vendredi 25 septembre 2015

Les récentes grèves dans les services publics de la santé et de l’enseignement

Les récentes grèves 

dans les services publics de la santé et de l’enseignement


Les agents de la santé publique ont observé une grève les 11 et 12 juin dernier, la troisième en deux mois et qui intervient après deux grèves sectorielles le 28 et 29 avril 2015, et les 20,21 et 22 mai 2015. La commission administrative sectorielle de la santé relevant de l’UGTT a par la suite décidé l’organisation d’une ‘’grève administrative’’ du 22 au 27 juin, suivie d’une grève sectorielle le 9 et 10 juillet dans tous les établissements hospitaliers publics. Cette décision intervient en signe de protestation contre les retenues effectuées sur les traitements pour les jours de grève, mesure que certains syndicalistes qualifient de ‘’pénalisante’’, ‘’provocatrice’’, ‘’unilatérale’’ et ‘’portant atteinte au droit à la grève’’. 

La ‘’grève administrative’’ signifie, selon le syndicat, que les usagers pourront bénéficier, contrairement à ce que prévoient les règlements (Décret n° 98-409 du 18 février 1998), de la gratuité des consultations et des soins, tout au long de la période de grève. Suivie pendant deux jours, la ‘’grève administrative’’ a été suspendue le 24 juin. Une enquête préliminaire semble être ouverte contre certains agents sur initiative propre du ministère public (Journal Assabah 24 juin 2015). Dans un communiqué daté du 19 juin 2015, le ministère de la santé considère que ‘’cette décision n’est pas légale et que son impact sur les recettes des établissements hospitaliers sera important.’’

Les enseignants des établissements publics d’enseignement du secondaire et du primaire ont déclenché à leur tour des grèves. Ceux du primaire ont aussi appelé à une ‘’grève administrative’’ qui laisse entendre que les instituteurs boycottent toute activité autre que l’enseignement, notamment ils ne font pas passer les examens du troisième semestre. La ‘’grève administrative’’ a eu lieu comme tout le monde sait, mettant en échec le système d’évaluation scolaire habituel. Les parents d’élèves ne voient pas d’un bon œil la grève des enseignants du secondaire (http://www.leconomistemaghrebin.com/2015/02/16/). Par arrêté en date du 10 juin 2015, le ministre de l’éducation a décidé, à titre exceptionnel pour l’année scolaire 2014-2015, que ‘’tous les élèves des écoles primaires inscrits aux établissements d'enseignement publics accèdent au niveau supérieur’’. La Fédération générale de l’enseignement de base a agi en nullité dudit arrêté devant le Tribunal administratif et a présenté à son Premier président une requête en sursis à exécution qui fut rejetée pour défaut d’intérêt (Ordonnance n°418620 du 29 juil. 2015, journal Hakaekonline, le 6 août 2015). Les syndicats menacent de boycotter la prochaine rentrée scolaire.

Ces grèves dans les services publics de la santé et de l’enseignement interpellent le juriste surtout qu’elles interviennent après la promulgation de la nouvelle Constitution du 27 janvier 2014. Trois questions seront brièvement évoquées dans cette chronique : le droit des fonctionnaires à faire grève (1), la notion de ‘’grève administrative’’ rapprochée avec celle de grève (2) et le droit de l’administration de faire des retenues sur le traitement normalement dû aux grévistes (3).

1) Le droit de grève des fonctionnaires


a) Un droit à valeur constitutionnelle. La nouvelle Constitution de 2014 a mis fin à un débat qui avait agité la doctrine tunisienne. Il s'agissait de savoir si les fonctionnaires pouvaient régulièrement faire grève. Une réponse négative était traditionnellement avancée sur la base, à la fois, du principe de droit administratif de la continuité du service public (Yadh Ben Achour, Droit administratif, 3e éd. CPU 2010, p. 361) et de l’article 107 du Code pénal (CP) qui réprime de l'emprisonnement pendant deux ans ‘’le concert, arrêté entre deux ou plusieurs fonctionnaires ou assimilés en vue de faire obstacle par voie de démission collective ou autrement, à l'exécution des lois ou d'un service public.’’ ‘’Cette disposition, poursuit l’alinéa 2 du même article, ne fait pas obstacle à l'exercice, par les agents publics, du droit syndical, pour la défense de leurs intérêts corporatifs dans le cadre des lois qui le réglementent’’. L’article 107 CP a un champ d'application large puisqu’il vise les fonctionnaires et assimilés dont la définition est donnée à l’article 82 CP.

Le Doyen Abdelfatteh Amor (La reconnaissance du droit de grève dans les services publics en Tunisie, Mélanges René Chapus, LGDJ, 1992, p. 39 et notamment p. 53), usant d’un raisonnement a contrario à partir des statuts particuliers édictés en application de l'article 2 du statut général de la fonction publique (Loi n°83-112 du 12 déc. 1983) et refusant expressément à certaines catégories de fonctionnaires le droit de grève, soutient l’idée que la grève n’est pas interdite pour les autres fonctionnaires. Il n'y aurait ni infraction pénale, ni faute disciplinaire à faire grève.

M. Neji Baccouche (La répression pénale et disciplinaire dans la fonction publique, CREA, Tunis 1990, p. 64) est d’un avis contraire en récusant le raisonnement a contrario surtout que l’article 107 CP n’a pas été expressément abrogé. Il est, en effet, tout à fait incongru qu’un texte infra-légal (un statut particulier étant promulgué par décret), puisse servir à un raisonnement a contrario pour déroger à une règle légale expresse (art 107 CP) ou à un principe général de droit (continuité du service public) ayant la même valeur juridique qu’un texte de loi.

Le Tribunal administratif s'est rangé derrière les auteurs favorables au droit de grève des fonctionnaires (TA. 1153 du 18 avr. 1986 cité par Abdelfattah Amor op.cit. ; TA n°1195 27 mars 1987 rec. 1975-1993, p. 179 ; TA 2 mai 1990 cité par Amel Aouij-Mrad cité infra). ‘’Si la grève est explicitement interdite pour certains corps de fonctionnaires, par contre, elle est permise pour les autres corps à la condition de s’exercer dans le cadre de la réglementation en vigueur.’’ Une auteure (Amel Aouij-Mrad, Droit des services publics, ENA, 1998, p. 74) estime que cette jurisprudence est réaliste et raisonnable. Il fallait, peut être, lire plus attentivement la fin de l’attendu de la décision du Tribunal administratif qui exige que le droit de grève soit exercé dans le cadre de la règlementation en vigueur. Or celle-ci fait justement défaut si l’on considère que le Code du travail a un domaine d’application limité aux relations privées de travail alors même qu’il s’applique aux entreprises publiques (art 1er).

La Constitution de 2014 clos le débat sur le principe du droit de grève dans les services publics. Elle donne d’une part, au droit de grève une valeur constitutionnelle et élargit d’autre part, le cercle des titulaires. Elle a énoncé, dans une rédaction large, à l’alinéa 1er de l’article 36 que ‘’Le droit syndical est garanti, y compris le droit de grève.’’ Strictement entendu, cet alinéa fait une distinction conceptuelle entre le droit syndical et le droit de grève. Cette distinction est faite en écho à l’article 8 al. 2 de la constitution du 1er juin 1959 qui ne se prononçait qu’à propos du droit syndical en le garantissant. Les employés de quelque secteur qu’ils soient pouvaient s’organiser en syndicats pour la défense de leurs droits professionnels. Mais cela n’impliquait en rien reconnaissance de la valeur constitutionnelle du droit de grève.

L’alinéa 1er de l’article 36 de la Constitution de 2014 est complété par deux autres sur proposition faite en assemblée plénière de la constituante par certains députés. En vertu de l’alinéa 2, l’armée nationale se voit dénier le droit syndical avec son corollaire le droit de grève et en vertu de l’alinéa 3, les forces de sécurité intérieure se voient refuser le droit de grève seulement.

b) Un droit constitutionnellement aménagé. La question reste cependant posée de savoir si le droit de grève est absolu. L’article 36 de la Constitution doit être complété par l’article 49, applicable à tous les droits et libertés, selon lequel ‘’la loi détermine les restrictions relatives aux droits et libertés garanties par la présente constitution, et à leur exercice, sans que cela porte atteinte à leur essence. Ces restrictions ne peuvent être décidées qu’en cas de nécessité exigée par un Etat civil et démocratique et dans l’objectif de protéger les droits d’autrui, la sécurité publique, la défense nationale, la santé publique ou la morale publique en respectant le principe de la proportionnalité des restrictions à l’objectif recherché.’’ (Vers une nouvelle ère dans la protection des droits fondamentaux en Tunisie : La mise en œuvre de l’article 49, Rapport d’un séminaire tenu à Gammarth les 27 et 28 novembre 2014, avec la participation d’experts nationaux et internationaux. Rapport élaboré par le Programme des Nations Unies pour le Développement en TUNISIE (PNUD), en collaboration avec l’Institute for Democracy and Electoral Assistance (IDEA) et Democracy Reporting International (DRI) http://democracy-reporting.org/files/rapport_article_49_1.pdf. Le droit de grève risque, en effet, d’entrer en conflit avec d'autres principes constitutionnels auquel cas la loi devrait les concilier. Le Conseil constitutionnel français a reconnu que ‘’le droit constitutionnel de grève pouvait être mis en balance avec d’autres principes à valeur constitutionnelle, comme la continuité du service public rattachée à la continuité de l’Etat, la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens ou le principe d’égalité’’ (Philippe Terneyre, Grève dans les services publics, Rép. trav. Dalloz, sept. 2008, n°72 ; Pierre-Yves Gahdoun, Les aléas du droit de grève dans la constitution, Droit social 2014, p. 349 et s). 

En principe, il appartient au législateur de fixer les limites du droit de grève. Il agira sous le contrôle du juge constitutionnel. On peut se demander si, pendant cette période délicate d’agitation sociale que connaît la nouvelle Tunisie, l’ARP est politiquement en mesure de voter une loi encadrant le droit de grève des fonctionnaires. En raison du vide législatif actuel, il appartient à l'autorité administrative, responsable de l’ordre public et de l’organisation et du fonctionnement du service public, de réglementer la grève dans le secteur public. ‘’Sa compétence est supplétive de la carence du législateur’’ (Philippe Terneyre, op. cit.) Il est bien évident qu’elle reste soumise au contrôle du juge administratif (CE Ass. 7 juil. 1950, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 12e éd, p. 436). Mais qu’est-ce qu’une grève et une ‘’grève administrative’’?

2) Grève et ‘’grève administrative’’


a) Une définition implicite de la grève. Il ne faut pas s’attendre à ce que la constitution nous donne la définition de la grève. Rare ou jamais la constitution définit les notions qu’elle emploie.

On peut penser emprunter la définition donnée en droit privé du travail. Ceci est d’autant plus légitime que la grève ne doit pas avoir un sens différent selon qu’elle est poursuivie par des travailleurs employés dans le secteur privé ou par des fonctionnaires employés dans le secteur public.

En réalité, le Code de travail (CT), régissant la grève dans le secteur privé, omet de donner une définition de la notion. On peut faire un effort définitoire en combinant plusieurs règles. Ainsi d'abord l’article 92 régit la question de la récupération d’heures de travail par suite d’une interruption de travail résultant d’une grève. Ensuite, l’article 376 exige qu’il soit donné un préavis de grève, approuvé par la centrale syndicale, indiquant la date d’entrée en grève et sa durée. Enfin, l’article 388 interdit l’occupation des lieux pendant la grève. Ces divers éléments permettent d’avancer cette définition que ‘’la grève est une interruption collective pure et simple d’activité en vue de la défense d’intérêts économiques et professionnels.’’ C’est la définition habituelle que donne la Cour de cassation française en l’absence d’une définition dans le Code de travail français (Cass. soc. 3 juill. 1986 1987. Somm. 205 obs. M.-A. Rotschild-Souriac).

b) La ‘’grève administrative’’ n’est pas une grève. La définition que nous avons proposée de la grève permet de dire si la ‘’grève administrative’’ est une grève au sens juridique du terme, avec toutes les conséquences qui découlent de son régime juridique.

Une réponse négative s’impose sans nul doute. La ‘’grève administrative’’ n’est pas une cessation de travail, mais exécution d’un travail d’une manière non-conforme. Ainsi quand, le personnel de santé décide de donner des soins aux usagers sans qu’ils aient à justifier du paiement des redevances réglementaires, comme l’exigent les instructions données par l’employeur, il n’y a pas juridiquement une cessation de travail, c’est-à-dire une grève (Compr. Cass. Soc 16 mars 1994 D. 1994. 364, note Y. Saint-Jour, rendu à propos d’un contrôleur de la SNCF ‘’travaillant’’ sans vérifier les titres de transport). La même remarque vaut pour les enseignants qui décident de dispenser des cours, mais refusent de faire passer aux élèves les examens. Juridiquement, de telles pratiques sont considérées comme un « refus d’exécuter le service conformément aux prescriptions de l’autorité hiérarchique, sans qu’il y ait pour autant cessation du travail ». Quelle conséquence peut avoir une grève et une ‘’grève administrative’’ sur le traitement normalement dû au fonctionnaire ?

3) Les retenues sur traitement pour fait de grève et ‘’grève administrative’’


a) Le principe du trentième indivisible en cas de grève. L'administration a-t-elle droit de retenir une partie du traitement dû au fonctionnaire qui interrompt son activité en faisant grève ? La retenue est-elle obligatoire ? Comment calculer son montant ?

En vertu de l’article 13 de la loi n°83-112, les agents publics ont droit, ‘’après service fait’’, à une rémunération. La notion de service fait est également exprimée à l'article 126 du Code de la comptabilité publique (CPP). ‘’Est normalement en service l'agent public qui se trouve durant le temps du service, dans le « lieu du service » et utilise les moyens du service, et ce, normalement en vue d'exercer sa fonction’’ (Stéphane Guérard et alias, Encyclopédie des collectivités locales, Chapitre 5 (folio n°10352) - Les rémunérations, Dalloz, n°6). La grève étant une interruption d’activité du fait du fonctionnaire, elle doit donner lieu, comme dans le cas d’une absence individuelle (TA n°1310 du 18 juin 1986), à une retenue sur le traitement pour service non-fait. Le principe de la retenue, contrairement à ce que soutiennent les syndicats, ne porte pas atteinte au droit de grève. ‘’La retenue n'a pas un caractère disciplinaire et l'agent, qui en fait l'objet, ne bénéficie donc pas des garanties attachées à une procédure disciplinaire. Mais elle ne doit pas être utilisée par comme un « substitut de sanction disciplinaire » pour réprimer toutes les actions commises par les agents durant une grève.’’ (Stéphane Guérard et alias, op. cit. n°43)

Les syndicats cherchent à négocier des accords avec l’administration en vue de ne pas effectuer les retenues. En droit strict, de tels accords sont illicites et susceptibles d’annulation par le juge administratif (CAA Douai, 21 juin 2007, AJFP 2007 p. 312) ‘’Le paiement des jours de grève, qui est une pratique assez courante s'inscrivant dans la logique des négociations relatives à l'issue du conflit, est surtout une pratique illégale : en l'absence de service fait, l'autorité compétente n'a aucun fondement pour payer légalement un agent.’’ Le paiement irrégulier du traitement peut donner lieu à restitution.

Le calcul du montant de la retenue se fait, en principe, avec la règle du trentième indivisible exprimée à l’article 96 CCP. ‘’Autrement dit, la grève pendant une fraction quelconque de la journée donne lieu à une retenue égale à un trentième du traitement mensuel’’ (Fabrice Melleray, Les retenues pécuniaires pour fait de grève dans les services publics, AJDA 2003, p. 1648).

Des difficultés particulières surgissent dans le cas spécifique des enseignants et du personnel de santé.

Prenons l'exemple d’un enseignant dont le temps de service n’est pas continu. Le Conseil d’Etat français a estimé qu’‘’en cas d’absence de service pendant plusieurs jours consécutifs, le décompte des retenues à opérer sur le traitement mensuel d’un agent public s’élève à autant de trentième qu’il y a de journées comprises du premier jour inclus au dernier jours inclus où cette absence de service fait a été constaté, même si, durant certaines de ces journées, cet agent n’avait, pour quel cause que ce soit, aucun service à accomplir’’ (CE 7 juil. 1978, Rec. CE 1978, p. 304). Dans une autre décision, le même Conseil d’Etat estime que ‘’les personnels enseignants bien que n’ayant aucun cours à assurer devant les élèves le jour de la grève, ont manifesté leur volonté de s’associer au mouvement de cessation concertée du travail organisée dans leur établissement peuvent légalement être regardés comme n’ayant pas accompli de service pendant toute la durée de ladite grève’’ (CE 6 mai 1988, AJDA, 1988, p. 585, chron. Michel Azibert et Martine Boisdeffre).

Ou encore l’exemple emprunté à M Fabrice Melleray (op. cit.) d’un personnel de santé ayant un service se déroulant entre 20 heures et 6 heures du matin et qui s’associe à une grève ayant lieu durant une journée civile ‘’n’’ en arrêtant le travail le jour ‘’n’’ à 0 heures et en reprenant le travail le jour ‘’n + 1’’ à 0 heures. Le Conseil d’Etat français considère qu’il convient d’opérer une retenue correspondant à deux jours de grève (CE Ass. 15 fév. 1980, AJDA 1980, p. 282 chron Yves Robineau et Marc-André Feffer).

En réalité, s’il y a lieu de discuter la question des retenues sur les rémunérations, c’est au niveau de leur mode de calcul et non au niveau de leur principe. La commission administrative de l’UGTT a appelé à la révision de la législation qui régit les prélèvements (http://www.leconomistemaghrebin.com/2015/05/22/). L’article 49 de la Constitution de 2014 exige que les restrictions au droit de grève respectent le principe de la proportionnalité. ‘’La règle du trentième indivisible s’éloigne évidemment d’une logique de stricte proportionnalité entre la retenue et l’absence de service fait dans un sens défavorable aux grévistes’’ (Fabrice Melleray, op. cit.). Le juge constitutionnel français a refusé de censurer la règle du trentième indivisible en estimant que ‘’pour les personnels de l’Etat et des établissements publics de l’Etat à caractère administratif, la retenue sur traitement s’analyse en une mesure de portée comptable et n’a pas, par elle-même, le caractère d’une pénalité financière.’’ (DC du 28 juil. 1987, Chron. Cons., Pouvoirs n°44, p. 186). On se demande si telle sera la position du juge administratif tunisien en présence d’un texte exprès de la constitution exigeant le respect de la règle de la proportionnalité.

b) Le cas de la ‘’grève administrative’’. Il va sans dire que l’exécution défectueuse des obligations nées du service caractérise une faute professionnelle (art. 6 de la loi 83-112). Elle peut faire l’objet de sanction disciplinaire. On peut même craindre que la ‘’grève administrative’’ poursuivie par les agents de la santé ne tombe, en raison de ses effets financiers négatifs, sous le coup de la loi pénale comme l’avait soutenu le ministre de la santé dans une note datée du 20 juin 2015 adressée au directeur des établissements publics de santé et faisant référence aux articles 96 et 107 CP. D’ailleurs l’un des journaux quotidiens rapporte qu’une ‘’enquête était ouverte contre 6 agents de la santé publique à Sfax suite à leur participation à la grève administrative’’.

Sur un autre plan, on peut se demander si une retenue sur traitement doit également s’opérer en cas de ‘’grève administrative’’. La notion de service non-fait englobe-t-elle le service mal fait ?

En l’absence d’un texte exprès, nous sommes d’avis de retenir une conception restrictive de service fait et de son opposé du service non-fait. La retenue sur salaire pour une activité mal faite s’apparente à une mesure disciplinaire. Or, l’art 51 (nouveau) de la loi 83-112 donne un caractère limitatif aux sanctions disciplinaires et ne prévoit pas des réductions ou des retenues pécuniaires. C’est d’ailleurs dans ce sens que s’est prononcé le Conseil d’Etat français. ‘’Le fait pour des professeurs d'avoir, en application de consignes syndicales, refusé d'accueillir plus de vingt cinq élèves dans une classe n'est pas assimilable à une cessation de travail dès lors que les intéressés ont assuré un enseignement pendant la totalité des heures qui leur étaient imparties. L'article 4 de la loi du 29 Juillet 1961 n'étant pas applicable, illégalité des retenues opérées sur le traitement des intéressés.’’ (CE 20 mai 1977, Recueil Lebon)

Il est peut être utile de rappeler que l’irresponsabilité pécuniaire de l’agent pour grève illégale ne fait pas obstacle à la responsabilité civile du syndicat professionnel ayant été à son origine. La jurisprudence française admet déjà la responsabilité des syndicats pour mouvements illicites (Cass. soc. 26 janv. 2000, D. 2000, p. 67) et pour faits illicites commis à l’occasion d’une grève (Cour de cassation, soc. 17 juil. 1990, D. 1990. p. 200) lorsqu’il est établi qu’ils étaient eux-mêmes les instigateurs, par instructions ou par tout autre moyen, des actes illicites. Les mêmes solutions peuvent valoir en droit tunisien sur la base des articles 82 et 83 du Code des obligations et des contrats. Il est grand temps d’activer la responsabilité civile des syndicats au même titre que celle des individus ou de l’Etat.

jeudi 3 septembre 2015

Le projet de loi portant des mesures spécifiques de réconciliation dans les domaines économique et financier dans ses rapports avec la justice transitionnelle : La part du droit



Le projet de loi portant des mesures spécifiques
de réconciliation dans les domaines économique et financier
dans ses rapports avec la justice transitionnelle :
La part du droit
3 septembre 2015
Introduction

La loi n°2013-53 du 24 décembre 2013, relative à la justice transitionnelle. Avec 125 voix pour, 0 contre et une abstention, l'Assemblée constituante nationale a adopté tard dans la nuit de samedi (14 décembre 2013) à dimanche (15 décembre 2013) le projet de loi organique sur la justice transitionnelle et son organisation. La loi est promulguée par le Président de la République sous le numéro 2013-53, le 24 décembre 2013 et publiée au J.O.R.T. dans son édition du 31 décembre 2013. La loi organique n°2014-17 du 12 juin 2014, portant dispositions relatives à la justice transitionnelle et aux affaires liées à la période allant du 17 décembre 2010 au 28 février 2011, sans qu’elle ait formellement apportée une modification à la loi du 14 décembre 2013, en constitue cependant un prolongement. Cette loi prévoit à son article 2 que, « les attentats ayant engendré les martyrs et blessés de la révolution sont considérés comme des violations, graves au sens des articles 3 et 8 de la loi organique n°2013-53 du 24 décembre 2013 relative à l'instauration de la justice transitionnelle et à son organisation. » L’article 3 ajoute qu’ « en cas de transmission des dossiers au ministère public par l'instance de la Vérité et de Dignité, conformément à l’article 42 de la loi organique n°2013-53 du 24 décembre 2013 relative à l'instauration de la justice transitionnelle et à son organisation, le ministère public doit d'office les renvoyer aux chambres juridictionnelles spécialisées mentionnées à l'article 8 de la même loi organique. Dès leur renvoi aux chambres spécialisées par le ministère public, ces dossiers sont prioritaires quelque soit le stade de la procédure ».

« La justice transitionnelle désigne, selon la loi du 24 décembre 2013, un processus cohérent de mécanismes et de moyens approuvés pour appréhender et traiter les atteintes aux droits de l'homme commises par le passé, en en dévoilant la vérité, en demandant des comptes à leurs auteurs, en en dédommageant les victimes et en les rétablissant dans leurs droits, et ce, dans le but de la réalisation de la réconciliation nationale, de la préservation et de la conservation documentée de la mémoire collective, de la mise en place de garanties de non-répétition, et de la transition de l’autoritarisme vers un régime démocratique propre à contribuer à la consécration du système des droits de l'homme. »[1]
L'avant-projet de la loi a été élaboré par « la Commission technique de pilotage du dialogue national sur la justice transitionnelle. » [2] Il est, selon le discours officiel, « le fruit d'une série de débats régionaux et de conférences sur les principes de la justice transitionnelle et les moyens de mettre en place un système qui répond aux aspirations et attentes des tunisiens quant à ce projet»[3]. Un rapport sur le processus de la justice transitionnelle est élaboré pour rendre compte des travaux de la commission technique[4].
La place de la loi du 24 décembre 2013 dans de l’ordonnancement juridique. La loi sur la justice transitionnelle est votée par l’assemblée nationale constituante sous l’empire de la ‘’petite constitution’’[5] sous forme d’une loi organique[6]. Après la promulgation de la constitution de janvier 2014, elle peut théoriquement être modifiée en respectant les formes requises par la constitution pour le vote des lois organiques[7]. Néanmoins, il faut se demander si l’article 148-9 de la Constitution de 2014 n’est pas de nature à limiter le pouvoir législatif en la matière. Il est en effet énoncé que, « l’Etat s’engage à appliquer le système de la justice transitionnelle dans l’ensemble de ses domaines et dans la période fixée par la législation qui y est relative. Dans ce contexte, il n’est pas permis d’invoquer la non-rétroactivité des lois ou une amnistie[8] préexistante ou l’autorité de la chose jugée ou la prescription d’un crime ou d’une peine. » Ce texte faisant référence à la justice transitionnelle constitutionnalise-t-il implicitement la loi de 2013 ? Deux réponses sont théoriquement possibles.

La première, maximaliste, donne valeur constitutionnelle à la toute loi organique dans sa globalité[9]. Dans cette optique, le fait qu’elle soit formellement en dehors de la constitution n’empêche pas qu’elle ait une valeur constitutionnelle. En conséquence de cette lecture, toute modification de la loi est une modification de la constitution. Si l’on modifie la loi de 2013, en procédant par un vote selon la procédure de vote des lois organiques, on commettrait une violation de la constitution. Le juge de la constitutionnalité est autorisé, dans ce cas, à l’annuler.

La deuxième lecture, minimaliste, emprunte une démarche analytique des termes de l’article 148.9. Elle y distingue diverses composantes :

  • Le système de la justice transitionnelle
  • Les domaines de la justice transitionnelle
  • La période fixée par la législation qui la concerne.
  • Diverses règles matérielles : dérogation au principe de non rétroactivité de la loi pénale, absence d’effet d’une amnistie préexistante, absence d’effet de l’autorité de la chose jugée et absence d’effet de la prescription d’une infraction ou d’une peine. 
Nous préférons cette deuxième lecture. A notre sens, le pouvoir constituant n’a pas entendu figer le contenu de la loi ni en faire un texte prolongeant la constitution. D’ailleurs, il le reconnaît à l’alinéa 2 du paragraphe premier de l’article 148 de la Constitution quand il a permis aux députés de l’A.N.C., pendant la période transitoire jusqu’à l’élection de l’Assemblée des représentants du Peuple, de proposer des textes de loi relatifs au système de la justice transitionnelle.

A notre sens, le pouvoir constituant n’a formellement fait référence à la législation régissant la justice transitionnelle qu’en matière de période passée couverte. Une nouvelle loi organique qui viendrait modifier la période initiale pourrait enfreindre la Constitution. Cet attachement de la part des pouvoirs constituants à préserver la durée couverte par la loi sur la justice transitionnelle est certainement en écho avec le débat ayant lieu lors du vote [10]. On peut d’ailleurs se demander si c’est cette contrainte constitutionnelle qui a commandé le vote d’une une nouvelle loi organique n°2014-17 du 12 juin 2014, portant dispositions relatives à la justice transitionnelle et aux affaires liées à la période allant du 17 décembre 2010 au 28 février 2011, qui sans formellement toucher à la loi du 14 décembre 2013 en constitue un prolongement[11]. Mais pour les deux autres questions, c’est-à-dire l’engagement de l’État d’appliquer le ‘’système de la justice transitionnelle’’ et de respecter ‘’les domaines de la justice transitionnelle’’, doit être compris dans une acception strictement constitutionnelle[12] détachée de la législation particulière qui lui donne corps. Le fait que la loi de 2013 soit antérieure ou postérieure à l’adoption de la Constitution ne change pas à la hiérarchie des textes. C’est la constitution qui occupe toujours le rang supérieur et qui impose aux lois d’un rang inférieur les limites qu’elles se doivent de respecter. Il n’est donc pas interdit au législateur de modifier le système déjà en place ou de restreindre ou d’étendre son domaine. La seule contrainte qui puisse exister est celle qui résulte des impératifs constitutionnels.

Le projet de loi organique de réconciliation nationale. Un projet de loi organique est proposé par le Président de la République[13]. C’est un texte relativement court ne comportant que douze articles.

L’article premier du projet de loi détermine les objectifs poursuivis : « il s’agit de renforcer le système de la justice transitionnelle et de créer un climat propice à l’investissement et le renforcement de la crédibilité dans les institutions de l’Etat. La loi aurait pour objet d’arrêter des mesures spécifiques à la corruption financière et aux atteintes aux deniers publics aboutissant à un traitement rapide des dossiers pour consacrer la réconciliation nationale considérée comme le but suprême de la justice transitionnelle. » Trois séries de mesures sont ensuite prévues : 1) L’arrêt des poursuites, des procédures et des peines contre des fonctionnaires publics et assimilés pour corruption financière sauf cas de corruption et détournement de deniers publics, 2) la possibilité pour ceux qui ont obtenu un avantage résultant d’une corruption financière ou d’une atteinte aux deniers publics de transiger avec l’Etat ce qui mettrait également fin aux poursuites, procédures ou peines et, enfin, 3) une amnistie, sous conditions, en matière de change. Un dernier article contenu dans le projet de loi a pour objet d’abroger toutes les dispositions de la loi du 24 décembre 2013 ayant trait à la corruption financière.

Ce projet de loi a provoqué un débat sociétal. Les positions et avis sont partagés, et parfois violents[14], car les critères d’appréciation ne sont pas les mêmes. Les uns relèvent de l’utilitaire, les autres du sentiment de justice. C’est une opposition classique dans tout débat normatif. La majorité de nos incompréhensions réciproques provient de ce décalage dans les critères d’argumentation et surtout de l’absence de conscience des critères employés. Souvent, le politique l'emporte sur l'argumentation juridique d'où les malentendus et les interprétations tendancieuses et déformantes.

Dans cet article, nous nous limitons à une approche juridique de la question. La problématique à laquelle nous essayons de répondre est la suivante : le nouveau projet de loi est-il conforme, ou du moins compatible, à la Constitution de 2014 en ce qu’elle constitutionnalise le concept de la justice transitionnelle ?

Plan. On doit dire que le nouveau projet de loi a un impact principal sur l’un des aspects de la loi sur la justice transitionnelle, celui de la redevabilité. Il nous faudra au préalable le présenter (Première partie), avant de vérifier la mesure de l’atteinte constitutionnelle dont il a pu faire l’objet (Deuxième partie).

Première partieL’exigence de la redevabilitépour les atteintes faites aux droits de l’hommeet aux deniers et probité publics dans la loi sur la justice transitionnelle

Nous allons présenter dans ce qui suit les domaines des atteintes visées par la loi sur la justice transitionnelle (Section 1) et les modes de la redevabilité qu’elle leur assigne (Section 2).

Section 1
Les domaines des atteintes

D'apparence limitée aux seules violations des droits de l'homme (§1), la loi sur la justice transitionnelle a élargi son domaine à d'autres violations (§2).

§ 1) La conception restrictive de l'atteinte

L'article 1er de la loi de 2013 définit la justice transitionnelle comme "un processus intégré de mécanismes et de moyens mis en œuvre pour cerner les atteintes aux droits de l'Homme commisses dans le passé et y remédier, et ce, en révélant la vérité, en demandant aux responsables de ces atteintes de rendre compte de leurs actes, en dédommageant les victimes et en rétablissant leur dignité afin de parvenir à la réconciliation nationale, préserver et d'archiver la mémoire collective, d'instaurer des garanties pour que ces atteintes ne se produisent plus, et de permettre la transition d'une dictature à un régime démocratique contribuant à la consécration des droits de l'Homme".


Cet article 1er limite le centre d'intérêt de la justice transitionnelle aux seules atteintes aux droits de l'Homme commises dans le passé. Il se fait écho des objectifs généralement assignés aux lois régissant la justice transitionnelle après la fin d'un conflit armé ou un changement politique important.[15]. L'article 3 de la loi réitère ce même souci quand il définit la notion d'"atteinte". Elle signifie "toute agression caractérisée ou méthodique perpétrée à l'encontre de l'un des droits de l'homme". De cette manière, on constate qu’aucune allusion n’est faite à la criminalité touchant à la probité des agents publics et au respect des deniers publics.


Malgré cette exclusive donnée aux violations des droits de l’homme, les rédacteurs du projet de loi soumis par le gouvernement à l’ANC, avaient employé, dans des articles épars, des notions diverses renvoyant aux atteintes passées faites aux deniers publics et à la probité publique. Ainsi on utilise les termes de corruption[16], malversations financières[17], détournements de deniers publics[18] et gestion malsaine des fonds publics[19]. Ces diverses appellations auraient dû amener les rédacteurs du projet à reformuler les articles 1er et 3 de la loi pour rendre compte de cette double préoccupation de la justice transitionnelle en Tunisie[20].

§ 2 La conception extensive de l'atteinte

C'est quand le projet de loi est transmis à l'ANC qu'on a pris conscience de son insuffisance. Le Commission de la législation générale de l'ANC a pensé combler la lacune en ajoutant un dernier tiret à l'article 8 consacré à la justice pénale et à la redevabilité pénale. Selon cet ajout, les tribunaux connaissent "des infractions économiques de détournements de fonds publics et de corruption financière", mais paradoxalement l'article 42 du projet de loi traitant de la transmission des dossiers au ministère public n’avait pas été mis en harmonie. Il a fallu penser à le reformuler pour énoncer que l'Instance de la vérité et de la dignité « transmet au Ministère Public les dossiers dans lesquels sont confirmées des atteintes graves aux droits de l'homme et aux détournements des derniers publics et à la corruption.» Or ledit article est resté tel quel limité aux seules violations des droits de l’homme. On peut même remarquer une limitation de son étendue puisqu’il vise la transmission des dossiers pour les seuls cas des violations graves des droits de l’homme.

De même l’attention de la Commission de la législation générale l'ANC n'avait été attirée par la teneur de l'article 9 du projet qui déclare imprescriptibles les actions en justice relatives aux violations mentionnées à l’article 8 de la loi. Cette formulation était en adéquation avec le contenu initial de l’article 8 du projet qui ne visait que les violations des droits de l’homme. Or en ayant aussi visé les violations de nature économique, il a fallu réécrire l’article 9 pour maintenir l’idée initiale de l’imprescriptibilité des violations des droits de l’homme.

Dans les discussions générales du projet de loi seul le député Salah Chairat a évoqué en termes généraux la criminalité en col blanc. Après la reprise des discussions du projet article par article, les élus se sont arrêtés à l’article 8, relatif aux atteintes. Sans remettre en cause l’extension des poursuites pénales aux infractions de nature économique, certains élus ont considéré que les atteintes spécifiques à la Tunisie n’avaient pas été pas prises en considération dans le projet de loi. Le débat sur cet article a conduit la présidente de la séance à la lever pour une reprise le lendemain, avec une réunion des présidents des blocs parlementaire auparavant afin de trouver un consensus sur les articles. Le lendemain, samedi 14 décembre 2013, la séance a repris dans la matinée, et l’article 8 a été voté dans sa version consensuelle qui ajoute référence aux fraudes électorales d’une part et aux contraintes de la migration forcée pour des raisons politiques d’autre part[21].

Mais la nouvelle rédaction de l’alinéa dernier de l’article 8 n’était pas heureuse comparée à celle de l’article 42. Une interprétation littérale conduit à considérer que les chambres spécialisées se chargent directement des affaires qui leurs sont transmises par l’Instance de la Vérité et de la Dignité relatives à la fraude électorale, à la corruption financière, les détournements des deniers publics et à l’exil forcée pour des raisons politiques. On dirait que l’action publique n’est plus l’apanage du ministère public

Les domaines temporel et personnel des atteintes à la probité publique. L’extension du domaine de la justice transitionnelle aux atteintes à la probité publique pose deux autres problèmes, l’un est d’ordre temporel, l’autre est d’ordre personnel.

La loi sur la justice transitionnelle charge l’Instance de la Vérité et de la Dignité de couvrir une période comprise entre le 1er juin 1955 et la date de promulgation de la loi, c’est-à-dire 24 décembre 2013. La question se pose de savoir si cette période s’applique aux seules violations des droits de l’homme ou encore celles relatives à la probité publique. Il faut avouer que dans la conscience populaire et même dans les débats sous l’hémicycle de la Constituante, seule la période sept ‘’novembrienne’’ est taxée d’être une période de corruption et d’atteinte aux deniers publics.

Sur un autre plan, on doit se demander si les personnes visées par la loi sur la justice transitionnelle en matière de probité publique sont, sans distinction, tout fonctionnaire public et assimilé[22] ayant commis l’une quelconque des infractions figurant dans les articles de 83 à 115 du Code pénal. Car il a été remarqué « la malversation a touché pratiquement tous les secteurs et rares sont les personnes n’ayant pas, d’une manière ou d’une autre, appuyé l’ancien système. D’où également la question fondamentale : allons-nous nous limiter à Ben Ali et à son clan dans cet assainissement, ou est-ce que cela va toucher toute personne ayant illégalement tiré profit de sa position ou de son pouvoir pendant la dictature »[23] ?

Notre faveur va pour une conception restrictive du champ temporel et personnel de la justice transitionnelle. Outre les motifs de l’opportunité pratique qui cherche à réduire la charge de travail de l’Instance de la Vérité et de la Dignité[24] ainsi que celle des chambres spécialisées, il faut noter que le système de la justice transitionnelle est un système d’exception. Quand il supprime le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale ou quand il déclare l’imprescriptibilité de certaines infractions, il ne veut pas l’ériger comme règle absolue pour toute infraction rentrant dans le domaine de la loi et commise au cours de la période couverte - telle que l’homicide volontaire ou le viol-. On ne vise pas tous les homicides ou viols commis par toute personne. Le domaine d’application personnel de la justice transitionnelle doit être relié à l’idée véhiculée par l’article 3 de la loi de 2013 quand il vise « toute agression caractérisée ou méthodique perpétrée à l'encontre de l'un des droits de l'homme, par les organismes de l'Etat, par des groupes ou par des individus qui agissent en son nom ou sous sa protection ». Le caractère méthodique et systémique de la violation est certainement l’œuvre d’une poignée de personnes placées au sommet de l’Etat qui se trouvent associés à des personnes de leur entourage. » L’article 43 de la même loi donne un écho à cette même idée en visant les hauts fonctionnaires de l’Etat, y compris les fonctions judiciaires, qui auront perpétré intentionnellement des actes de soutien aux personnes soumises aux dispositions du décret-loi numéro 2011-13 relatif à l’accaparement des deniers publics. »

Section 2
Les procédures de redevabilité

« La redevabilité et la reddition de comptes désignent l'ensemble des mécanismes qui visent à empêcher l’impunité et à éviter que les responsables esquivent leurs sanctions[25] ». La redevabilité est en principe et en premier lieu devant le juge pénal (§1). Mais il n’empêche qu’il existe des procédés alternatifs de résolution des conflits qui sont l’arbitrage et la conciliation d’une part et la transaction d’autre part (§2).

§ 1 La redevabilité pénale en matière de violation du devoir de probité

L’apport essentiel, sinon exclusif, de l’article 8 de la loi du 24 décembre 2013 est d’avoir instauré une sorte de règle de compétence d’attribution. Il prévoit que les violations, au sens de cet article, seront jugées par des ‘’chambres spécialisées’’ créées par décret[26] au sein des tribunaux de première instance siégeant dans le chef lieu des cours d’appel[27]. Les magistrats en charge des affaires doivent recevoir au préalable une formation en matière de justice transitionnelle[28].

Les chambres criminelles spécialisées statuent au fond conformément au droit pénal en vigueur au moment des faits[29]. Le Code pénal (ou éventuellement les textes spéciaux non codifiés) définit à la fois les éléments constitutifs de l’infraction et la peine encourue. Mais pour être assurée que justice soit faite, la loi de 2013 précise que les violations sont imprescriptibles[30] et qu’on ne peut opposer l’exception de la chose jugée pour les violations graves aux droits de l’homme[31]. De cela résulte que l’Instance de la Vérité et de la Dignité n’est pas un juge pénal et n’est pas habilitée à se prononcer sur la culpabilité pénale des personnes qu’elle soupçonne de manquements. Tout ce qu’elle peut faire, c’est de diligenter des enquêtes et déférer les dossiers au ministère public aux fins de poursuite de l’action publique[32].

Les différentes infractions de malversation financière touchant à la probité publique. La loi du 24 décembre 2013 élargit le domaine la justice transitionnelle aux faits de « corruption financière et d’atteinte aux derniers publics ». La terminologie arabe employée par le texte الفساد المالي, et اعتداء على المال العام, qui seul fait foi, est imprécise car le Code pénal ne les emploie guère.

Nous sommes d’avis de considérer que les deux notions corruption financière et d’atteinte aux derniers publics  font un bloc et désignent dans l’esprit du législateur les atteintes graves à la probité et aux deniers publics. On trouve peut être là en écho les nouveaux concepts issus de la convention de Nations Unies relative à la corruption[33] ou encore ceux du décret-loi n°2011-120 du 14 novembre 2011, relative à la lutte contre la corruption.

Sur le plan technique et en raison du principe de la légalité des délits et peines et sous réserve qu’il ne soit pas promulgué des lois rétroactives, la seule référence pour savoir ce qui constitue une atteinte à la probité publique est le Code pénal. Il définit les éléments constitutifs des infractions et les sanctions encourues. La lecture dudit code permet de voir que le législateur classe les infractions en quatre catégories : Les infractions liées aux détournements de deniers publics (A) à la corruption (B) à la faute de gestion (C) et à la prise illégale d’intérêt (D). Nous les présenterons brièvement pour chercher si elles sont toutes visées par la loi sur la justice transitionnelle.

A)     Les détournements des derniers publics


L’article 99 du Code pénal punit de vingt ans d'emprisonnement et d'une amende égale à la valeur des choses soustraites, tout fonctionnaire public ou assimilé, dépositaire ou comptable public, directeur, membre ou employé d'une collectivité publique locale, d'une association d'intérêt national, d'un établissement public à caractère industriel et commercial, d'une société dans laquelle l'État détient directement ou indirectement une part quelconque du capital, ou d'une société appartenant à une collectivité publique locale, qui dispose indûment des deniers publics ou privés, les soustrait ou soustrait des effets actifs en tenant lieu, ou des pièces, titres, actes, effets mobiliers qu'il détenait à raison de sa fonction, ou les détourne de quelque manière que ce soit. C’est une incrimination indépendante de celle de l’abus de confiance prévue à l’article 297 du Code pénal. « Cette incrimination, disait Néji Baccouche, est une conséquence logique et nécessaire du principe budgétaire selon lequel la gestion des deniers publics doit être une gestion régulière. »[34]

B)     Les infractions de corruption

Le siège de la matière est les articles 83 à 94 du Code pénal tunisien placés dans la section II d’un chapitre intitulé « des infractions commises par les fonctionnaires publics ou assimilés dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ». La notion de fonctionnaire public ou assimilée est définie à l’article 82. « Est réputé fonctionnaire public soumis aux dispositions de la présente loi, toute personne dépositaire de l'autorité publique ou exerçant des fonctions auprès de l'un des services de l'Etat ou d'une collectivité locale ou d'un office ou d'un établissement public ou d'une entreprise publique, ou exerçant des fonctions auprès de toute autre personne participant à la gestion d'un service public ». « Est assimilé au fonctionnaire public toute personne ayant la qualité d'officier public, ou investie d'un mandat électif de service public, ou désignée par la justice pour accomplir une mission judiciaire ».

Par application combinée des articles 82, 83, 91 et 87 du Code pénal, la corruption n’est réprimée que si elle met en cause un fonctionnaire public ou assimilé. Le Code pénal ne réprime pas la corruption d’un fonctionnaire public étranger.

Techniquement, on distingue quatre sortes d’infractions : la corruption passive, la corruption active et le trafic d’influence et l’octroi d’un avantage injustifié à l’occasion d’un marché public.

La corruption passive est le fait de la personne corrompue. On distingue deux cas : Corruption passive avant l’acte lié à la fonction[35]. La corruption passive après l’acte[36].

La corruption active est le fait du corrupteur. Elle est prévue à l’article 91 du Code pénal[37]. Elle est de deux sortes. Corruption active avant l’acte[38] et Corruption active accompagnée par des menaces ou voies de fait contre le fonctionnaire public ou assimilé ou l’un des membres de leur famille.

Le trafic d’influence[39]. Il est le fait d’un tiers. L’infraction est commise par un individu qui, moyennant rétribution reçue d’un autre, intervient dans l’intérêt de celui-ci auprès de l’agent de l’autorité publique pour en obtenir la faveur en vue de laquelle lui-même aura payé.

Trafic d’influence dans les marchés publics[40]. Jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix, la violation par les décideurs publics des règles régissant la commande publique n’était sanctionnée que par l’annulation administrative de l’acte passé irrégulièrement. Le plus souvent cette sanction était peu efficace, dans la mesure où elle n’intervenait que postérieurement à l’exécution et au règlement de la convention. Aucune sanction pénale n’était, en revanche, encourue par les auteurs des faits. L’article 87 (bis) punit tout fonctionnaire public ou assimilé qui aura agrée, sans droit, soit pour lui même, soit pour autrui, directement ou indirectement, des dons ou promesses des dons ou présents ou avantages de quelque nature en vue d’octroyer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives et réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté de participation et l’égalité des chances dans les marchés passée par les établissements publics, les entreprises publiques, les offices, les collectivités locales et les sociétés dans lesquelles l’Etat ou les collectivités locales participent, directement ou indirectement à son capital. Le champ d’application de l’article 87 bis CP est doublement : Il ne s’applique d’une part que pour le favoritisme dans les marchés passés par les établissements publics, les entreprises publiques, les offices, les collectivités locales et les sociétés dans lesquelles l’Etat ou les collectivités locales participent, directement ou indirectement à son capital. Il ne s’applique paradoxalement par au trafic d’influence dans les marchés publics[41]. Il ne s’applique pas d’autre part aux délégations de service public[42]-[43]. Le trafic d’influence se caractérise par trois éléments matériels constitutifs[44].
      
       C)     La faute de gestion

Elle est sanctionnée par l’article 96 du Code pénal dans ces termes : « Est puni de dix ans d'emprisonnement et d'une amende égale à l'avantage reçu ou le préjudice subi par l'administration tout fonctionnaire public ou assimilé, tout directeur, membre ou employé d'une collectivité publique locale, d'une association d'intérêt national, d'un établissement public à caractère industriel et commercial, d'une société dans laquelle l'État détient directement ou indirectement une part quelconque du capital, ou d'une société appartenant à une collectivité publique locale, chargé de par sa fonction de la vente, l'achat, la fabrication, l'administration ou la garde de biens quelconques, qui use de sa qualité et de ce fait se procure à lui-même ou procure à un tiers un avantage injustifié, cause un préjudice à l'administration ou contrevient aux règlements régissant ces opérations en vue de la réalisation de l'avantage ou de préjudice précités. »

Ce texte a donné lieu à une application très large en raison de sa généralité qui, à certains égards, paraît contraire au principe de la légalité des délits et des peines. En effet, on considère généralement que l’élément matériel de l’infraction doit être défini d’une manière précise pour une meilleure sécurité juridique. Or les notions de préjudice et d’avantage sont susceptibles d’une compréhension large et sont d’une application indéfinie comme s’il s’agit de la faute civile[45].

Deux situations peuvent donner lieu à une incrimination.

Le premier est lorsque l’administration (prise au sens large) subit un préjudice. L’existence du préjudice est un élément nécessaire et suffisant pour incriminer le fonctionnaire public ou assimilé. Peu importe si l’intéressé n’a pas réalisé pour lui-même ou pour un autre un avantage quelconque.

Le deuxième est lorsque le fonctionnaire ou un tiers tire un avantage indu en traitant avec l’administration. Dans ce que la mesure de l’avantage obtenu et également une mesure du préjudice subi. Il est bien évident que souvent dans les faits, au préjudice subi par l’administration correspond un avantage au profit de l’auteur de l’infraction ou un tiers au sens large du terme.

Dans le cas où c’est un tiers qui tire avantage le fonctionnaire public ou assimilé est poursuivi comme auteur principal et le tiers comme complice. En principe, le complice d'une infraction encourt la même peine que l’auteur principal, sauf bénéfice, selon les circonstances, de l’application des dispositions de l’article 53 du Code pénal.

D)     La prise illégale d’intérêt

L’interdiction de la prise d’intérêt dans une entreprise ou société est une infraction obstacle pénalement sanctionnée en tant que telle. Elle cherche à éviter un conflit d’intérêt possible pouvant nuire à l’Administration. Si par la suite une transaction est passée entre l’entreprise où le fonctionnaire avait pris un intérêt et son administration et qu’elle soit dommageable pour cette dernière ou qu’elle soit source d’un avantage indu, il sera fait application de l’article 96 du Code pénal.

Les articles 97[46], 97 bis[47] et 97 ter[48] du Code pénal visent trois cas de prise illégale d’intérêts.


§ 1 Les modes alternatifs de résolution des litiges nés des atteintes


La loi du 13 décembre 2013 a prévu à l’article 45 la création au sein de l’Instance d’une « Commission d'Arbitrage et de conciliation ». Cette commission a une double fonction. La première est proprement arbitrale et de conciliation (A), la deuxième est transactionnelle dont le domaine de prédilection est la matière des malversations financières (B).

Des fois la distinction entre une procédure arbitrale et une procédure transactionnelle n’est pas clairement saisie. Ainsi l’article 47 est-il rédigé en ces termes : « Les parties à un litige arbitral ne peuvent s’abstenir de participer aux séances d’audiences publiques, si l’instance le leur demande. Les procédures de conciliation sont suspendues en cas de manquement aux dispositions du présent article. » Il semble que le rôle de conciliation s’insère dans le cadre de la procédure d’arbitrage.

A)     L’arbitrage et la conciliation par la Commission d’arbitrage et de conciliation

Dans sa fonction arbitrale, la Commission d’arbitrage et de conciliation est chargée d’examiner et de statuer dans les dossiers de violations après avoir obtenu le consentement de la victime, et sur la base des règles de la justice, de l’équité et des normes internationales appliquées, sans prise en compte de l'extinction de l’action et des délais de prescription des peines[49]. Le texte de la loi ne précise pas l’objet de la matière arbitrale. Il est certain qu’il s’agit d’une compétence civile où la commission sera appelée à statuer sur la réparation due à la victime.

La formation de la convention d’arbitrage est régie par des dispositions singulières. Même si l’accord des parties est nécessaire, la demande de compromis d’arbitrage émanant de l’auteur de la violation n’est recevable que si elle est accompagnée d’un aveu écrit des faits commis et d’une excuse explicite. Et alors même que la demande d’arbitrage émane de la victime, l’acceptation de l’auteur des violations est toujours subordonnée à ce même aveu et excuse[50]. La procédure arbitrale a un effet suspensif devant le juge pénal[51]. Une sentence arbitrale est prononcée à la fin de la procédure. Le règlement d’arbitrage et de conciliation élaboré par décision de la l’IVD[52] précise la teneur d’une sentence. Celle-ci peut être conforme à l’accord des parties ou en l’absence d’un tel accord. La sentence arbitrale n’est susceptible d’aucune voie de recours, même d’une action en nullité[53]-[54]. Dans les cas de violations graves, la sentence arbitrale n’empêche pas la redevabilité pénale des auteurs des violations[55], mais le juge en tient compte dans l’appréciation des peines[56].

Malgré que le texte de la loi soit général permettant en théorie à la Commission d’arbitrage et de conciliation de statuer sur des affaires portant atteinte à la probité publique, ne nous croyons pas que l’Etat accepte que sa cause soit jugée par une instance qui n’est pas son juge naturel. En principe, l’Etat[57] ne demande justice qu’à ces juridictions étatiques à défaut d’avoir accepté de transiger. D’ailleurs, il y a intérêt de l’auteur de la violation à chercher la transaction plutôt que l’arbitrage dans la mesure où la transaction conduit à l’extinction de l’action publique, les poursuites ou les peines.

B)     La transaction. Son domaine de prédilection en matière de violations financières

La transaction est normalement un contrat de droit civil qui met fin à un litige où les parties renoncent partiellement à leurs prétentions. La transaction ne produit ses effets, au sens de la loi de 2013, que si elle est faite sous l’égide de la Commission d’arbitrage et de conciliation.

Par ailleurs la recevabilité de la demande de transaction est soumise à la même condition préalable d’aveu et de présentation d’excuse[58]. Rapporté aux violations de malversations financières contre les deniers publics, l’aveu doit comporter un exposé des faits ayant entrainé un bénéfice illicite et sa valeur réalisée. La demande est jointe des justificatifs prouvant la véracité des prétentions du demandeur de la conciliation. Les parties négocient librement les conditions de la transaction. La demande de transaction est donc risquée pour celui qui la présente, car la transaction peut ne pas aboutir. L’aveu et la présentation d’excuses se retournent contre l’intéressé devant la justice[59].

La demande de transaction est sans effet sur la suite des procédures[60].

Une fois la demande est estimée recevable, les parties sont libres de fixer le contenu du contrat de transaction. On entend par parties, le demandeur et l’Etat. L’Instance n’a aucune qualité pour déterminer le contenu de l’accord, même si elle peut théoriquement émettre des propositions d’accord.

Le législateur tunisien n’a pas cherché dans la loi sur la justice transitionnelle, à limiter la liberté de l’Etat à transiger en matière de violations financières. Il n’a surtout pas prévu l’établissement d’un barème ou un critère financier permettant de fixer l’économie de la transaction. Mais l’obligation de transparence[61] doit conduire les pouvoirs publics à limiter le pouvoir discrétionnaire du ministre négociateur.

L’effet de l’accord transactionnel dépend de la nature de la violation commise.

-          S’agissant des violations graves et quoique le texte soit resté lacunaire, on doit, à notre avis, admettre la même solution consacrée pour les sentences arbitrales rendues par la Commission d’arbitrage et de conciliation. La transaction reste sans effet sur la culpabilité pénale, elle peut néanmoins être prise en considération dans la détermination du quantum de la peine une fois que le contrat ait été exécuté.
           
-          S’agissant d’une malversation financière contre les derniers publics, l’exécution de l’accord transactionnel produit un effet énergique : l’action publique est éteinte si l’exécution intervient avant son déclenchement par le ministère public ; si elle intervient en cours de procédure de jugement, le juge arrête le procès ; si l’exécution est intervenue après le prononcé du jugement, l’exécution de la peine est arrêtée. Néanmoins, les poursuites ou le procès ou l’exécution de la peine reprennent s’il est prouvé que l’auteur de la violation a délibérément caché la vérité ou n’a pas déclaré tout ce qu’il a pris illégalement. Reste à savoir si au préalable, il faudra qu’un juge annule la convention de transaction.

Telles sont les grandes lignes de la redevabilité ressortant de la loi sur la justice transitionnelle. La question se pose de savoir quels changements vont leur être apportés par le projet de loi organique portant certaines mesures de réconciliation en matière économique et financière et dans quelle mesure ces changement heurtent la Constitution. C’est ce que nous allons voir dans la deuxième partie de cette étude.

Deuxième partie

La conformité du projet de loi organique de réconciliation au concept constitutionnel de la justice transitionnelle

Le projet de loi organique portant certaines mesures de réconciliation dans les domaines économique et financier comporte cinq principales mesures :

-          l’arrêt des poursuites ou de l’exécution des peines contre les fonctionnaires publics et assimilés pour des faits relatifs à des malversations financières et atteintes aux deniers publics hors cas de corruption et de détournement de fonds publics (art 2) ;
-          la possibilité d’une transaction pénale avec ceux qui ont bénéficié d’avantages indus (art. 3 à 6) ;
-          les deux mesures précédentes ne remettent pas en cause les droits des tiers (art. 11)
-          amnistie de change (art. 7 à 9) ;
-          abrogation de toutes les dispositions relatives à la corruption financière figurant dans la loi du 24 décembre 2013, relative à la justice transitionnelle.

Nous consacrons des développements à chacune de ces mesures avec en toile de fond la règle posée par l’article 148.9 de la Constitution de 2014 faisant obligation à l’État d’appliquer le système de la justice transitionnelle dans ses domaines et période fixée par la législation y afférente.

Section 1
L’arrêt des poursuites, des procédures ou des peines
à l’égard des fonctionnaires publics et assimilés en matière de corruption financière et l’amnistie de change

L’article 2 du projet de loi organique prévoit « l’arrêt des poursuites, des procédures de jugement et de l’exécution des peines à l’égard des fonctionnaires publics et assimilés en raison de faits liés des malversations financières et atteinte aux derniers publics sauf ceux qui ont trait à la corruption et détournement des fonds publics[62]. » (§ 1) L’article 7 du projet accorde une amnistie conditionnelle en matière de change (§ 2). Nous étudions ces deux mesures dans la même section car ils ont un effet commun d’éteindre l’action publique. Nous en faisons une exégèse avant d’étudier leur conformité à l’article 148.9 (§3).

§ 1 La teneur de l’arrêt des poursuites en matière de corruption financière

Nous examinons successivement la nature juridique de la mesure d’arrêt des poursuites, notamment pour la distinguer de l’amnistie générale (A), ses bénéficiaires (B) et les infractions qu’elle concerne (C).

A)     La nature juridique de la mesure d’arrêt de l’action publique, des poursuites et des sanctions.

L’arrêt des poursuites pénales. Contrairement à ce qui a été soutenu par certains juristes[63], Il ne s’agit manifestement pas d’une amnistie. La solution consacrée par cet article est différente l’amnistie des infractions de change objet de l’article 7 du projet de loi organique. L’arrêt des poursuites, de l’action publique ou des peines n’efface pas les faits commis ni leur qualification juridique. Il s’agit plutôt d’un cas d’extinction de l’action publique par la volonté du législateur.

Sur le plan pratique, le bénéfice de la disposition dépend de l’état d’avancement de la procédure contre la personne visée. Si le prévenu n’a pas encore été condamné définitivement pour les faits qu’il prétend être couverts par l’article 2, il lui appartient de saisir par voie de requête la juridiction d’instruction ou de jugement compétente pour statuer sur les poursuites. Au vu de cette requête, et si l’arrêt des poursuites est acquis, la juridiction décide un non-lieu à statuer.

Si le demandeur a été définitivement condamné, sa demande doit s’adresser par voie de requête à la dernière juridiction qui a statué.

La survivance des poursuites disciplinaires. Les auteurs principaux des faits non poursuivis, par définition des fonctionnaires publics ou assimilés, continuent cependant à être responsables sur le plan disciplinaire. Si le fait commis est susceptible de constituer une faute disciplinaire sa sanction pourra toujours être poursuivie[64].

Les sanctions disciplinaires déjà prononcées continuent à produire leurs effets.

B)     Les bénéficiaires de l’arrêt des poursuites. La notion de fonctionnaire public et assimilé.

Le bénéfice de la mesure d’arrêt des poursuites ne concerne que les fonctionnaires publics et assimilés. Ces deux concepts ne sont pas définis dans le projet de loi. Ils évoquent ceux employés par l’article 82 du Code pénal.

Le fonctionnaire public, au sens de l’alinéa 1er de cet article, est « toute personne dépositaire de l'autorité publique ou exerçant des fonctions auprès de l'un des services de l'Etat ou d'une collectivité locale ou d'un office ou d'un établissement public ou d'une entreprise publique, ou exerçant des fonctions auprès de toute autre personne participant à la gestion d'un service public[65]. » 

Selon l’alinéa 2 « est assimilé au fonctionnaire public toute personne ayant la qualité d'officier public, ou investie d'un mandat électif de service public, ou désignée par la justice pour accomplir une mission judiciaire. »[66]

Il faudra néanmoins attirer l’attention que les deux notions de fonctionnaire public et assimilé ne sont employées par le législateur qu’en matière de répression des infractions de corruption, de concussion[67] et détournements de fonds publics. Mais dans les articles 96, 97 et 99 du Code pénal, le législateur dépasse ce cercle des personnes pour viser aussi[68] « tout directeur, membre ou employé d'une collectivité publique locale, d'une association d'intérêt national, d'un établissement public à caractère industriel et commercial, d'une société dans laquelle l'État détient directement ou indirectement une part quelconque du capital, ou d'une société appartenant à une collectivité publique locale. »[69]

Pour prendre un exemple banal, un haut cadre d’une banque publique (la STB, la BH ou la BNA) n’est pas un fonctionnaire public au sens de l’article 82 CP, mais il demeure visé par les articles 96, 97 et 99 du Code pénal. Actuellement, plusieurs cadres des banques publiques sont en cours d’examen devant les juges d’instruction pour répondre de faits relevant de l’article 96 du Code pénal. Des poursuites ont même touché des dirigeants ou employés par des filiales aux banques (sociétés de recouvrement de créances par exemple). Des dirigeants d’association d’intérêt national[70] sont également poursuivis sur la base de ce texte pourtant ils ne sont pas des fonctionnaires publics et assimilés au sens de l’article 82 CP.

C)     Les infractions visées.

Quelles sont exactement les infractions visées par la mesure d’arrêt des poursuites ? Les difficultés d’interprétation sont réelles.

L’article 2 doit être relié à l’article 1er du projet de loi. Ce dernier délimite l’étendue de la mesure d’arrêt des poursuites pénales. Seules les infractions commises par un fonctionnaire public en matière de probité financière sont concernées par la mesure d’arrêt. Les abus d’autorité sont hors champ d’application de l’article 2. Les atteintes aux droits de l’homme continuent donc à être justiciables des poursuites pénales.

En apparence le domaine de l’article 2 est large puisque sont visées toutes les infractions de corruption financière et atteintes aux derniers publics sauf celles se rapportant à la corruption et au détournement des fonds publics. Ces deux exceptions sont d’interprétation stricte.

Nous avons vu plus haut ce qu’entend techniquement par corruption commise par des fonctionnaires publics et assimilés. Il s’agit de la corruption passive et du trafic d’influence. Ces deux infractions continueront donc à être poursuivies selon l’article 2 du projet de loi.

L’infraction de détournement des fonds publics est celle figurant à l’article 99 du Code pénal. On peut lui ajouter l’infraction de l’article 100 du Code pénal.

On doit cependant approfondir l’analyse technique plus loin pour cerner davantage les domaines inclus ou exclus de l’article 2. Il s’agit de savoir si les infractions de concussion objet de l’article 95 du Code pénal, de l’infraction du fameux article 96 sanctionnant la faute de gestion et des infractions de prise illégale d’intérêt objet des articles 97, 97 bis et 97 ter sont concernés par la mesure d’arrêt des poursuites.

A notre avis le champ de l’article 2 du projet de loi doit être restreint davantage si l’on considère la disposition de l’article 3 qui le suit qui permet à celui qui a obtenu un avantage en raison d’une infraction de corruption financière et d’atteinte aux derniers publics de transiger avec l’Etat. Comme l’on ne manque pas de constater, on emploie à l’article 2 et à l’article 3 les mêmes expressions de corruption financière et atteinte aux deniers publics tout aussi pour déterminer le champ d’application de la mesure d’arrêt des poursuites que pour déterminer le champ d’application de la transaction pénale. Ceci oblige à faire de l’article 2 une interprétation contextualisée avec l’article 3. Cet article conduit à restreindre davantage le champ d’application de l’article 2 au-delà des infractions de corruption et de détournement des fonds publics. Ainsi nous devons inclure dans le champ de la répression par le mécanisme de la justice transitionnelle toutes infractions où un fonctionnaire public a pu réaliser un avantage de l’infraction. C’est le cas des infractions des articles 95 et 97 du Code pénal. Par contre, dans l’infraction de prise illégale d’intérêt (les articles 97 bis et 97 ter), le fonctionnaire public ne réalise pas immédiatement un avantage. Nous avons dit que les infractions sont érigées par le Code pénal comme un obstacle à des infractions plus graves.

Il reste tout de même une zone grise, une zone intermédiaire, celle régie par l’article 96 du Code pénal. Nous avons déjà analysé sa teneur. Il a pour objet de sanctionner deux fautes de gestion distinctes : celle qui a pour effet d’occasionner une perte à l’administration et celle qui a pour effet d’enrichir l’auteur de l’infraction ou un tiers complice au dépens de l’administration.

Ce n’est que lorsque le fonctionnaire public ait commis une faute simplement dommageable (sans profit) ou lorsque la faute commise bénéficie à un tiers qu’il peut bénéficier de la mesure d’arrêt des poursuites. Il faudra néanmoins dans le dernier cas vérifier si le tiers qui aurait tiré un avantage ne serait un ascendant, descendant, collatéral, conjoint et allié du coupable auquel cas il ne serait pas couvert par la mesure d’arrêt des poursuites.

Il découle de ce qui précède que le domaine d’application de la mesure de clémence de l’article 2 du projet de loi est vraiment résiduel. Il se limite aux seules infractions des articles 97 bis, 97 ter et l’article 96 quand, dans ce dernier cas, le fonctionnaire public ou assimilé ne tire pas de l’infraction un avantage personnel pour lui-même.

§ 2 L’amnistie en matière d’infraction de change

Selon l’article 65 de la Constitution, l’amnistie générale est prise par le législateur sous forme d’une loi ordinaire. Cette même règle est reprise dans le Code de procédure pénale (art. 376). Puisque les lois pénales sont prises par une loi ordinaire, l’amnistie générale est prise sous forme de loi ordinaire. Nous allons voir dans le paragraphe 3 de cette section que les violations de change ne font pas partie du domaine de la justice transitionnelle et ne peuvent être amnistiées dans le cadre d’une loi organique.

Selon l’article 377 du Code de procédure pénale, les faits amnistiés sont réputés n'avoir jamais existé. Ce n’est pas une simple suppression de la peine qui résulte de l’amnistie. C’est une négation rétrospective de l’existence des faits visés. On ne peut même pas en rappeler l'existence.

L’article 377 du Code de procédure pénale prévoit que l’amnistie peut être subordonnée à l'accomplissement par le condamné d'une condition déterminée. Dans le double but d’individualiser la clémence et de n’accorder le pardon légal qu’aux délinquants ayant régularisé leur situation pour l’avenir, plusieurs lois d’amnistie ont subordonné la clémence à l’accomplissement de certaines obligations.

C’est ce que prévoit, dans notre cas, le projet de loi de réconciliation dont les termes se rapprochent, sans y être identiques[71] de ceux de la loi n°2007-40 du 25 juin 2007, portant amnistie d’infraction de change et fiscales.

Loi n° 76-18 du 21 janvier 1976, portant refonte et codification de la législation des changes et du commerce extérieur régissant les relations entre la Tunisie et les pays étrangers institue une réglementation de changes qu’elle sanctionne par des sanctions pénales[72] avec toutefois possibilité pour le ministre des finances de transiger avec les délinquants[73].

Le projet de loi de réconciliation limite le champ de l’amnistie à trois principales infractions :
a)      non-déclaration d’avoirs à l’étranger
b)      non-rapatriement de revenus en provenance des avoirs cités en a ci-dessus
c)      détention en Tunisie de devises étrangères et non remise à intermédiaire agréé et non cession de ces devises comme le requièrent les règlements en vigueur.

L'amnistie est assortie de conditions ressortant de la nécessaire régularisation en matière de change[74] et de paiement d’un impôt[75] à un taux libératoire[76]. La réalisation de ces conditions est renfermée dans un délai n’excédant pas une année à compter de la date de publication de la loi[77].
Ce qui nous intéresse dans cet article est de savoir si la justice transitionnelle constitutionnelle s’oppose à l’amnistie en matière de change.
Il faut l’affirmer, sans risque d’erreur, que les violations de change ne font pas partie du concept de justice transitionnelle tel qu’il résulte de la loi de 24 décembre 2014. Par ailleurs en droit, la gravité de l’infraction n’est pas un empêchement à son amnistie[78]. Nous en avons pour preuve la dernière amnistie générale pourtant liée à des infractions de terrorisme.
§ 3 La problématique de la conformité des articles 2 et 7 au concept constitutionnel de la justice transitionnelle.

L’arrêt des poursuites, de l’action publique et des peines prévu à l’article 2 du projet de loi organique et l’amnistie de change sont-ils contraire à l’article 148.9 de la Constitution qui impose à l’Etat de respecter le système et les domaines de la justice transitionnelle ? Sous le bénéfice de ces remarques méthodologiques (A), on doit chercher le contenu des deux concepts de ‘’système de justice transitionnelle’’ (B) et ‘’domaine de la justice transitionnelle’’ (C) dans l’article 148.9 lui-même en premier lieu et à défaut dans la constitution ou dans les ‘’principes de valeur constitutionnelle.’’

A)     Pour une définition constitutionnelle de la justice transitionnelle

Nous ne savons pas ce que peut signifier ces deux expressions ‘’système de justice transitionnelle’’ et ‘’domaine de la justice transitionnelle’’ employées par l’article 148.9 de la Constitution. Nous somme d’avis de les interpréter comme un concept constitutionnel abstrait détaché de la loi organique sur la justice transitionnelle du 24 décembre 2014. Celle-ci n’est que l’une des expressions possibles de la justice transitionnelle constitutionnalisée et non la seule et l’exclusive.

Cette méthode d’interprétation prend appui sur cette idée que le fait que la loi organique sur la justice transitionnelle du 24 décembre 2013 soit antérieure d’un mois à la constitution de 2014 n’est pas de nature à la rendre comme une source de droit constitutionnel de la justice transitionnelle. Une solution contraire interdirait toute mesure de modification de la loi ce qui n’est pas juridiquement admis et opportun. Nous avons assisté à une problématique du même ordre lors de la discussion de la constitution sur le problème particulier des droits de la femme. Certaines voix avaient réclamé de constitutionnaliser le Code du statut personnel considéré comme étant l’instrument juridique de protection de ses droits. C’est une démarche incontestablement erronée et déconseillée, car elle entraine un gel de l’évolution de la norme et son inadaptation aux besoins de la société. Elle a été, à juste titre, rejetée au profit du concept du respect des droits acquis de la femme[79]. Il appartient au juge constitutionnel de donner une substance à ce principe. Tout cela pour conclure qu’il ne faut donc pas inverser la hiérarchie des normes juridiques. Ce n’est pas l’ordre chronologique des textes qui ordonne leur hiérarchie mais bien leur source formelle. Une constitution est toujours un texte supérieur à la loi.

Une interprétation littérale de l’article 148.9 corrobore cette même idée. Nous avons déjà vu à l’introduction que cet article ne s’est référé à législation qui concerne la justice transitionnelle qu’en matière de durée[80].

B)     L’obligation faite à l’Etat de respecter le système de justice transitionnelle

Nous avons vu à l’introduction de cette étude que l’article 148.9 consacre quelques règles matérielles interdisant de se prévaloir de l’autorité de la chose jugée, d’une amnistie de la prescription et de la non-rétroactivité. Toutes ces références sont tirées d’un registre pénal. Elles permettent de donner un début de réponse à la notion de système de justice transitionnelle. Le système est un ensemble de mécanismes dont la justice pénale est une composante ou élément.

L’article 2 consacrant l’arrêt des poursuites pénales, de l’action publique ou des peines et l’article 7 consacrant une amnistie en matière de change contrarient a priori les règles matérielles de l’article 148.9. Alors que selon la constitution de 2014, l’action pénale poursuivie dans un domaine couvert par la justice transitionnelle ne pourrait être entravée par un obstacle juridique de quelque nature qu’il soit (amnistie, prescription ou autorité de la chose jugée), la voilà contrariée par l’arrêt des poursuites prévue à l’article 2 ou par l’amnistie consacrée par l’article 7. Vues sous cet angle, ces deux mesures peuvent être déclarées non-conformes à la constitution[81] mais à condition qu’elles touchent à l’un des domaines de la justice transitionnelle.
 
 C)     L’obligation faite à l’Etat de respecter les domaines de la justice transitionnelle. Le rôle du préambule de la Constitution

L’article 148.9 de la Constitution consacre l’engagement de l’Etat de respecter les domaines de la justice transitionnelle. La disposition emploie le pluriel, mais ne donne concrètement aucun contenu précis ; elle ne renvoie pas, même implicitement, aux domaines prévues par la loi du 24 décembre 2013.  Seule la durée consacrée par cette loi est implicitement mentionnée.

Nous avons vu que la loi sur la justice transitionnelle donne une définition large aux domaines de la justice pénale transitionnelle (art 8). Elle s’étend aux violations des droits de l’homme, ou plus spécifiquement la violation du droit à la vie, du droit à l’honneur, le droit à la protection contre les traitements dégradants et inhumains et aux violations de la probité publique, à la fraude électorale et à l’exil forcé pour des raisons politiques.

La question qui nous occupe est de savoir ce que couvre le domaine de la justice transitionnelle au sens de la constitution. Il n’est pas certain qu’il comprend tout à la fois tous les domaines prévus par la loi de 2013. Une interprétation étroite n’est pas à exclure en raison de cette circonstance que la justice transitionnelle est une justice d’exception. En tout état de cause, juridiquement le fondement du domaine de la justice transitionnelle doit être recherché dans la Constitution.

La justice transitionnelle est une justice tournée vers le passée, alors que la Constitution est tournée vers l’avenir, mais le préambule sert souvent de pont entre le passé et l’avenir. C’est dans le préambule que l’on peut découvrir le champ de la justice transitionnelle. Le paragraphe premier de la Constitution ayant une valeur obligatoire en vertu de l’article 145 énonce « une rupture avec l'oppression et l'injustice et la corruption ». Ce sont là les violations qui caractérisent l’époque passée et Ils constituent les domaines de la justice transitionnelle au sens constitutionnel.

S’il est certain que les violations concernant la réglementation de change sont hors domaine de la justice transitionnelle, elle reste posée la question de ce que l’on entend par corruption. Est-ce qu’on s’en tient à une conception technique (stricte) ou large du terme ? Nous sommes d’avis de s’en tenir une conception médiane, ni trop restrictive, ni trop extensive.

Le projet de loi organique semble être en adéquation avec une telle acception médiane : C’est pour cette raison qu’il il exclut du bénéfice de l’article 2 les violations les plus graves à la probité publique. Le fonctionnaire public corrompu au sens technique du terme, y compris celui qui a commis un acte de trafic d’influence, ainsi que celui convaincu des détournements de deniers publics, considérés au sens large du terme pour s’étendre aux actes de mauvaise gestion source d’avantage pour lui-même, ne peut bénéficier de la mesure d’arrêt des poursuites. En revanche, le fonctionnaire ayant commis une prise illégale d’intérêt, ou celui qui est auteur d’un acte de mauvaise de gestion dommageable pour l’administration ou source d’avantage indu pour un tiers peut bénéficier de la mesure.

C’est là une conception médiane qui évite les excès d’une justice transitionnelle, par définition exceptionnelle. De ce point de vue, et seulement de ce point de vue, l’article 2 combiné avec l’article 3, est à notre point de vue compatible avec la Constitution. Le juge constitutionnel peut déclarer l’article 2 conforme à la Constitution avec une réserve d’interprétation qui oblige les pouvoirs publics, notamment le juge pénal[82].

Conclusion. A notre avis et en conclusion des développements qui précèdent, la clémence de l’article 2 de nature strictement pénale et non étendue à la responsabilité disciplinaire, ne profite qu’à des fonctionnaires publics et assimilés (au sens large du terme) qui auront commis une prise illégale d’intérêt ou qui sont auteurs d’une faute de gestion n’ayant été la cause que d’un dommage pour l’administration ou d’un avantage indu à un tiers étranger. Les tiers qui ont profité de la faute de gestion en en tirant un avantage économique, et qui auront instrumentalisé les fonctionnaires publics et assimilés, demeurent concernés par les poursuites pénales. C’est qu’en effet l’arrêt des poursuites n’est pas une amnistie et ne supprime pas l’existence des faits et par conséquent les bénéficiaires de la faute de gestion qui ont réalisé un avantage sont considérés en droit des complices et continuent à être pénalement poursuivies. Ils peuvent néanmoins transiger avec l’Etat.

Section 2
Le sort des personnes ayant tiré un avantage de l’atteinte à la probité publique
La transaction pénale
Le projet de loi prévoit la transaction comme seul mode d’extinction de l’action publique née d’une atteinte à la probité publique. Nous estimons que cette mesure est conforme, ou du moins compatible, avec le système de la justice transitionnelle (§2). A défaut de transaction, les poursuites pénales seront poursuivies (§2).
§1 La transaction avec les personnes ayant tiré avantage des violations de l’obligation de probité publique
Selon l’article 3 du projet de loi, « toute personne ayant tiré un avantage d’un fait lié à une malversation financière ou d’une atteinte aux deniers publics peut présenter une demande de transaction à une commission de conciliation créée près de la Présidence du gouvernement, ci-après désignée Commission[83]. »
La transaction comme mode de règlement des litiges nés des violations de l’obligation de probité est déjà admise par la loi sur la justice transitionnelle[84]. En droit commun, le Code pénal ne prévoit un tel mécanisme que pour certaines infractions touchant les droits des particuliers[85]. Les dispositions de l’article 82 à l’article 100 régissant toutes les atteintes à la probité publique ne consacrent pas la transaction pénale comme mode d’extinction de l’action publique. Elle est donc un apport de la justice transitionnelle. Aucun obstacle juridique ne semble s’y opposer[86]. Mas on continuera à appliquer le droit commun pour le futur.
A)     Le principe de l’admission de la transaction

Qui peut bénéficier du système de transaction ?
L’article 3 du projet de loi ne distingue pas selon que la transaction soit conclue avec fonctionnaire public ou assimilé et une personne privée.
Un fonctionnaire public et assimilé non couvert par la règle de l’arrêt des poursuites formulée par l’article 2 du projet de loi peut demander à transiger avec l’Etat.
Toute personne ayant tiré un avantage du fait d’une corruption, d’un détournement de fonds publics, d’un trafic d’influence ou d’une faute de gestion peut demander à transiger. Dans l’opinion commune, les hommes d’affaires ayant traité d’une manière ou d’une autre avec l’Etat et ses démembrements, les collectivités publiques, les établissements publics, les associations d’intérêt national, ou les sociétés dans lesquelles l’Etat détient directement ou indirectement une participation au capital, si minime soit-elle, seront les principaux intéressés par cette procédure transactionnelle. Ils peuvent avoir employé des actes de corruption active (des corrupteurs), ils peuvent avoir tiré avantage en usant d’un trafic d’influence (art. 87 du Code pénal) ou en dehors de tout trafic (art 96 du Code pénal).
B)     La commission de conciliation. Composition et mode de fonctionnement.

La demande de transaction est présentée à une commission de conciliation créée au sein du la présidence du gouvernement. Sur le plan de son appellation, la dénomination commission de conciliation nous semble mal venue. Si nous étions rédacteurs du projet de loi, mous aurons choisi l’appellation commission de transaction. C’est une nuance terminologique qui échappe à beaucoup d’entre nous du fait que la langue arabe donne à partir de la même racine صلح deux substantifs différents صُلح etمُصالحة .
C’est la composition de la commission et son mode de fonctionnement qui ont été contestés par les détracteurs du projet de loi.
Rappelons que cette commission est composée :
-          D’un représentant de la présidence du gouvernement ;
-          D’un représentant du ministère chargé de la justice ;
-          D’un représentant du ministère chargé des finances ;
-          D’un représentant du ministère chargé du développement régional, de l’investissement et la coopération internationale ;
-          Deux représentants de l’Instance de vérité et de la dignité ;
-          Le Chef du contentieux de l’État ou son représentant.

Le défaut de désignation d’un ou plusieurs membres n’empêche pas sa constitution à condition que le nombre des membres ne soient pas inférieur à cinq. La commission peut se faire assister par des personnes d’expérience et de spécialité.
Nous ne discuterons pas des problèmes de blocage qui risquent de se produire quand l’Instance de la Vérité et la Dignité refuse de nommer ses deux représentants[87], ni encore des modalités de fonctionnement, notamment le délai de la présentation de la demande de transaction[88] et le délai de la prises de décision, ou encore la possibilité pour la commission de se faire assister par des personnes d’expérience et ayant la spécialité requise. Ce sont, à notre avis, des questions de détail qui ne remettent pas en cause les principes.
Nous avons précédemment vu que le rôle de l’Instance de la vérité et de la dignité en matière transactionnelle se limite à recevoir la demande de transaction, en examinant sa recevabilité. Celle-ci est soumise à une double condition : un aveu de culpabilité de la part de l’auteur présumé de la violation et la présentation explicite d’une excuse. Une fois la recevabilité est déclarée, la Commission n’a plus pouvoir de décision sur l’économie de la transaction, même si elle est appelé à assister au déroulement des négociations entre l’Etat et l’auteur de la violation, celles-ci devant se dérouler à son siège.
Dans le nouveau texte, on a cherché à trouver un nouvel équilibre. L’Instance de la Vérité et de la Dignité, qui était étrangère au processus transactionnel et qui n’influe pas sur son économie, devient membre de la commission de conciliation et participe, par son vote, à la détermination de la teneur de la transaction projetée. Elle y est surtout représentée par deux membres. Il est vrai qu’elle n’y est pas majoritaire, mais ceci se comprend parfaitement du fait que la victime est l’Etat dont l’expression de volonté est réservée à ses représentants. Il est tout à fait légitime qu’il soit majoritaire en nombre au sein de cette commission.
Conscient du fait que l’Instance de la Vérité et de la Dignité soit minoritaire, le projet de loi  invite la Commission de conciliation à arrêter une décision consensuelle. La loi de majorité n’est utilisée qu’accessoirement quand le consensus s’avère impossible.
Sur le plan des principes et contrairement à l’opinion de certains, la loi de 24 décembre 2013 n’est pas intangible. Elle peut être modifiée mais sans une remise en cause de ses principes fondateurs. Le juge constitutionnel[89] appelée à contrôler la conformité du nouveau mécanisme se contente d’une appréciation globale de compatibilité avec la constitution. En ayant donné à l’Instance de la Vérité et de la Dignité un rôle de participation à la formation de la transaction plutôt qu’un rôle de déclaration de recevabilité, le projet de loi sera probablement déclaré compatible. En d’autre terme, le projet de loi ne remet pas en cause, en cette matière, l’une des composantes du système de la justice transitionnelle, à savoir l’Instance de la vérité et de la dignité.
C)     Conditions de fond

Dans le projet de loi, l’auteur présumé de la violation se contente de présenter une demande de transaction. Il n’est pas expressément exigé de lui qu’il avoue les faits ou qu’il présente des excuses.
En réalité à bien lire le texte, seule la condition de présentation d’excuse fait expressément défaut dans le nouveau projet, car de toute façon le demandeur ne peut venir transiger que s’il relate des faits à l’origine de l’avantage obtenu, donc il va avouer. L’absence d’excuse n’est donc pas une violation du concept constitutionnel de système de la justice transitionnelle. D’une part dans la mesure où la transaction est facultative pour l’État, la Commission de conciliation peut poser comme règle de conduite de n’accorder la bienveillance de l’État qu’à celui qui lui présente des excuses soit au moment de la présentation de demande de transaction soit en cours de procédure. D’autre part, seule la relation des faits ou le dévoilement de la vérité, pour reprendre l’expression de l’article 1er de la loi du 24 décembre 2014, est essentielle dans un système de justice transitionnelle. Or dans la mesure où le requérant est appelé à révéler les circonstances ayant donné lieu à la réalisation de l’avantage, on saura ce qui s’est réellement passé.[90]
D)     Le montant de la transaction

Dans la loi sur la justice transitionnelle, le législateur n’a pas renvoyé à un décret qui définit les conditions économiques de la transaction. Le nouveau projet assure mieux la protection des derniers publics puisqu’il pose le principe que le montant de la transaction soit égal au montant de l’avantage obtenu. C’est une grande avancée par rapport à la loi sur la justice transitionnelle. Personne ne l’a remarqué alors qu’elle est, à notre avis, la plus importante. Non seulement cela mais aussi le projet de loi exige le paiement, en surplus, d’une somme égale à 5% par an du montant de l’avantage obtenu. Le paiement d’une telle somme supplémentaire présente à la fois un aspect réparateur et de sanctionnateur.
Si l’infraction est commise par plusieurs personnes, en leur qualité de coauteurs ou de complice, et quoique le texte soit muet, il doit être tenu compte des montants déjà payés.
E)      Le contrat de transaction

La Commission de conciliation évalue la valeur des sommes détournées ou l’avantage obtenu et ce après avoir vérifié l’exactitude des données figurant dans la demande de transaction ; elle peut, à cette fin, demander des pièces nécessaires et ordonner toute mesure jugée opportune. Il ne peut lui être opposé le secret professionnel.
La transaction se fait conformément à une décision signée par le président de la commission et la partie intéressée. En réalité et sur le plan de la terminologie, il fallait distinguer entre la décision de la Commission de conciliation qui fixe le montant qu’elle juge acceptable pour transiger et le contrat de transaction qui est établi avec la partie intéressée.
F)      Les effets de la transaction

La décision de transaction énonce obligatoirement la nature des préjudices et leur valeur et l’acceptation des parties en lui reconnaissant son caractère définitif. On estime que la transaction est un aveu de culpabilité.
La transaction n’est pas susceptible de recours d’aucune sorte ou d’annulation ou action en excès de pouvoir. Celui qui a transigé n’est pas admis à soutenir la nullité de la transaction pour avoir commis une erreur de fait ou de droit ou qu’il a payé une somme supérieure au montant qu’il devrait payer ou parce que l’infraction n’existe pas.
La transaction ne produit effet que dans les limites de ce qui est déclaré et ayant fait objet d’une transaction. C’est une solution classique rappelée par l’alinéa dernier de l’article 5 du projet de loi. « L’acceptation de la transaction a pour effet d’éteindre l’action publique relativement aux faits qui en ont fait l’objet… Mais l’effet extinctif n’est attaché qu’aux faits sur lesquels il a été transigé, à l’exclusion de tous autres, objets des mêmes poursuites.. L’accord portant sur une infraction économique ne fait pas obstacle à des poursuites pour fraudes fiscales fondés sur les mêmes faits[91] ».
L’action publique est éteinte dans les rapports entre le transigeant et l’administration Aucune peine ne peut être prononcée par une juridiction répressive qui, si elle a été saisie, doit déclarer l’action publique éteinte.

Si l’action publique n’a pas encore été mise en mouvement, elle ne peut plus être exercée et si une information judiciaire a été ouverte, elle doit se clore immédiatement par une ordonnance de non-lieu.

La transaction pouvant intervenir à tout moment avant que la décision pénale ne soit devenue définitive, cette règle s’impose selon une jurisprudence affirmée depuis longtemps, à toute juridiction saisie, y compris par la voie du pourvoi en cassation, les peines éventuellement prononcées mais non définitives ne pouvant en aucun cas être mises à exécution. Si la transaction est conclue après jugement, les peines prononcées ne seront pas mises en exécution. La règle s’applique tout aussi bien aux peines pécuniaires qu’aux peines d’emprisonnement. Le procureur général près de la Cour d’appel remet une attestation de l’arrêt de l’exécution de la peine sur présentation de la quittance de paiement précitée.

La loi ne prévoit pas un délai d’exécution, il ne faut en conclure que l’intéressé peut indéfiniment reporter l’exécution. Le principe est donc l’exigibilité immédiate de la somme[92]. A défaut de paiement, les poursuites pénales peuvent se poursuivre[93].

§2 Les poursuites pénales à défaut de transaction
La voie de la transaction avec l’État n’est pas obligatoire pour l’auteur de la violation. C’est une faculté ouverte et tant qu’elle n’a pas été exercée, l’action publique et les procédures se poursuivent normalement selon les préconisations de la loi sur la justice transitionnelle, notamment devant les chambres criminelles.
Section 3
La réserve des droits des tiers
L’article 10 du projet de loi organique prévoit que les mesures prévues par les articles 2 et 3 ne préjudicient pas aux droits des tiers.
La réserve du droit des tiers est une mesure classique en matière d’amnistie générale. Sauf omission ou erreur de notre part, elle n’a jamais été expressément consacrée par le droit positif en matière de transaction pénale. Mais c’est une règle de raison que le projet de loi ne fait que rappeler.
« La transaction est inopposable aux coauteurs et complices ou au civilement responsable du transigeant. Ils ne peuvent se voir opposer l’aveu de culpabilité qu’elle contient.[94] »

La transaction est pareillement inopposable aux victimes de l’infraction. Elle a certes pour effet d’interdire la constitution de partie civile devant la juridiction répressive, même quand les poursuites ont déjà été engagées, le juge étant dessaisi de plein droit avant jugement. Mais il en va différemment lorsqu’un jugement sur le fond est intervenu sans avoir acquis l’autorité de la chose jugée : en ce cas, la transaction conclue ne peut priver la partie civile du bénéfice des dispositions civiles de la décision rendue à son profit et la juridiction répressive reste compétente pour statuer sur l’action civile[95].

On estime que l’Etat n’est pas un tiers et que la transaction s’impose à lui. Mais les personnes publiques qui bénéficient d’une personnalité juridique distincte de celle de l’Etat ne sont pas tenues de la transaction. Elles peuvent demander réparation de leurs préjudices.

Section 4
L’abrogation des dispositions de la loi sur la justice transitionnelle relatives à la corruption
Le projet de loi contient une disposition finale selon laquelle toutes les dispositions relatives à la corruption  contenues dans la loi du 24 décembre 2013 sont abrogées[96]
Cette disposition de portée générale est la source de contestation de la part de l’Instance de la Vérité et de la Dignité et on la comprend. Il est tout à fait probable qu’elle soit épinglée par le juge constitutionnel pour non-respect de l’engagement de respecter le système de la justice constitutionnelle. Il faudra restreindre sa portée au seul pouvoir de l’Instance de la Vérité et de la Dignité de se saisir comme une instance arbitrale et de conciliation dans des matières de corruption. En effet à notre avis, les seules voies loisibles pour l’État, victime d’une violation en matière de probité publique, c’est de transiger lui-même ou de se soumettre à son tribunal étatique, son juge naturel.
Concernant la compétence juridictionnelle à juger les affaires de malversation financière, il faut, à notre avis, maintenir la compétence des chambres criminelles spécialisées. On peut toutefois suggérer qu’il soit créé à Tunis, lieu principal du contentieux en la matière, une chambre spéciale dédiée à ce type de contentieux.
Il faut aussi maintenir la compétence de l’Instance dans sa mission de sauvegarde de la mémoire collective sur cet aspect particulier de l’histoire du pays. C’est un noyau central du système de la justice transitionnelle. Le juge constitutionnel ne manquera pas de l’exiger si le projet de loi est voté tel qu’il est dans sa rédaction actuelle.
Enfin, il faut maintenir le rôle de l’Instance de la vérité et de la dignité en matière de filtrage des fonctionnaires et dans la préconisation des réformes administratives pour une meilleure gestion des deniers publics. C’est même une exigence exprimée à l’article 10 in fine de la Constitution. Certes une telle mission peut faire double emploi avec la mission de l’Instance nationale de lutte contre la corruption[97], mais ce sont les conséquences du retard mis dans la mise en place de la justice transitionnelle et l’absence d’une démarche globale.





[1] Article 1er. Voir sur cette loi, Kora Andrieu, Confronter le passé de la dictature en Tunisie : La loi de « justice transitionnelle » en question, IRIS, mai 2014, http://www.iris-france.org/docs/kfm_docs/docs/obs-monde-arabe/tunisie-justice-transitionnelle-mai-2014.pdf ;
وحيد الفرشيشي، مروة بلقاشم، آمنة السماري، أحمد علوي، نصر الدين حرز الله ، “العدالة الانتقالية في تونس. وصدر القانون اخيرا. أكتوبر 2011 ديسمبر 2014، تونس ماي 2014، مركز الكوكي للتحولات الديمقراطية، برنامج الأمم المتحدة الإنمائي، الجمعية التونسية للدفاع عن الحريات الفردية.
[2] En mai 2012, le ministère des droits de l’homme et de la justice transitionnelle a procédé à la création d’un comité technique, composé majoritairement de représentants de la société civile, chargé de coordonner l’organisation d’une consultation nationale sur la justice transitionnelle, notamment sur le plan régional, et de rédiger, sur la base des résultats de cette large consultation, un projet de loi organique sur la justice transitionnelle. Des consultations ont été menées sur tout le territoire, à travers le relais de six sous-comités techniques régionaux, entre juillet et septembre 2012. Ces sous-comités ont été chargés de tenir 24 consultations dans tous les gouvernorats du pays. L’avant-projet a été transmis au gouvernement en novembre 2012 puis remis au président de l’Assemblée nationale constituante (ANC) pour être soumis à délibérations en janvier 2013.

[3] http://www.tunisie.gov.tn/index.php?option=com_content&task=view&id=1912&lang=french

[4] http://www.justice-transitionnelle.tn/fileadmin/medias/jort/Rapport_dialogue_JT_Version_FR.pdf

[5] la loi organique n°2011-6 du 16 décembre 2011, portant organisation provisoire des pouvoirs publics. Voir Rafaa Ben Achour, Sana Ben Achour, La transition démocratique en Tunisie : Entre légalité constitutionnelle et légitimité révolutionnaire, Revue française de droit constitutionnel, 2012/4 n°92, p. 715.

[6] Article 24 de la loi organique n°2011-6 du 16 décembre 2011, portant organisation provisoire des pouvoirs publics.

[7] La question se pose de savoir si la modification de la loi se fait selon la forme requise pour le vote des lois organiques ou des lois ordinaires. Le caractère de loi organique a été expressément prévu par la loi la loi organique n°2011-6 du 16 décembre 2011, portant organisation provisoire des pouvoirs publics. La constitution de 2014 définit le domaine des lois organiques et aucun mot n’est mentionné à propos de la justice transitionnelle (article 65). La justice transitionnelle cesse-t-elle pour autant d’être régie par une loi organique ? Peut-on rattacher la justice transitionnelle à « l’organisation de la justice et la magistrature » ? A rappeler qu’une loi organique est adoptée à la majorité absolue des membres de l’assemblée des représentants du peuple (art. 64 de la Constitution), alors qu’une loi ordinaire est adoptée à la majorité des membres présents sans que cette majorité soit inférieure au tiers des membres de l’Assemblée.

[8]''تلتزم الدولة بتطبيق منظومة العدالة الانتقالية في جميع مجالاتها والمدة الزمنية المحددة بالتشريع المتعلق بها، ولا يقبل في هذا السياق الدفع بعدم رجعية القوانين أو بوجود عفو سابق أو بحجية اتصال القضاء أو بسقوط الجريمة أو العقاب بمرور الزمن.''

Le terme عفو figurant dans le texte en langue arabe est ambivalent car il peut être employé pour exprimer la grâce présidentielle عفو رئاسي ou l’amnistie généraleعفو عام . Si l’on interprète le texte pour englober l’amnistie générale on heurte cette conséquence de l’amnistie, consacrée par l’article 377 du Code de procédure pénale, qui déclare fictivement que les faits amnistiés sont réputés n'avoir jamais existé.

[9] Par exemple, l’opinion de Mohamed Ayadi, ancien membre de l’instance de la Vérité et de la Dignité et magistrat au tribunal administratif, qui après avoir démissionné a écrit sur sa page officielle facebook,

يفهم مما تقدم وبكل تبسيط ان الدولة التونسية، وليس الحكومة الحالية أو غيرها، ملزمة بتطبيق منظومة العدالة الانتقالية كيفما ضبط التشريع ميدانها ومجالات تدخلها واختصاصها الوظيفي والزمني. وباعتبار ان التشريع المقصود في هذه الحالة هو القانون الاساسي للعدالة الانتقالية سابق الوضع والإصدار على الدستور.

[10] Le rapport commun de la Commission de la législation générale et la commission des droits, libertés et relations extérieures, p. 8.

[11] Selon l’article 2 de ladite loi, « les attentats ayant engendré les martyrs et blessés de la révolution sont considérés comme des violations, graves au sens des articles 3 et 8 de la loi organique n°2013-53 du 24 décembre 2013 relative à l'instauration de la justice transitionnelle et à son organisation. »

[12] Sandrine Lefranc, La justice transitionnelle n’est pas un concept, Mouvements, 2008/1 n° 53 | pages 61 : La justice transitionnelle n’est pourtant ni une « bonne politique » ni un concept. L’expression ne désigne pas les « meilleures pratiques » parce qu’elle agrège des outils très variés, rarement associés dans les politiques nationales, voire contradictoires dans leurs desseins, lorsqu’une commission de vérité vient légitimer la suspension des procédures pénales ordinairement engagées à l’encontre de crimes » ; Fabrice Hourqueble, La notion de justice transitionnelle a-t-elle un sens ?, Afrique contemporaine, 2014/2 n° 250 | pages 86.

[13] L’article 62 de la Constitution donne au Président de la République de prendre l’initiative de proposer des projets de lois. L’article 93 in fine de la Constitution dispose Tous les projets de lois sont délibérés en Conseil des mi-. Le président a soumis le projet de loi au conseil des ministres qui l’a approuvé le 14 juillet 2014. Il a été transmis à l’Assemblée des représentant du peule le 16 juillet 2015.

[14] Certains partis menacent de porter la contestation de la rue, ce qui risque de provoquer la première épreuve à la démocratie représentative sous la nouvelle constitution. Rafaa Ben Achour, Le projet de loi sur la réconciliation nationale à l’épreuve des règles de la démocratie représentative, Leaders, n°52, sept. 2015, p. 24.

[15] Voir la définition donnée par le Secrétaire général des Nations unies : « il s’agit de l’éventail complet des divers processus et mécanismes mis en ouvre par une société pour tenter de faire face à des exactions massives commis dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre justice et de permettre la réconciliation. » Rapport présenter devant le Conseil de sécurité intitulé « Rétablissement de l’Etat de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit », Doc S/2004/616, 2 août 2004, p. 7, § 8.

[16] « La réforme des institutions est un processus qui vise à démanteler le système de corruption, de répression et de despotisme, et à y remédier d'une manière qui garantit la non-répétition des atteintes, le respect des droits de l'homme et la consécration de l'Etat de droit. La réforme des institutions exige, notamment, la révision des législations, le criblage des institutions de l'Etat et de leurs structures, pour en éliminer tous auteurs confirmés de corruption et de violations, en moderniser les programmes, et en réhabiliter les structures et les effectifs conformément aux dispositions de l’article 43 de la présente loi. » (art 14). « Le Comité de l’examen de la fonction publique et de la réforme des institutions », qui est une émanation de l’IVD, « peut émettre une décision justifiée de renvoyer toute personne occupant une des fonctions précédemment citées ou refuser tout candidat à l’une de ces fonctions, si sa responsabilité est confirmée dans la corruption ou les violations des droits de l’homme. » (art 43). Le même article vise même les institutions corrompues.

[17] Sur la base d'une convention d'arbitrage, la Commission d'arbitrage et de réconciliation recueille :

- Une demande de la victime,

- Une demande de la partie à laquelle est attribuée l'infraction, avec pour condition, l'approbation préalable de la victime. En cas de malversation financière, est requise l'approbation de l'Etat, lorsque le dossier porte sur les deniers publics ou sur les avoirs d'entreprises au capital desquelles l'Etat participe de manière directe ou indirecte. (art 46).

[18] L’article 43 fait aussi référence aux « personnes occupant une des hautes fonctions de l’Etat, y compris dans les fonctions judiciaires ayant commis intentionnellement des actes ayant entraîné un appui ou une assistance aux personnes soumises aux dispositions du décret-loi n°2011-13 et ce pour détournement de deniers publics. »

[19] L’Instance élabore un rapport global contentant « des recommandations et suggestions concernant les réformes politiques, administratives, économiques, sécuritaires, juridiques, médiatiques, éducationnelles et autres qu'elle juge opportunes pour prévenir tout retour à la répression, au despotisme, à la violation des droits de l'homme et à la gestion malsaine des deniers publics. » (art 78)

[20] Voir la conscience qu’avaient eue les participants à la consultation nationale de la poursuite des infractions de nature économique.

[21] http://majles.marsad.tn/fr/chroniques/52b30ca012bdaa7f9b90ec34

[22] Voir infra le sens de ces deux notions.

[23] L.B.A, Bientôt le projet de loi organique sur la réconciliation nationale devant l’ARP. Réduction du champ d’intervention de l’Instance dignité et vérité, La Presse de Tunisie, 20 juillet 2015.

[24] Créée par l’article 16 de la loi sur la justice transitionnelle. Le règlement intérieur de l’Instance, (Décision n°2014-1 du 22 novembre 2014 JORT n°95, du 25 novembre 2014) prévoit la création d’une seule commission de recherche et d’investigation chargée à la fois de l’enquête sur le système de corruption et des atteintes aux droits de l’homme (art. 56).

[25] Article 6 de la loi du 24 décembre 2013.

[26] Décret 2014-4555 du 29 décembre 2014, portant création de chambres criminelles spécialisées dans le domaine de la justice transitionnelle au sein des tribunaux de première instance siégeant dans les cours d'appel de Tunis, Gafsa, Gabés, Sousse, Le Kef, Bizerte, Kasserine et Sidi Bouzid.

[27] Par souci d’économie.

[28] Une solution consensuelle entre ceux qui prônent la création de tribunaux spéciaux et ceux qui se contentent d’une formation préalable des magistrats.

[29] La Constitution a préparé à la promulgation de lois à caractère rétroactif en matière de justice transitionnelle. L’article 148.9 de la Constitution interdit, en effet, d’opposer le principe de non-rétroactivité de la loi pénale. Dans une interview accordée à un journaliste, la présidente de l’Instance reconnait que le droit tunisien comporte des lacunes de droit pour sanctionner les fraudes électorales et l’exile forcé pour des raisons politiques. Elle dit que l’instance entend proposer (encore que juridiquement l’instance n’ait pas le pouvoir de présenter des projets de lois) de combler lesdites lacunes. Reste de savoir si on entend donner un effet rétroactif à des dispositions pénales. Toute la question est de savoir si un principe de supra-constitutionnalité n’est pas de nature à s’opposer à la rétroactivité de la loi pénale en ces matières. La Presse de Tunisie, 09-06-2015, Propos recueillis par Olfa Belhassine.

[30] Article 9 de la loi du 24 décembre 2013.

[31] Article 42 de la loi du 24 décembre 2013.

[32] Le principe de l’opportunité des poursuites ne devrait pas jouer car la constitution fait de la redevabilité un engagement de l’Etat. Néanmoins on peut se poser la question du rôle peut avoir le ministère public et la police judiciaire en matière de recherche de la preuve. A noter qu’en matière criminelle l’étape de l’instruction est obligatoire. Toujours dans la même interview citée supra, la présidente de l’Instance ajoute qu’elle s’active à généraliser la création des chambres spécialisées au niveau des cours d’appel et la Cour de cassation.

[33] Ratifiée par la loi n°2008-16 du 25 février 2008 et publiée par décret n°2008-2033 du 19 mai 2008.

[34] Néji Bacouche, Répression pénale et disciplinaire dans la fonction publique, CREA, Tunis 1990, p. 76.

[35] Elle est visée à l’article 83 du Code pénal. Le fonctionnaire public ou assimilés se « laisse acheter », c’est-à-dire qui il agrée directement ou indirectement, soit pour lui-même, soit pour autrui. Les faits générateurs de la corruption sont les dons, promesses, présents ou avantages de quelque nature pour accomplir un acte lié à sa fonction ou pour faciliter l'accomplissement d'un acte en rapport avec les attributions de sa fonction, ou pour s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, auquel il est tenu. Il n’est exigé que le fonctionnaire ait effectivement reçu des dons ou promesses. Selon l’article 84, si le fonctionnaire public ou assimilé a provoqué la corruption, la peine prévue à l’article 83 (nouveau) sera portée au double. La peine est de dix ans d'emprisonnement et une amende double de la valeur des présents reçus ou des promesses agréées, sans qu'elle puisse être inférieure à dix mille dinars. Le tribunal prononce à l'encontre du condamné, par le même jugement, l'interdiction d'exercer les fonctions publiques, de gérer les services publics et de les représenter.

[36] Elle est prévue par l’article 85 du Code pénal. Il s’agit du fonctionnaire public ou assimilé a accepté des dons, promesses, présents ou avantages de quelque nature que ce soit en récompense d'actes qu'il a accomplis et qui sont liés à sa fonction, mais non sujet à contrepartie, ou d'un acte qu'il s'est abstenu de faire alors qu'il est tenu de ne pas faire. La peine est de cinq ans d'emprisonnement et de cinq mille dinars d'amende.

[37] Article 91 (Modifié par la loi n°98-33 du 23 mai 1998).

[38] Elle est commise par l’administré qui rémunère la complaisance du fonctionnaire soit pour accomplir un acte, le faciliter ou ne pas l’accomplir. La corruption active n’est pas une complicité de la corruption passive. Elle est une infraction autonome et distincte qui peut exister indépendamment de la corruption passive malgré la corrélation étroite entre les deux infractions. La tentative est punissable. Toute personne ayant servi d'intermédiaire entre le corrupteur et le corrompu est considérée comme auteur principal de corruption active.

[39] Article 87 du Code pénal.

[40] Article 87 bis du Code pénal.

[41] Pour l’Etat, on entend par marché public les marchés d’études, de travaux, de transports, de fournitures de biens et services. La règle est affirmée pour les commandes de l’Etat à l’art. 99 du code de la comptabilité publique. L’article 105 du même code prévoit que les conditions et les formes dans lesquelles les marchés sont passés ainsi que les modalités d’application des articles 99 à 104 du même code sont fixées par décret. Pour les entreprises publiques, les marchés publics sont des marchés des travaux, fournitures, services et études. (art. 18 de la loi n°89-9 du 1 février 1989 relative aux participations et entreprises publiques). L’article 22 de la loi énonce que « les règles de passation, d’exécution et de contrôle des marchés des entreprises publiques sont fixés par décret ». L’article 135 de la loi organique des communes prévoit que les marchés de services, travaux et fournitures pour le compte des communes sont passées selon la législation en vigueur.

[42] Il arrive en effet à l’administration de confier la gestion d’un service public à une personne privée. « Le Conseil d’Etat français définit la délégation de service public comme tout contrat par lequel une collectivité publique confie à un tiers l’exécution d’un service public à caractère industriel ou commercial dont elle conserve cependant la maîtrise, de telle manière que les relations contractuelles des usagers avec le service soient établies par le délégataire, quelque soit le mode de rémunération. Ne constituent pas des délégations de service public, les marchés publics en se fondant sur le rôle que les cocontractants sont appelés à y tenir dans ce cas. Ces dernières années nous assistons en Tunisie à un renouveau de ce mode contractuel de gestion du service public aussi bien au plan national que local et qui couvre des activités diversifiées : installations et fourniture de matériel téléphonique, transport collectif urbain, entretien et exploitation d’autoroute et collecte de déchets solides ». « La doctrine s’est posée la question si le choix du cocontractant par l’administration est discrétionnaire ou bien obéit à des règles de strictes de mise en concurrence. Adopter le premier mode de choix revient à consacrer le modèle concessionnaire (concession, affermage, régie intéressée) ; opter pour le second tendra à prouver l’existence d’un marché public. Les deux sont consacrés dans la pratique tunisienne : la règle de l’intuitus personae, indispensable dans toute concession est de mise dans les concessions de transport collectif urbain et la procédure de l’appel d’offres est consacrée pour le choix, par les communes, des cocontractants chargés de la collecte des déchets solides. Il s’agit donc pour ce dernier cas, d’un marché de prestation de services, obéissant à la réglementation des marchés publics ». « A coté de ces deux modes de choix du cocontractant, nous avons un peu plus particulier où l’administration concède le service public – parfois doublé d’un ouvrage public- à une personne morale qu’elle a elle-même créée (Société Tunisie Autoroute. Cette situation comme celle de l’appel d’offres, défigure quelque peu la concession du fait des relations patrimoniales étroites ainsi établies entre les deux cocontractants. »

[43] Amel Aouij Mrad, Droit des services publics, ENA 1998, p. 129 et s.

[44] Amel Aouij op. cit. : Agréer des dons ou promesses des dons ou présents ou avantages de quelque nature ; procurer un avantage injustifié (Pour que l’infraction soit constituée, il est nécessaire que le fonctionnaire ou l’agent public ait procuré à autrui ou tenté de lui procurer un avantage injustifié. L’étude de cet élément matériel implique donc de savoir, au préalable, ce qu’est un « avantage injustifié ». Cela nous rappelle les dispositions de l’article 96 du code pénal. Il s’agit de procurer à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou l’organisme intéressé. En fait, tout dépendra des circonstances. L’avantage pourra être directement l’attribution du marché, mais aussi, plus simplement, la fourniture illégale d’informations au candidat que l’on veut favoriser L’avantage sera forcément qualifié d’injustifié lorsqu’il trouvera son origine dans la violation d’une disposition législative ou réglementaire garantissant l’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public. En effet, nous ne voyons pas bien comment un avantage procuré en violation des lois et règlements pourrait être justifié. La formule est donc pléonastique) et Acte contraire aux dispositions législatives et réglementaires régissant les marchés publics (Pour que l’infraction puisse être retenue, que l’avantage procuré l’ait été « par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ». Ainsi, lorsque les textes régissant la matière ont été scrupuleusement respectés par le prévenu, il ne peut y avoir d’infraction. Les magistrats seront dès lors dans l’obligation de rechercher quelle règle a été méconnue par ce dernier avant de pouvoir engager sa responsabilité pénale. Violation des dispositions législatives et réglementaires assurant la liberté d’accès et l’égalité des candidats. Toutes les dispositions relatives aux marchés publics n’ont pas forcément pour but, comme l’exige pourtant le code pénal, de « garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats ». Certaines d’entre elles ont, en effet, simplement pour objet de protéger la collectivité publique, comme celles portant sur les modalités de règlement des prestations ou de la réception des ouvrages. Le manquement à de telles dispositions ne doit donc pas permettre la caractérisation de l’infraction. Les principales violations sont les suivantes : Avant la procédure formalisée (suppression de la mise en concurrence, déclaration abusive de l’urgence, fractionnement des marchés, Divulgation d’informations, en cas de recours volontaire à l’appel d’offres il faut s’y conformer) Au cours de l’examen des offres et Après l’attribution du marché (avenant : le délit de favoritisme pourra ainsi être retenu si l’avenant a en réalité pour but d’attribuer à l’entreprise choisie des travaux supplémentaires, en s’affranchissant d’une nouvelle procédure de mise en concurrence pourtant nécessaire au vu des circonstances et procédure fictive. — Certains marchés, ayant été attribués à des entreprises sans respecter les règles de concurrence, sont parfois régularisés par l’organisation d’une procédure fictive alors que les travaux sont déjà exécutés).

[45] La faute civile est soit intentionnelle (art. 82 du Code des obligations et des contrats) ou non intentionnelle (art 83). Elle consiste à faire ce qui ne devrait pas être fait ou ne pas faire ce qui devrait être fait. La responsabilité est encourue s’il existe un dommage quelconque et une relation causale avec la faute.

[46] Ce cas vise le fonctionnaire public prend ou reçoit pour elle-même ou pour un tiers un intérêt quelconque de quelque manière que ce soit, dans une affaire dont elle avait en tout ou partie l'administration, la surveillance ou la garde, ou qui prend un intérêt quelconque dans une affaire dont elle était chargée d'ordonnancer le paiement ou de faire la liquidation. La tentative est punissable.

[47] Il vise le fonctionnaire public, en état d'exercice, ou de mise en disponibilité ou de détachement qui aura sciemment participé, personnellement ou par intermédiaire, par travail ou capital, dans la gestion d'une entreprise privée - assujettie en vertu de ses fonctions - à son contrôle, ou ayant été chargé de conclure des contrats avec elle, ou ayant été un élément actif dans la conclusion de ces contrats. La peine sera réduite à deux ans d'emprisonnement et à deux mille dinars d'amende à l'égard du fonctionnaire public ayant profité de sa qualité première en opérant, sciemment cette participation avant l'expiration d'un délai de cinq ans depuis la cessation définitive de ses fonctions et ce en vue de réaliser un intérêt pour lui-même ou pour autrui, ou porter préjudice à l'administration.

[48] Ce texte vise le fonctionnaire, en état d'exercice, ou de mise en disponibilité ou en détachement, qui aura exercé, intentionnellement une activité privée moyennant rémunération, ayant une relation directe avec ses fonctions, sans qu'il ait obtenu pour cela une autorisation préalable. Encourt la même peine tout fonctionnaire public, qui aura commis cet acte avant l'expiration d'un délai de cinq uns depuis la cessation définitive de ses fonctions et sans qu'il soit autorisé légalement à cet effet.

[49] Article 45 de la loi du 24 décembre 2013.

[50] Article 46 de la loi du 24 décembre 2013.

[51] Article 48 de la loi du 24 décembre 2013.

[52] Décision n°3 en date du 13 juillet 2015, publié sur le lien suivant : http://www.ivd.tn/?page_id=161

[53] Article 46 in fine de la loi du 24 décembre 2013.

[54] Le président de la coordination nationale indépendante de la justice transitionnelle Omar Safraoui a annoncé dans la journée du vendredi 21 mars 2014 sur les ondes de Mosaïque FM le recours de la coordination à la justice pour faire recours contre l’inconstitutionnalité des dispositions de la loi qui interdit le recours contre les décisions de l’IVD.

[55] Article 45 alinéa 2 de la loi du 24 décembre 2013.

[56] Article 45 alinéa 2 de la loi du 24 décembre 2013.

[57] Réserve faite des entreprises publiques ou les sociétés dans lesquelles l’Etat détient directement ou indirectement une participation. Mais même de cas, la convention d’arbitrage requiert en plus l’autorisation de l’Etat. Article 46 de la loi du 24 décembre 2013.

[58] Article 46 alinéa 2 de la loi du 24 décembre 2013.

[59] En droit commun, seule la transaction vaut aveu de culpabilité.

[60] Article 45 alinéa 2 de la loi du 24 décembre 2013.

[61] Article 15 de la Constitution.

[62] الفصل 2 : توقف التتبعات أو المحاكمات أو تنفيذ العقوبات في حق الموظفين العموميين وأشباههم من أجل أفعال تتعلق بالفساد المالي وبالاعتداء على المال العام باستثناء تلك المتعلقة بالرشوة وبالاستيلاء على الأموال العمومية.

[63] Par exemple, Ahmed Souab, juge au tribunal administratif, dans une interview donnée au journal hebdomadaire Tunis Hebdo dans son édition du 31 août 2015.

[64] Neji Baccouche, Répression pénale et disciplinaire dans la fonction publique, CREA 1990, p. 444 et s. L’auteur cite la décision du tribunal administratif qui a jugé que « les jugements de non-lieu en matière pénale rendus par les tribunaux de droit commun au profit des agents publics n’empêchent pas, en principe, l’autorité administrative d’infliger des sanctions disciplinaires dès lors que les faits reprochés constituent des fautes administratives indépendamment de leur qualification pénale. » (TA. 3e ch. 28 nov. 1980, RTD. 1981, p. 486) Il ajoute en se fondant sur la jurisprudence du Conseil d’Etat français que le « non-lieu pénal pour prescription du délit décidé par le juge répressif n’empêche pas l’administration de prononcer une sanction disciplinaire pour un fait reconnu par l’agent mais insusceptible d’être sanctionné pénalement pour prescription. ». L’auteur ajoute que l’indépendance de les actions pénales et disciplinaires s’est renforcée par l’article 56 de la loi n°83-112 du 12 décembre 1983 portant statut général des personnels de l’Etat, des collectivités publiques locales et des établissements publics à caractère administratif. Une solution équivalente est consacrée à l’article 40 de la loi n°85-78 du 5 août 1985, portant statut général des agents des offices, des établissements publics à caractère industriel et commercial et des sociétés dont le capital appartient directement et entièrement par l’Etat ou aux collectivités publiques locales.

[65] Article 82 al. 1 du Code pénal.

إن التعريف الذي أورده المشرع للموظف العمومي متصل بتعريفه للمؤسسة أو للذات المعنوية العمومية التي تعهد له صلاحيات "السلطة العمومية" بها أو التي "يشتغل" لديها. فهي إما تكون "الدولة" أو "جماعة محلية عمومية" أو "ديوان" أو "مؤسسة عمومية" أو "منشأة عمومية" أو غيرها من "الذوات التي تساهم في تسيير مرفق عمومي". وكما نرى، فإن المشرع عرّف الذوات العمومية باستعمال مصطلحات تحيلنا إلى ذوات مخصوصة يعرفها القانون الإداري مثل الدولة أو الجماعة العمومية المحلية وغيرها لينتهي باستعمال مفهوم غير حصري عن طريق معيار عام هو الـ"مساهمة في تسيير مرفق عام" الذي يجب أن يفهم (المرفق العام) على ضوء التعريف الذي يعطيه لنا القانون الإداري خاصة وان المشرع الجزائي لم يعط تعريفا خاصا لهذه المصطلحات القانونية. يجب على القاضي الجزائي أن يكيف الوقائع ويعلل حكمه قانونا. فمثلا نقضت محكمة التعقيب حكما استئنافيا لعدم الرد على ما تمسك به المظنون فيه المتهم بالإستيلاء على اموال عمومية على معنى الفصل 99 م.ج من كون أن صندوق التأمين على الشيخوخة ليس مؤسسة ذات صبغة صناعية وتجارية وإنما هو مؤسسة ذات صبغة اجتماعية (تعقيب جزائي عدد 54908 بتاريخ 10 أكتوبر 1994، نشرية محكمة التعقيب عدد 1 سنة 1994، جزائي ص. 162).

[66] Article 82 al. 2 du Code pénal.

[67] Article 95 du Code pénal.

[68] إن تعريف الموظف العمومي وشبه العمومي الخاص بالمجلة الجزائية الوارد بالفصل 82 هو تعريف عام صالح لجميع أنواع الجرائم المُفصلة في الباب الثالث من المجلة الجزائية غير أننا نلاحظ أن هذا الباب أتى، في بعض فصوله، على بعض القواعد المكرسة لجرائم الخصوصية تعطي تعريفا خاصا بها يتجاوز مفهوم الموظف العمومي أو شبه العمومي الوارد بالفصل 82. فمثلا تنطبق أحكام الفصلين 96 و99 م.ج على الموظف العمومي أو شبهه المحدد بالفصل 82 وأيضا على كل "مدير أو عضو أو مستخدم.... بالجمعيات ذات المصلحة القومية ..... أو بالشركات التي تساهم الدولة في رأس مالها بصفة مباشرة أو غير مباشرة بنصيب ما أو الشركات التابعة إلى الجماعات العمومية المحلية". فالفصلان 96 و99 م.ج توسعا في تحديد الأشخاص الذين يمكن تجريمهم فهم من ناحية الموظف العمومي أو شبهه كما عرفه الفصل 82 ومن ناحية أخرى المدير والمستخدم بالجمعيات ذات المصلحة القومية أو بالشركات التي تساهم الدولة في رأس مالها بصفة مباشرة أو غير مباشرة بنصيب ما أو الشركات التابعة إلى الجماعات العمومية المحلية.
[69] Néji Baccouche, op. cit. p. 80 a déjà remarqué le manque d’harmonie entre le champ d’application personnel de l’article 99 CP et la définition du fonctionnaire public et fonctionnaire public assimilé donnée par l’article 82 CP. Il propose de reprendre la rédaction de l’alinéa 2 de l’article 82 du Code pénal qui traite du fonctionnaire assimilé.

[70] Certains juges d’instruction ont été tentés d’étendre la notion à l’UTICA, qui est un syndicat professionnel. C’est une erreur grave en matière pénale où l’on interprète les textes d’une manière restrictive. La notion d’association d’intérêt national renvoie, en réalité, à une catégorie d’association visée par la loi 59-154 du 7 novembre 1959, relative aux associations. Selon cette loi, les associations de deux sortes. Celles ordinaires et celles reconnues d’intérêt national. Pour être déclarée comme telle, l’association doit être constituée depuis deux ans au moins (art 12 al. 2). La reconnaissance se fait par décret. Les associations d’intérêt national sont les suivantes :

جمعية بسمة للنهوض بتشغيل المعوقين (أمر عدد 456 لسنة 2006 المؤرخ في 15 فيفري 2006) والجمعية التونسية لحقوق الطفل (أمر عدد 2208 لسنة 2000 المؤرخ في 4 أكتوبر 2000) والجمعية التونسية للأمهات (أمر 1015 عدد لسنة 1999 المؤرخ في 12 ماي 1999) ومنظمة الدفاع عن المستهلك (أمر عدد 318 لسنة 1993 المؤرخ في 8 فيفري 1993) والجمعية التونسية لمضائف الشباب (أمر عدد 286 لسنة 1989 المؤرخ في 10 فيفري 1989) وجمعية "الغرفة الفتية الإقتصادية التونسية" (أمر عدد 115 لسنة 1983 المؤرخ في 12 فيفري 1982) والمنظمة القومية للرياضة والثقافة والشغل (أمر عدد 156 لسنة 1978 المؤرخ في 21 فيفري 1978) والجمعية التونسية لمساعدة الصم والبكم (أمر عدد 86 لسنة 1977 مؤرخ في 24 جانفي 1977) والجمعية العامة للقاصرين على الحركة العضوية (أمر عدد 145 لسنة 1977 المؤرخ في 9 فيفري 1977) والكشافة التونسية (أمر عدد 182 لسنة 1977 المؤرخ في 16 فيفري 1977) والإتحاد التونسي لإعانة المتخلفين ذهنيا (أمر عدد 334 لسنة 1972 المؤرخ في 17 أكتوبر 1972) والمنظمة التونسية للتربية والأسرة (أمر عدد 262 لسنة 1971 المؤرخ في 15 جويلية 1971) والجمعية المسماة "الوقاية من حوادث الطرقات" (أمر عدد 73 لسنة 1965 المؤرخ في 17 فيفري 1965) والجمعية المسماة "الرضيع" (أمر عدد 65 المؤرخ في 5 فيفري 1963) والإتحاد القومي النسائي التونسي (أمر عدد 62 لسنة 1961 المؤرخ في 25 جانفي 1961) والإتحاد القومي للمكفوفين بالبلاد التونسية (أمر عدد 63 لسنة 1961 المؤرخ في 25 جانفي 1961) والجمعية المسماة "الملبس القومي" (أمر عدد 445 لسنة 1960 المؤرخ في 26 ديسمبر 1960).للقانون عدد 154 لسنة 1959 المؤرخ في 7 نوفمبر 1959

Le décret-loi de 2011 régissant actuellement les associations ne connaît plus cette distinction entre association de droit commun et association d’intérêt national.

[71] La loi de 2007 se caractérise par deux différences par rapport au projet de loi de réconciliation. D’une part, elle ne consacre pas une amnistie en matière fiscale et d’autre part, interdit le transfert à l'étranger de plus de 20% des sommes figurant au solde des comptes en devises ou en dinars convertibles, avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de leur dépôt dans ces comptes. Le non respect des dispositions du premier paragraphe du présent article par les personnes concernées, entraîne déchéance du bénéfice de l'amnistie objet de la présente loi et elles ne peuvent, par conséquent, réclamer le remboursement des montants payés, cités au point 5 de l'article 3 ci-dessus.

[72] L’article 23 de la loi ne dresse pas une liste des infractions. Il considère dans une formule large comme infractions ou tentatives d'infractions et constatées, poursuivies et réprimées comme telles « toutes manœuvres tendant à éluder les obligations ou interdictions instituées par la réglementation des changes.». L’article 35 punit les infractions ou tentatives d'infractions à la réglementation des changes sont punies d'un emprisonnement d'un mois à cinq ans et d'une amende de 150 dinars à 300.000 dinars sans toutefois que cette amende puisse être inférieure à cinq fois le montant sur lequel a porté l'infraction. En cas de récidive, la peine d'emprisonnement peut être portée à dix ans et l'article 53 du Code Pénal n'est pas applicable.

[73] L’article 31 énonce toutefois que le Ministre des Finances, ou son représentant habilité à cet effet, peut transiger avec le délinquant et fixer lui-même les conditions de cette transaction. La transaction peut intervenir avant ou après jugement définitif. Dans le second cas, la transaction laisse subsister les peines corporelles.

[74] Elle exige du bénéficiaire 1) qu’il dépose auprès de la Banque Centrale de Tunisie, une déclaration des avoirs visés au paragraphe (a) 2) qu’il rapatrie les revenus, les produits et les avoirs en (b) et qu’il cède les devises visées aux paragraphes (b) et (c ) ou les déposer dans les comptes dans des “comptes spéciaux en devises ou en dinars convertibles. En cas de non dépôt de ces devises dans cette catégorie de comptes, ces personnes doivent les céder en dinar sur le marché des changes.

[75] Conformément à la législation fiscale en vigueur, toute personne physique résidente en Tunisie est passible de l’impôt sur le revenu sur la base de son revenu global qu’il soit en dinars Tunisien ou en devises. Le revenu global comprend les revenus de source tunisienne et les revenus de source étrangère qui n’ont pas subi l’impôt dans le pays de la source (art 37 du Code de l’IRPP IS). L’impôt sur les sociétés est aussi dû au titre des bénéfices réalisés par les personnes morales dans le cadre d’exploitations sises en Tunisie y compris les bénéfices de source étrangère qu’ils soient en dinars Tunisien ou en devises. Par ailleurs, tous les contribuables sont soumis à l’obligation de déclaration de tous leurs revenus et bénéfices quelque soit leur régime fiscal y compris les revenus exonérés ou soumis à un régime libératoire. Le non respect de ces obligations, entraîne le paiement par les contrevenants de l’impôt dû et des pénalités de retard y relatives ainsi que le paiement des pénalités fiscales pour défaut de déclaration de revenus exonérés d’impôt (Note commune 34-2007).

[76] Le candidat à l’amnistie doit déposer auprès de la recette des finances compétente une déclaration spéciale relative aux revenus et bénéfices objet de l'amnistie, selon un modèle fourni par l'administration. Doivent être joints à la déclaration, tout document justifiant le rapatriement des revenus, bénéfices et devises, tout document justifiant la cession à un intermédiaire agréé des revenus, bénéfices et devises ou leur dépôt dans les comptes susvisés et une copie de la déclaration auprès de la Banque Centrale de Tunisie, en cas où cette déclaration est exigée. 5) Enfin, l’intéressé doit payer un montant fixé à 5% de la valeur des avoirs à la date de l'entrée en possession ou de la contre valeur en dinars des revenus, bénéfices ou devises rapatriés et cédés à un intermédiaire agréé ou déposés dans les comptes susvisés, sur la base de la déclaration prévue au point 4 de l’article. Ce montant libère les bénéficiaires de l'amnistie, du paiement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés et des pénalités de retard y afférentes et qui sont exigibles au titre des revenus ou bénéfices et avoirs objet de l'amnistie, ainsi que de toute poursuite administrative ou judiciaire en matière de change objet de l'amnistie.

[77] La loi de 2007 fixe le point de départ du délai de régularisation à compter de l’entrée en vigueur de la loi, qui est par définition postérieure à la date de publication du texte au Journal officiel de la République tunisienne.

[78] Bruno PY, Amnistie, Répertoire pénal Dalloz, n°37 et 38 : « L’amnistie peut concerner toutes les infractions sans exception. Un crime contre l’humanité, bien qu’imprescriptible, est susceptible d’être amnistié (Cass. crim. 1er avril 1993, no 92-82.273) : il s’agissait de faits commis en liaison avec les événements consécutifs à l’insurrection vietnamienne, extinction de l’action publique par amnistie du fait de la loi du 18 juin 1966 (D. 1993, IR 136)... En l’absence de limite au pouvoir d’amnistier, le législateur n’est pas entravé par la gravité des faits commis. Si, d’ordinaire, les crimes contre les personnes (meurtre, assassinat, mutilation, etc.) et contre les biens (incendie volontaire, destruction par explosion, extorsion, etc.) n’entrent pas dans le champ des prévisions légales, il existe des contre-exemples dans lesquels certains textes ont amnistié des faits susceptibles d’être poursuivis sous la qualification d’actes de terrorisme. »

[79] En outre, la matière du statut personnel doit être régie par une loi organique.

[80] Encore que le pouvoir constituant ait été très timide renvoyant d’un langage abstrait à la législation la concernant et non à une loi précisée et datée.

[81] C’est dans le même sens que s’est prononcé le juge Sud-africain à propos d’une mesure de grâce présidentielle. Voir Xavier Philippe, L’amnistie devant le juge constitutionnel, Constitutions, 2013, p. 225.

[82] Article 120 de la Constitution.

[83] الفصل 3 : يمكن لكل شخص حصلت له منفعة من أفعال تتعلق بالفساد المالي أو بالاعتداء على المال العام تقديم مطلب صلح إلى لجنة مصالحة تحدث برئاسة الحكومة يشار إليها فيما يلي باللجنة.

[84] Voir supra.

[85] Loi n°2002-93 du 29 octobre 2002, complétant le code de procédure pénale relative à l’institution de transaction par médiation pénale. (Art. 335 ter). La transaction est réservée au ministère public.

[86] Sur le plan des principes, l’ancien Conseil constitutionnel a rendu un avis constitutionnel sur un projet de loi portant promulgation du Code des ports maritimes dans lequel il déclare « qu’il est loisible au législateur de prévoir, dans certains cas l’extinction de l’action publique ou l’arrêt des poursuites en vertu d’une transaction que l’administration conclut avec les contrevenants, cette possibilité doit néanmoins se cantonner aux faits passibles de sanctions ayant un caractère indemnitaire, telles que certaines infractions fiscales, économiques et douanières »Avis n°84-2007, JORT, n°56 du 14 juillet 2009, p. 1915.

[87] C’est très probable au vu des déclarations publiques ou écrits émanant de la présidente de l’Instance.

[88] Le projet de loi prévoit un délai de 60 jours à partir de la date de publication de la nomination des membres de la commission.

[89] Selon la Constitution l’assemblée nationale constituante crée en vertu d’une loi organique une instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi et ce jusqu’à la mise en place d’une Cour constitutionnelle. L’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité est actuellement régie par la loi organique n°2014-14 18 avril 2014. L’instance ne peut être saisie d’un recours en inconstitutionnalité que par le président de la République, par le chef du gouvernement ou par trente députés, et ce, dans un délai de sept jours à partir de l’approbation du « projet de loi ». Elle ne peut pas s’autosaisir. V. Rafaa Ben Achour, La constitution tunisienne du 27 janvier 2014, Revue française de droit constitutionnel, 2014/4 n° 100 | page, 799.

[90] Notons aussi que la commission de conciliation doit élaborer à la fin de sa mission un rapport général sur son activité qu’elle transmet entre autre à l’Instance de la Vérité et de la Dignité.

[91] Danièle Caron, Action publique, Extinctions, Décès, amnistie et autres causes, fasc. 10, Jurisclasseur Procédure pénale, art. 6, n°58

[92] Article 139 du Code des obligations et des contrats.

[93] A rapprocher Bruno PY, Amnistie, op. cit., Répertoire pénal Dalloz n°127 « Aucun délai n’est fixé par le législateur pour s’acquitter de l’amende. Cependant, aux termes d’un arrêt du 19 oct. 1966 (Bull. crim., no 201 ; Rev. sc. crim. 1966.889, obs. Légal), la chambre criminelle a estimé que l’intervention d’une seconde condamnation définitive suivie du paiement de l’amende afférente à la première condamnation ne permettait plus à l’intéressé de bénéficier de la mesure d’amnistie dont il n’a pas rempli en temps utile la condition. »

[94] Michel Redon, Transaction, Répertoire pénal Dalloz, n°44.

[95] Ibid, n°48.

[96] الفصل 12 : تلغى جميع الأحكام المتعلقة بالفساد المالي والاعتداء على المال العام الواردة بالقانون الأساسي عدد 53 لسنة 2013 المؤرخ في 24 ديسمبر 2013 المتعلق بإرساء العدالة الانتقالية وتنظيمها.

[97] Décret-loi n°2011-120 du 14 novembre 2011.