La déclaration à
la suite d’une saisie-arrêt
Les conséquences d’une
omission
Un créancier peut, sur
autorisation du président du tribunal ou en vertu d’un jugement, même non exécutoire,
pratiquer une saisie-arrêt des sommes d’argent ou des biens meubles appartenant
à son débiteur et se trouvant entre les mains des tiers.
La saisie-arrêt à un double
effet : l’un conservatoire, se manifestant par le gel chez le tiers saisi des
avoirs ou biens revenant au débiteur ; l’autre exécutoire où le juge autorise,
à la fin de l’action en validation de la saisie-arrêt, le tiers saisi à
remettre les sommes d’argent ou les biens meubles saisis au créancier
saisissant. Les sommes d’argent sont directement appliquées par le créancier au
paiement de sa créance, mais les biens meubles doivent être vendus aux enchères
par un huissier de justice.
Le tiers saisi, que le créancier
fait intervenir à l’action en validation, a une obligation légale de faire une
déclaration, exacte et appuyée, au greffe du tribunal des sommes ou biens
meubles dont il peut être redevable envers le débiteur saisi. Il n’échappe pas
à l’obligation de déclaration quand bien même il n’est redevable d’aucune somme
ou bien. On dira, dans ce dernier cas, qu’il fera une déclaration négative.
Le défaut de déclaration, en
première instance ou la déclaration mensongère ou incomplète, est sévèrement
sanctionnée puisque la loi permet au créancier saisissant de demander au
tribunal de déclarer le tiers saisi débiteur ni plus ni moins des sommes pour
lesquelles la saisie-arrêt a été effectuée. Le fondement de la condamnation du
tiers saisi est la faute délictuelle. Peu importe en droit si elle est
intentionnelle ou non intentionnelle. Les banques sont souvent les
destinataires privilégiées des saisies-arrêts et il leur arrive, souvent,
d’être condamnées ni plus ou moins suite à une omission de déclaration. C’est
là une aubaine pour le créancier saisissant qui trouve un meilleur répondant
que son débiteur insolvable. Le risque de non-paiement échoit, dans ce cas, sur
la banque qui ne peut exercer utilement son recours en remboursement contre le
débiteur.
La sévérité de la loi à l’égard
du tiers saisi défaillant est tempérée par la possibilité qui lui est donnée de
faire appel et, à l’occasion, de présenter la déclaration manquante. Mais pour
cela il doit justifier d’un « motif légitime ». C’est ce
concept flou qui soulève une difficulté juridique.
Les tribunaux n’acceptent
d’exonérer le tiers saisi que si le motif invoqué est sérieux (Cass.
36314 du 5/4/1995 Bull. Civ. 1, 1995, p. 160), mais là on ne fait que remplacer
une notion floue par une autre. Comme pour souligner l’exigence du caractère
sérieux du motif invoqué on ajoute que la « simple omission »
n’est pas suffisante. C’est toujours une tournure rhétorique qui est employée par
les tribunaux et non une analyse proprement juridique.
Dans un arrêt (Cass. 42179 du
1/12/1998, Bull. Civ. 1, 1998, p. 283), la Cour de cassation a admis que le
tiers saisi puisse soulever des moyens nouveaux en appel à l’instar du débiteur
saisi, et par voie de conséquence, il peut présenter la déclaration manquante
en appel. Une telle motivation n’est pas totalement exacte puisque la loi exige
que le tiers saisi justifie d’un motif légitime expliquant sa défaillance en
premier degré. L’arrêt cité est rendu à propos d’une banque qui a présenté sa
déclaration à un juge de différent de celui qui est réellement saisi de
l’action en validation. Elle aurait pu dire que, dans un tel cas, la banque
justifie d’un motif légitime lui permettant de se rattraper en appel.
La Cour de cassation (Cass. 17865
du 8/5/1991, Bull. 1991, 1, p.38) n’accepte pas comme motif légitime que le
tiers saisi invoque le défaut de connaissance de la procédure. Il est vrai que
nul n’est censé ignoré la loi, mais surtout, l’exploit de la saisie-arrêt
comporte, comme condition de validité, un rappel de la teneur de la règle
légale imposant la déclaration légale et la sanction de l’omission.
Dans un arrêt (Cass. 24062 du 15
avril 2003, Bull. Civ. 2003, 1, p. 324), la Cour de cassation déclare que le
motif légitime est tout motif établissant la bonne foi du tiers saisi. Certes
la complicité du tiers saisi est exclusive de tout motif légitime, mais le
défaut de l’argument est d’opérer un renversement de la charge de la preuve. Le
tiers saisi est toujours présumé de bonne foi jusqu’à preuve du contraire dont
la charge incombe au tiers saisissant.
Dans un autre arrêt (Cass. 5673
du 2/11/2006, Bull. Civ. 2006, 1, p. 292) la Cour de cassation évoque les
circonstances extérieures (retard du courrier postal) à la volonté du tiers saisi
et l’ayant empêché de produire sa déclaration dans les délais légaux.
A notre sens, on ne peut se passer
d’une analyse juridique serrée de la nature de l’obligation du tiers saisi.
Elle seule peut nous donner un critère opérationnel de la notion de motif
légitime autorisant une déclaration en appel. Nous tentons ici une idée que
nous croyons féconde. Le tiers sais est tenu de faire une déclaration au
tribunal. Ce faisant il accomplit (ou doit accomplir) un acte juridique
au sens de l’article 2 du Code des obligations et des contrats, c’est-à-dire
une déclaration (unilatérale) de volonté destinée à produire un effet de droit.
Or dans tout acte juridique, on exige pour sa validité, qu’il émane d’une une
volonté libre et éclairée (art. 42). Lorsque le consentement du tiers saisi est
vicié par erreur de fait, de droit ou sur la personne, il peut se rattraper en
appel et invoquer un motif légitime l’ayant conduit à se tromper sur la teneur
de la déclaration ou l’ayant même empêché de la faire (erreur invincible). Le
tribunal apprécie d’une manière concrète l’existence du vice de consentement
allégué.
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