conseil d’administration une rémunération pour les missions de présidence dont il est chargé, en tenant compte qu’il n’est pas en situation de cumul avec la fonction de direction générale.



[1] A comparer avec l’article 228 C.S.C.

Cas de révision comptable, Examen en droit des sociétés commerciales 2013 avec corrigé, Le groupe des sociétés; GIE

Cas
La Société ABC Corporation est une société anonyme ne faisant pas appel à l’épargne. Son conseil d’administration est composé de sept administrateurs, dont deux sont des personnes morales constituées par une banque et une SICAR appartenant au même groupe et liées aux principaux dirigeants d’ABC Corporation par des contrats de rétrocession. Les actionnaires minoritaires, détenant dans l’indivision 34% du capital, n’occupent qu’un seul siège.

Le conseil d’administration réuni par le président dans l’urgence, sans respecter les délais de convocation statutaires, examine quelques questions. Etaient présents trois administrateurs personnes physiques du groupe majoritaire et deux administrateurs personnes morales. Les représentants permanents de ces dernières, empêchés d’assister à la réunion, ont donné en commun mandat à un haut cadre de la banque pour assister en leur lieu et place.

Le président directeur général qui préside la réunion informe les présents que la Banque du Nord, qui a financé la filiale NOUR SA, se prévaut à l’encontre d’ABC Corporation d’une lettre d’intention émanant d’elle, mais non autorisée au préalable par le conseil d’administration, comportant ‘’un engagement de notre Société de faire tout le nécessaire pour la bonne exécution des engagements pris par notre Filiale la société Nour SA’’. La requête introductive d’instance, signifiée à ABC Corporation, entend fonder l’action en paiement sur l’article 476 du Code des sociétés commerciales qui permet au créancier d’agir contre la société débitrice ou une autre société appartenant au même groupe ou les deux sociétés solidairement dans les cas où ‘’il est établi que l’une de ces sociétés a agi de manière à faire croire qu’elle contribue aux engagements de la société débitrice appartenant au groupe’’.

Le président directeur général informe ensuite les administrateurs que la Société faisait partie d’un groupement d’intérêt économique (GIE). Elle avait la qualité de membre et d’administrateur, mais elle s’était retirée. Elle avait demandé au greffe du tribunal l'inscription modificative correspondante. Le 28 juin 2012, le greffe n'a procédé qu'à la publication de sa démission de ses fonctions d'administrateur. Sur requête de la Société en date du 24 septembre 2012 à fin de compléter et rectifier la mention, le greffier a procédé à la publication de son retrait du GIE ‘’avec effet rétroactif’’ au 28 juin 2012. Un fournisseur impayé somme, en vain, le GIE pour le règlement de sa créance. Il agit solidairement contre le GIE et la Société. Il se prévaut de quatre factures au titre de livraisons de marchandises effectuées dans le cadre d’une convention cadre conclue le 1/1/2012 et dont les effets se poursuivent jusqu’à la fin de l’année 2012. Deux de ces factures sont établies en contrepartie de livraisons faites le 1er juin 2012, une troisième est établie pour une livraison faite en date du 24 août 2012 et la dernière facture est établie pour une livraison faite le 30 décembre 2012.

Après discussion, le projet des décisions suivantes est proposé par le président :
-         -  Confier les deux affaires contentieuses engagées par les créanciers à un avocat d’affaires ; la décision fut approuvée par tous les présents.
-            -  Autoriser une augmentation de capital au niveau de la filiale réservée à des personnes du groupe majoritaire d’ABC Corporation. La décision est approuvée par trois des présents ; le représentant de la banque et de la Sicar s’est momentanément abstenu de voter. Il souhaite revenir à ses mandants.

L’assemblée générale de la filiale s’est tenue ultérieurement dans les délais statutaires sur convocation de son conseil d’administration composé exclusivement par les majoritaires du groupe ABC Corporation. Une seule résolution est votée portant approbation d’une augmentation de capital au pair, réservée, comme prévu, à des personnes du groupe majoritaire d’ABC Corporation. L’unique résolution de l’assemblée générale extraordinaire n’omet pas d’approuver les rapports du conseil d’administration et celui du commissaire aux comptes.

L’administrateur minoritaire demande communication du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration et obtient du greffe du tribunal une copie du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire de la filiale. Il souhaite avoir votre opinion sur certains points de droit :

-          -    les risques liés aux actions en paiement engagées contre la Société ABC Corporation;
-          -    la validité en la forme de la réunion du conseil d’administration de la Société ABC Corporation ;
-    -  la régularité de fond de la décision du conseil d’administration de cette société d’autoriser une augmentation du capital réservée de la filiale ;
-       -  s’il existe une cause de nullité de l’augmentation du capital de la filiale et la possibilité qu’ont les actionnaires minoritaires d’agir en nullité ; à défaut que leur conseillez-vous ?


Corrigé sur 10/10

I)                    Risques liés aux actions en paiement engagées contre ABC Corporation

La société ABC Corporation fait l’objet de deux poursuites que nous allons examiner distinctement.

      A)     L’action de la Banque du Nord

En principe la relation contractuelle est établie entre cette banque et la société Nour SA en vertu d’un contrat de prêt apparemment non remboursé.

La Banque peut valablement actionner la société débitrice conformément au droit commun. En fait la Banque se dirige vers la société mère. Il est très probable que la filiale connaisse des difficultés et que du point de vue de la Banque, le patrimoine de la société mère présente plus d’assurance de paiement.

La Banque se prévaut à l’encontre d’ABC Corporation d’une lettre d’intention émanant d’elle, mais non autorisée au préalable par le conseil d’administration, comportant ‘’un engagement de notre Société de faire tout le nécessaire pour la bonne exécution des engagements pris par notre Filiale la société Nour SA’’. Mais la requête introductive d’instance, signifiée à ABC Corporation, entend fonder l’action en paiement sur l’article 476 du Code des sociétés commerciales qui permet au créancier d’agir contre la société débitrice ou une autre société appartenant au même groupe ou les deux sociétés solidairement dans les cas où ‘’il est établi que l’une de ces sociétés a agi de manière à faire croire qu’elle contribue aux engagements de la société débitrice appartenant au groupe’’.
A notre sens, il faut distinguer deux choses.

L’action fondée sur la lettre d’intention est une action fondée sur un acte unilatéral émanant de la société mère. Il est créateur d’obligation au profit de la Banque dès qu’elle en a connaissance (article 22 du Code des obligations et des contrats). Les actes unilatéraux sont une source d’obligation en droit tunisien. Le juge peut leur donner effet de droit.

Dans le cas présent, la société mère s’est engagée « faire tout le nécessaire pour la bonne exécution des engagements pris par notre Filiale la société Nour SA ». C’est une obligation de moyens qui est imposée à la société mère. Le non paiement par la société Nour SA de sa dette ne constitue pas en soi la société mère en faute. La Banque doit rapporter la preuve que la société n’a pas fait le nécessaire pour amener sa filiale à payer. La faut de la mère peut constituer par exemple d’un défaut de contrôle du niveau d’endettement, non-opposition à un endettement excessif de la filiale. Un examen serré des causes de non-remboursement du prêt permet de situer la faute de la société mère qui a un pouvoir de contrôle de la filiale. Le fait que la mère ne prête pas à la filiale des sommes nécessaires pour faire face au service de la dette peut également constituer une faute engageant la responsabilité de la mère. La faute de la société mère est sanctionnée par l’allocation des dommages et intérêts à la Banque.

La question se pose néanmoins de savoir si la société mère peut échapper à l’action de la Banque se prévalant de la nullité de la lettre d’intention du fait en raison du défaut d’autorisation préalable du conseil d’administration. En vertu de l’article 200 du Code des sociétés commerciales, « la garantie des dettes d’autrui » est soumise à autorisation préalable du conseil d’administration. Il n’en est autrement qu’en vertu d’une stipulation statutaire autorisant la garantie dans un seuil qu’ils déterminent. L’autorisation du conseil d’administration est une condition de validité de la garantie. A défaut d’autorisation elle peut être annulée si le garant justifie d’un dommage.

Nous supposons que dans notre cas d’espèce les statuts sont muets et qu’il n’existe pas une clause de dispense. Il s’agira alors de savoir si la lettre d’intention remise à la Banque est, au sens juridique du terme, une garantie de la dette d’autrui. Nous ne le croyons pas. La société mère s’est engagée non à garantir le paiement de la dette d’autrui mais de faire tout son possible pour que le débiteur honore ses engagements. Quand la Banque agit sur la base de la lettre d’intention, elle n’agit pas pour réclamer le remboursement du prêt accordé à la filiale mais de réparer un dommage en raison de la commission d’une faute. Donc la lettre d’intention n’est pas soumise à autorisation du conseil d’administration. Elle est hors champ d’application de l’article 200 du code des sociétés commerciales.

L’action fondée sur la lettre d’intention est distincte de l’action fondée sur l’apparence en vertu de l’article 476 du Code des sociétés commerciales. Dans cet article, la responsabilité de la mère est engagée en dehors de tout engagement volontaire de sa part. Il suffit que le créancier ait pu croire en l’existence d’un engagement apparent de la mère à contribuer à la dette de la filiale pour qu’il puisse agir en paiement.

Il y a donc une erreur de la part de la Banque sur la qualification juridique de l’action en paiement.

      B)      L’action du créancier du GIE

La société ABC Corporation était membre d’un groupement d’intérêt économique et avait la qualité d’administrateur. Elle s’en était retirée mais le greffe du tribunal n'a procédé le 28 juin 2012 qu'à la publication de sa démission de ses fonctions d'administrateur. Sur sa requête en date du 24 septembre 2012 à fin de compléter et rectifier la mention, le greffe a procédé à la publication de son retrait du GIE ‘’avec effet rétroactif’’ au 28 juin 2012. Un fournisseur impayé somme, en vain, le GIE pour le règlement de sa créance. Il agit solidairement contre le GIE et la Société. Il se prévaut de quatre factures au titre de livraisons de marchandises effectuées dans le cadre d’une convention cadre conclue le 1/1/2012 et dont les effets se poursuivent jusqu’à la fin de l’année 2012. Deux de ces factures sont établies en contrepartie de livraisons faites le 1er juin 2012, une troisième est établie pour une livraison faite en date du 24 août 2012 et la dernière facture est établie pour une livraison faite le 30 décembre 2012.

Selon l’article 446 du code des sociétés commerciales « les membres du groupement d'intérêt économique sont responsables solidairement et indéfiniment des dettes du groupement sur leurs propres patrimoines sauf convention contraire avec le tiers contractant. Les créanciers du groupement ne peuvent poursuivre le paiement des dettes contre un membre qu'après mise en demeure du groupement. En cas de retrait d'un membre du groupement, sa responsabilité demeure engagée pour les dettes antérieures trois ans à partir de la date de la publication de son retrait.

En application de cette disposition, la société ABC est solidairement responsable du paiement de la première facture qui est incontestablement antérieure au retrait du GIE. Pour les factures résultant des livraisons faites après le retrait, la société demeure tenue solidairement de son paiement car la publication du retrait n’est faite d’une manière régulière que tardivement. Le greffier ne peut donner à une publication un caractère rétroactif. La société ABC Corporation dans ses rapports avec le fournisseur demeure tenue du paiement, mais elle peut se retourner contre l’Etat pour mauvais fonctionnement du service.

La quatrième facture est faite au titre d’une livraison postérieure à un retrait régulièrement publié. La question se pose néanmoins de savoir si le fournisseur peut soutenir que la livraison s’est faite dans le cadre d’un contrat cadre antérieur et donc le fait générateur de l’obligation est antérieur au retrait. En droit, le fait générateur de l’obligation de paiement du prix est la réalisation de la vente particulière. Le contrat cadre ne créé pas par lui-même des obligations de paiement de prix.

II)   La validité en la forme de la réunion du conseil d’administration d’ABC Corporation

Les statuts fixent les délais de convocation du conseil d’administration. La clause statutaire comble une lacune du code des sociétés commerciales. Le délai de convocation est donné aux administrateurs pour préparer les réunions qui ne doivent pas être décidée d’une manière intempestive. En l’espèce, la clause statutaire fixe un délai uniforme. Il n’est pans donné au Président d’abréger les délais même sous prétexte d’urgence. On pourrait penser que seul le juge des référés peut autoriser une convocation d’urgence, mais c’est la une autre question. L’administrateur minoritaire n’a pas assisté et n’a donc pas régularisé l’irrégularité par sa présence. La clause statutaire oblige les dirigeants et la sanction est la nullité par analogie à ce qui est prévu à l’article 290 du Code des sociétés qui permet d’annuler les délibérations des assemblées générales faites en violation des statuts.

Par ailleurs, les représentants permanents empêchés d’assister ne peuvent donner mandat qu’à un autre administrateur et non à un tiers. Chaque personne morale nommée administrateur doit désigner un représentant permanent qu’elle peut changer. Seul le représentant permanent est autorisé à représenter un administrateur personne morale. En cas d’empêchement, il doit donner mandat à un collègue dans le conseil d’administration.

Si l’on tient de cette irrégularité, on dira que les personnes morales administrateurs étaient absentes de la réunion du conseil d’administration et du coup le quorum de la moitié, exigé par l’article 199 du Code des sociétés commerciales n’est pas atteint et la décisions sont par conséquent irrégulières.

III)  Régularité quant au fond de la décision du conseil d’administration d’ABC Corporation d’autoriser une augmentation du capital réservée de la filiale

La décision du conseil d’administration d’autoriser le dirigeant social de voter favorablement une augmentation de capital de la filiale et la suppression du droit préférentiel au profit des actionnaires majoritaires de la société ABC Corporation entre-t-elle dans le champ d’application des conventions suspectes passées entre la société et ses administrateurs, opérations réglementées visées par l’article 200 du Code des sociétés commerciales et soumises à l’autorisation du conseil d’administration ?
L’intérêt de la question réside dans la détermination du régime des délibérations du conseil d’administration. Les administrateurs intéressés peuvent-il participer au vote. Leurs voix est-elle prises en compte dans le calcul de la majorité ?

IV)  Nullité de la décision d’augmentation de capital de la filiale

Deux questions sont posées. La résolution unique de l’assemblée générale extraordinaire autorisant une augmentation de capital de la filiale et la suppression du droit préférentiel de souscription au profit des actionnaires majoritaires de la mère est-elle régulière ? S’il existe une irrégularité, les actionnaires minoritaires de la mère peuvent-ils agir en nullité ?

A)   Existe-t-il une cause de nullité de l’augmentation du capital de la filiale ?

L’article 293 du Code des sociétés commerciales donne compétence à l’assemblée générale à décider l’augmentation du capital d’une société anonyme. L’assemblée générale délibère selon les conditions de quorum et de majorité prévues par la loi. Cela suppose que les actionnaires votent la résolution présentée par le conseil d’administration d’augmenter le capital.

Cette décision d’augmenter le capital ouvre au profit des actionnaires un droit préférentiel de souscription qu’il exerce à titre irréductible et réductible dans les conditions prévues par les articles 296 et 297 du Code des sociétés commerciales.

Ce droit préférentiel peut cependant être supprimé par une nouvelle résolution de l’assemblée générale extraordinaire. C’est ce que prévoit l’article 300 du Code des sociétés commerciales. « L’assemblée générale extraordinaire qui décide ou autorise une augmentation du capital social peut supprimer le droit préférentiel de souscription pour la totalité de l’augmentation du capital ou pour une ou plusieurs parties de cette augmentation.

Elle approuve, obligatoirement et à peine de nullité de l’augmentation, le rapport du conseil d’administration ou du directoire et celui des commissaires aux comptes relatif à l’augmentation du capital et à la suppression dudit droit préférentiel.

      B)  Possibilité pour les actionnaires minoritaires de la mère d’agir en nullité de l’augmentation de capital de la filiale

Les actionnaires minoritaires de la société mère n’ont pas qualité pour agir en nullité. Seule la mère, actionnaire dans la filiale, peut le faire.


Les actionnaires minoritaires peuvent cependant agir en responsabilité civile contre les majoritaires de la mère  en application de l’article 477 du Code des sociétés commerciales.

Cas de révision comptable, Examen en droit des sociétés commerciales

1er cas
Faits de l’espèce.
La société STET est une société à responsabilité limitée au capital de 250.000 dinars divisé en 250.000 parts sociales. Elle a pour objet la réalisation des travaux d’électricité. Les associés sont au nombre de cinq dont Monsieur Mohamed Ben, gérant statutaire nommé pour une durée déterminée, qui détient à lui seul quarante cinq pour cent du capital. Les autres parts sociales sont détenues à parts égales par les autres associés.
Les statuts de la STET limitent les pouvoirs du gérant en ce qu’ils lui interdisent de « céder sans autorisation des associés les actifs immobilisés de la société ou la prise de participation dans une société. » Les opérations de crédit et les sûretés réelles à consentir par la société sur ses biens meubles ou immeubles doivent être aussi autorisées.
En 2009, la société STET a créé avec Monsieur Ben une société à responsabilité limitée, dénommée STET NEGOCE, ayant pour objet l’achat sur le marché local ou extérieur des équipements d’électricité en vue de leur revente. Monsieur Mohamed Ben détient 30% du capital de cette société, le reste étant détenu par la société STET. Mohamed Ben a fait une offre aux autres associés de souscrire au capital de STET NEGOCE, mais aucun d’eux n’a jugé intéressant de le faire. L’un des associés s’est opposé au principe même de création de cette société.
Le principal client, sinon exclusif, de STET NEGOCE est la société STET. Celle-ci connaissant des difficultés avec ces principaux clients (généralement des collectivités publiques locales), n’arrive plus à honorer ses factures d’approvisionnement. La Banque ‘’Al Amen Tunisienne’’ qui a consenti crédits à court terme à STET NEGOCE poursuit le recouvrement de ses créances, solidairement contre les deux sociétés du groupe.
Le conflit familial opposant les associés de la STET, pour des raisons successorales, jette son ombre sur les relations au sein de la société. Lors de l’assemblée générale annuelle convoquée pour l’approbation des états financiers de l’exercice clos le 31/12/2013, les associés non-gérants coalisent entre eux et refusent d’approuver les résolutions soumises aux voix. Ils prennent aussi une résolution, non inscrite à l’ordre du jour, interdisant au gérant de payer les dettes de la société à la filiale ainsi que les avances en compte courant d’associés. En fait seul Monsieur Mohamed Ben a fait des avances à la société. Les associés majoritaires exigent enfin la transformation de la STET en société anonyme pour se conformer au Code des sociétés commerciales prétendent-ils.
Consulté sur cette situation, l’avocat de la STET met en garde contre les risques de changement de la forme de la société. Il propose au gérant d’augmenter le capital de STET NEGOCE pour renflouer sa trésorerie ; cela lui permettra d’élargir son offre commerciale et de payer une partie de certaines tombées bancaires. Cette proposition est mise en œuvre par la souscription par Monsieur Mohamed Ben à toutes les nouvelles parts sociales. Sur l’avis de son ami expert comptable, l’apport fut majoré d’une prime d’émission d’un dinar par part sociale. La STET n’ayant pas des ressources pour participation à l’augmentation du capital a en la personne de son gérant expressément renoncé à l’exercice de son droit préférentiel de souscription ; elle devient de ce fait associé minoritaire à moins de quarante pour cent.
Ayant appris la nouvelle de cette nouvelle structure du capital, les associés majoritaires agissent devant la chambre commerciale de Tunis contre STET NEGOCE, STET et Monsieur Mohamed Ben. Ils estiment qu’il y a dépassement de ses pouvoirs par le gérant. Les juges de fond leur donnent raison en prononçant la nullité de l’augmentation de capital de STET NEGOCE, la révocation du gérant de la STET pour faute et la nomination d’un administrateur judiciaire avec mandat de gérer les affaires courantes de la société et la convocation de l’assemblée générale extraordinaire en vue de se prononcer sur le changement de la forme de la STET en société anonyme. L’affaire est actuellement pendante devant la cour de cassation sur pourvoi exercé par Monsieur Mohamed Ben et la STET NEGOCE, mai aucune décision du Premier président n’est prise pour surseoir à l’exécution.

Travail à faire
Vous êtes appelés à vous donner votre opinion juridique motivée sur les questions suivantes.
1.       Dans quelle mesure l’action de la Banque contre la STET a des chances d’aboutir ? (1 point)
2.       L’assemblée générale de la STET peut-elle interdire au gérant de payer les dettes de la société envers les tiers ? Y-a-t-il selon vous abus de majorité à interdire le paiement des avances consenties par Monsieur Mohamed ? (1 point)
3.       Les associés majoritaires de la STET ont-ils qualité et intérêt juridique pour agir en nullité de l’augmentation de capital de la STET NEGOCE ? (1 point)
4.       L’augmentation de capital de STET NEGOCE est-elle affectée d’un vice de nullité au fond? (1 point)
5.       Pour quelle raison les associés majoritaires demandent-ils le changement de la forme de la STET ? (0,5 point)
6.       Quels dangers vise-t-il l’avocat quand il a mis en garde le gérant de changer la forme de la STET en société anonyme ? (0,5 point)
7.       A quelles conditions le changement de la forme de la STET en société anonyme peut être rendu possible ? (1,5 point)
8.       Quelle serait la conséquence juridique si le jugement annulant l’augmentation de capital de la STET devient irrévocable et que le changement de la forme de la STET n’a pas lieu ? (1,5 point)


Corrigé du 1er cas

1)      Dans quelle mesure l’action de la Banque contre la STET a des chances d’aboutir ? (1 point)

La Banque ‘’Al Amen Tunisienne’’ qui a consenti crédits à court terme à STET NEGOCE poursuit le recouvrement de ses créances, solidairement contre les deux sociétés du groupe.
En principe, un créancier ne peut poursuivre le paiement de sa créance contractuelle que contre le débiteur avec qui il a contracté. La solution est une conséquence de la règle de la relativité des contrats (art 242 COC). Le fait que le contractant soit une société filiale d’une société mère n’autorise pas une dérogation à la règle tant la personnalité juridique de la filiale est distincte de la mère (art 4 CSC).
Le Code des sociétés commerciales autorise une exception à cette solution de principe si le créancier justifie avoir été induit en erreur que l’une des sociétés du groupe, souvent la mère, contribue aux engagements de la filiale ou encore s’il justifie que l’une des sociétés du groupe s’est immiscée dans la gestion d’une autre.
Dans notre cas d’espèce, il n’existe pas de croyance erronée chez la banque sur une éventuelle contribution de la société STET aux engagements de STET NEGOCE. (0,5 point)
Tout au plus pouvait-elle lui reprocher un acte d’immixtion fautive. La Banque Al Amen Tunisienne serait, en effet, tentée de soutenir que la mère constitue un client exclusif de la filiale en lui imposant un approvisionnement avec des délais de paiement qu’elle sait ne pas pouvoir les respecter. Néanmoins une appréciation stricte de la notion d’immixtion permet d’exclure une telle acception. STET NEGOCE a conclu le contrat de prêt avec son banquier sans immixtion de la société mère. La banque ne peut donc demander à la mère de payer solidairement avec la filiale. (0,5 point)

2)      L’assemblée générale de la STET peut-elle interdire au gérant de payer les dettes de la société envers les tiers ? Y-a-t-il selon vous abus de majorité à interdire le paiement des avances consenties par Monsieur Mohamed ? (1 point)

STET s’est engagée à payer ses fournisseurs ou son prêteur à l’échéance. Les engagements valablement pris engagent la société dans ses rapports avec ses contractants.
L’assemblée générale ordinaire ne peut s’immiscer dans la gestion courante de la société, notamment pour restreindre les pouvoirs du gérant à respecter la parole donnée par la société. (0,5 point)
La notion d’abus de majorité n’est d’aucun secours pour annuler la décision de l’assemblée générale. La résolution prise par l’assemblée générale n’est pas nulle en vertu de l’abus de majorité, mais parce que la société ne peut porter atteinte au caractère obligatoire d’une convention qu’elle a consentie. L’abus de majorité suppose que l’assemblée générale statue sur une question de sa compétence. Or ce n’est pas le cas ici. (0,5 point)

3)      Les associés majoritaires de la STET ont-ils qualité et intérêt juridique pour agir en nullité de l’augmentation de capital de la STET NEGOCE ? (1 point)

L’action en nullité de l’augmentation de capital de la filiale intentée par les associés dans la société mère est semble-t-il fondé sur un prétendu dépassement des pouvoirs du gérant ou sur l’atteinte qu’il aurait porté à l’intérêt de la mère en renonçant au droit préférentiel de souscription. Indépendamment de la valeur au fond du motif de nullité, il faudra se demander si lesdits associés ont qualité et intérêt pour agir en leur nom pour protéger les intérêts de la société dans laquelle ils participent.
La réponse ne peut être que négative. Seule la personne protégée par la règle invoquée peut agir en justice pour la faire respecter. La limitation des pouvoirs du gérant est une mesure de protection de la société ; donc seule celle-ci peut agir en nullité pour dépassement des pouvoirs de son représentant. Peu importe d’ailleurs la valeur au fond du motif de nullité invoqué. (0,5 point)
Par ailleurs, les associés ne justifient d’un intérêt direct. Leur intérêt est indirect. Or les actions en justice ne sont ouvertes qu’à celui qui a un intérêt direct. (0,5 point)

4)      L’augmentation de capital de STET NEGOCE est-elle affectée d’un vice de nullité au fond? (1 point)

Les statuts de la STET limitent les pouvoirs du gérant quand il s’agit de faire apport dans une société. Ils exigent une autorisation de l’assemblée générale. Les limitations statutaires sont valables dans l’ordre interne, mais inopposables aux tiers de bonne foi.
Dans le cas d’espèce, le gérant ne fait pas usage de son pouvoir pour souscrire à une augmentation de capital décidée par la filiale. Il renonce au nom de la société qu’il représente à son droit préférentiel de souscription. Les limitations de pouvoirs sont d’interprétation stricte. On ne peut assimiler le pouvoir de faire apport et le pouvoir de renoncer au droit préférentiel de souscription. Il n’y a donc pas de dépassement des pouvoirs. (0,5 point)
Le fait que le gérant soit lui-même, à titre personnel, intéressé par la souscription aux nouvelles parts sociales ne justifient pas lui aussi la nullité. Dans les sociétés à responsabilité, le régime des conventions entre le gérant et la société est seulement soumis à un contrôle a posteriori par l’assemblée générale ordinaire sur rapport du gérant ou du commissaire aux comptes s’il en existe un. (0,5 point)

5)      Pour quelle raison juridique les associés majoritaires exigent-ils le changement de la forme de la STET ? (0,5 point)

Les associés majoritaires de la STET se prévalent d’une règle posée par le Code des sociétés commerciales, selon laquelle la société mère doit avoir la forme d’une société anonyme. La STET détenant la majorité des droits de vote dans la STET NEGOCE est considérée comme une société mère et doit satisfaire à la forme requise par la loi. (0,25 point)

6)      Quel(s) danger(s) vise-t-il l’avocat quand il a mis en garde le gérant contre le changement de la forme de la STET en société anonyme ? (0,5 point)

La société à responsabilité limitée assure au gérant statutaire, nommé pour une durée déterminée, une stabilité dans la fonction surtout s’il a une minorité de blocage lui permettant de s’opposer contre une décision de l’assemblée générale extraordinaire de le révoquer. C’est le cas de Monsieur Mohamed Ben gérant statutaire de la STET détenant quarante cinq pour cent du capital, donc quarante cinq pour cent des droits de vote, étant entendu que chaque part sociale donne à son titulaire une voix aux assemblées d’associés (0,25 point).
Le changement de la forme de la société en société anonyme induit un changement dans le mode d’organisation de son administration et de sa direction. Sommairement, les actionnaires désignent un conseil d’administration à la majorité des voix et le conseil d’administration choisit également des voix de ses membres celui qui s’occupera la direction générale de la société, il peut s’agir d’un président-directeur général ou d’un directeur général. Le mandat de président-directeur général ou d’un directeur général est toujours à durée déterminée. Il n’y aura donc pas un dirigeant statutaire nommé pour une durée déterminée. On comprend par là les enjeux de la transformation de la société STET. La majorité peut facilement évincer Monsieur Mohamed de sa fonction actuelle et le réduire à n’être qu’un simple actionnaire non-dirigeant. C’est qu’il détiendra dans la société anonyme des actions du même nombre de part sociales et ne peut donc efficacement s’opposer à la décision de la majorité. C’est contre ce danger que l’avocat a voulu le mettre en garde (0,25 point).

7)      A quelles conditions le changement de la forme de la STET en société anonyme peut être rendu possible ? (1,5 point)

Il est bien évident que la STET SARL ne peut se transformer qu’en suivant les règles de forme posée par la loi pour la transformation en société anonyme.
Il faudra une décision de l’assemblée générale extraordinaire. La décision de transformation peut être prise à la majorité des associés représentant au moins la moitié du capital social si ce dernier est supérieur à cent mille dinars (art. 144 al 2 du Code des sociétés commerciales) (,025 point) Monsieur Mohamed Ben risque de ne pas pouvoir avoir la minorité de blocage puisque le capital de la STET est supérieur à cent mille dinars. Les autres associés sont au nombre de quatre et détiennent à plus de la majorité des droits de vote (0,25).

L’assemblée délibère sur rapport d’un rapport spécial sur la situation de la société élaboré par un expert comptable ou un comptable. Dans ce cas, les actifs non liquides seront évalués conformément aux articles 173 et 174 du présent code. Il découle que l’expert par ordonnance sur requête du président du tribunal du siège social. (0,25 point)

L’assemblée statue aussi après lecture du rapport du commissaire aux comptes s’il existe. (0,25 point)

Elle doit aussi satisfaire les règles de fond relative au nombre des actionnaires (0,25). Il en découle que préalablement à la transformation, la société doit augmenter le nombre de ses associés. La cession des parts sociales à un tiers étranger à la société est soumise à un l’approbation préalable des associés conformément à l’article 109 du Code des sociétés commerciales. C’est à ce niveau que Monsieur Mohamed Ben peut mettre des entraves à l’augmentation du nombre des associés. Si un des autres associés voudra céder des parts à un tiers pour augmenter le nombre des associés à sept, il peut efficacement s’opposer. (0,25 point).

8)      Quelle serait la conséquence juridique si le jugement annulant l’augmentation de capital de la STET NEGOCE devient irrévocable et que le changement de la forme de la STET n’a pas lieu ? (1,5 point)
Nous sommes devant un cas de transformation de droit de la société STET NEGOCE. La transformation même si elle est obligatoire pour les associés, elle doit résulter d’un acte de volonté des associés dans les conditions de transformation requise par la loi pour la nouvelle forme (0,5 point).
On peut envisager que la société STET cède ses parts sociales dans STET NEGOCE pour cesser d’être une société mère. C’est à ce résultat que voulait aboutir Monsieur Mohamed Ben en augmentant le capital de STET NEGOCE. D’ailleurs la décision d’augmenter le capital n’est pas seulement motivée par cette circonstance. La STET NEGOCE avait besoin d’argent frais pour faire face à ses difficultés économiques dues à la défaillance de la société mère qui est son client exclusif (0,5 point).
Si jamais, la société STET reste une société mère sous forme d’une société à responsabilité limitée, on pourrait y voir un cas de dissolution pour impossibilité de l’objet social. Faut par l’assemblée générale extraordinaire de constater cette impossibilité de l’objet social, une décision du juge peut prononcer la dissolution anticipée de la société. (0,5 point)




2e cas
Faits de l’espèce.
La société ‘’La Briqueterie du Nord’’, spécialisée dans la production des briques rouges, connaît des difficultés économiques après des défaillances techniques au niveau de son ancien four. Les réparations risquent de prendre du temps en raison de la pénurie des briques de four et de certaines pièces de rechange. En prévention d’une cessation de paiement, qui parait inéluctable si la situation perdure, elle obtient l’ouverture d’une procédure de règlement amiable, l’arrêt des poursuites individuelles et des actes d’exécution ainsi que l’arrêt du cours des intérêts pendant la période de négociation du plan. Après quelques mois de négociation, elle arrive à arracher de ses fournisseurs et de ses banquiers un échelonnement de sa dette sur une période de cinq ans. Elle s’engage en contrepartie à procéder à la modernisation de son outil de production et à effectuer un plan social pour réduire ses effectifs (les nouvelles technologies peuvent réaliser une automatisation de la production.) Le plan fut homologué. Malheureusement, des grèves et des agitations sociales ont fini par mettre en échec ce plan.
La ‘’Banque du Sud’’, créancier chirographaire titulaire de moins de cinq pour cent de l’ensemble des créances inscrites, demeurée impayée six mois de suite, souhaite intenter une action en résolution du plan de règlement amiable.
Travail à faire.
La ‘’Banque du Sud’’ vous consulte sur :
     1)     sa qualité pour agir vu qu’elle ne détient qu’une partie infime des créances inscrites (0,5 point).
      2)     la procédure à suivre (0,75 point) et
      3)     sur l’effet rétroactif de la résolution du plan plus spécialement pour savoir s’il lui permet de précompter les intérêts arrêtés pendant la période de négociation du plan de règlement amiable (0,75 point).



Corrigé du 2e cas

     1)     La qualité de la Banque de Sud détenant cinq pour cent de l’ensemble des créances inscrites à agir en résolution de l’accord de règlement amiable (0,5 point).

Selon l’article 15 de la loi du 17 avril 1995, relative au redressement des entreprises en difficultés économiques, en cas de défaillance du débiteur aux engagements qu'il a pris à l'égard de l'un de ses créanciers en vertu de l'accord de règlement amiable pendant six mois à compter de la date où ces engagements sont devenus exigibles, tout intéressé peut demander au tribunal la résolution de cet accord.
La loi n’exige pas que le demandeur justifie détenir un certain pourcentage dans les créances de l’entreprise contractante. Toute personne intéressée dit le texte peut agir. Il peut donc s’agir de tout créancier quel que soit son rang. Il en résulte que la Banque de Sud a qualité à agir en résolution du plan du moment qu’elle est une partie intéressée peu important le montant de sa créance impayée.

       2)     La procédure à suivre pour la résolution du plan de règlement amiable (0,75 point)

Selon l’article 15 de la même loi, l’action en résolution du plan de règlement amiable est intentée devant le juge du fond statuant en la forme de référé. Cela veut dire que l’action est portée devant le tribunal du lieu du siège social. Il ne s’agit pas d’une action en référé où le juge prend une décision provisoire motivée par l’urgence, et qui ne doit préjudicier au fond. C’est plutôt une décision au fond, c’est-à-dire il tranche un litige en prononçant définitivement la résolution du plan de règlement (0,25 point).
Le juge de fond est saisi selon les règles de l’action en référé. Le délai d’assignation est seulement de trois jours francs, et le jugement prononcé par le juge de premier degré est exécutoire nonobstant l’appel. (0,25 point)

     3)     L’effet de la résolution du plan de règlement sur le décompte des intérêts arrêtés pendant la période de négociation du plan de règlement amiable (0,75 point).

Le jugement prononçant la résolution du plan de règlement amiable a un effet rétroactif. Les parties retournent à l'état où elles étaient avant la conclusion de l'accord pour les dettes non encore payées. Cela veut dire que le montant de la créance des créanciers sera celui qui était avant le règlement amiable. Les abandons de créances éventuellement consentis par les créanciers seront résolus (0,25 point).
La résolution du plan de règlement amiable ne remet pas en cause l’arrêt du cours des intérêts décidé par l’ordonnance du juge lors de l’ouverture de la procédure de règlement amiable. Deux arguments sont avancés au soutien de cette solution :
-     La lettre du texte de l’article 15 elle-même puisqu’elle vise le retour à la situation avant la conclusion de l’accord. Or à cette date, les cours des intérêts est arrêté par l’autorité de la loi. Les intérêts n’étaient pas décomptés dans le montant de la créance (0,25 point).
-       Ensuite, on peut imaginer que le règlement amiable n’ait pas été obtenu. L’arrêt du cours des intérêts continue quand même à produire ses effets (0,25 point).