Chaque fois où un texte
légal ou réglementaire crée un organe collégial, appelé à prendre des
décisions ou donner des avis, il prévoit des règles relatives au
conditions de son fonctionnement. Parmi ces règles celles du quorum.
Le quorum se définit en
droit des affaires comme étant « le nombre des participants, présents ou
représentés, nécessaire pour qu'une assemblée d'une association ou d'une
société par exemple puisse délibérer (Lexique des termes juridiques,
2017-2018, Dalloz, p.924) ». Cette définition peut être généralisée à tout
organe collégial. Le quorum est calculé par tête et pour les assemblées
générales des sociétés commerciales, il est calculé par nombre de parts
sociales ou actions détenues dans le capital. Nous exposons ci-après quelques
idées générales relatives à l’exigence du quorum (1) et au traitement à
réserver quand le quorum n’est pas réuni (2).
1) L’exigence du quorum
Fondement du quorum. L’exigence du quorum est associée à
l’existence d’un organe collégial qui prend des décisions ou donne des avis à
la majorité. Son fondement est que la décision ou l’avis doit émaner des
délibérations d’un collège représentatif de l’ensemble des membres le
composant. Le quorum exprime de cette représentativité : c’est le nombre
minimum de voix présentes.
Caractère d’ordre public du quorum. Les règles relatives au
quorum sont d’ordre public et l’on ne peut y déroger. Elles sont destinées à
protéger les membres des collèges contre leur propre absentéisme et contre les
abus des décisions prises en catimini. Elles sont suffisamment substantielles
pour que des sanctions existent : la nullité d’une délibération faite en
violation de la règle du quorum.
Les sources formelles du quorum. On considère que les
dispositions spéciales déterminant le quorum requis pour qu’un collège siège
valablement ont trait à l’exercice par ce collège de la compétence décisoire ou
consultative qui lui est dévolue. Les règles de quorum doivent dès lors
résulter du texte législatif ou réglementaire fixant la composition et les
règles de fonctionnement du collège et ne sauraient être compétemment édictées
par lui au titre d’un règlement intérieur. Les règles du quorum ne peuvent être
fixées par le règlement intérieur du collège hors habilitation expresse du
législateur ou du pouvoir réglementaire. Ces règles conditionnent le
fonctionnement de l’organe collégial. Elles contribuent même à l’existence
effective du collège. D’ailleurs pour que celui-ci puisse fixer son règlement
intérieur, il faut au préalable qu’il puisse se réunir et statuer conformément
aux règles de quorum qui lui sont applicables. Celles-ci sont donc extérieures
au collège.
Le quorum de droit commun. Généralement, la loi fixe
le quorum requis. Mais des fois, les textes omettent de le chiffrer. Quel est
donc le quorum de droit commun en cas de silence de la loi ? Une décision
du Conseil d’Etat français (CE., ass., 18 avr. 1969, n°72551, Meunié, Lebon, p.
208 ; AJDA 1969, p. 431 chron. J.-L. Dewost et Denoix de Saint Marc) a
posé une solution de principe. Il a été estimé que le quorum correspond à la
moitié des membres du collège plus un : « Considérant, d’une part
qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’ayant fixé un quorum applicable
aux délibérations de ladite commission, celle-ci peut valablement délibérer dès
lors que plus de la moitié des membres la composant sont présent ». On
aurait pu imaginer une solution qui fixe le quorum à la moitié des membres
composant le collège.
Calcul du quorum. Seuls sont décomptés les membres physiquement
présents. Les membres absents mais représentés par mandat donné à un autre
membre, ne peuvent pas faire partie du quorum. Des textes spécifiques peuvent
cependant prévoir une exception et tenir compte de la présence par
représentation. Tel est le cas d’une assemblée générale d’une société anonyme.
Il arrive qu’un membre du collège soit interdit de
vote. Dans ce cas, sa voix n’est pas prise en compte dans le calcul du quorum.
L’assiette de calcul du quorum ne tient pas compte de sa présence effective
concernant le point de l’ordre du jour pour lequel il est interdit du droit de
vote.
Il arrive qu’il y ait un cas de vacance par suite
d’une démission, décès, révocation ou un quelconque évènement qui est de nature
à faire perdre une personne sa qualité de membre du collège. Cette situation de
vacance d’un poste peut être comblée par la désignation d’un autre pour le
remplacer. Mais quid si le remplacement n’intervient pas ? Comment calculer dans
une telle hypothèse le quorum ? Est-ce qu'on le calcule sur le nombre
légal des membres ou sur le nombre des membres qui sont en fonction ? Nous
estimons que le calcul du quorum s’effectue par rapport au nombre des membres
en exercice, c’est-à-dire effectivement en fonction, qui peut différer de
l’effectif légal du collège. En effet, le quorum se calcule en droit sur le
nombre des personnes ayant une voix dans le collège délibérant. Or, du moment
qu’un membre a perdu sa qualité, la voix dont il dispose n’est plus prise en
compte dans le calcul du quorum. C’est donc sur la base du nombre des membres
restants en fonction que le quorum doit être calculé.
Vérification du quorum. Le quorum doit être
vérifié et atteint à trois moments différents de la réunion du collège. Il
l’est tout d’abord en début de la séance. Une réunion ne peut être déclarée
ouverte qu’après avoir procédé à l’appel nominal et avoir vérifié le quorum. Il
est souvent dressé une feuille de présence. Le quorum est ensuite vérifié lors
de la mise en discussion de chaque point de l’ordre du jour. La règle du quorum
doit être vérifiée délibération par délibération. Mais les départs des membres,
survenus entre la mise en discussion d’une délibération et le vote, demeurent
sans effet sur le quorum. Ce choix est non seulement fondé juridiquement mais
aussi réaliste car il empêche les manœuvres. Le quorum est, enfin, apprécié à
la reprise de la réunion s’il y a eu suspension, qu’il ne faut pas confondre
avec l’interruption de fait ou la clôture d’une réunion.
Qu’en est-il si le quorum n’est pas atteint ?
2) Le défaut du quorum.
Procès-verbal de carence. Le défaut du quorum
n’empêche pas les membres présents de continuer la réunion sans toutefois
prendre des décisions. Il faut néanmoins ajouter une précision. Le défaut de
quorum ne dispense pas d’établir un procès-verbal de carence pour constater le
défaut du quorum. C’est très utile en cas de deuxième convocation.
Les solutions légales spéciales. Il arrive souvent que
les textes prévoient le traitement à réserver quand la réunion n’atteint pas le
quorum requis. La loi peut baisser le quorum en deuxième convocation ou
permettre une deuxième convocation où le collège peut délibérer sans s’arrêter
à un quorum. Le plus souvent, cet assouplissement est prévu pour éviter une
paralysie totale de l’organe. Des fois, la loi tout en baissant le quorum lors
d’une deuxième ne permet plus d’aller plus loin quand le quorum n’est pas atteint
dans la deuxième réunion. C’est le cas pour les sociétés à responsabilité
limitée ou les sociétés anonymes quand il s’agit de modifier les statuts. La
décision de modification étant grave, le quorum est infranchissable. D’une
manière générale, les textes spéciaux doivent recevoir application. La question
est plus délicate quand il y a silence de la loi. Quelle est la règle de droit
commun ?
La règle de droit commun. Un arrêt de principe est
rendu par le Conseil d’Etat français (CE., 18 mars 1981, n°03799, Union
générale des fédérations des fonctionnaires CGT, Lebon, p. 577). Il s’agit en
l’espèce, de la réunion du Conseil supérieur de la fonction publique (français)
qui a été consulté sur les dispositions du décret du 7 mai 1976. La procédure à
suivre exigeait en principe le quorum des 2/3 des membres prévu par l’article
10 du décret du 14 février 1959. Rien n’est dit au cas où ce quorum n’est pas
atteint. En l’espèce, le président de l’assemblée générale de ce conseil, après
avoir constaté que 15 des 30 membres de l’assemblée générale s’étaient abstenus
de déférer le 18 décembre 1975 à la convocation qui leur avait été adressée, a
convoqué de nouveau cette assemblée, avec le même ordre du jour, le 23 décembre
suivant. En s’abstenant de déférer à cette nouvelle convocation, les 15
représentants des organisations syndicales ont mis le conseil dans
l’impossibilité de respecter le quorum. Le Conseil d’Etat a jugé par suite,
quels qu’aient été les motifs de cette abstention, le Conseil supérieur a pu
régulièrement délibérer le 23 décembre 1975.
Il faut toutefois attirer l’attention que cette
solution de droit commun ne peut valablement jouer que si la première
convocation était régulière en la forme (CE, 10 juin 2013, n°355791, JurisData
n°2013-011914, La semaine juridique Administrations et collectivités
territoriales, n°26 ; 24 juin 2013, act. 543).
La reconvocation. Les systèmes de reconvocation à une deuxième
réunion peuvent varier. On peut par exemple penser que dans la mesure où la loi
ne fixe pas de contraintes en termes de délai de reconvocation, celle-ci pourra
avoir lieu le jour même. Il convient néanmoins, dans ce cas, d’en avertir les
membres dans la lettre qui vaudra convocation pour les deux réunions. Il arrive
aussi de fixer une autre date. En cas de doute relatif à l’atteinte du quorum à
la première convocation, l’auteur de la convocation peut informer les membres
de la date retenue pour la deuxième convocation. Ce procédé ne dispense
cependant pas de renouveler les formalités de convocation quand une deuxième
réunion s’avère nécessaire. L’auteur de la convocation doit préciser qu’il
s’agit d’une deuxième convocation.
Bien entendu, l’auteur de la convocation peut décider
de renouveler la convocation en faisant comme s’il s’agit d’une première convocation
auquel cas, il faut revenir aux règles de quorum d’une première réunion.