Les décomptes provisoires et le décompte définitif dans les marchés publics de travaux
(Première partie)
L’article 29 du décret n°2014-1039 du 13 mars 2014, portant réglementation des marchés publics, prévoit que « les cahiers des charges déterminent les conditions dans lesquelles les marchés sont passés et exécutés. Ils comprennent les documents généraux et les documents particuliers suivants :
1- Les cahiers des clauses administratives générales qui fixent les dispositions administratives applicables à tous les marchés portant sur une même nature de commandes ;
2- Les cahiers des clauses techniques générales qui fixent les conditions et spécifications techniques applicables à tous les marchés de même nature.
3- Les cahiers des clauses administratives particulières qui fixent les clauses administratives spécifiques à chaque marché et comportent obligatoirement l'indication des articles des cahiers des clauses administratives générales auxquels il est éventuellement dérogé ou pour lesquels il est prévu des dispositions contraires. Ils sont établis par l’acheteur public en vue de compléter, de préciser ou de modifier certaines dispositions du cahier des clauses administratives générales ».
Nous nous intéressons dans le présent article à certains aspects du règlement financier des marchés des travaux tel qu’il est régi par le cahier des clauses administratives générales approuvé par l'arrêté du premier ministre du 23 août 2011.
Le règlement du prix se fait sur la base de décomptes provisoires (I) et après la réception définitive, il doit être établi un décompte définitif (II).
I) Les décomptes provisoires
Périodicité des décomptes provisoires.
Les décomptes provisoires sont en principe mensuels. La règle est consacrée à l’article 13.1 du CCAG qui prévoit que le titulaire présente chaque mois une demande de paiement au maître d'œuvre sous la forme d'un projet de décompte.
La liberté du titulaire est limitée du fait des pénalités qu'il encourait en cas de retard dans la remise du projet de décompte. Les pénalités sont appliquées après un ordre de service rappelant à l'entrepreneur ses obligations et sont calculées depuis la date limite fixée par L'ordre de service jusqu'à la remise effective du projet de décompte attendu. Les pénalités sont fixées à 1/5000 de la différence entre le montant du décompte dont il s'agit et celui du décompte précédent (n°3 de l'article 20 du CCAG).
Distinction entre projet de décompte provisoire et décompte provisoire.
Selon l’article 13.1 du CCAG des marchés des travaux, l'entrepreneur remet au maître d'œuvre le projet de décompte provisoire…. .
Le projet de décompte provisoire établi par l'entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d'œuvre ; il devient alors le décompte provisoire. S'il est différent du montant figurant dans le projet du décompte provisoire, il le notifie ainsi arrêté au titulaire. Le CCAG ne prévoit pas un délai de notification. Néanmoins nous rappelons que l’article 102 du décret 2014-1039 prévoit que le titulaire du marché doit être, le cas échéant, avisé des motifs pour lesquels les prestations constatées ne peuvent faire l'objet d'un acompte ou d'un paiement pour solde, et ce, dans un délai maximum de quinze (15) jours à partir de la date de constatation. Le retard de la notification ouvre droit à des intérêts moratoires au profit du titulaire du marché, qui sont calculés à partir du jour qui suit l'expiration du délai jusqu'à celui de la notification
Contenu respectif du projet de décompte provisoire du décompte provisoire.
Les projets de décomptes sont établis en montant cumulatif. Il en résulte que ces projets comportent non seulement les prestations réalisées au cours du mois au titre duquel le projet est établi mais également celles effectuées depuis le début d'exécution du marché. Ce montant est établi à partir des "prix de base", c'est-à-dire des prix figurant dans le marché, y compris les rabais ou majorations qui peuvent y être indiqués, mais sans actualisation, ni révision des prix et hors T.V.A.
Si des ouvrages ou travaux non prévus ont été exécutés, les prix provisoires sont appliqués tant que les prix définitifs ne sont pas arrêtés (n°3 de l'article 14 du CCAG). Si des réfactions ont été fixées en conformité aux dispositions elles sont appliquées (n°2 de l'article 21 du CCAG).
Le décompte provisoire comprend, en tant que de besoin, les différentes parties suivantes :
1) Travaux de l'entreprise
2) Travaux en régie
3) approvisionnements
Des précisions sont apportées par le CCAG permettant de déterminer le montant dû en raison des travaux de l’entreprise et des approvisionnements.
Fixation par le décompte provisoire du montant des travaux de l’entreprise.
Le montant dû en raison des travaux de l’entreprise varie selon que le marché institue un paiement selon un système de phases d’exécution ou de travaux exécutés.
Dans le premier cas (phases d’exécution), le marché établit un prix pour chaque phase. On distingue dès lors la phase exécutée et la phase entreprise. Pour celle-ci on détermine une fraction de la quotité correspondante, égale au pourcentage d'exécution des travaux de ladite phase, ce pourcentage résultant simplement d'une appréciation.
Dans le cas de travaux exécutés, le décompte provisoire comporte le relevé des travaux exécutés, tels qu'ils résultent des constats contradictoires ou, à défaut, de simples appréciations. On doit tenir compte du fait que les prix du marché sont stipulés unitaires ou forfaitaires. Les prix unitaires ne sont jamais fractionnés pour tenir compte des travaux en cours d'exécution. Les prix forfaitaires peuvent l'être si l'ouvrage ou la partie d'ouvrage, auquel le prix se rapporte n'est pas terminé, il est alors compté une fraction du prix égale au pourcentage d'exécution de l'ouvrage ou de la partie d'ouvrage ; pour déterminer ce pourcentage il est fait usage de la décomposition de prix définie au 3 de l'article 10 du CCAG.
Fixation par le décompte provisoire du montant des approvisionnements.
Le montant des approvisionnements est établi en prenant en compte ceux qui sont constitués et non encore utilisés.
Décompte provisoire et prix révisable.
Les clauses de variation de prix sont applicables aux acomptes. A cet effet, le titulaire joint le calcul des coefficients de révision des prix. Il appartient ensuite au maître d’œuvre de déterminer le montant de l’acompte mensuel à régler au titulaire en faisant apparaître l’effet de la révision des prix ; les parties de l’acompte révisable sont dès lors majorés ou minorées en appliquant les coefficients prévus.
Le décompte provisoire distingue, s'il y a lieu, les éléments dont le prix est ferme et ceux dont le prix est révisable en répartissant éventuellement ces derniers éléments entre les différents modes de révision prévus par le marché.
Décompte provisoire et TVA
Le décompte provisoire précise les éléments passibles de la T.V.A. en les distinguant éventuellement suivant les taux de T.V.A. applicables.
Effet du décompte provisoire
L’article 13.1.7 du même CCAG dispose que « les éléments figurant dans les décomptes provisoires n'ont pas un caractère définitif et ne lient pas les parties contractantes ». On a pu déduire de ces dispositions que l'entreprise n'était titulaire d'aucune créance en cours de marché et qu'elle ne pouvait réclamer le paiement des acomptes dus devant le juge du contrat, mais devait attendre l'établissement du décompte général arrêtant les comptes définitivement. Ce n'est pas ce qu'a jugé le Conseil d'État français dans un arrêt du 3 décembre 2003 (CE, 3 déc. 2003, no 253748, Sté Bernard Travaux Polynésie, Rec. CE 2003, p. 864 et p. 908, Contrats-Marchés publ. 2004, comm. 30, note G. Eckert), statuant en matière de référé-provision (CJA, art. R. 541-1). La Cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon, 2 oct. 2018, no 16LY03943, Centre hospitalier intercommunal – Hôpitaux du Léman, Contrats-Marchés publ. 2018, comm. 265, note P. Devillers) pose la règle selon laquelle « le titulaire du marché a, en principe, droit au versement des acomptes présentés dans le respect des stipulations contractuelles » et qu'il « peut demander au juge du contrat la condamnation du maître d'ouvrage à lui verser des acomptes avant même l'établissement du décompte général du marché ». Dans ce cas, précise-t-elle, « il appartient alors au juge de l'exécution du contrat, saisi par la voie du plein contentieux, d'apprécier si les circonstances de fait en vigueur à la date à laquelle il statue ouvrent droit au paiement des sommes demandées ». Elle juge cependant que, « si la personne responsable du marché décide d'infliger au titulaire du marché des pénalités ou bien constate des malfaçons susceptibles de fonder une demande d'indemnisation auprès de l'entreprise qui devra être intégrée au décompte général, la demande de paiement d'acompte, même présentée antérieurement, ne peut être regardée, à concurrence du montant de ces pénalités ou du coût de ces malfaçons, comme susceptible de faire naître une obligation de payer à la charge du maître d'ouvrage ». L'absence d'obligation de payer à la charge du maître d'ouvrage est écartée, en revanche, « lorsque le refus de payer l'acompte présente manifestement un caractère abusif ». L’article 103 du décret n°2014-1039 reconnaît le droit du titulaire au paiement dans des délais qu’il fixe. A défaut, le titulaire du marché bénéficie de plein droit d'intérêts moratoires calculés à partir du jour qui suit l'expiration de ce délai. Les intérêts moratoires sont calculés sur la base des montants dus au titre d'acomptes ou paiement pour solde, au taux moyen du marché monétaire.
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