Les
créances antérieures
des
établissements de crédit
dans
le cadre d’un plan de continuation
1. Les établissements
de crédit sont les principaux pourvoyeurs de crédits aux entreprises, surtout après
que le législateur ait intervenu pour limiter le crédit interentreprises[1]. Ils sont
exposés au risque de défaillance, mais en raison de leur supériorité économique,
ils sont en mesure de négocier, voire même d’imposer, des sûretés personnelles
ou réelles à leur clientèle comme condition d’octroi du crédit.
2. Les entreprises
économiques, pour des raisons multiples, endogènes et/ou exogènes, peuvent
rencontrer des difficultés à honorer leurs engagements envers leurs fournisseurs
et pourvoyeurs de crédits. L’attitude des uns et des autres à l’égard de
l’impayé ne se pose pas dans les mêmes termes.
3. L’établissement de crédit est tenu
au respect de certaines règles de suivi
et de classement des créances que la Banque centrale de Tunisie (BCT) a
établies depuis 1991[2] avant
même que la loi n°2001-65 du 10 juillet 2001 relative aux établissements de
crédit n’ait donné une assise légale à la compétence réglementaire à la BCT[3]. Au fur
et à mesure que l’impayé perdure, l’établissement de crédit est tenu de
constituer et de réviser le montant des provisions pour risque de pertes. Ces
provisions grèvent les résultats de l’établissement de crédit.
4. Du coté de
l’entreprise, l’impayé gène son accès au crédit pour le financement de ses
activités futures : l’établissement de crédit créancier hésitera beaucoup à
accorder davantage de crédit s’il a des créances impayées ; les autres établissements
de crédit, à supposer que les ressources de l’entreprise en sûretés ne sont pas
encore épuisées, agiront dans le même sens dans la mesure où la défaillance est
publiée dans la centrale des risques[4]. A
supposer que l’accès au crédit soit encore possible, les conditions de
rémunération du crédit seront souvent plus onéreuses, ce qui ne fera
qu’aggraver les difficultés de l’entreprise.
5. La liberté contractuelle
dont jouissent les parties leur permet d’envisager des solutions ‘’amiables’’,
en dehors de toute procédure contentieuse ou à son occasion, pour le traitement
de l’impayé. Il peut être convenu des prorogations des délais[5] ou plus
fondamentalement des restructurations de la dette par novation des rapports
d’obligation[6].
6. Il est des fois où
les solutions négociées de gré à gré ne suffisent plus. L’entreprise, en
cessation des paiements, se trouve être soumise à la pression de ses
créanciers, qui entament des poursuites, obtiennent des titres exécutoires
qu’ils cherchent à mettre en exécution menaçant ainsi la continuité de
l’exploitation. Le manque de réalisme des dirigeants d’entreprises, et parfois leur
incapacité culturelle à se conformer à la loi qui exige que la déclaration de
cessation des paiements soit faite dans un bref délai[7], font
que le traitement des difficultés économiques soit excessivement retardé.
7. Les dirigeants
d’entreprises s’affairent, quand la pression des créanciers devient insupportable,
à demander l’ouverture d’une procédure de règlement judiciaire en application
de la loi du 17 avril 1995 relative au redressement des entreprises en
difficultés[8],
avec principal objectif l’élaboration d’un plan de redressement par continuation
l’activité.
8. La pratique judiciaire nous a
permis de constater que les tribunaux, prononçant un plan de règlement par la
continuation de l’activité, décident souvent l’échelonnement des créances antérieures
comme procédé de redressement. Mais les jugements n’apportaient pas des
solutions uniformes non seulement d’une espèce à une autre, mais aussi dans la
même espèce. Les créanciers peuvent être soumis à des délais de paiement
différents. Certains, dans leur majorité des établissements de crédit, se voient
accorder des intérêts alors que d’autres, fournisseurs principalement, en sont
exclus. Des fois, seule la créance en principal produit intérêt. Ce traitement
différent des créanciers a attiré notre attention d’autant plus que les juges
ne s’expliquent pas, par des motifs juridiques, sur la différenciation des
délais des paiements et sur les raisons de l’octroi des intérêts ou de leur
refus.
9. L’ouverture d’une
procédure de règlement judiciaire entraîne certains effets sur la situation des
créanciers de sommes antérieures[9]. Il
s’agit d’effets légaux que le président du tribunal[10] n’a pas
besoin d’exprimer dans l’ordonnance d’ouverture de la procédure. Les
établissements de crédit sont concernés par de telles mesures même s’ils sont
munis d’une sûreté réelle sur les actifs de l’entreprise en difficultés.
10. Certains de ces
effets sont provisoires et ne durent que le temps nécessaire à la
proclamation du jugement se prononçant sur la demande de règlement judiciaire[11]. Il
s’agit de la suspension des actions en recouvrement des créances
antérieures et les voies d’exécution destinées au recouvrement de ces créances[12].
Corrélativement, les dirigeants ne peuvent opérer, par quelques moyens que ce
soient, des paiements pour éteindre ces créances antérieures[13]. Le
caractère provisoire de ces mesures peut facilement être expliqué : la
procédure de règlement a justement pour finalité de préparer un plan de
paiement des créances antérieures, plan valable pour tous les créanciers.
11. Certains autres
effets de l’ouverture du règlement judiciaire produisent, à des degrés
différents, un effet plus énergique, presque définitif. Il s’agit de l’inscription
des créances antérieures[14] sur la
liste des créanciers[15], établie
par le juge-commissaire[16], et de l’arrêt
du cours des intérêts[17].
12. Le dénominateur
commun à l’ensemble de ces mesures c’est leur articulation autour du concept de
‘’créances antérieures’’. Il y a difficulté, dans certains cas, à dire si une
créance doit être considérée comme antérieure à l’ordonnance d’ouverture. Il
est certain que l’antériorité n’est pas déterminée par référence au critère de
la date de l’échéance. Une créance à échoir postérieurement à la date
d’ouverture de la procédure doit être considérée antérieure si elle a pris
naissance avant cette date. L’antériorité est donc décidée en fonction de la
date de naissance de la créance, indépendamment de la date d’exigibilité.
13. On se propose dans
ce qui suit de déterminer quelles sont les créances des établissements de
crédit que l’on peut qualifier d’antérieures à l’ouverture de la procédure de
règlement judiciaire (I). On étudiera ensuite comment ces créances sont payées
(ou plus exactement apurées dans le cadre d’un plan de continuation. Nous allons
voir que leur échelonnement est la solution la plus fréquente mais la pratique
judiciaire actuelle peut être qualifiée de contra legem (II).
L’intérêt de nos réflexions dans ce colloque est certain car les pouvoirs
publics envisagent non seulement une codification de la matière mais aussi une
réforme qui risque de remettre en cause plusieurs acquis en faveur des
entreprises en difficultés.
I-
L’antériorité
d’une créance naissant d’une opération de crédit
14. Les difficultés
économiques d’une entreprise se traduisent par son incapacité de faire face à ses
dettes antérieures. Il est donc dans la logique d’une procédure de règlement
judiciaire qu’elle tende à établir un plan pour leur règlement.
Les établissements de crédit, et
l’administrateur judiciaire chargé d’établir un plan à proposer au tribunal,
doivent savoir si une créance naissant d’une opération de crédit est ou non
antérieure. Il faudra qu’ils disposent d’un critère opérationnel.
15. En théorie, les systèmes
de solutions envisageables sont au nombre de deux.
16. On peut songer,
dans un premier système, à employer un critère simple et d’application générale
à toutes les situations contractuelles de quelque nature qu’elles soient, celui
de la date de conclusion du contrat, c’est-à-dire la date de l’échange de
consentement. La créance est antérieure si le contrat est formé avant la date
d’ouverture de la procédure ; elle est postérieure, s’il est conclu après
cet évènement.
17. Dans un deuxième
système, la date de conclusion du contrat n’est pas déterminante. C’est plutôt
un évènement postérieur qui constitue le fait générateur de l’obligation de
paiement et qui lui donne naissance[18]. Selon
un auteur, « le fait générateur de la créance ne serait plus trouvé dans
la formation du contrat, mais dans son exécution[19] ».
18. Notre expérience de
praticien ne nous a pas permis de trouver écho à un débat judiciaire sur
l’antériorité ou la postériorité des créances, notamment dans les opérations de
crédit. L’explication que l’on peut donner au mutisme tient, à notre avis, à deux
principales causes : d’une part, l’insuffisance normative de la loi de
1995[20] voire
même l’ineffectivité de ses prescriptions[21] ;
d’autre part, l’ouverture souvent tardive de la procédure de règlement
judiciaire qui fait que toute hésitation sur le caractère antérieur des
créances issues d’une opération de crédit soit éliminée.
19. En droit comparé
français, nombre d’auteurs, s’appuyant sur une jurisprudence fournie, inclinent
vers le deuxième système. Si l’on suppose que la jurisprudence tunisienne
s’orientera un jour vers une telle solution, il nous faudra classer les
contrats de crédit selon leur objet ou leur nature pour spécifier quel événement
se produit après l’échange de consentement pour donner naissance à la créance
de somme d’argent. Nous allons nous livrer à cet exercice en nous limitant aux
principaux contrats de crédit.
A-
L’antériorité de la
créance dans une opération de prêt avec intérêt
20. La technique la
plus utilisée pour la réalisation d’une opération de crédit est le contrat de
prêt. La pratique bancaire utilise une terminologie variée mais qui traduit une
même réalité juridique[22].
Le prêt bancaire est un prêt de
consommation que l’article 1081 du Code des obligations et des contrats définit
comme étant « le contrat par lequel l’une des parties remet à une autre
des choses qui se consomment par l’usage, ou d’autres choses mobilières, pour
s’en servir, à charge pour l’emprunteur de lui restituer autant de la même
espèce et qualités à l’expiration du délai convenu ».
21. Le contrat de prêt
se forme-t-il par le seul échange du consentement ou faut-il encore la remise
de la chose à l’emprunteur ? L’hésitation est possible.
22. Une interprétation a
contrario de l’article 1082 du Code des obligations et des contrats suggère
le caractère réel du contrat de prêt. Il est, en effet, dit que « le
contrat se contracte aussi lorsque celui qui est créancier d’une somme en
numéraire, ou une quantité de choses fongibles, à raison d’un dépôt ou à
d’autres titres, autorise le débiteur à retenir, à titre de prêt, la somme ou
quantité qu’il doit. Dans ce cas, le contrat est parfait dès que les parties sont
convenues des clauses essentielles du contrat ». Dans cet article, la
remise de la chose est en quelque sorte contemporaine à l’échange du
consentement, par le seul fait qu’elle est déjà en la possession de
l’emprunteur. A contrario, si la chose n’est pas déjà entre les mains de
l’emprunteur, l’échange du consentement entre les parties sur les clauses
essentielles du contrat ne suffit pas à former le contrat et ne fait pas naître
l’obligation de restitution.
23. Les articles 1086
et 1087 du Code des obligations suggèrent au contraire la nature consensuelle
du contrat de prêt. Ils prévoient que la propriété de la chose prêtée et les
risques sont transférés à l’emprunteur dès échange du consentement.
24. En réalité, quelle
que soit l’idée que l’on se fait de la nature du contrat de prêt, l’obligation
de l’emprunteur, selon le deuxième système, de rembourser le prêt ne naît qu’avec
la remise des fonds.
Si donc la remise des fonds est antérieure
à l’ordonnance d’ouverture de la procédure de règlement judiciaire, la créance
sera antérieure. La créance du prêt demeure antérieure même si le délai de
remboursement continue à courir après l’ouverture de la procédure. Inversement
si la remise des fonds est postérieure, la créance sera considérée postérieure
à l’ouverture de la procédure. Dans le deuxième système, la solution sera
toujours la même que nous soyons en présence d’un contrat de prêt ou dans un
contrat d’ouverture de crédit, c’est-à-dire une simple promesse de prêt. On
aura toujours égard à la date de remise des fonds.
B-
L’antériorité de la
créance dans un crédit par signature : le cas du cautionnement solidaire
25. Dans une banque
conventionnelle, le banquier peut être sollicité à consentir un crédit par
signature, sans décaissement immédiat d’une somme d’argent. Il s’engage envers un
bénéficiaire à payer une certaine somme en cas de défaillance du débiteur
principal. Tantôt l’engagement du banquier est accessoire à l’obligation du
débiteur principal, tantôt il est indépendant.
Nous nous contentons de parler du
cautionnement solidaire du banquier consenti avant l’ouverture de la procédure
de règlement judiciaire. Nous nous limitons aux seuls rapports entre le
banquier et le débiteur principal.
26. Le banquier caution
peut exercer trois recours contre le débiteur principal : un recours avant
qu’il ne paie[23]
et deux recours après paiement, l’un est subrogatoire[24] et
l’autre personnel[25].
L’hypothèse qui pose un problème spécifique[26] est
celle où le banquier exerce un recours personnel pour un paiement effectué
après la date d’ouverture de la procédure de règlement judiciaire en vertu d’un
cautionnement consenti antérieurement à cette date[27]. Quelle
est la date de naissance du recours personnel de la caution ?
27. Un auteur avait relevé
une hésitation entre plusieurs dates : la date de naissance du cautionnement,
celle du paiement par la caution, celle de l'exigibilité de la créance garantie[28]
et celle de la poursuite de la caution[29].
28. Théoriquement si l’on se réfère à
l’article 1505 du Code des obligations et des contrats, on peut dater la
naissance du recours personnel avec la date du paiement effectué au profit du
bénéficiaire. Il en découle que la créance du banquier est une créance postérieure
car effectuée après ouverture de la procédure. Si le paiement est effectué
pendant la période d’observation, la créance personnelle du banquier serait
privilégiée en vertu des prescriptions de l’article 34 de la loi du 17 avril
1995.
29. Cette solution est critiquée sur le plan
de l’opportunité en ce qu’elle favorise la caution qui, au fond, ne fait que
payer une dette antérieure contractée par le débiteur en difficulté envers son
créancier. Le privilège dont dispose la caution risque de résulter du seul fait
qu’elle retarde le paiement en attendant l’ouverture de la procédure et le
déclenchement de la période d’observation.
30. La Cour de Cassation française refuse, dans
sa dernière jurisprudence, une telle solution. Ainsi par un arrêt de principe en
date du 30 septembre 2008,[30]
elle a sanctionné un arrêt de la Cour d’appel de Paris confirmant
« un jugement en ce qu'il a condamné M. Y..., ès qualités, dans les
conditions prévues à l'article L. 621-32 du code de commerce à concurrence des
sommes que la banque aura payé à la société Espace Saint-Denis, aux lieux et
place de la société La Gouesnière, en exécution de son engagement de caution. L'arrêt d’appel retient que la banque a réglé sa
dette postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, que c'est ce
paiement qui constitue pour la caution le fait
générateur de son recours personnel, que le recours de la banque ayant sa cause dans le paiement
qu'elle a effectué, elle doit être considérée comme un créancier postérieur à
la procédure collective entrant dans le champ d'application de l'article L.
621-32 du code de commerce ». « En statuant ainsi, alors que la Cour
d’appel avait constaté que l'engagement de caution
de la banque avait été souscrit avant l'ouverture de la procédure collective de
la société La Gouesnière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
La Cour de Cassation française retient dans cet arrêt la date du cautionnement
comme date de naissance de la créance du banquier caution.
31. La Cour de Cassation
française avait retenu la même solution dans un cas voisin d’un recours
entre cofidéjusseurs. Par un arrêt en date du 16 juin 2004, elle juge
« que la créance de la caution qui a payé la dette et qui agit contre son
cofidéjusseur sur le fondement de l'article 2033 du Code civil prend naissance
à la date de l'engagement de la caution et non pas à la date du paiement »[31].
C-
L’antériorité de la
créance dans une opération de leasing
32. Le leasing est une
opération de crédit au sens de la loi du 10 juillet 2001, relative aux établissements
de crédit[32].
Les établissements qui s’adonnent à ce mode de crédit sont aussi bien des
établissements financiers que des banques[33]. Les
banques dites islamiques font également recours à ce mode de financement.
33. Le contrat de leasing est
régi par la loi du 26 juillet 1994, qui le définit comme « une
opération de location d'équipements, de matériel ou de biens immobiliers
achetés ou réalisés en vue de la location, par le bailleur qui en demeure
propriétaire et destinés à être utilisés dans les activités professionnelles,
commerciales, industrielles, agricoles, de pêche ou de services. »[34] Il
s’agit d’un contrat à exécution successive.
34. La difficulté se pose,
dans notre matière, quand il s’agit d’un contrat de leasing conclu avant la
date d’ouverture de la procédure de règlement judiciaire et qui poursuit ses
effets après cette date. Les créances de loyers revenant à l’établissement de
crédit pour la jouissance du bien après la date d’ouverture seront-elles
assimilées aux créances de loyers antérieures ?
36. La loi du 17 avril 1994
relative au redressement des entreprises en difficultés économiques énonce à
l’article 34 que « la priorité sera accordée aux dettes nouvelles de
l'entreprise nées à partir de l'ouverture de la période d'observation et qui
sont en relation directe et nécessaire avec la poursuite de l'activité de
l'entreprise ainsi qu'aux loyers des biens et équipements objet d'un contrat
de leasing dont les procédures de poursuite et d'exécution visant leur
récupération ont été suspendues et dont l'échéance est antérieure à
l'ouverture de la période d'observation. Elles seront payées
avant les créances précédentes, même si elles sont assorties de privilège. »
L’article 34 vise
expressément le contrat de leasing mais on se demande si le texte est bien
rédigé. En effet, en donnant un super-privilège aux loyers dont l'échéance est
antérieure à l'ouverture de la période d'observation, le législateur ne se
trompe-t-il pas de but et d’objectif ? Ne fallait-il pas parler des loyers
dont l’échéance est postérieure à l’ouverture de la période
d’observation ? Le juge devrait-il interpréter le texte à la lettre ou
doit-il chercher son esprit et rectifier en fonction de la volonté réelle de
ses auteurs ?[35] C’est cette
dernière solution qui s’impose à notre avis. Les loyers dus pour la période
d’utilisation du bien après la date d’ouverture de la procédure doivent être considérés
comme une créance postérieure et bénéficier de la préférence de l’article 34 conformément
aux énonciations figurant à ses débuts et conformément à ce que reconnaissent
les droits comparés français et allemand[36]. Une
fois restitué le véritable sens de l’article 34, on peut conclure que le loyer
dû pour la période d’utilisation du bien après la date d’ouverture de la
procédure est considéré comme une créance postérieure[37].
Inversement, le loyer dû en raison d’une jouissance antérieure à la date
d’ouverture est une créance antérieure.
D-
L’antériorité de la
créance dans une opération d’affacturage
37. En consultant le site de la société de
factoring UNIFACTOR, nous avons pu lire que cette société offre à sa clientèle des
services de financement, de gestion de portefeuille[38] et
de garantie contre les impayés.
Cette présentation des
services offerts par un factor ne permet pas de définir avec la
précision souhaitée le contrat d’affacturage. M. Mokhtar Bey propose de définir
l’affacturage comme « un contrat innomé à exécution échelonné, par
lequel un créancier- fournisseur d’un bien ou un prestataire de services –
appelé l’adhérent, transfère par telle technique juridique appropriée –
généralement la subrogation – la créance qu’il possède sur son débiteur, son
client : le débiteur cédé, à un tiers : l’affactureur contre paiement
et à charge pour celui-ci d’assurer la gestion du compte de celui-là, de
supporter le risque de non-paiement des créances qu’il aura sélectionnées et
ainsi agréées, et le cas échéant, d’accorder à l’adhérent un crédit de
trésorerie jusqu’à l’échéance de la créance à terme, le tout contre la
rémunération et dans les conditions convenues. » L’auteur remarque
qu’il s’agit « d’une ‘’opération’’ faite de complexe de rapports
de droit. » [39]
38. On distingue sommairement dans l’affacturage
trois principaux services. Tout d’abord l’acquisition de l’établissement de
factoring de la créance du fournisseur-adhérent sur son client, le débiteur
cédé[40].
Cette acquisition fait supporter sur l’établissement financier le risque
d’insolvabilité du débiteur cédé, sauf à se porter caution solidaire. Ensuite,
l’affactureur peut accorder à ses adhérents des avances de trésorerie[41]. Enfin,
l’affactureur peut n’être qu’un mandataire pour le recouvrement des créances
non-agréées.
39. Seules retiennent
notre attention les opérations de cession de créances et d’avance en trésorerie
en ce qu’elles relèvent des opérations de crédit au sens strict du terme.
40. Quand
l’établissement financier est subrogé dans les droits, actions, et sûretés de
l’adhérent, son risque est de voir le débiteur cédé en état de cessation des
paiements. Dans ce cas, se pose la question de l’antériorité ou la postériorité
de sa créance. La réponse est simple, elle doit être recherchée dans le
caractère antérieur ou postérieur de la créance de l’adhérent sur le débiteur
cédé. Il faudra déterminer la date de la contreprestation qui donne lieu à la
créance de somme d’argent et la comparer par rapport à la date de l’ouverture
de la procédure.
41. Le contrat
d’affacturage dans le système de la subrogation fait courir l’établissement
financier un autre risque dans les rapports avec l’adhérent. Celui-ci peut
commettre une escroquerie en cédant des créances fictives ou mobiliser la même
créance auprès d’organismes financiers différents pour l’obtention dans les
derniers mois précédents sa cessation des paiements des crédits qu’il n’aurait
pu obtenir par des moyens normaux. Dans un tel cas, l’établissement financier a
une action en répétition contre l’adhérent. La créance de l’établissement
financier est antérieure si la cession est faite avant la date d’ouverture de
la procédure.
42. Un arrêt de la Cour
de Cassation française fait état d’un autre risque. L’adhérent-vendeur cède à
l’affactureur des factures pour des commandes non-exécutées. Il fut mis en
règlement judiciaire peu après. L’exploitation fut continuée et des commandes
ayant donné lieu à ces factures furent exécutées et firent l’objet de
livraisons. Le factor prétendit alors être en droit de recevoir pour son compte
le paiement des factures. La Cour de Cassation estime qu’après le prononcé du
règlement judiciaire, les contrats liant le débiteur ne sont continués que dans
l’intérêt de la masse. Par suite, le créancier que le débiteur avant le
prononcé de son règlement judiciaire a subrogé dans les droits que l’exécution
de commandes lui procurera, ne peut se prévaloir de cette subrogation pour
appréhender le montant des créances qui n’ont pris naissance par l’exécution
des commandes qu’après le prononcé du règlement judiciaire et sont nées au
profit de la masse[42].
43. Les avances en
trésorerie faites par l’affactureur à l’adhérent sont qualifiées antérieures ou
postérieures à la date d’ouverture de la procédure dans les mêmes conditions qu’une
opération de prêt bancaire. Il faudra déterminer la date de remise des fonds à
l’adhérent[43].
E-
L’antériorité d’une
créance dans une opération de mourabaha (ou vente à tempérament)
44. Répugnant l’intérêt, une banque islamique ne peut consentir des prêts productifs d’intérêts à sa clientèle. La pratique bancaire recourt alors à des contrats usuels pour financer la clientèle. On peut recenser les principaux d’entre eux : al mourabaha, al ijara. La caractéristique générale de ces contrats : c’est leur complexité et leur formation successive et la création d’un rapport de dette avec le client qui s’engage à payer une somme d’argent déterminée sur une période déterminée et convenue.
Al mourabaha consiste à demander à une banque l’achat d’un bien en vue de le revendre au client avec paiement fractionné ou différé du prix. Le banquier n’achète le bien qu’après avoir conclu une promesse d’achat avec le client donneur d’ordre. Juridiquement, il y a au moins 3 contrats qui se forment successivement. Une promesse de vente entre la banque et le donneur d’ordre, une vente du fournisseur à la banque et une vente de la banque au client. Le plus fréquemment, la banque se limite à un simple rôle financier car elle se décharge dans l’opération d’achat sur le client qui, en vertu de la promesse de vente ou par un acte séparé, joue le rôle de mandataire dans l’achat.
45. Si l’on considère la banque comme un créancier au titre d’un prix de vente, l’élément générateur de la créance serait la livraison de la chose au client. Une jurisprudence française fournie peut être avancée à l’appui de cette solution.
II-
L’échelonnement
sans intérêt des créances antérieures naissant d’une opération de crédit
46. L'échelonnement des
dettes antérieures est la principale mesure de redressement dont le juge a la
maîtrise (A). Les établissements de crédit bénéficient, en pratique[44], d’un
traitement privilégié consistant en l’octroi d’intérêts dont le tribunal
détermine le taux. Cette pratique nous semble difficilement justifiable en
l’état actuel des textes (B).
A-
Le rôle primordial
des mesures d’échelonnement des paiements
47. L’inscription d’une
créance antérieure sur la liste des créanciers permet de réaliser deux
objectifs : mesurer l’endettement global de l’entreprise[45] et déterminer
la solution de la procédure.
48. L’interdiction des
poursuites individuelles et des mesures d’exécution pendant la période
d’observation ainsi que l’interdiction des paiements volontaires par le
débiteur sont autant des mesures provisoires en attendant que le tribunal se
prononce sur la demande de règlement judiciaire.
49. En principe, le
tribunal doit privilégier l’adoption d’un plan de continuation de
l’entreprise de ses activités.[46] Le
tribunal décide de la poursuite de l'activité sur la base du rapport de
l'administrateur judiciaire s'il s'avère que l'entreprise a des possibilités
sérieuses de poursuivre son activité avec le maintien, en tout ou en partie, de
l'emploi, et le paiement de ses dettes[47].
50. Le plan de
continuation proposé par l’administrateur judiciaire au tribunal peut prévoir trois
mesures pouvant avoir des incidences sur les droits des créanciers :
- l’échelonnement des dettes de l’entreprise ;
- l’abandon par les créanciers d’une partie
de leurs créances[48] ;
- la capitalisation des créances[49].
51. L’abandon des
créances et leur capitalisation sont de nature à réduire définitivement
l’endettement de l’entreprise en difficultés économiques, mais leur adoption
par le tribunal nécessite le consentement exprès des créanciers[50]. Ces
derniers sont, en pratique, peu enclins à consentir de tels sacrifices.
D’un point de vue juridique et économique,
les propositions de l’administrateur judiciaire aux créanciers sont un tout
indivisible[51]
car elles sont fondées sur des prévisions élaborées sur la base d'hypothèses
sous-jacentes. En cas de refus des créanciers de consentir à un abandon ou à
une capitalisation seule la voie de l’échelonnement des paiements est possible.
L’administrateur judiciaire doit par la force des choses n’élaborer le plan qu’après
avoir achevé la procédure de consultation pour être édifié sur l’importance des
sacrifices acceptés par les créanciers. Le plan qu’il proposera au tribunal sera
axé, en cas de refus d’abandon, sur l’échelonnement des délais de paiement.
52. Le report des
délais de paiement des créances est ordonné conformément au plan de
redressement ou après avoir été modifié par le juge s'il l’estime opportun
après avis des créanciers[52]. Le
tribunal a donc le pouvoir de modifier les délais prévus par le plan. Le plus
souvent, il demande à l’administrateur judiciaire un rapport complémentaire sur
les modifications à apporter au plan proposé.
53. Il nous faudra
déterminer le régime juridique de l’échelonnement des dettes de l’entreprise.
Quelles sont les principales règles à respecter ? Quels créanciers peuvent
échapper aux délais de paiement ? Les délais proposés et acceptés par les
créanciers s’imposent-ils au juge ? Existe-t-il des délais limites que le
juge ne saurait dépasser pour les créanciers refusant ? Les délais fixés par
le juge doivent-ils être uniformes pour tous les créanciers ? Le tribunal peut-il prévoir des délais de
paiement supérieurs à ceux qui ont été proposés par l’administrateur judiciaire
lors de la procédure de consultation ?
54. Le débiteur étant
à la tête de son entreprise peut valablement négocier avec ces créanciers de
nouveaux délais de paiement. L’observation de la pratique judiciaire confirme
cette idée. Ainsi le plus souvent, les débiteurs négocient avec
l’administration fiscale, l’organisme de sécurité sociale ou les établissements
de crédit des délais de paiement et les jugements se limitent à donner acte des
accords convenus[53].
Le plus souvent, les offres faites par le
débiteur ou l’administrateur judiciaire aux établissements de crédit
d’échelonner leurs créances sont accompagnées d’offres d’abandons partiels. Les
établissements de crédit sont le plus souvent réticents à accepter l’abandon[54]. Le
caractère indivisible de l’offre, amène souvent à un rejet total de la proposition
de la part du créancier intéressé. Le juge utilisera donc son imperium pour
fixer lui-même des délais de paiement, en tenant compte du fait qu’il n’y aura
pas d’abandon. Il a été admis dans la jurisprudence française que le tribunal
peut prévoir des délais de paiement supérieurs à ceux initialement proposés par
l’administrateur judiciaire[55].
55. Le tribunal fixe
discrétionnairement les délais de paiement des créanciers refusant. La loi
n’impose aucun délai plafond, mais le juge tient compte de la morale des
affaires[56].
Le pouvoir du juge s’étend aussi bien aux dettes échues et impayées qu’aux
dettes non échues avant l’ouverture de la procédure[57]. Il détermine
les nouveaux délais en fonction des possibilités financières de l’entreprise,
telles qu’elles résultent du plan d’affaire prévisionnel établi par
l’administrateur judiciaire. Si l’entreprise bénéficie déjà pour les dettes non
échues des délais longs, le tribunal sera amené par la force des choses à les
maintenir.
56. Il est prévu une disposition[58]
permettant au tribunal (c’est donc une faculté pour le tribunal) de soustraire
au report des délais les dettes minimes dans la limite de 5% des dettes
globales et en donnant la priorité aux créances de moindre valeur et sans que
cette exception n'englobe les créances dont le montant dépasse 0,5 % du montant
global des dettes, ou celles ayant fait l'objet d'une subrogation, ou payées
par un tiers.
57. Implicitement en
partant des principes généraux du droit des procédures collectives, on peut
postuler l’existence d’une règle qui impose de traiter les créanciers sur un
pied d’égalité en les soumettant à des délais uniformes, délais qui ne tiennent
pas compte du rang des créances. En effet, une créance d’un rang supérieur ne
peut prétendre avoir avec cette qualité une préférence sous forme de délais
courts de paiement. La préférence s’exerce seulement sur le prix de réalisation
du bien affecté en sûreté de la créance que l’octroi de délais de paiement ne
remet pas en cause. La pratique judiciaire méconnait le principe d’égalité
entre les créanciers refusant.
58. Le problème se pose
en vérité quand le plan de continuation arrêté par le tribunal prévoit la vente
d’un actif non nécessaire à l’exploitation qui se trouve grevé d’une charge
réelle[59],
principalement une hypothèque donnant à un créancier, principalement un
établissement de crédit, un droit de préférence. Le créancier doit pouvoir
exercer son droit le prix de cession en application de l’article 45 de la loi
du 17 avril 1995. Or par principe, le créancier est soumis à des délais de
paiement que le tribunal aura imposé dans son jugement. Il se peut que le délai
de paiement prévu par le plan ne soit pas encore échu et que la vente ait eu
lieu. Si le créancier reçoit paiement immédiatement, ça sera un paiement
anticipé qu’il faudra, à notre sens, actualiser. La nature des choses veut qu’une
réduction proportionnelle de la créance soit opérée pour tenir compte de ce
paiement anticipé[60].
B-
L’incidence de la
règle de l’arrêt du cours des intérêts sur l’échelonnement des paiements
59. L’article 32 de la loi du 17 avril 1995, dans sa version arabe qui fait foi, énonce que «seront arrêtés le cours de tous les intérêts et des pénalités de retard ». L’expression tous les intérêts s’applique aussi bien aux intérêts rémunératoires qu’aux intérêts moratoires. Les pénalités de retard désignent par exemple les pénalités de majoration dus à l’Etat et aux organismes de sécurité sociale. Les clauses pénales ou les clauses d'indexation n’entrent pas dans les prévisions de l’article 32.
60. L'arrêt du cours des intérêts s'attache à toutes les créances porteuses d'intérêts, qu'elles soient chirographaires ou munies d'une sûreté. C’est une solution différente de celle consacrée à l’article 460 du Code du commerce où l’arrêt du cours des intérêts ne s’applique pas aux créances garanties par un privilège spécial ou par une sûreté mobilière ou immobilière[61].
La nouvelle règle introduite par la loi de 1995 a une portée pratique importante. En effet, Le législateur tunisien pose une solution de principe selon laquelle la procédure de règlement judiciaire doit précéder celle de la faillite (art. 54 de la loi du 17 avril 1995). Or si tel est le cas, l'ouverture de la procédure de règlement judiciaire rend définitif l’arrêt du cours des intérêts. Le fait que le tribunal rejette la demande et prononce la faillite de l’entreprise n’est pas de nature à faire reprendre le cours des intérêts. La règle de la suspension du cours des intérêts à l’égard de la masse des créanciers consacrée à l’article 460 du Code de commerce n’a plus de raison d’être. C’est un cas d’abrogation implicite de la loi. Il en sera autrement, si la faillite est prononcée sans ouverture préalable de la procédure de règlement judiciaire. Dans ce cas, l’article 460 du Code de commerce continue à s’appliquer
61. La portée de la règle de l’arrêt du cours des intérêts est difficile à préciser si l’on tient compte de la place qu’elle occupe dans son contexte d’énonciation. En effet l’article 32 est placé dans un chapitre consacré à la période d’observation. La question est de savoir si les intérêts doivent reprendre leur cours normal au terme de la période d'observation. Le problème se pose par exemple pour les intérêts d’un prêt en cours de remboursement après la date d’ouverture de la procédure. Les intérêts conventionnels continuent-ils à courir après la période d'observation ? Un problème équivalent se pose également pour les échéances passées et demeurées impayées. Les intérêts de retard sur le principal ou sur les intérêts en cas de clause de capitalisation, continuent-ils à courir pour la période postérieure à la période d’observation ?
62. Le caractère définitif de l’arrêt du cours des intérêts peut se justifier du point de vue de l’opportunité économique pour une entreprise en difficultés qui n'arrive parfois pas à payer le principal de sa dette. Certes que les conséquences d’un arrêt total du cours des intérêts sont lourdes à supporter pour les créanciers en général et les établissements de crédit ou l’épargne publique[62] en particulier. Il peut en résulter un effet néfaste dans la distribution du crédit. Découragés par une telle mesure, les établissements de crédit risquent de ne plus accorder des crédits à leurs clients, notamment sur une durée moyenne ou longue où les risques deviennent de plus en plus difficiles à identifier. Pour éviter une telle conséquence, on est tenté de circonscrire le domaine d’application de l’arrêt du cours des intérêts à la seule période d’observation. Il faudra vérifier si telle est la portée de la règle telle qu’elle est comprise en droit.
63. Si nous quittons les arguments d’opportunité pour raisonner en droit, la limitation temporelle de l’effet de l’arrêt du cours des intérêts peut se recommander du contexte d’énonciation de l’article 32, placé dans un chapitre de la loi consacré à la période d’observation. De surcroît, l’énoncé de la solution dans le même article régissant la suspension des poursuites individuelles et actes d’exécution pendant la période d’observation conforte cette idée du caractère limité dans le temps de l’arrêt du cours des intérêts[63].
64. A notre avis, une interprétation restrictive de la loi limitant les effets de l’arrêt du cours des intérêts à la seule période d’observation méconnaît la différence sémantique entre les termes « suspension » et « arrêt »[64] employés dans la version arabe de l’article 32. Le législateur est d’ailleurs conscient de la distinction entre ces termes puisque, parlant des délais de forclusion ou de prescription, il revient à l’emploi de l’expression de « suspension».
65. On peut ajouter un autre argument littéral. L’article 32 contient deux phrases successives mais distinctes : la première est relative à la suspension des poursuites individuelles et la deuxième est relative à l'arrêt des cours des intérêts. La suspension des poursuites individuelles est expressément limitée à la période d'observation. Par contre en ce qui concerne l'arrêt du cours des intérêts, la loi ne dit rien de semblable. La deuxième phrase demeure indépendante même si elle commence, dans le texte arabe, par la conjonction « et ». Le point qui sépare les deux phrases est de nature à supprimer le lien créé par cette conjonction[65].
66. Pour asseoir davantage l’interprétation que nous retenons de l’article 32, il faudra expliquer pourquoi le législateur ne peut énoncer qu’une simple suspension des poursuites individuelles pendant la période d’observation. En effet, les poursuites sont suspendues pendant la période d’observation pour reprendre leurs cours une fois le jugement de règlement judiciaire par continuation est prononcé. Si le débiteur faillit à ses engagements financiers, le créancier a le droit de le contraindre à les payer par tous les moyens légaux[66]. Cette explication est d’ailleurs exprimée dans l'exposé des motifs de la loi.
67. L'interprétation que nous faisons de la l'article 32 est confirmée par les solutions retenues par les tribunaux français à propos d'un texte équivalent de la loi française, en l'occurrence l'article L.621-48 C. com., placé parmi les dispositions consacrées à la période d'observation. Selon un auteur[67], "en dépit de l'emplacement du texte, la chambre commerciale[68] se prononce pour l'arrêt définitif du cours des intérêts ; le débiteur est donc libéré de tous les intérêts courus après le jugement d'ouverture de la procédure en cas de redressement comme en cas de liquidation judiciaire[69]. Plusieurs arrêts de la Cour de Cassation ont réaffirmé une telle solution[70] tout en lui conférant un caractère d’ordre public[71].
68. Les conséquences pratiques de cette solution sont importantes, car compte tenu de la longueur de la procédure, le montant des intérêts perdus peut se révéler considérable. Les auteurs justifient la solution par plusieurs raisons : "l’unité de la procédure de déclaration et de vérification des créances ; la simplification de la procédure ; l'arrêt définitif du cours des intérêts se fonde plus spécialement, en cas de cession et de liquidation judiciaire, sur le principe d'égalité des créanciers et la nécessité de simplifier l'établissement du passif, et en cas de continuation, sur l'opportunité d'un allégement du passif de l'entreprise, condition de son redressement"[72]. La règle ne fait pas de doute en droit français même si elle souffre de certaines exceptions en vertu d’une disposition expresse[73] que d’ailleurs les tribunaux français interprètent d’une manière restrictive[74].
69. Les conséquences de l’arrêt du cours des intérêts se font sentir au niveau des cautions en vertu du caractère accessoire du cautionnement. En effet, l’article 32 n’a expressément refusé aux cautions que le bénéfice de la suspension des poursuites individuelles[75]. Or dans la mesure où la caution ne peut être tenue pour un montant supérieur que celui qui est dû par le débiteur principal[76], il faudra admettre que le cours des intérêts s’arrête pour ce dernier comme pour le débiteur en difficulté. Néanmoins la caution reste redevable des intérêts qui sont dus personnellement par elle sur le fondement de l’article 278 du Code des obligations et des contrats à compter de sa mise en demeure.
70. A notre avis, la pratique judiciaire[77] consistant à reconnaître aux créanciers, soumis à des délais de paiement, le droit de percevoir des intérêts ne trouve aucun fondement dans les textes[78]. En effet, si nous admettons que l'article 32 de la loi prévoit l'arrêt définitif du cours des intérêts, il semblerait illogique de les faire courir après. Ce que la loi donne par une main, le juge ne peut le retirer par une autre. Par ailleurs, le fait d'octroyer un intérêt à un taux que le juge détermine uniformément pour tous les créanciers ne peut se justifier au regard de la force obligatoire du contrat ou par les termes de la loi. Car de deux choses l'une: ou bien le cours des intérêts reprend après la période d'observation et ça sera dans les conditions fixées par la convention ou par la loi, sans aucun pouvoir du juge d’en déterminer le taux, ou bien le cours des intérêts est définitivement arrêté et il n'y a pas lieu de le ressusciter.
71. On ajoutera qu’il ne faut pas perdre de vue que la procédure de règlement judiciaire est destinée à apurer le passif antérieur inscrit et seulement celui-là. On ne comprend pas comment le créancier peut prétendre recevoir une créance non inscrite et non déclarée.
72. Sur le plan de la politique de sauvetage des entreprises en difficultés, le juge doit user de la règle de l'arrêt du cours des intérêts pour pousser les créanciers à consentir des remises de dettes ou à la capitalisation des créances. Les délais de paiement qu'il imposera aux créanciers dépendront des sacrifices qu'ils auront acceptés au profit de l’entreprise en difficultés. Les créanciers ayant consenti des remises de dettes peuvent avoir droit à des délais de paiement plus courts que ceux qui n’en consentent aucun. Ainsi le principe d’égalité entre créanciers est respecté : en principe, les délais de paiement seront uniformes pour tous les créanciers[79], indépendamment du rang de leurs créances, mais ceux qui ont consenti des abandons de créances ou ceux qui acceptent de capitaliser une partie de leurs créances, seront traités plus favorablement. On ne traite pas de la même façon des créanciers qui se trouvent dans des situations différentes.
60. L'arrêt du cours des intérêts s'attache à toutes les créances porteuses d'intérêts, qu'elles soient chirographaires ou munies d'une sûreté. C’est une solution différente de celle consacrée à l’article 460 du Code du commerce où l’arrêt du cours des intérêts ne s’applique pas aux créances garanties par un privilège spécial ou par une sûreté mobilière ou immobilière[61].
La nouvelle règle introduite par la loi de 1995 a une portée pratique importante. En effet, Le législateur tunisien pose une solution de principe selon laquelle la procédure de règlement judiciaire doit précéder celle de la faillite (art. 54 de la loi du 17 avril 1995). Or si tel est le cas, l'ouverture de la procédure de règlement judiciaire rend définitif l’arrêt du cours des intérêts. Le fait que le tribunal rejette la demande et prononce la faillite de l’entreprise n’est pas de nature à faire reprendre le cours des intérêts. La règle de la suspension du cours des intérêts à l’égard de la masse des créanciers consacrée à l’article 460 du Code de commerce n’a plus de raison d’être. C’est un cas d’abrogation implicite de la loi. Il en sera autrement, si la faillite est prononcée sans ouverture préalable de la procédure de règlement judiciaire. Dans ce cas, l’article 460 du Code de commerce continue à s’appliquer
61. La portée de la règle de l’arrêt du cours des intérêts est difficile à préciser si l’on tient compte de la place qu’elle occupe dans son contexte d’énonciation. En effet l’article 32 est placé dans un chapitre consacré à la période d’observation. La question est de savoir si les intérêts doivent reprendre leur cours normal au terme de la période d'observation. Le problème se pose par exemple pour les intérêts d’un prêt en cours de remboursement après la date d’ouverture de la procédure. Les intérêts conventionnels continuent-ils à courir après la période d'observation ? Un problème équivalent se pose également pour les échéances passées et demeurées impayées. Les intérêts de retard sur le principal ou sur les intérêts en cas de clause de capitalisation, continuent-ils à courir pour la période postérieure à la période d’observation ?
62. Le caractère définitif de l’arrêt du cours des intérêts peut se justifier du point de vue de l’opportunité économique pour une entreprise en difficultés qui n'arrive parfois pas à payer le principal de sa dette. Certes que les conséquences d’un arrêt total du cours des intérêts sont lourdes à supporter pour les créanciers en général et les établissements de crédit ou l’épargne publique[62] en particulier. Il peut en résulter un effet néfaste dans la distribution du crédit. Découragés par une telle mesure, les établissements de crédit risquent de ne plus accorder des crédits à leurs clients, notamment sur une durée moyenne ou longue où les risques deviennent de plus en plus difficiles à identifier. Pour éviter une telle conséquence, on est tenté de circonscrire le domaine d’application de l’arrêt du cours des intérêts à la seule période d’observation. Il faudra vérifier si telle est la portée de la règle telle qu’elle est comprise en droit.
63. Si nous quittons les arguments d’opportunité pour raisonner en droit, la limitation temporelle de l’effet de l’arrêt du cours des intérêts peut se recommander du contexte d’énonciation de l’article 32, placé dans un chapitre de la loi consacré à la période d’observation. De surcroît, l’énoncé de la solution dans le même article régissant la suspension des poursuites individuelles et actes d’exécution pendant la période d’observation conforte cette idée du caractère limité dans le temps de l’arrêt du cours des intérêts[63].
64. A notre avis, une interprétation restrictive de la loi limitant les effets de l’arrêt du cours des intérêts à la seule période d’observation méconnaît la différence sémantique entre les termes « suspension » et « arrêt »[64] employés dans la version arabe de l’article 32. Le législateur est d’ailleurs conscient de la distinction entre ces termes puisque, parlant des délais de forclusion ou de prescription, il revient à l’emploi de l’expression de « suspension».
65. On peut ajouter un autre argument littéral. L’article 32 contient deux phrases successives mais distinctes : la première est relative à la suspension des poursuites individuelles et la deuxième est relative à l'arrêt des cours des intérêts. La suspension des poursuites individuelles est expressément limitée à la période d'observation. Par contre en ce qui concerne l'arrêt du cours des intérêts, la loi ne dit rien de semblable. La deuxième phrase demeure indépendante même si elle commence, dans le texte arabe, par la conjonction « et ». Le point qui sépare les deux phrases est de nature à supprimer le lien créé par cette conjonction[65].
66. Pour asseoir davantage l’interprétation que nous retenons de l’article 32, il faudra expliquer pourquoi le législateur ne peut énoncer qu’une simple suspension des poursuites individuelles pendant la période d’observation. En effet, les poursuites sont suspendues pendant la période d’observation pour reprendre leurs cours une fois le jugement de règlement judiciaire par continuation est prononcé. Si le débiteur faillit à ses engagements financiers, le créancier a le droit de le contraindre à les payer par tous les moyens légaux[66]. Cette explication est d’ailleurs exprimée dans l'exposé des motifs de la loi.
67. L'interprétation que nous faisons de la l'article 32 est confirmée par les solutions retenues par les tribunaux français à propos d'un texte équivalent de la loi française, en l'occurrence l'article L.621-48 C. com., placé parmi les dispositions consacrées à la période d'observation. Selon un auteur[67], "en dépit de l'emplacement du texte, la chambre commerciale[68] se prononce pour l'arrêt définitif du cours des intérêts ; le débiteur est donc libéré de tous les intérêts courus après le jugement d'ouverture de la procédure en cas de redressement comme en cas de liquidation judiciaire[69]. Plusieurs arrêts de la Cour de Cassation ont réaffirmé une telle solution[70] tout en lui conférant un caractère d’ordre public[71].
68. Les conséquences pratiques de cette solution sont importantes, car compte tenu de la longueur de la procédure, le montant des intérêts perdus peut se révéler considérable. Les auteurs justifient la solution par plusieurs raisons : "l’unité de la procédure de déclaration et de vérification des créances ; la simplification de la procédure ; l'arrêt définitif du cours des intérêts se fonde plus spécialement, en cas de cession et de liquidation judiciaire, sur le principe d'égalité des créanciers et la nécessité de simplifier l'établissement du passif, et en cas de continuation, sur l'opportunité d'un allégement du passif de l'entreprise, condition de son redressement"[72]. La règle ne fait pas de doute en droit français même si elle souffre de certaines exceptions en vertu d’une disposition expresse[73] que d’ailleurs les tribunaux français interprètent d’une manière restrictive[74].
69. Les conséquences de l’arrêt du cours des intérêts se font sentir au niveau des cautions en vertu du caractère accessoire du cautionnement. En effet, l’article 32 n’a expressément refusé aux cautions que le bénéfice de la suspension des poursuites individuelles[75]. Or dans la mesure où la caution ne peut être tenue pour un montant supérieur que celui qui est dû par le débiteur principal[76], il faudra admettre que le cours des intérêts s’arrête pour ce dernier comme pour le débiteur en difficulté. Néanmoins la caution reste redevable des intérêts qui sont dus personnellement par elle sur le fondement de l’article 278 du Code des obligations et des contrats à compter de sa mise en demeure.
70. A notre avis, la pratique judiciaire[77] consistant à reconnaître aux créanciers, soumis à des délais de paiement, le droit de percevoir des intérêts ne trouve aucun fondement dans les textes[78]. En effet, si nous admettons que l'article 32 de la loi prévoit l'arrêt définitif du cours des intérêts, il semblerait illogique de les faire courir après. Ce que la loi donne par une main, le juge ne peut le retirer par une autre. Par ailleurs, le fait d'octroyer un intérêt à un taux que le juge détermine uniformément pour tous les créanciers ne peut se justifier au regard de la force obligatoire du contrat ou par les termes de la loi. Car de deux choses l'une: ou bien le cours des intérêts reprend après la période d'observation et ça sera dans les conditions fixées par la convention ou par la loi, sans aucun pouvoir du juge d’en déterminer le taux, ou bien le cours des intérêts est définitivement arrêté et il n'y a pas lieu de le ressusciter.
71. On ajoutera qu’il ne faut pas perdre de vue que la procédure de règlement judiciaire est destinée à apurer le passif antérieur inscrit et seulement celui-là. On ne comprend pas comment le créancier peut prétendre recevoir une créance non inscrite et non déclarée.
72. Sur le plan de la politique de sauvetage des entreprises en difficultés, le juge doit user de la règle de l'arrêt du cours des intérêts pour pousser les créanciers à consentir des remises de dettes ou à la capitalisation des créances. Les délais de paiement qu'il imposera aux créanciers dépendront des sacrifices qu'ils auront acceptés au profit de l’entreprise en difficultés. Les créanciers ayant consenti des remises de dettes peuvent avoir droit à des délais de paiement plus courts que ceux qui n’en consentent aucun. Ainsi le principe d’égalité entre créanciers est respecté : en principe, les délais de paiement seront uniformes pour tous les créanciers[79], indépendamment du rang de leurs créances, mais ceux qui ont consenti des abandons de créances ou ceux qui acceptent de capitaliser une partie de leurs créances, seront traités plus favorablement. On ne traite pas de la même façon des créanciers qui se trouvent dans des situations différentes.
73. Si le plan de continuation est résolu le débiteur ne devait pas des intérêts du jour du jugement arrêtant le plan de continuation jusqu'à la résolution dudit plan. L'absence de rétroactivité attachée à la résolution du plan devait conduire cette solution. D’ailleurs l’article 46 de la loi de 1995 prévoit que le tribunal qui prononce la résolution du plan décide la réouverture du règlement judiciaire pour la reprise de l'entreprise par un tiers ou, à défaut, prononce sa mise en faillite ou sa liquidation. La réouverture de la procédure débouche nécessairement à l’ouverture d’une nouvelle période d’observation avec les conséquences qui en découlent.
[1] L’article 12 de la loi
n°2009-69 du 9 août 2009, relative au commerce de distribution limite la
liberté contractuelle en matière des délais de paiement entre producteurs et
distributeurs.
[2] Circulaire de la Banque
centrale de Tunisie n°91-24 du 17 décembre 1991 relative à la division,
couverture des risques et suivi des engagements.
[3] Art. 23 la loi n°2001-65
du 10 juillet 2001, relative aux établissements de crédit.
[4] L’article 34-4 de loi
n°58-90 du 19 septembre 1958, portant création et organisation de la Banque
centrale de Tunisie charge la Banque centrale de Tunisie « d'assurer la
centralisation des risques bancaires et de les communiquer aux établissements
de crédit et aux sociétés de recouvrement des créances. Elle assure aussi la
tenue et la gestion d'un fichier des crédits non-professionnels octroyés aux
personnes physiques et peut, à cet effet, demander aux entreprises prestataires
de ce type de crédit et aux sociétés de recouvrement des créances ainsi qu'aux
commerçants s'adonnant aux ventes avec facilités de paiement de lui communiquer
toutes les informations liées auxdits crédits et facilités de paiement. La
Banque centrale de Tunisie communique aux établissements, aux sociétés et aux
commerçants précités, à leurs demandes et suite à leur réception de la demande
de crédit ou de des facilités de paiement,
des informations portant sur les montants des dettes, les délais de leur
exigibilité et les incidents de paiement y afférents, tirées du fichier sous
réserve de ne pas les exploiter à des fins autres que l'octroi des crédits ou
des facilités de paiement et sous peine des sanctions prévues à l'article 254
du code pénal. La Banque centrale de Tunisie fixe les données techniques devant
être respectées par les établissements, les sociétés et les commerçants
précités lors de la communication des informations au fichier des crédits
non-professionnels et lors de sa consultation ».
[5] Prorogation des délais
de paiement du principal, des intérêts rémunératoires voire même des intérêts
de retard.
[6] Octroi d’un nouveau prêt
pour éteindre l’ancien. La pratique bancaire parle de contrat de consolidation
ce qui est une expression ramassée de contrat de prêt de consolidation.
L’établissement de crédit rédacteur de l’acte doit apporter un grand soin à la
rédaction du contrat constatant les nouveaux arrangements pour tenir compte des
effets éventuels sur les sûretés réelles ou personnelles déjà mises en place.
Juridiquement, en effet, il s’agit d’une novation d’obligation. Or selon
l’alinéa 1er de l’article 366 du Code des obligations et des
contrats, « les hypothèques et privilèges de l’ancienne créance ne passent
point à celle qui lui est substituée, si le créancier ne les a expressément
réservés. »
[7] Art. 448 du Code de
commerce. La loi du 17 avril 1995, relative au redressement des entreprises en
difficultés économiques met en place un système de notification de signes
précurseurs des difficultés.
[8] En vertu de l’art. 54 de la loi du 17
avril 1995, la procédure de règlement judiciaire doit précéder celle de la
faillite.
[9] Peu importe la source et
la nature de l’obligation de somme.
[10] Le président du tribunal du lieu du
débiteur est compétent pour décider l’ouverture de la procédure de règlement
judiciaire.
[11] Art. 38 de la loi du 17 avril 1995. A
l’expiration de la période
d’observation, le tribunal dans sa formation collégiale statue sur le plan de
redressement. Il peut rejeter la demande de règlement judiciaire s’il s’avère que
l’entreprise n’a pas cessé ses paiements. Le partage de compétence entre le
président du tribunal et celui du tribunal n’est pas réussi. Car comment décider
l’ouverture d’une procédure de règlement judiciaire, avec les effets de droit
qui en résultent, sans être certain de la cessation des paiements ?
[12] Art. 32 de la loi du 17
avril 1995. La loi prévoit cependant une exception au profit des salariés. Mais
le jugement rendu à ce propos ne peut être exécuté que sur autorisation du
tribunal statuant sur la demande de règlement, et ce, à condition que
l'exécution ne soit pas susceptible d'empêcher le redressement de l'entreprise.
La caution ne peut bénéficier de la suspension provisoire des poursuites
pendant la période d’observation sans le consentement du créancier.
[13] La règle n’est pas
expresse dans la loi, mais elle est déduite de l'article 30 qui permet au
tribunal d’annuler, entre autres, "toute opération de nature à
privilégier un créancier par rapport à un autre, et tout paiement d'une créance
non encore échue à condition que ces opérations soient effectuées après la date
de cessation de paiement". Le législateur ne s'est pas contenté de
cette disposition de l’article 30, il a ajouté celle de l'article 56 qui
lui-même renvoie aux articles 462 et 463 du Code de commerce régissant les
actes faits par le débiteur pendant la période suspecte. L’article 462 traite
de certaines opérations accomplies par le débiteur de nature à rompre l’égalité
entre créanciers. Il s’agit des actes et aliénations à titre gratuit, à
l'exception des dons minimes d'usages, des paiements anticipés, sous quelque
forme qu'ils aient été faits, les paiements de dettes pécuniaires échues, faits
autrement qu'en espèces, lettres de change, billets à ordre, chèques, ordres de
virement et, d'une façon générale, toute dation en paiement, sous réserve des
droits acquis par les tiers de bonne foi et la constitution d'une hypothèque
conventionnelle ou judiciaire ou d'un gage sur les biens du débiteur pour
garantie d'une dette préexistante. L’article 463 traite quant à lui de la
nullité paiements normaux fait à un créancier de mauvaise foi connaissant
l’état de cessation des paiements. La nullité consacrée dans ces deux articles
est de nature différente, elle est obligatoire dans le premier cas alors
qu’elle est facultative dans le deuxième. L'interprète sentira certes un
malaise en lisant l'ensemble des articles 30 et 56 en raison de leur manque de cohérence.
L'erreur est d'ordre méthodologique et résulte de la technique de légiférer par
renvoi.
[14] La loi exige que la
créance à inscrire soit certaine. La loi permet d’inscrire une créance
contestée sur le fond ou dans son montant à condition qu’elle soit probable,
mais l’inscription n’est faite qu’à titre conservatoire.
[15] Art. 25 de la loi du 17
avril 1995. Les créanciers disposent d’un délai d’un mois à compter de la
publication de l’ordonnance d’ouverture au Journal officiel de la République
tunisienne pour s’assurer de l’inscription de leurs créances. La loi ne
distingue pas selon que le créancier soit ou non domicilié en Tunisie. Le délai
légal paraît relativement court pour les créanciers, mais il s’explique par le
souci de rapidité de la procédure et par le court délai donné à
l’administrateur de préparer le plan de redressement. Ce n’est pas exactement
une procédure de production (quérabilité) de créances à laquelle sont astreints
les créanciers. La règle est donc différente de celle retenue en matière de
faillite. L’administrateur judiciaire peut et, même doit, faire figurer les
créanciers sur la liste sans que ces derniers n’aient à accomplir une formalité
quelconque. Il le fait s’il a connaissance de l’existence de la créance,
notamment par l’examen des documents comptables ou l’état des créances joint
par le débiteur à sa demande de règlement judiciaire. L’administrateur
judiciaire commettrait, à notre sens, une faute si connaissant l’existence de
la créance, il omet son inscription. Aucune créance révélée après ce délai ne
peut être inscrite sauf sur autorisation du tribunal dans sa formation
collégiale et, dans tous les cas, aucune dette ne peut être inscrite après
l'expiration d'une année. Néanmoins, les créances fiscales et celles revenant à
la Caisse nationale de sécurité sociale peuvent être inscrites en dehors du
délai d'une année. Leur inscription doit, cependant, et dans tous les cas, être
faite dans un délai ne dépassant pas deux mois à compter de la date à laquelle
la créance est devenue certaine. La loi ne prévoit pas un recours contre la
décision de refus d’inscription. Le créancier peut, après refus d’inscription
de sa créance, agir en justice pour établir sa créance, mais la procédure de
règlement judiciaire n’est pas pour autant suspendu. Il en est de même en cas
d’admission à titre conservatoire. Les créanciers inscrits poursuivent le
paiement de leurs créances dans le cadre du plan de règlement par continuation
de l’entreprise de son activité ou sa location. Le défaut d’inscription n’est
pas en droit une cause d’extinction des créances, mais les créanciers
négligents ou ignorés ne peuvent pas poursuivre le paiement de leurs créances
pendant la durée du plan fixée par le tribunal. Cette solution est seulement
implicite dans la loi. Elle est dégagée par voie d’interprétation, par
combinaison des articles 25, 33, 38 et 46 de la loi du 17 avril 1995. Etant
observé que l’article 38 invite le tribunal à fixer la durée du plan.
Indirectement mais nécessairement, la procédure d’inscription permet déjà de
réaliser un cantonnement de l’endettement de l’entreprise, pour les besoins de
son sauvetage.
[16] En pratique, le
juge-commissaire ne prend pas formellement une ordonnance d’arrêté de la liste
des créanciers. Le tribunal s’en remet à
la liste établie par les administrateurs judiciaires, le plus souvent dans leur
rapport. La liste des créanciers ne sera connue qu’avec la remise du rapport
sur les possibilités de redressement. Un plus grand respect du texte est
souhaitable.
[17] Art. 32 de la loi du 17
avril 1995. Le texte arabe est différent du texte français. Le texte français
édicte que « seront également suspendus le cours des intérêts… ». C’est le texte
arabe qui fait foi.
[18] Nous pouvons nous demander si la solution
peut trouver appui dans l’article 246 du Code des obligations et des contrats
selon lequel « nul ne peut exercer une action naissant de l’obligation
s’il ne justifie avoir accompli ou offert d’accomplir tout ce qu’il devait de
son côté d’après la convention ou l’usage. »
[19] Pierre-Michel Le Corre,
Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action 2003-2004, Dalloz,
n°44-32, p. 268.
[20] La loi ne renferme pas
un ensemble complet de règles encadrant l’inscription des créances sur la liste
des créanciers et la mise en œuvre du privilège des créances nées dans la
période d’observation.
[21] Ainsi l’institution de
représentant des créanciers (art. 36 de la loi du 17 avril 1995) est totalement
ignorée par loi n°97-71 du 11 novembre 1997, relative aux liquidateurs,
mandataires de justices, syndics et administrateurs judiciaires.
[22] J-L Rives-Lange et M.
Contamine-Raynaud, Droit bancaire, Dalloz 6e éd, 1996, n° 385.
[23] Art. 1503 du Code des
obligations et des contrats.
[24] Art. 1509 du Code des
obligations et des contrats.
[25] Art. 1505 du Code des obligations
et des contrats.
[26] S’il s’agit d’un recours
subrogatoire, la date de naissance du recours de la caution se calque sur la
date de naissance de la créance.
[27] On peut imaginer que ce
paiement soit fait pendant la période d’observation ou après prononcé du
jugement sur la demande de règlement judiciaire.
[28] Nous préférons parler de
la date de naissance de la créance garantie.
[29] Dominique Legeais, La
date de naissance de la créance de recours de la caution solvens, LPA 9
novembre 2004, n°224, p. 57 ; Pascal Rubellin, Le recours personnel de la
caution contre le débiteur en redressement judiciaire, LPA, 21 juin 1995, n°74,
p. 16.
[30] Inédit consultable sur http://legifrance.gouv.fr ; voir aussi
Cass. com. 3 fév. 2009, Bulletin 2009, IV, n° 11 : « Viole dès lors
les articles 169 de la loi du 25 janvier 1985 et 2309 du code civil une cour
d'appel qui, après avoir constaté que l'engagement de caution
avait été souscrit le 30 janvier 1984 et que la liquidation judiciaire de la
débitrice principale avait été clôturée pour insuffisance d'actif le 28 février
1990, retient, pour déclarer recevable l'action de la caution,
que l'action indemnitaire est née postérieurement à la clôture de la
liquidation judiciaire de la débitrice principale puisque l'assignation en
paiement a été délivrée le 16 novembre 1990, alors que l'article 169 précité ne
permet pas aux créanciers, dont la créance est née avant l'ouverture de la
procédure collective, de recouvrer l'exercice individuel de leurs actions
contre le débiteur ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée
pour insuffisance d'actif ».
[31] Cass.
com., 16 juin 2004 Bulletin 2004 IV N° 123 p. 126 ; Voir Cass. com., 30 juin 2004 (Bull. n°142) à
propos de la créance de remboursement que détient le codébiteur solidaire qui a
payé la dette à l'encontre de l'autre codébiteur a son origine dans
l'engagement solidaire contracté envers le créancier ; Voir aussi Cass.
com., 30 juin 2004 (Bull. n°141) à propos de la créance éventuelle
de remboursement détenue par le créancier d'une société civile à l'encontre des
associés tenus indéfiniment du passif social à raison de leur part, créance
dont la mise en jeu est subordonnée à une préalable et vaine poursuite de la
société, naît du contrat de prêt consenti à la société. Cette créance devait
être déclarée au passif des associés dès lors qu'elle avait son origine
antérieurement à l'ouverture de la procédure collective des associés et cela,
peu importe l'antériorité de l'ouverture de cette procédure par rapport à celle
de la société civile.
[32] Art. 4 al. 2 de la loi
2001-65 du 10 juillet 2001, relative aux établissements de crédit.
[33] Art. 6 de la loi 94-89
du 26 juillet 1994, relative au leasing.
[34] Art. 1er de la loi précitée.
[35] Le texte de l’article 34 de la loi de 1995 nous
rappelle un autre anecdotique. Un décret français du 11 novembre 1917 prévoyait
que les voyageurs ne pouvaient pas "descendre lorsque le train est
complètement arrêté". Un passager a alors cru bon de devoir sauter du
train pendant que celui-ci était en marche. Le tribunal correctionnel de Lille
le condamne malgré la défense invoquée tirée de la lettre du texte. Il ne peut s’agir que d’une erreur
de rédaction. Non convaincu, le passager forme un pourvoi en Cassation. La chambre criminelle de la
Cour de Cassation le rejette par un arrêt rendu le 8 mars
1930 au motif « que le tribunal a décidé à bon droit que ce dernier texte
devait être interprété comme interdisant aux voyageurs de monter dans les
voitures ou d’en descendre avant l’arrêt
complet du train ». « Il appartient aux tribunaux
répressifs de rectifier, par voie d'interprétation, une erreur de rédaction qui
donne à un texte pénal un sens évidemment contraire à celui qu’il devait avoir ». Cass. Crim 8 mars 1930, Dalloz, p. 101, note Pierre
Voirin.
[36] Laetitia Franck,
Les contrats de location financière dans les procédures collectives d’apurement
du passif en droits français et allemand comparés, n°295, p. 158, thèse Faculté
de droit, d’économie et de gestion, Université Nancy 2, ronéotypé.
[37] L’article 35 alinéa premier de la loi du 17 avril 1995 énonce que
« l'exécution des contrats en cours liant l'entreprise aux tiers,
clients, fournisseurs et autres sera poursuivie ». Cette règle
s’applique aux contrats à exécution successive. La continuation du contrat est
une solution de principe et ne requiert aucune manifestation de volonté de la
part du débiteur ou de l’administrateur judiciaire. La disposition a bien
évidement vocation à s’appliquer au contrat de leasing en cours qui n’pas été
résilié avant l’ouverture de la procédure. Il se poursuivra, dans ce cas, selon
les conditions convenues par les parties. Toutefois le même alinéa premier de
l’article 35 poursuit en énonçant que « l'administrateur judiciaire ou
le débiteur peuvent demander d'y mettre fin après autorisation du juge
commissaire s'ils ne sont pas nécessaires à l'activité de l'entreprise ».
L’initiative de la résiliation revient à l’administrateur judiciaire ou au
débiteur, mais elle ne peut être mise en œuvre qu’après autorisation du
juge-commissaire qui s’assure que le contrat n’est pas nécessaire à l'activité
de l'entreprise. La résiliation du contrat peut se justifier sur le plan
économique par l’inutilité de grever le passif de l’entreprise en difficulté de
loyers sans contrepartie nécessaire à la poursuite de l’activité. La
résiliation du contrat de leasing en cours est décidé pour tenir compte du seul
point de vue de l’entreprise en difficulté, indépendamment des effets qu’elle
occasionne pour l’établissement financier. Deux questions juridiques se posent
dès lors :
- Les loyers dus au titre
de la période intercalaire entre la date d’ouverture et la date de résiliation
doivent-ils être considérés comme postérieurs et bénéficier du privilège de
l’article 34 de la loi de 1995 ? Une réponse positive nous semble tout à
fait indiquée, car il est impossible à l’établissement financier de se délier
du contrat de leasing unilatéralement. On présumera que le contrat s’est
poursuivi régulièrement et qu’il est en relation directe et nécessaire avec la
poursuite de l'activité de l'entreprise.
- L’établissement de leasing peut-il demander une indemnité
réparatrice de son préjudice ? Une réponse positive s’impose car rien ne
permet à l’entreprise en difficulté d’échapper à l’application du contrat. La
résiliation même si elle est justifiée sur le plan économique, reste fautive.
L’établissement de leasing peut demander réparation soit conformément aux
prévisions d’une clause pénale insérée dans le contrat, soit conformément au droit
commun. L’indemnité est une créance postérieure à l’ouverture de la procédure
de règlement judiciaire mais elle ne peut, à notre sens, bénéficier du
privilège de l’article 34.
[38] Tenue des comptes clients, imputation des
règlements et des impayés, relance et recouvrement des factures et engagement
éventuel d’actions de recouvrement contentieux.
[39] El-Mokhtar Bey, Affacturage (Factoring),
Jurisclasseur Contrats – Distribution, fasc., 2710, 5, 2003, n°61.
[40] Le support juridique habituellement utilisé
par les praticiens en France est la subrogation conventionnelle dont l’avantage
par rapport à la cession de créance, est son opposabilité de plein droit en
dehors de toute notification ou acceptation. Cet avantage n’est pas vérifié en
Tunisie car l’article 228 du Code des obligations et des contrats soumet la
subrogation, quant à ses effets, aux dispositions de l’article 205 du même code
pour lequel l’opposabilité aux tiers de la cession est subordonnée à la
formalité de signification ou acceptation par acte ayant date certaine.
[41] L’affactureur doit avoir
pour objet principal les opérations de crédit de sa spécialité. L’avance de
fonds pure et simple sur créances à court terme à recouvrer dans le cadre du
mandat de gestion et de recouvrement (créances non agréés) ou l’avance de fonds
en contrepartie du transfert de la créance par cession ou subrogation et
quoique ledit transfert soit effectué en propriété au profit de l’affactureur.
[42] Cass. com., 21 novembre
1972, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre commerciale N. 296 P. 277.
[43] Voir supra n°20 et s.
[44]
Adel Brahmi, Le droit de redressement des entreprises en difficultés, 2002, p.
183.
[45] Il se peut que le passif
ne soit pas exactement connu lors du jugement arrêtant le plan, notamment pour
les dettes simplement probables.
[46] Art. 41 et 47 de la loi
du 17 avril 1995.
[47] Art. 41 de la loi du 17
avril 1995.
[48] Art. 43 de la loi du 17
avril 1995.
[49]
Art. 44 de la loi
du 17 avril 1995.
[50]
Art. 36 de la loi du 17 avril 1995. Certaines juridictions de fond n’hésitent
pas à imposer aux créanciers l’abandon d’une partie de leurs créances. Les
motivations sont diverses. Ainsi, un jugement du tribunal de première instance
de Grombalia n°19 du 13 novembre 2000, RJL n°7, 2002, p. 225, a justifié
l’abandon par les dispositions fiscales reconnaissant aux établissements de
crédit ayant abandonné une partie de leurs créances le droit de déduire la
perte du bénéfice imposable. Le tribunal estime qu’en définitif, la perte est
subie par le trésor et non le créancier, ce qui est manifestement erroné. Dans
une autre espèce (Ch. com. de Tunis n°33 du 12 juin 1997 RJL n°7, 2002, p.
205), le juge considère que l’abandon est limité aux intérêts, ce qui participe
d’un jugement moral ou religieux de dédain à l’égard des intérêts. La Cour de Cassation
censure de tels errements. Voir Cass. n°25750 du 28 octobre 2008 RJL n°4 2009,
p. 129. Auparavant avant que ne soit modifiée la loi de 17 avril 1995, des
arrêts de la Cour de Cassation ont reconnu le pouvoir du tribunal d’imposer des
réductions de créances, Voir Cass. n° 21292 du 12 mai 2003, Cass. n°3925 du 14
décembre 2003, cités par Mohamed Hédi Ben Abdallah :
نظام إنقاذ المؤسسات التي تمر بصعوبات اقتصادية،
جار إسمهامات أجبيات المؤسسة، 2013، ص. 111.
On mentionnera incidemment
que cet article fait une distinction entre la consultation du représentant des
créanciers et celle des créanciers eux-mêmes. L’institution du ‘’représentant des créanciers’’ n’a jamais été mise
en œuvre. Il semble que le sens de cette institution n’a pas été saisi par les
pouvoirs publics et par les tribunaux. En effet, les administrateurs
judiciaires sont inscrits en tant que tels sur une liste en application de la
loi n°97-71 du 11 novembre 1997, relative aux liquidateurs, mandataires de
justices, syndics et administrateurs judiciaires. Cette loi omet cependant de
définir le statut et la mission des représentants des créanciers. Il faut
rappeler que la distinction entre administrateur judiciaire et représentant des
créanciers est la conséquence directe de la disparition de la masse de
créanciers et du syndic dans la procédure de règlement judiciaire. En tout état
de cause, la principale lacune de la loi est de ne pas avoir pris soin
de formaliser la procédure de consultation. Sa forme n’est pas fixée. Les
délais de réponse et les conséquences de l’omission de la formalité ou du
silence gardé sur les propositions qui sont faites ne sont également pas
traités. Par ailleurs, on signale une certaine confusion dans les articles 38
et 43 quant au rôle exact des créanciers devant le tribunal. Le premier article
énonce que le tribunal statue en chambre du conseil, avec l'assistance du
ministère public, sur le plan de redressement après avoir
entendu le débiteur, le représentant des créanciers et
les cautions, garants et codébiteurs solidaires alors que le deuxième article
énonce que le tribunal ordonne le report des délais de paiement des créances
conformément au plan de redressement ou après l'avoir modifié s'il le juge
opportun après avis des créanciers. On peut concilier les deux
textes en réservant la consultation des créanciers prévue à l’article 43 dans
le seul cas où le tribunal s’oriente à modifier les délais prévus par le plan
présenté par l’administrateur judiciaire. Mais on comprend mal une telle
solution, car l’administrateur judiciaire ne sollicite selon l’article 36 le
consentement des créanciers qu’en matière des délais de paiement.
[51] L’idée
d’indivisibilité est rappelée par un jugement de la Ch. com. Tunis, n°93 du 29
mars 2000 RJL n°7 2002, p. 235.
[52] Art. 43 de la loi du 17 avril
1995
[53]
Un jugement rendu par la chambre commerciale de Tunis n°102 du 11 juillet 2001
RJL n°7 2002, p. 255 estime ne pas être lié par les accords conclus lorsque
l’entreprise est placée sous le régime de règlement judiciaire et que
l’administrateur judiciaire estime que l’entreprise n’est pas en mesure de
faire face à son endettement dans les délais acceptés par le chef d’entreprise.
[54]
Sur le plan fiscal, le législateur avait, à un certain moment, encouragé les
établissements de crédit à consentir des abandons de créances en admettant leur
déduction du bénéfice imposable. L’article 48-VII-13 du Code de l’impôt sur les
revenus des personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés énonçait que
« sont déductibles de l'assiette imposable de l'exercice au cours duquel
est intervenu l'abandon, les créances en principal et en intérêts, abandonnées
par les banques au profit des entreprises en difficultés et ce , dans le cadre
du règlement amiable ou du règlement judiciaire prévus par la loi n° 95-34 du
17 avril 1995, relative au redressement des entreprises en difficultés
économiques. Les dispositions prévues par le présent paragraphe
s’appliquent aux créances et intérêts abandonnés par les établissements
financiers de leasing et les établissements financiers de factoring ». Désormais
dans la rédaction actuelle de l’article 48-VII-13 après la modification
intervenue en vertu de l’article 36 de la loi n°2009-71 du 21 décembre 2009
portant loi de finances pour l’année 2010 de la loi de finance, il est permis à
toutes les entreprises soumises légalement à l’audit d’un commissaire aux
comptes, outre les établissements de crédit, de déduire les créances en
principal et en intérêts qu’elles abandonnent totalement ou partiellement au
profit des entreprises en difficultés économiques dans le cadre du règlement
amiable ou du règlement judiciaire prévus par la loi n° 95-34 du 17 avril 1995,
et ce, pour la détermination de leurs résultats imposables. Le bénéfice des
dispositions nouvelles nécessite que l’entreprise bénéficiaire de l’abandon
soit légalement soumise à l’audit d’un commissaire aux comptes.
[55]
C.A. Versailles, 19 mai 1988, JCP E 1988, 15300, Concl. Bernard Challe.
[56]
Ch. com. Tunis n°33 du 15 juillet 1997 RJL n°7 2002, p. 217. Le tribunal juge
déraisonnable que la continuation ne soit possible qu’avec abandon de tous les
intérêts et échelonnement du principal sur 21 ans.
[57]
L’ouverture de la procédure ne peut en aucun cas être une cause de déchéance du
terme (art. 33 de la loi du 17 avril 1995.
[58]
Art. 43 de la loi du 17 avril 1995.
[59]
Art. 41 de la loi du 17 avril 1995.
[60]
On fait appel à la nature des choses pour fonder la solution. En droit français,
la règle est explicite à l’article L626-22 du Code de commerce. Il y est prévu
qu’« en cas de vente d'un bien grevé d'un privilège spécial, d'un gage,
d'un nantissement ou d'une hypothèque,… les créanciers bénéficiaires de ces
sûretés ou titulaires d'un privilège général sont payés sur le prix…Ils
reçoivent les dividendes à échoir d'après le plan, réduits en fonction du paiement
anticipé, suivant l'ordre de préférence existant entre eux. »
[61] Il s’en distingue aussi
du fait que l’arrêt du cours des intérêts prévu à l’article 32 joue dans les
rapports avec le débiteur alors que dans l’article 460 du Code de commerce, il
joue seulement à l’égard de la masse des créanciers, ce qui veut dire que le
débiteur reste tenu des intérêts.
[62]
En cas d’émission d’obligations ou de titres participatifs.
[63]
Contra Salma Khaled, Les créanciers et le règlement judiciaire des
entreprises en difficultés économiques, Mémoire DEA en droit privé, Faculté de
droit et des sciences politiques de Tunis, 1995-1996, p. 37 ; Adel Brahmi,
op. cit., p. 183.
[64] Il faudra souligner la
divergence entre la version arabe et française de l'article 32 où le terme
"yatawakafou" يتوقف"" est traduit par "sont suspendus" au lieu de
« sont arrêtés ». C’est la version arabe qui fait foi.
[65] Ici encore, on doit
attirer l'attention à la différence entre la version arabe et française de la
loi. Les traducteurs ont ajouté l’expression
« également » qui ne figure pas dans le texte arabe.
[66] Art. 46 de la loi du 17
avril 1995. L’article 46 apporte une limite à l’action des créanciers ; le
tribunal peut, en effet, interdire pendant la durée qu'il fixe, l'aliénation
sans son autorisation de certains biens de l'entreprise nécessaires à la
poursuite de son activité (art. 42). Les créanciers ne peuvent donc pas
poursuivre l’exécution sur les biens en question (art. 46).
[67] Vincent David, Les
intérêts de sommes d'argent, LGDJ 2005, p. 514.
[68] Cass. com., 7 février 1989, RTD.com 1989, n°2, p. 315; JCP E
1991 II, 15159, n 13, p. 565 obs. Cabrillac, D. 1989, som. 214. Obs. Honorat.
[69] La liquidation
judiciaire en droit français est l’équivalent de la faillite en droit tunisien.
[70] Cass. soc., 10 décembre
1996, Dr sociétés 1997, n°7, obs. Y. Chaput; Cass. com., 10 décembre 2002,
arrêt n°2063, inédit.
[71]
Bernard Soinne, Traité des procédures collectives, Litec, 2e éd.,
1995, n°1986.
[72] Jocelyne Valansan, Sauvegarde,
redressement et liquidation judiciaires, situation des créanciers, arrêt du
cours des intérêts, fasc. 2362 Jurisclasseur commercial, n°5.
[73] Les intérêts résultant
de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de
contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus ne sont pas arrêtés.
L’objectif du législateur français est de ne pas décourager l’octroi du crédit
à moyen terme.
[74] Mais la notion de prêt
est comprise dans un sens large, tel qu’une ouverture de crédit.
[75] ليليا بوستة، خصائص الكفالة، في محاضرات في
قانون التامينات العينية والشخصية، تحت إشراف بشير منوبي الفرشيشي، 2009، ص. 399.
La question n’est pas directement abordée par Imed Memmich qui analyse seulement
les effets de l’abandon de créances dans les relations entre créancier et
caution. L’auteur reconnaît que le caractère subsidiaire du cautionnement
devrait permettre à la caution de se libérer en cas d’abandon de créance. Mais
l’auteur suggère de dépasser cette solution.
عماد مميش، نجاعة الكفالة، قراءة في تبعية إلتزام
الكفيل، مركز النشر الجامعي، 2010، ص، 403 وما بعدها.
[76] Art. 1490 du Code des
obligations et des contrats.
[77]
Il arrive des fois que l’échelonnement des dettes bancaires de l’entreprise en
difficulté soit décidé sans intérêts. Ch. com. Tunis, n°102 du 11 juillet 2001,
RJL n°7 2002, p. 255.
[78] On ne sait pas si les juridictions, qui
prononcent actuellement l’échelonnement des créances moyennant des intérêts, se
posent la question de leur nature juridique. S’agit-il des intérêts
rémunératoires ou d’intérêts de retard ? La question ne commande pas
seulement le régime de droit civil des intérêts, par exemple quel est le taux
d’intérêt à appliquer, mais aussi d’ordre fiscal (par exemple en matière de
retenue à la source et de TVA). A notre avis, il ne peut s’agir que d’intérêts
de retard.
[79] Voir supra n°57.
[80] Jocelyne Valansan, op. cit., n°27 et s.
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