La base de calcul des intérêts débiteurs
L'article
1098 du Code des obligations et des contrats (COC) régissant le contrat de prêt
à intérêts comporte deux alinéas que l'on peut rappeler. Selon le 1er,
"les intérêts ne
peuvent être calculés que sur la taxe d'une année entière.'' Selon le 2e, "en matière
commerciale, ils peuvent être calculés au mois." Ces deux alinéas posent
des règles explicites et implicites que nous expliquerons dans le présent
billet.
1)
La mesure de l'année dans le calcul des intérêts
L'article 1098 consacre un principe de solution (a)
et la possibilité d'une dérogation contractuelle (b). Le choix entre
l'une ou l'autre n'est pas dénué d'intérêt sur le plan pratique (c).
a) Le principe de solution.
Le principe de solution est que les intérêts des sommes
d'argent sont calculés par référence à un pourcentage d'une année entière.
Le terme "année" est défini à l'article 141 COC. Il y est
prévu que "quand le terme est calculé (…) par années, on entend par année
un délai de trois cents soixante-cinq jours entiers."
Ainsi si l'article 1098 COC énonce que les intérêts sont
calculés sur la taxe d'une année, il faudra entendre sur la taxe d'un délai
de trois cents soixante-cinq jours. La règle est claire et n'exige pas
d'être interprétée.
b) La dérogation contractuelle
Il est toutefois possible de calculer les intérêts sur la
base d'un délai de trois cent soixante jours. Comme toute dérogation à une
règle générale, il faudra pour la consacrer une stipulation expresse dans le
contrat. Un usage, dont la position dans la hiérarchie des sources de droit est
inférieure, ne saurait suffire pour déroger à la solution légale.
Pour que les parties adoptent pratiquement une telle durée
de l'année de 360 jours, elles doivent convenir d'un intérêt calculé au mois.
Il sera par exemple stipulé, " Les sommes prêtées par la Banque
produiront intérêts au taux de … % le mois." Les
parties pourraient arriver au même résultat, si le contrat donnait une
définition contractuelle à l'année. Ainsi, il sera stipulé ce qui suit : "Les
sommes prêtées par la Banque produiront intérêts au taux moyen mensuel du
marché monétaire majoré de 3.5 % l’an. On entend par an une durée de trois cent
soixante jours.'' Il n'est pas en effet interdit de donner des définitions
contractuelles aux termes employés dans le contrat.
c) Intérêt pratique de la mesure de l’année.
Mathématiquement, le débiteur des
intérêts n’a aucun avantage à un calcul des intérêts sur une année raccourcie
de 360 jours au lieu de 365. Si les durées sont partielles, c’est-à-dire moins
qu’une année, le système de calcul des intérêts devient pénalisant. Prenons l'exemple simple
d'un prêt de 1000 dinars rémunéré d'intérêt au taux de 10% l'an remboursable en
une seule fois après 9 mois, c'est-à-dire 270 jours. Si l'on retient une année
de 365 jours l'intérêt dû est 73,972 dinars alors que si l'on retient une année
de 360 jours l'intérêt dû est 75 dinars.
2)
Le domaine d'application des
solutions légales
Il faut distinguer les rapports entre des personnes
civiles (a), entre des commerçants (b) ou entre un commerçant et
un non commerçant, rapports dits mixtes (c).
a) Domaine de la solution de principe. Rapports civils.
Le calcul sur la base d'une année de 365 jours est
d'ordre public dans les rapports civils. Est civil tout rapport qui n’est pas
commercial (voir infra). Les parties à un contrat de prêt civil ne
peuvent convenir d'une année de 360. La clause est nulle.
b)
Domaine de la solution dérogatoire. Rapports commerciaux.
Le calcul sur la base d'une année de 360 jours est
cependant possible dans les rapports commerciaux. La qualité de commerçant
s'apprécie par rapport à l'article 2 du Code du commerce (commercialité par
l'objet), l'article 4 du Code de commerce (commercialité par accessoire) et
l'article 7 du Code des sociétés commerciales (commercialité par la forme).
c) Difficulté particulière - Les rapports mixtes.
La difficulté se pose néanmoins quand il s'agit des
rapports contractuels mixtes établis entre un commerçant et un non-commerçant.
Que faut-il décider d'une clause du contrat qui choisit un délai de 360 jours
dans un contrat de prêt conclu entre une Banque et son client non-commerçant ?
Pour respecter les dispositions de l'article 1098 COC, il
faudra avoir égard à la qualité du débiteur des intérêts. Ainsi quand le débiteur
des intérêts est une personne civile, son obligation est considérée comme
civile et le calcul des intérêts débiteurs se fait sur la base d'un délai de
365 jours. La clause du contrat qui prévoirait un délai de 360 jours serait
nulle[1].
En revanche quand c'est une Banque qui est débitrice des
intérêts, la clause de calcul des intérêts sur la base d'un mois (c'est-à-dire
une année de 360 jours) est valable et produit ses effets.
[1] La 1re chambre civile de la
Cour de cassation française consacre cette même solution. Le montant des
intérêts de tout crédit accordé à un consommateur (mobilier ou immobilier) doit impérativement être calculé sur l'année civile : Cass. 1re civ., 19 juin 2013, n° 12-16.651 : D. 2013, p. 1615, obs. V. Avéna-Robardet ; D. 2013, p. 2084, note J. Lasserre-Capdeville ; RD bancaire et fin. 2013, comm. 185, note F.-J. Crédot et Th. Samin ; RD bancaire et fin. 2013, comm. 187, note N. Mathey ; Gaz. Pal. 2013, n° 312 à 313, p. 17, note M. Roussille. La solution a été réitérée par un arrêt du 17 juin 2015 (Cass. 1re civ., 17 juin 2015, n° 14-14.326 : JurisData n° 2015-014608.