Le projet des résolutions présenté par les minoritaires à l’ordre du jour des assemblées générales des sociétés anonymes
1- Le délai de présentation.
L’article 283 CSC autorise les actionnaires détenant au moins cinq pour cent du capital social à demander l'inscription de projets supplémentaires de résolutions à l'ordre du jour de l’assemblée générale. Il ajoute que la demande doit être adressée avant la tenue de l’assemblée générale. Il finit par énoncer que l’assemblée générale ne peut délibérer sur des questions non inscrites à l’ordre du jour. Les termes de l’art 283 sont aussi à rattacher à ceux de l’article 276 du même code exigeant que l’avis de convocation fasse mention l’ordre du jour de la réunion.
Une application combinée des deux dispositions légales conduit à considérer que le projet de résolutions présenté par les actionnaires minoritaires doive être transmis au conseil d’administration suffisamment à l’avance pour qu’il figure à l’ordre du jour de la réunion, tel qu’annoncé dans l’avis de convocation. En effet, alors même que l’article 283 CSC indique que la demande des minoritaires doive être adressée avant la tenue de la première assemblée générale, il ne faut pas en conclure qu’elle peut être adressée à n’importe quel moment et sans que les résolutions proposées aient à figurer dans l’avis de convocation. Ceci est d’autant plus vrai que littéralement le même article 283 CSC indique, sans distinction sur l’origine des résolutions soumises à l’ordre du jour, que l’assemblée générale ne peut délibérer sur des questions non inscrites, donc non annoncées. Quand l’alinéa 2 de l’article 283 précise que le projet de résolutions présenté par les actionnaires est inscrit à l’ordre du jour, il signifie que le conseil d’administration, auteur de la convocation de l’assemblée générale, a une compétence liée quand il reçoit une demande des minoritaires d’ajouter le projet des résolutions dans l’avis de convocation.
Le projet de résolution présenté par les minoritaires doit parvenir suffisamment à l’avance pour permettre au conseil d’administration, organe de gestion de la société, de se réunir et de prendre position quant au sens du vote qu’il souhaite obtenir des actionnaires.
2- Le libellé des résolutions
Le projet de résolution que peut proposer un actionnaire en vertu de l’article 283 doit revêtir la forme d’une décision. Une décision n’est pas un discours, une recommandation ou encore un exposé des motifs. Il n’est pas encore moins une calomnie ou vexation. Quand par exemple un actionnaire voudrait proposer de révoquer un administrateur, il doit se limiter à proposer une résolution selon laquelle l’assemblée générale décide de révoquer Untel(le) de son mandat d’administrateur. Il n’est pas possible de libeller la résolution en y incluant ses motifs. Les motifs d’une décision n’en font pas partie. Ils peuvent, à la limite, figurer dans un document extérieur qui sera soumis à la lecture aux actionnaires. Ces derniers seront appelés à voter la résolution sur la foi du rapport qui leur est présenté par les actionnaires demandeurs ainsi que sur celui du conseil d’administration qui, doit-on le rappeler, est habilité à donner des consignes de vote aux actionnaires.
Des fois l’actionnaire minoritaire requiert simplement l’accomplissement d’une mesure d’audit de la gestion. Ce n’est pas à proprement parler une décision. C’est une simple mesure d’information qu’il requiert et non une véritable décision sociale.
Il y a un risque que le projet de résolution, mal rédigée, apparaisse sans aucune teneur décisoire. C’est ainsi quand on écrit par exemple que l’assemblée générale prend acte de la défaillance d’un dirigeant dans le respect d’une obligation lui incombant en vertu de la loi. L’assemblée générale qui prend acte d’une défaillance ne prend pas réellement une décision produisant un effet de droit. C’est comme si on avait écrit dans la résolution que l’assemblée générale est informée de la commission d’une faute ou un manquement aux obligations incombant au dirigeant en vertu de la loi. Dire être informé d’une quelconque irrégularité n’est pas prendre une décision. Constater qu’il y a des manquements par le dirigeant à certaines règles ne relève pas de l’ordre des décisions. Au surplus, la qualification d’un comportement comme étant fautif est de la compétence du juge. L’auteur de la résolution pouvait par exemple proposer la révocation de l’administrateur ce qui constituerait une vraie décision.
On ne peut proposer à l’assemblée générale « de ne pas approuver une convention réglementée ». La formulation est erronée. Car l’assemblée générale doit prendre une décision positive et non une décision négative. Dans cet exemple, l’assemblée générale sera appelée à approuver ou ratifier une convention réglementée (article 200 et 202 CSC). C’est le défaut de majorité qui entraîne le défaut d’approbation. Au surplus, il ne faut pas oublier que l’assemblée générale sera normalement appelée à voter un projet de résolution présenté par le conseil d’administration relatif aux conventions qu’il a autorisées. Dans l’ordre de passage, les résolutions présentées par le conseil d’administration auront la priorité au vote. De sorte que si l’assemblée générale votait valablement l’approbation lesdites conventions, la résolution présentée par les actionnaires de ne pas les approuver deviendrait sans objet.
Le projet de résolution ayant pour objet de remarquer que la réponse donnée par le conseil d’administration à des écrites présentées par certains actionnaires sur le fondement de l’article 284 bis CSC est ambiguë et manque de transparence n’est pas véritablement une décision. Le droit à l’information exercé sur la base des questions écrites de l’article 284 bis CSC est étranger à toute décision de l’assemblée générale car la loi se limite à exiger que les questions et les réponses soient communiquées aux actionnaires en prolongement de leur droit à l’information consacré par l’article 280 CSC.
3- La compétence de l’assemblée générale
Les actionnaires ont la possibilité de requérir l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée de tout projet de résolution, même s'il n'est pas en rapport avec l'ordre du jour établi par l'auteur de la convocation. Mais la résolution à proposer doit ressortir de la compétence de l’assemblée générale convoquée. C’est une condition nécessaire à la déclaration de sa recevabilité. Le plus souvent en pratique c’est une assemblée générale ordinaire. Mais rien n’interdit de présenter un projet de résolution de modification des statuts à l’occasion de la tenue d’une assemblée générale extraordinaire.
L’assemblée générale ordinaire est compétente pour toute question qui ne relève pas de la compétence de l’assemblée générale extraordinaire ou de celle du conseil d’administration. La règle est expressément consacrée à l’article 278 CSC. En application de cette règle la compétence de l’assemblée générale ordinaire s’étend aux questions suivantes :
- l’approbation des états financiers ;
- l’affectation des résultats ;
- la nomination et la révocation des membres du conseil d’administration ;
- la nomination et la révocation des membres du conseil de surveillance ;
- la révocation des membres du directoire et leur remplacement ;
- la ratification de la nomination provisoire d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance;
- la désignation et la révocation du commissaire aux comptes ;
- l’approbation des conventions autorisées par le conseil d’administration ou par le conseil de surveillance ;
- la confirmation des conventions non autorisées par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance ;
- la fixation du montant des jetons de présence ;
- l’approbation des rémunérations des dirigeants sociaux et les rémunérations exceptionnelles allouées aux membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance ;
- l’autorisation de poursuivre une action en responsabilité contre les administrateurs ou les membres du directoire ou du conseil de surveillance ;
- l’autorisation d’émettre un emprunt obligataire ;
- l’autorisation des actes que les statuts prévoient qu’ils ne pourront être pris par le conseil d’administration ou le directoire seul.
C’est au regard de ces différents chefs de compétence qu’il faudra apprécier le projet des résolutions présentées par l’actionnaire demandeur. Un projet de résolution qui se limite à requérir une mesure d’audit d’une ou plusieurs opérations de gestion ne peut être de la compétence de l’assemblée générale ordinaire. Car même si l’assemblée générale contrôle la gestion du conseil d’administration à travers le rapport de gestion qui lui est présenté, elle se limite à se prononcer sur l’approbation des états financiers. Le rapport de gestion n’est pas, quant à lui, soumis à la formalité d’approbation.
Il ne faut pas perdre de vue qu’en droit strict, le pouvoir d’ordonner des mesures d’audit incombe au seul pouvoir du conseil d’administration puisqu’il est le seul organe social investi du pouvoir d’administration de la société. La règle est consacrée à l’article 197 CSC. Sa compétence est, en la matière, exclusive, sans empiétement par l’assemblée générale ordinaire en vertu de l’article 278 précité. Ces règles relatives à la compétence des organes sociaux sont d’ordre public. Il ne peut y être directement ou indirectement dérogé.
L’assemblée générale ordinaire ne peut révoquer le président directeur général, la décision étant de la compétence exclusive du conseil d’administration (art 208 CSC).
Article publié sur les colonnes du magazine Le Manager, Septembre 2016, N°222, p. 48.