mercredi 28 août 2019

Du nouveau en droit des sociétés commerciales LES SARL


LES SARL
1. La loi n°2019-47 du 29 mai 2019, relative à l’amélioration du climat des affaires a modifié et complété certaines dispositions du Code des sociétés commerciales (CSC) applicables aux sociétés à responsabilité limitée pluripersonnelle, aux sociétés unipersonnelles à responsabilité limitée et aux sociétés anonymes. Nous les traitons successivement dans trois chroniques distinctes. Nous commençons par la SARL.

1-     La constitution de la SARL

2. L’art. 96 (ancien) CSC exigeait que les statuts indiquent l’établissement bancaire habilité à recevoir des fonds. Désormais, cette mention n’est plus nécessaire. Dans le sillage de la réécriture de l’art. 96, il n’est plus besoin, selon l’art. 98 (nouveau) CSC, de déposer les fonds dans un établissement bancaire. Une telle réforme a de quoi surprendre à un moment où les pouvoirs publics essaient de limiter la manipulation des fonds hors circuit bancaire.
3. Le législateur n’a pas saisi les difficultés juridiques posées par la nouvelle règle. D’une part, on ne doit pas perdre de vue que la société à responsabilité limitée exige la libération immédiate des fonds. Or selon l’art. 97 CSC, « la société n’est n'est constituée définitivement que lorsque les statuts mentionnent que toutes les parts représentant des apports en numéraires ou en nature, ont été réparties entre les associés et que leur valeur a été totalement libérée. Les fondateurs doivent mentionner expressément dans les statuts que ces conditions ont été respectées. » Concrètement en application de cet article, les statuts ne peuvent être signés que si les fonds sont déjà libérés. Le législateur traite ces obligations déclaratives d’une manière rigoureuse en prévoyant une peine pénale contre « les associés de la société à responsabilité limitée qui dans l’acte constitutif de la société ou lors d’une augmentation du capital social font sciemment de fausses déclarations. » Etant tenus à une libération des fonds avant la signature des statuts, les associés (ou le fondateur) doivent le faire par un dépôt chez un banquier au nom de la société en formation. La loi a maqué de déclarer les fonds indisponibles pour les faire échapper à la poursuite des créanciers personnels des associés.
4. L’ancien al. 2 de l’art. 98 CSC prévoyait que si la société à responsabilité limitée n’est pas constituée dans le délai de six mois à compter du dépôt des fonds, tout apporteur peut saisir le juge des référés afin d’obtenir l’autorisation de retirer le montant de ses apports. Dans la société anonyme, il est prévu un mécanisme proche : les souscripteurs peuvent, si la société n’est pas constituée dans un délai de six mois, demander au président du tribunal la restitution des fonds qu’il a déposés après soustraction de sa quote-part dans les frais de distribution, par ordonnance sur requête. La question se posant dans les mêmes termes devait recevoir une réponse uniforme. C’est ce qu’a consacré la modification de l’al. 2 de l’art. 98 CSC par la loi nouvelle. Le retrait des fonds se fait désormais sur ordonnance sur requête. Les associés peuvent, par mandat, obtenir retrait des fonds. Nul besoin alors d’obtenir une ordonnance sur requête.

2-     Les assemblées générales

a-      La convocation des assemblées générales
5. La convocation de l’assemblée générale est une prérogative du gérant. Quand ils sont plusieurs, et sauf clause expresse, chacun peut convoquer l’assemblée générale. Pour éviter que le gérant n’ait une maîtrise absolue sur le fonctionnement des assemblées délibératives, le législateur permet que l’initiative de convocation soit ouverte aux associés. Sous l’empire des textes antérieurs, il était prévu deux cas de convocation en quelque forcée de l’AG. Que les statuts ne peuvent y faire échec :
-          Les associés détenant le quart du capital peuvent une fois par an demander au gérant qu’il convoque l’assemblée générale. Le gérant a une compétence liée. Le refus de convocation constitue de sa part une faute.
-          Les associés quel que soit le taux de détention du capital peuvent demander au juge des référés qu’il requiert du gérant, du commissaire aux comptes, s’il en existe un d’un administrateur ad hoc qu’il convoque l’assemblée générale. Le juge contrôle la légitimité de la demande.
6. La loi de 2019 a ajouté un troisième cas de convocation en dehors de la volonté du gérant. Les associés détenant la moitié du capital ou les associés détenant le 10% du capital si le nombre des associés au sein de la société ne dépasse pas 10 peuvent directement convoquer l’assemblée générale. Ainsi, les associés ne passent ni par le gérant ni par le juge des référés. La nouvelle mesure répond, en pratique, au besoin des associés majoritaires qui se trouvent confrontés à un gérant minoritaire mais statutaire quasiment irrévocable car il détient une minorité de blocage.
b-      La proposition de nouvelles résolutions à l’ordre du jour
7. Un ou plusieurs associés représentant au moins cinq pour cent du capital social peuvent demander l’inscription de projets supplémentaires de résolutions à l’ordre du jour de l’assemblée générale annuelle. Les associés ne détenant pas le nombre de parts sociales requis peuvent se réunir pour déposer un projet de résolutions commun. Les projets de résolutions sont adressés à la société par lettre recommandée avec accusé de réception avant la tenue de la première réunion.
8. La loi ne fixe pas un délai buttoir pour le dépôt des propositions de nouvelles résolutions. Logiquement, le délai doit être antérieur à l’envoi de la lettre de convocation aux associés.
9. Le projet de résolution déposé n’a pas à coïncider avec l’ordre du jour de l’assemblée, mais il doit prendre la forme d’une décision et relever de la compétence de l’assemblée générale considérée.
10. Le refus de déférer à une demande d’ajout d’un projet de résolution peut-être sanctionné de la nullité (art. 128 CSC).
c-      Contrôle des conventions réglementées
11. Jusqu’à la veille de la réforme de 2019, l’assemblée générale annuelle n’exerce qu’un contrôle sur les opérations passées par la société avec certaines personnes qui lui sont liées. C’est un contrôle a posteriori fondé sur un motif de suspicion.
12. S’inspirant du système des conventions réglementées des sociétés anonymes, la loi étend le contrôle des associés à certaines autres opérations déterminées en raison de leur objet, estimé en quelque sorte important. Il s’agit des opérations de : 

-          vente du fonds de commerce ou d’un élément constituant le fonds de commerce, sa location à un tiers sauf s’il s’agit de l’activité principale de la société en tant marchand de biens ;
-          cession de plus de la moitié de la valeur brute comptable de l’actif immobilisé;
-          emprunt important dont les statuts déterminent le seuil ;
-          vente des immeubles quand les statuts le prévoient.
-          garantie des dettes d’autrui sauf si les statuts dispensent l’approbation dans la limite d’un certain montant fixé.
i-                    Opérations sur certains éléments d’actif
13. Est soumise à approbation la cession des fonds de commerce ou de l’un des éléments qui les composent ainsi que les opérations de location des fonds de commerce.  Lorsque le fonds de commerce constitue l’activité principale exercée par la société, il faudra obtenir une autorisation de l’assemblée générale extraordinaire. Lorsque l’objet de la société est l’achat en vue de la revente ou la location de fonds de commerce, (marchand de biens) aucune approbation n’est requise. En visant « la cession d’un des éléments composant le fonds de commerce », la règle pêche par excès. Il faut entendre l’élément important du fonds de commerce.
14. A la différence des opérations sur le fonds de commerce, le régime de contrôle de cession des immeubles n’est mis en œuvre qu’en vertu d’une stipulation des statuts. Cette différence de traitement est inexpliquée lorsque l’objet social est lié à l’exploitation d’un bien immeuble.
15. La cession de plus de la moitié de la valeur brute comptable des actifs immobilisé est enfin soumise à approbation.
ii-                  Les emprunts importants
16. Les emprunts importants dont le montant est déterminé par les statuts sont également soumis à approbation de l’assemblée générale. La question est cependant délicate à trancher lorsque les statuts omettent de poser un chiffre précis.
iii-                Garantie des engagements des tiers
17. Lorsqu’elle n’est pas interdite et par conséquent nulle, en vertu de l’art. 116 CSC, en raison de la qualité du débiteur principal, la garantie par la société à responsabilité limitée des engagements des tiers est possible et n’est pas soumise à autorisation préalable. La société ne peut contester la validité du cautionnement au prétexte que le gérant a agi en dehors de l’objet social ou que la garantie est contraire à l’intérêt social. Néanmoins dans l’ordre interne, une telle garantie est soumise à l’approbation de l’assemblée générale.
18. Le terme ‘’garantie’’ comprend les sûretés personnelles. Peu importe qu’elles soient accessoires (cautionnement, ducroire) ou indépendantes (garantie à première demande, aval). Le terme désigne aussi les cautionnements réels.
19. Les statuts peuvent dispenser de l’approbation lorsque la garantie est faite dans la limite d’un certain montant précisé dans les statuts.
iv-                Remarques finales
20. Le contrôle a posteriori institué par l’art. 115, sur la cession de certains éléments d’actifs ou les emprunts importants, tient compte de la solution de droit commun qui fait que ces opérations peuvent se faire sans que les associés ne soient consultés pour donner leur autorisation. Ils relèvent de la compétence de la gérance. 
21. En pratique, toutefois on peut rencontrer deux hypothèses qui sont de nature à dispenser de la procédure d’approbation. Le plus souvent, un gérant loyal et avisé obtient l’autorisation des associés de procéder à l’opération de cession ou d’emprunt important « quand bien même la loi ne le lui imposerait pas. » Il arrive par ailleurs que les statuts limitent les pouvoirs du gérant en lui imposant particulièrement l’obtention d’une autorisation de céder ou d’emprunter. Dans les deux hypothèses précédentes, il n’est plus nécessaire de soumettre à l’approbation de l’assemblée générale des opérations de cession d’actifs ou d’emprunt qu’elle a autorisées.

3-     Le commissariat aux comptes

22. Un ou plusieurs associés détenant des parts sociales représentant 5% du capital social peuvent demander d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale annuelle la question de la désignation d’un ou plusieurs commissaires aux comptes quand bien même la société ne remplit pas les critères prévus à l’art. 13 CSC. L’assemblée délibère, dans ce cas, conformément à la procédure prévue à l’alinéa précédent. Le nouveau texte réduit le seuil de participation requis pour présenter une demande de nomination d’un commissaire aux comptes à l’ordre du jour. Il était fixé par l’ancien texte à 10%. La réécriture du texte est rendue nécessaire après que le législateur ait permis aux associés d’ajouter un projet de résolutions à l’ordre du jour.
23. Le juge ne peut exercer un contrôle sur le refus des associés majoritaires de la proposition de nomination.

4-     Paiement du dividende

24. Le paiement des dividendes doit intervenir, selon le nouveau texte (art 140 CSC), au plus tard trois mois à compter de la date de l’assemblée générale ayant décidé la mise en distribution. Un délai supérieur est possible à la condition d’une décision unanime des associés. La même règle a été d’ailleurs ajoutée à l’art. 288 CSC pour les sociétés anonymes.
24. Le point de départ du délai de mise en paiement est la décision de l’assemblée générale de distribuer un dividende. En droit comparé français, il est prévu un délai de neuf mois à compter de la date de clôture de l’exercice. Il est en outre permis de demander au président du tribunal de commerce, statuant sur requête de la société, de proroger le délai de mise en paiement. La question est de savoir si malgré le silence du législateur le juge tunisien peut intervenir pour ordonner la prorogation du délai. 
25. Le retard de paiement entraîne le versement d’intérêt de retard calculé au taux légal en matière commerciale. Les statuts peuvent prévoir un taux conventionnel.

Article publié in le Manager, Juillet 2019

samedi 29 juin 2019

Chronique de jurisprudence commerciale Florilège d’arrêts en matière de baux commerciaux


Chronique de jurisprudence commercialeFlorilège d’arrêts en matière de baux commerciaux


L’expression baux commerciaux désigne les baux de locaux à usage commercial. Ils sont régis tout à la fois par le droit commun du contrat de bail, contenu dans le Code des obligations et des contrats, et par un texte spécial (la loi n°77-37 du 25 mai 1977) qui apporte en la matière des règles dérogatoires, considérées comme étant d’ordre public.

Le droit au renouvellement du bail. La destination commerciale du local

Le champ d’application de la législation spéciale est cantonné aux « baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds de commerce est exploité pendant deux années consécutives au moins, que ce fonds appartienne à un commerçant, industriel ou artisan. » Une difficulté récurrente concerne l’artisan qui souhaite renouveler son bail à l’expiration de sa durée. Littéralement, la loi ne vise que l’artisan qui exploite un fonds de commerce. L’exigence semble être saugrenue. Un artisan, de services ou de production, exploite normalement un fonds artisanal, mais c’est insuffisant pour qu’il bénéfice de la protection légale. Par deux arrêts, la Cour de cassation dénie à un réparateur de vélos (Cass., n°57530 du 15 mars 2018) et un coiffeur (Cass., n°55032 du 10 mai 2018) le bénéfice du renouvellement du bail, faute d’exploiter un fonds de commerce. Ces artisans ont prétendu exercer une activité de négoce en effectuant des actes d’achats en vue de la revente de produits en plus de leur activité artisanale. Le réparateur de vélos serait un revendeur de pièces détachées d’occasion et le coiffeur un revendeur de produits de soins corporels. Les juges de fond, dans l’appréciation qu’ils ont fait des éléments de preuve ont rejeté leurs prétentions. Soit que les preuves étaient constituées après le préavis de non-renouvellement, soit que les achats étaient pour la consommation artisanale, soit, enfin, qu’aucune inscription n’était prise au registre du commerce. Exceptionnellement, l’artisan coiffeur pour dames s’est vu reconnaitre un droit au bail (Ch. réunies. 42233 du 13 mars 1995, commentaires Fatma Bouraoui-Dargouth, RTD 1997, p. 85). Un arrêt propose de requalifier l’artisanat en industrie lorsqu’il y a des actes de spéculation sur les équipements ou matières premières (Cass. 51366 du 22 nov. 2011, in Etudes en droit commercial, Latrech, p. 410). Un artisan, dont le contrat indique la destination artisanale du local loué, trouve de la peine à se prévaloir de l’exercice du commerce. On lui objectera avoir commis une faute en changeant unilatéralement la destination du local. Comme il a été justement remarqué « le caractère de la location est déterminé non par l’usage que le locataire a pu faire de la chose louée mais la destination que les parties sont convenues de lui donner au moment du contrat » (Lamy droit commercial 2019, n°1006). En droit comparé français, le législateur reconnaît le droit au renouvellement du bail tant aux commerçants exploitant un fonds de commerce qu’aux artisans exploitant un fonds artisanal.
Un local ayant une vocation commerciale au début du contrat peut la perdre s’il était utilisé à des fins civiles, telles que l’habitation (Cass., 50898 du 29 mars 2018). Indépendamment de la faute qui consiste à changer la destination contractuelle du local, il n’existe plus de fonds de commerce et du coup le droit au renouvellement ne peut être reconnu au preneur.

L’indemnité d’éviction. Le délai de forclusion

Le bailleur qui entend refuser le renouvellement du contrat est tenu de donner congé au locataire six mois à l’avance. Le congé signifié par huissier de justice doit indiquer les motifs de non-renouvellement et reprendre les termes de l’article 27 de la loi 1977. Cet article traite de la procédure à suivre par le locataire s’il entend contester les motifs de non-renouvellement ou obtenir une indemnité d’éviction. Le locataire dispose d’un délai de 3 mois (90 jours exactement) pour porter l’action devant le tribunal compétent. Le délai pour agir a une nature particulière que la Cour de cassation a rappelée. Il s’agit d’un délai de forclusion qui ne peut être interrompu ou suspendu à la différence du délai de prescription. Dans un arrêt (Cass., n°40744 du 31 mai 2017), le locataire s’est trompé de tribunal compétent et a dû refaire l’action mais c’était hors délai. Le délai de forclusion, contrairement à la prescription, touche à l’ordre public et peut être soulevé d’office par le tribunal, même pour la première fois devant la Cour de cassation (art. 13 CPCC ; Cass., n° 51867 du 12 avr. 2018).

L’indemnité d’éviction. Sa détermination.


L’article 7 al. 1er de la loi de 1977 énonce que l’indemnité d’éviction due par le bailleur est, sauf exceptions dans certains cas spécifiques, égale « au préjudice causé au commerçant par le défaut de renouvellement du bail. » Mais l’al. 2 du même article donne des critères d’évaluation. « L’indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur. » Dans un arrêt (Cass., n°45027 du 15 nov. 2017, mentionné dans le rapport annuel de la Cour de cassation de 2017, p. 219), la Cour suprême considère, que l’emploi de l’adverbe « notamment » donne aux critères légaux un caractère énonciatif. Elle en tire la conséquence que le dommage réparable peut être une perte subie ou un gain manqué et de là le preneur doit être « dédommagé de la valeur des améliorations qu’il a apportées au local dont il était évincé ». La Cour de cassation censure ainsi la cour d’appel qui a refusé d’intégrer la valeur des améliorations dans le calcul de l’indemnité d’éviction. La solution manque, à notre avis, de rigueur juridique. L’indemnité d’éviction est une réparation du défaut de renouvellement. Généralement, on considère que le fonds de commerce est soit perdu, et le preneur doit recevoir une valeur équivalente pour acquérir un autre fonds auquel s’ajoute les droits d’enregistrement de la mutation (valeur de remplacement), soit simplement déplacé, auquel cas le preneur ne peut prétendre qu’aux frais de déménagement et de réinstallation (valeur de déplacement). En égard au caractère énonciatif des critères légaux, on peut retenir d’autres aspects du préjudice réparable, tels que les indemnités de licenciement du personnel ou les pertes financières résultant de l'arrêt d'activité du locataire. Mais la valeur des améliorations financées par le preneur en cours du bail relève du jeu de l’accession et elle est régie par les clauses du contrat et, à défaut, par l’article 36 du Code des droits réels. 

La révision judiciaire du loyer. La demande de révision

L’article 22 de la loi n°77-37 dispose que le loyer des baux à renouveler ou à réviser doit correspondre à la valeur locative. Le bailleur ou le preneur peut demander la révision du loyer selon une périodicité de trois ans au moins à partir de la date d’entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. La demande en révision, à la hausse ou à la baisse, est signifiée par une partie à l’autre par huissier de justice. Faut d'accord entre les parties dans le délai de 3 mois de la notification, la demande de révision sera jugée selon une procédure fixée à l’article 28. Le délai de trois mois est donc un délai laissé aux parties de trouver un accord. A défaut, la partie la plus diligente (en principe le demandeur de la révision), peut saisir le tribunal compétent. En pratique et afin échapper aux conséquences de la demande de révision, l’autre partie agit pour en requérir la nullité, généralement pour défaut de respect du délai de trois ans ou pour vice de forme. L’erreur dans l’indication du loyer en cours n’est pas un vice de forme pouvant entraîner la nullité (Cass., 47864 du 24 janv. 2018). L’action en nullité est hors champs d’application de l’art 27 et obéit aux règles de droit commun tant au niveau de la compétence d’attribution qu’au niveau du délai pour agir (Cass., 48980 du 1er fév. 2018).
L’action en révision stricto sensu n’est pas enfermée dans un délai, il en va autrement quand il s’agit d’une offre de renouvellement du bail avec de nouvelles conditions. Selon l’article 27, le locataire qui n’accepte pas les nouvelles conditions financières du renouvellement doit agir dans le délai de trois mois sous peine de forclusion (Cass., 47709 du 16 janv. 2018).
Assigné à une révision du loyer à la hausse, le défendeur ne peut demander une révision à la baisse (Cass., n° 51831 du 12 avr. 2018).

Révision judiciaire du loyer. La valeur locative

Il est fréquent que le contrat de location prévoie une augmentation du loyer selon un pourcentage et des périodicités convenus. La clause d’augmentation unilatérale, énonce un arrêt, (Cass., n°51831 op. cit) ne doit pas être confondue avec la clause d’échelle mobile, qui fixe le loyer par référence à certains critères en rapport avec l’objet du contrat ou l’activité de l’une des parties. S’il est exact que la clause d’augmentation n’est pas une clause d’échelle mobile, la Cour de cassation fait erreur lorsqu’elle considère qu’une clause d’échelle mobile peut fixer le loyer en fonction de l’activité d’une partie (le locataire). Il s’agit plutôt d’une clause recettes. L’existence d’une clause recettes aboutissant à fixer un loyer variable en fonction de l’évolution du chiffre d’affaires n’est pas soumise à la révision judiciaire.  
La validité de la clause d’augmentation périodique est incertaine car, selon l’article 22 précité, le loyer des baux à renouveler ou à réviser doit correspondre à la valeur locative. Toujours est-il qu’elle reste applicable tant qu’un jugement ne soit pas intervenu pour l’annuler ou tant qu’une révision judiciaire ne soit pas intervenue (Cass., 47869 du 20 sept. 2017, in rapport annuel op. cit., p. 220).
La valeur locative est déterminée selon des critères énonciatifs fixés par l’article 22. En pratique, les tribunaux ordonnent une expertise et retiennent trois critères : la comparaison avec des locaux similaires, le rendement escompté de l’immeuble et le taux d’augmentation des prix (taux d’inflation) (Cass., n°51831 op. cit.). La référence à ces deux derniers critères ne nous semble pas correcte. Le rendement escompté par le bailleur est subjectif et la prise en compte du taux général d’inflation est contraire à l’ordre public et conduit à une inflation exponentielle.


Chronique publiée in le Manager, Juin 2019, n°253, pp. 20-21

dimanche 2 juin 2019

La clôture du compte courant Le salutaire revirement de jurisprudence


La clôture du compte courant

Le salutaire revirement de jurisprudence


Un arrêt de la Cour de cassation (Cass. civ., n°38306 du 1er mars 2017, in rapport annuel de la Cour de cassation 2017, p. 227 et s.) traite de la détermination du solde définitif du compte courant au cas où il est demeuré inactif (gelé), plus ou moins longtemps, n’enregistrant que des écritures au débit représentatives des frais de tenue de compte et agios débiteurs capitalisés.
Le titulaire du compte, condamné en l’espèce au paiement de l’entier solde débiteur à la clôture prononcé par le banquier, se pourvoit en cassation en soutenant que le compte courant du moment qu’il n’enregistre plus des remises réciproques perd sa nature juridique ou du moins est considéré comme clôturé implicitement. Il ajoute que les règles prudentielles posées par la Banque centrale de Tunisie, en matière de suivi des actifs, devaient conduire la banque, teneur du compte, à considérer qu’il est clôturé dès la cessation des remises au crédit.
L’intérêt d’une requalification du contrat de compte courant est de considérer que le débit en compte ne peut produire un intérêt débiteur de plein droit. Il faudra une stipulation expresse conformément à l’article 1097 COC. Par ailleurs, les intérêts débiteurs ne peuvent être capitalisés, avec la somme principale pour produire eux-mêmes des intérêts, que dans les conditions de droit commun, c’est-à-dire qu’en présence d’une clause expresse et le respect d’un intervalle d’une année.
Un résultat équivalent est obtenu si l’on considère que le compte courant est implicitement clôturé dès le moment où le titulaire ne fait plus des remises au crédit. En effet, l’article 737 CC dispose que « les remises produisent intérêt au taux fixé par les correspondants pour le fonctionnement du compte, ou à défaut de convention par l’usage. » Il ajoute que « sauf convention contraire et jusqu’à la clôture du compte, ces intérêts produisent eux-mêmes intérêts, à compter du jour où ils font l’objet d’une remise en compte, à condition que cette remise soit effectuée en respectant un délai de temps fixé par l’usage. » La même règle est inutilement -et maladroitement- reprise in fine de l’article 1099 COC. Ainsi à la date de clôture implicite du  compte courant, à défaut d'accord écrit entre les parties pour maintenir le taux conventionnel (ou pour prévoir un nouveau taux), le solde ne peut produire que les intérêts légaux et la capitalisation doit respecter les conditions de droit commun.
La Cour de cassation répond au pourvoi, dans ses deux branches, pour le rejeter, à juste titre, à notre sens.

       1)     La vaine requalification du contrat de compte courant

Le pourvoi semble se référer à des précédents arrêts de la Cour de cassation où il a été jugé que du moment où il n’y a pas de remises réciproques effectives, le compte courant perd sa nature juridique et la capitalisation trimestrielle des intérêts débiteurs ne peut plus se produire. (Cass. civ., n°2008-31745 du 15 fév. 2010, Le compte courant gelé produit-il des intérêts ? obs. Hédi Bougarras, infos-juridiques, n°108/109, mars 2019, p. 8 ; add., Cass. civ., n°37346 du 3 juin 2010 ; n°55521 du 27 nov. 2011 ; n°6332 du 24 avr. 2013 ; n°6681 du 4 déc. 2014 ; n°31464 du 5 avr. 2016, inédits).
Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation juge, à juste titre, dans un sens contraire. C’est un cas de revirement de jurisprudence. Sa mention dans le rapport annuel de 2017 est signe de son intérêt.
Le compte courant, rappelle la Cour suprême, est défini à l’article 728 CC. C’est la convention par laquelle « deux personnes, dites correspondants, conviennent de faire entrer dans un compte, par voie de remises réciproques et enchevêtrées, les créances résultant des opérations qu’elles feront entre elles et de substituer ainsi des règlement particuliers et successifs de ces opérations un règlement unique, devant porter sur le seul solde du compte lors de sa clôture. » Dans une formule ramassée, la doctrine définit le compte courant comme une « convention par laquelle deux personnes affectent toutes leurs créances réciproques à un mécanisme de règlement instantané par fusion en un solde immédiatement disponible. »
La convention de compte courant peut-être conclue entre des correspondants qui sont dans une relation d’affaires : un commettant et un commissionnaire, un fournisseur et un distributeur, un intermédiaire en bourse et son client etc. Mais le plus souvent, le contrat est conclu entre une banque ou un établissement de factoring et son client.
Après avoir rappelé la définition légale du compte courant, la Cour de cassation relève, à juste titre, que la qualification du contrat est dépendante de la volonté des parties au départ de travailler en compte. Selon la Cour suprême, l’expression « remises réciproques et enchevêtrées », ne signifie rien d’autre que la vocation du compte à enregistrer des remises réciproques. Peu importe si ces remises ne se sont pas réalisées ou si elles se sont réalisées à des intervalles espacées ou même si un correspondant (le client de la banque) a cessé de faire des remises en compte.
En réalité, la solution consacrée par la Cour de cassation, dans l’arrêt objet de ces commentaires, est unanimement admise. Le principe d’affectation générale, exprimée à l’article 729 CC, « n'oblige pas les parties à se rendre créancières l'une de l'autre mais seulement à porter en compte les créances qui naissent entre elles. Elle n'impose pas davantage à un client de ne traiter en compte courant qu'avec un seul banquier pas plus qu'elle ne fait obstacle à l'existence entre deux partenaires de plusieurs comptes courants. Elle traduit seulement une vocation de principe qui doit composer avec la nature des créances et surtout la volonté commune des parties. » (Lamy Droit du financement 2018, n°2695.) Ainsi pour la qualification du compte, il faut se placer au moment de l’accord des parties (et non en cours de son exécution, la force obligatoire du contrat oblige) pour chercher si elles ont entendu (l’élément intentionnel est fondamental selon Gavalda et Stoufflet) substituer aux règlements particuliers et successifs de leurs opérations un règlement unique, devant porter sur le seul solde du compte lors de sa clôture.
2)     Le rejet de la thèse de clôture implicite du compte courant
La thèse de la clôture implicite du compte courant emprunte deux voies différentes. La Cour de cassation les rejette successivement.
a)     Le « gel », une volonté implicite titulaire du compte de clôturer le compte ?
Le compte courant est un contrat à exécution successive. Il peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Le plus souvent, le contrat est conclu pour une durée indéterminée. Dans ce cas, l’article 732 al. 2 CC dispose que « le compte courant ouvert sans détermination de durée est clos à tout moment par la volonté de l’un correspondant, sous réserve des préavis convenus ou, à défaut, des délais prévus par l’usage. » La faculté de clôturer le compte à tout moment est la conséquence de la liberté contractuelle et du principe général d’interdiction des engagements perpétuels. La clôture n’a pas à être motivée et est reconnue à l’un ou l’autre des correspondants, indépendamment de la nature civile ou commerciale du compte. Elle est toutefois subordonnée au respect d’un délai de préavis fixé par la convention ou l’usage. Comme on peut constater, le législateur n’exige pas un délai raisonnable mais un délai conforme aux usages. La difficulté est de prouver cet usage (la preuve incombe à celui qui s’en prévaut art. 544 COC) et de dire si le délai est uniformément posé pour le banquier et le client. Le non-respect du délai de préavis est sanctionné par des dommages-intérêts en cas de dommage.
En pratique, les banques donnent en moyenne un délai de 15 jours mais il faut bien noter que lorsque le compte est utilisé pour consentir un découvert bancaire à durée indéterminée, la banque doit donner un préavis distinct (art 705 al. 2 CC). Il faut donc une application cumulative des deux règles.
La clôture unilatérale du compte courant résulte incontestablement d’un acte de volonté exprimé par l’une des parties et communiqué à l’autre. La théorie de la clôture implicite contredit le principe selon lequel le silence ne vaut pas acceptation (art 29 COC). Un arrêt de la Cour de cassation française (Cass. com. C., du 23 mars  1993) a censuré une cour d’appel « qui pour condamner le titulaire d’un compte courant au paiement du solde débiteur de ce compte à une date donnée, se borne à retenir que le dernier mouvement avait eu lieu à cette date, sans rechercher si l’intéressé avait voulu mettre fin à la convention de compte. » L’exigence d’une volonté expresse de clôturer le compte joue dans les deux sens. Dans l’arrêt précité, la banque ne pouvait agir en paiement du solde du compte débiteur résiduel en prétextant que le client a retiré l’ensemble de ses avoirs et cessé toutes ses opérations. Un tel agissement du client n’est pas éloquent et n’exprime pas une volonté de clôturer le compte courant (Patrice Bouteiller, Le compte courant, JurisClasseur Banque - Crédit - Bourse, fasc. 210, n°34).
Il faut enfin observer que le banquier (ou le client) doit, selon l’article 732 al. 2 CC, donner un préavis avant de procéder à la clôture du compte. Il en découle nécessairement une expression de volonté notifiée à l’autre partie et l’impossibilité logique de déduire du simple silence une volonté de cesser la relation de compte.
b)     La clôture du compte courant « gelé » : une obligation du banquier ?
Les banques sont tenues, en vertu des règles prudentielles posées par la BCT, en application de l’article 66 de la loi du 11 juillet 2016, relative aux banques et aux établissements financiers, d’assurer un suivi de leurs actifs sur leurs clients. Une attention particulière est faite aux actifs bancaires sous forme de découverts en compte courant. La circulaire de la BCT n°24 du 17 décembre 1991 régit tout à la fois les conditions d’octroi d’un financement par découvert et l’appréciation du risque qui en résulte. « Les montants non-justifiés par les besoins doivent être réclamés aux bénéficiaires en vue de leur règlement immédiat ». « A défaut de pouvoir le réaliser, la banque doit établir, une seule fois, un échéancier de remboursement en principal et intérêts. » Au surplus, le découvert bancaire doit faire d’un suivi. « Lorsqu'il est écoulé un délai de 90 jours après l'arrêté des intérêts sans que le compte n'enregistre des mouvements de recettes susceptibles de compenser le montant intégral des intérêts débiteurs et autres charges, le découvert (ou le compte débiteur) est considéré généralement gelé et doit faire partie de la classe 2. Lorsque ce délai dépasse 180 jours sans excéder 360 jours, le découvert doit faire partie de la classe 3. Aude-là d’un délai de 360 jours, le découvert doit faire partie de la classe 4. »
La Cour de cassation estime, dans l’arrêt commenté, que ces règles prudentielles n’ont aucun rapport avec la clôture du compte. Il n’appartenait pas à la banque de clôturer le compte en raison des risques de non-recouvrement du débit en compte.
En réalité, les entreprises qui connaissent des difficultés retardent la clôture du compte débiteur pour éviter de rendre le solde exigible. Ainsi, le gel du compte est un acte délibéré du titulaire n’exprimant nullement l’intention de clôturer le compte. Bien au contraire.

Panorama de jurisprudence commerciale




Panorama de jurisprudence commerciale

Révocation du DG. Respect du principe du contradictoire et du droit de la défense.


La Cour de cassation a enfin son site Internet (www.cassation.tn). Elle a mis beaucoup de temps à entrer dans l’aire du numérique. Certains arrêts commencent à y être publiés, avec, en sus, le premier rapport annuel[1] élaboré en application de l’article 115 de la Constitution. 

Jadis, la publication des arrêts de la cour suprême se faisait dans un bulletin annuel mais ce dernier avait cessé de paraître depuis 2009. Les juristes, qu’ils soient universitaires ou praticiens, étaient réduits pendant une décennie à enseigner ou pratiquer le Droit sans avoir une réelle connaissance de l’état de la jurisprudence. Outre son intérêt scientifique ou pratique, la publication des décisions de justice a une allure éminemment politique car elle permet au corps social d’exercer un contrôle sur l’action des tribunaux. La publication de la jurisprudence participe du même registre que la publication de la loi et est source de sécurité et de prévisibilité de toute activité sociale. 

Dans l’arrêt sous étude (Cass. civ., n°57563 du 11 juin 2018[2]), il s’agit d’une affaire classique où le directeur général d’une société anonyme, nommé à des mandats successifs, depuis 2002, a été révoqué par le conseil d’administration en 2012. L’intéressé estime que la mesure qui le frappe est intempestive et porte atteinte à sa réputation ; il demande réparation des préjudices matériel et moral subis. 

Les juges de fond lui donnent raison en premier et dernier ressort et condamnent la société à la réparation du seul dommage moral. Dans son pourvoi en cassation, la société soulève la violation par la Cour d’appel des articles 208 et 217 du Code des sociétés commerciales. Selon elle, le conseil d’administration peut, à tout moment, révoquer le directeur général, (révocation ad nutum), sans être tenu à motiver sa décision quant à la forme ou au fond. La société remarque en la circonstance que le conseil d’administration s’est réuni immédiatement après que l’assemblée générale ait désigné une nouvelle équipe. Il a fallu selon elle choisir un nouveau directeur général disposé à mieux collaborer avec le conseil d’administration surtout que le dirigeant révoqué était en conflit avec le plus gros actionnaire. La société reproche en outre à l’arrêt d’appel de s’être fondé sur l’article 103 du Code des obligations et des contrats, relatif à l’abus de droit en matière délictuelle, et de ne pas avoir caractérisé l’atteinte à la réputation du demandeur. 

En réponse, le défendeur au pourvoi recadre le débat en remarquant que ce qui est en cause ce ne sont ni les motifs de la révocation ni le pouvoir du conseil d’administration à la décider mais les circonstances qui les a entourée. 

La Cour de cassation estime que la responsabilité de la société trouve sa source dans la théorie de l’abus de droit, qui a valeur d’un principe général de droit dépassant la cadre étroit de l’article 103 du Code des obligations et des contrats. Elle rejette le pourvoi en considérant que les juges de fond ont vérifié que la révocation a été décidée en violation du principe du contradictoire et du droit de la défense, qualifiés par le Cour comme étant des droits essentiels. 

On peut s’étonner que la Cour de cassation introduise en droit des sociétés des notions empruntées au droit processuel et disciplinaire. La révocation n’est pas nécessairement la sanction d’une faute de gestion. Si la Cour de cassation a jugé comme elle l’a fait, c’est parce qu’une révocation implique nécessairement une évaluation de l’action du directeur général d’où qu’il est nécessaire de lui donner l’occasion de s’expliquer. 

L’arrêt commenté s’est prononcé à propos d’une espèce où le directeur général n’avait pas le statut d’administrateur et n’avait pas été convoqué à la réunion du conseil d’administration. Or nous savons que l’article 217 du Code des sociétés commerciales prévoit que lorsque le directeur général n’est pas administrateur, il assiste aux réunions du conseil d’administration sans avoir un droit de vote. D’où qu’il s’ensuit qu’il doive être convoqué aux réunions du conseil d’administration. Le défaut de convocation du directeur général à une réunion du conseil d’administration constitue une irrégularité pouvant entraîner la nullité des délibérations, mais par réalisme (Daniel Cohen, note sous Cass. com., 26 avril 1994, Rev. sociétés 1994 p.725), les directeurs généraux victimes d’une révocation intempestive préfèrent agir en responsabilité. 

L’arrêt commenté a une portée plus générale. A supposer que le directeur général avait la qualité d’administrateur et qu’il était convoqué, sa révocation pouvait être jugée abusive s’il était advenu qu’il s’était absenté et la question de sa révocation n’était pas inscrite à l’ordre du jour. La même solution doit s’appliquer, à plus forte raison, à la société anonyme à directoire et conseil de surveillance où l’assemblée générale ordinaire, qui a le pouvoir de décider de la révocation des membres du directoire, est appelée à motiver la mesure par un juste motif. Là, les membres du directoire visés doivent être en invités à s’expliquer sur les motifs invoqués. 

On peut sans hésitation affirmer que la solution rendue par la Cour de cassation a vocation à s’appliquer à la révocation de tout dirigeant d’une société indépendamment de sa forme.

Faillite. Extension de la faillite aux dirigeants sociaux. La piqûre de rappel de la Cour de cassation


Les juges de fond ont déclaré la faillite d’une société à responsabilité limitée et ont étendu la mesure, au visa de l’article 117 du Code des sociétés commerciales, à ses quatre gérants successifs. L’extension de la faillite est justifiée, selon les juges, par la passivité des gérants, la non-tenue d’une comptabilité et le défaut de désignation d’un commissaire aux comptes. 

La Cour de cassation (Cass. civ., n°61977/63748/2018 du 5 Juillet 2018, inédit), sur deux pourvois présentés par deux gérants concernés, a dû rappeler les conditions de l’extension de la faillite telles que prévues à l’article 596 (ancien) du Code du commerce. En vertu de ce texte, « en cas de faillite d’une société, la faillite peut déclarée commune à toute personne qui, sous le couvert de cette société, masquant ses agissements, a fait, dans son intérêt personnel, des actes de commerce et disposé des biens sociaux comme de ses biens propres ». La disposition est aujourd’hui reprise à l’article 590 (nouveau) du même code. La doctrine désigne par là une situation de confusion des patrimoines. Elle peut exister entre deux personnes physiques, une personne physique et une personne morale ou entre deux personnes morales. Il y a confusion des patrimoines lorsqu’il est constaté entre les personnes, soit une imbrication généralisée des comptabilités, soit des flux financiers anormaux ou des relations financières anormales (Note sous Cass. com., 26 mai 2010, Nicolas Morelli, Rev. sociétés 2011 p. 119). Quand elle est avérée, elle permet d'étendre la faillite[3] ouverte à l'encontre d'un débiteur. Elle consiste à soumettre à une seule procédure les patrimoines confondus de toutes les personnes intéressées, activement et passivement. 

La Cour d’appel qui a fondé l’extension de la faillite sur l’article 117 du Code des sociétés commerciales a commis une erreur de droit car il s’agit dans cette disposition de la responsabilité du gérant envers la société ou les tiers soit des infractions aux dispositions légales applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. Une action en responsabilité conduit à la réparation du préjudice et nullement à une extension de la procédure collective. La Cour de cassation ne pouvait sauver l’arrêt d’appel de la censure par une simple substitution de motif car la confusion des patrimoines des gérants et de la société n’a pas été substantiellement caractérisée. Certes, la société débitrice ne tenait pas une comptabilité mais il fallait en tirer une conséquence quant à la confusion des patrimoines. 

On doit au surplus noter que quand une société est en état de cessation de paiement et soumise à une procédure de règlement judiciaire, voire même déclarée en faillite, l’action en responsabilité de droit commun, prévue à l’article 117, n’est d’aucune utilité pour les créanciers. D’une part, une faute de gestion leur profite et préjudicie à la société et d’autre part, le patrimoine de la société s’interpose à leur action contre les dirigeants. En droit commun, l’article 117 ne le dit pas suffisamment, les dirigeants ne sont responsables personnellement à l’égard des tiers qu’en cas de faute détachable (faute intentionnelle ou commission d’une infraction pénale). C’est plutôt l’article 121 du même code qui protège les tiers. Les gérants de droit ou de fait d’une société à risque limitée (SARL et SA), soumise à une procédure collective, peuvent être condamnés au comblement de l’insuffisance de l’actif de la société. Mais le tribunal ne peut s’auto-saisir. L’action appartient au syndic, à l’administrateur judiciaire ou aux créanciers. Il leur suffit de prouver que l’actif social est inférieur au passif. « L'actif correspond à la valeur vénale du patrimoine social en cas [de plan de règlement judiciaire] ou au produit résultant de sa réalisation [en cas faillite]. Il ne saurait être tenu compte du seul prix de cession en cas de plan de cession [dans un plan de règlement], celui-ci pouvant être déterminé par des considérations totalement étrangères à la valeur réelle de l'entreprise » (Eva Mouial Bassilana, Entreprise en difficulté : responsabilités et sanctions, Répertoire de droit commercial, n°74). En principe, l’insuffisance d’actif peut être constatée à tout moment sans attendre la fin de la procédure. Il suffit qu’elle soit certaine. Un jugement récent a cependant décidé que l’action du créancier en comblement du passif contre les administrateurs d’une société anonyme est prématurée (Monastir com., n°149 du 11 mai 2018, inédit) dès lors que la société soumise au règlement judiciaire a relevé appel.

mardi 26 mars 2019

Fragments de droit des sociétés commerciales





Fragments de droit des sociétés commerciales



I- Droits d’enregistrement des actes des sociétés.


Quand il s’agit de rédiger un acte juridique, il faut penser aux conséquences fiscales de l’opération qu’il constate.

Numérotation des titres de capital. L’art 29 du Code des droits d’enregistrement et de timbre énonce que, « les cessions d'actions, …. ou de part d'intérêts dans les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions effectuées pendant les deux ans qui suivent la réalisation de l'apport fait à la société, … sont réputées avoir pour objet les cessions des biens représentés par ces titres et il est fait application, pour la perception du droit d'enregistrement sur lesdites cessions de toutes les règles relatives à la vente de ces biens. » Si un associé fait apport en pleine propriété d’un bien immeuble et cède dans le délai de deux ans les parts sociales ou actions qui lui ont été attribuées en contrepartie de l’apport, il est considéré comme ayant cédé l’immeuble et l’acte de cession sera soumis au droit proportionnel de 5% augmenté de 1% au titre du salaire du conservateur de la propriété foncière. Les droits dus sont donc plus onéreux que dans la cession de titres de numéraire, soumise au droit fixe. 

Si quelqu’un a fait à la fois un apport en nature et un apport en numéraire et qu’il cède ses parts sociales ou actions dans un délai de deux ans, l’acte de cession sera taxé au taux le plus fort car on ne sait pas si les titres cédés sont ceux qui rémunèrent l’apport en nature ou l’apport en numéraire. Les titres de capital sont en effet des biens fongibles et confèrent des droits identiques dans la société indépendamment de l’objet de l’apport. Le rédacteur des statuts (ou du procès-verbal d’augmentation du capital constatant l’apport) doit être bien avisé de numéroter les parts sociales ou actions en les distinguant selon l’objet de l’apport. La numérotation permet d’individualiser la nature exacte des titres cédés (Renaud Mortier et Pascal-Julien Saint-Amand, Pourquoi la numérotation des actions est possible, JCP N, 30 oct. 2015 p. 35). La numérotation des parts sociales ou des valeurs mobilières n'est pas un obstacle à la fongibilité car ce qui fonde la fongibilité des valeurs mobilières, c'est qu'elles représentent des valeurs scripturales sans individualité (Anne Laude, La fongibilité : diversité des critères et unité des effets, RTD com., 1995, p307).

Imaginons un instant que le rédacteur de l’acte ait omis de numéroter les parts sociales et qu’un associé envisage de céder ses titres dans le délai de deux ans. Pour éviter le supplément des cotisations fiscales, il doit être établi au préalable un acte de précision des statuts en donnant aux parts des numéros pour les identifier. Une fois les formalités de publicité légale de l’acte de précision auront été accomplies, la cession pourra être établie en toute assurance.

Origine de la propriété fiscale. Toujours dans le même ordre d’idée, en matière de fiscalité des actes, il arrive que certains rédacteurs omettent de mentionner dans l’acte portant transfert à titre onéreux de la propriété d’un bien immeuble ou des droits réels immobiliers les justificatifs du paiement des droits d’enregistrement de la dernière mutation immobilière à titre onéreux ou par décès. Les praticiens désignent la mention par l’expression déclaration de l’origine de propriété (sous-entendue fiscale).


L’omission de la mention donne lieu au paiement d’un supplément de droits (3%) au moment de la présentation de l’acte à l’enregistrement (art 20 n°10). Quoique ce supplément n’ait pas été exigé par le receveur lors de la formalité d’enregistrement, l’Administration fiscale est en droit de faire des rappels de cotisations à l’occasion d’un contrôle fiscal préliminaire. 


Il arrive que certains rédacteurs comprennent mal la teneur de la règle légale. Ils mentionnent comme origine de propriété les références d’enregistrement d’un acte de partage. Or une telle mention est insuffisante car la loi exige de mentionner les références de la dernière mutation à titre onéreux. L’acte de partage n’est pas proprement parler un acte translatif de propriété. L’article 123 du CDR consacre, en effet, la règle de l’effet rétroactif du partage. « Chacun des copartageants est censé n’avoir eu dès l’origine, la propriété des effets compris dans son lot … ». En pratique pour éviter un redressement fiscal, on pallie l’omission dans un acte de précision. En droit civil selon l’article 23 al. 2 du COC, « les modifications que les parties apportent d’un commun accord à la convention, aussitôt après sa conclusion, ne constituent pas un nouveau contrat, mais sont censées faire partie de la convention primitive, si le contraire n’est exprimé. » On en tire cette conséquence au plan des droits d’enregistrement. « .. Ainsi, les actes de ratification pure et simple d’actes antérieurement enregistrés (par exemple confirmation d’une nullité relative), les actes d’exécution ou de complément, les actes refaits d’une opération juridique antérieurement enregistrée ne donne pas lieu à perception d’un droit proportionnel ou progressif. » (Habib Ayadi, Les droits d’enregistrement et de timbre et leur contentieux, CPU 2008, p. 107)


Il arrive aussi que certains contrôleurs fiscaux comprennent mal la teneur de la règle légale. Tout récemment, il a été notifié à un acheteur d’un bien immeuble les résultats d’un contrôle préliminaire pour lui réclamer un supplément de cotisations pour défaut de mention de l’origine de la propriété. Dans l’acte de vente, il a été mentionné que la venderesse, une société, est propriétaire de l’immeuble en vertu d’un apport en nature fait à elle. Le contrôleur fiscal a considéré par erreur que cette mutation n’est pas un acte translatif de propriété à titre onéreux. Même si quelques-uns ont proposé de voir, dans le cas particulier de la souscription d’actions, un engagement unilatéral, il est maintenant communément considéré que l’opération juridique d’apport a la nature d’un contrat. La lecture de l’article 2 du CSC confirme l’analyse, que chaque associé s’obligeant en contractant, à faire un apport, reçoit en contrepartie des parts sociales ou des actions. Le contrat de société a un caractère synallagmatique et du coup, nécessairement il est réalisé à titre onéreux et opère une transmission de droits. L'attribution de droits sociaux à l'apporteur, caractéristique de la qualification d'apport, démontre au contraire le caractère onéreux de l'acte. Comme l'apport à titre onéreux, l'apport pur et simple présente donc un caractère onéreux. (Laurent Godon, note sous Cass. 9 juin 2004, Revue des sociétés 2004 p.870) « En raison même de l'attribution de droits sociaux, qui constitue son élément essentiel de qualification, l'apport proprement dit présente un caractère onéreux » (Géraldine GOFFAUX-CALLEBAUT, Apport, Répertoire Dalloz, Sociétés).

II- Rémunération des dirigeants sociaux. Compétence d’attribution.


Deux récents jugements rendus par le tribunal de première instance de Tunis en formation différente, civile (n°67580 du 2 mars 2018) et commerciale (n°40575 du 2 oct. 2018), inquiètent car les magistrats confondent le statut de dirigeant social et celui de salarié. Il s’agit, dans les deux espèces, d’actions intentées par d’anciens dirigeants contre les sociétés qu’ils ont dirigées avant qu’ils ne soient révoqués. Ils réclament le paiement des rémunérations autorisées par l’organe social habilité. Sous le visa de l’article 183 du Code du travail, les deux chambres soulèvent d’office leur incompétence. Le terme arabe ojra étant polysémique les avait conduits à estimer qu’il s’agit là d’un conflit individuel de travail qui relève de la compétence des conseils de prud’hommes. 

Le tribunal de première instance est compétent pour connaître des actions en paiement d’une valeur supérieure à 7.000 dinars. Par ailleurs, selon l’art 40 du CPCC, il peut être créé par décret au tribunal de première instance des chambres commerciales. Ces dernières connaissent des litiges entre commerçants et en matière de sociétés (constitution, direction, dissolution et liquidation). Le litige opposant un ancien dirigeant à une société, pour lui réclamer des rémunérations, relève de la matière des sociétés. Le dirigeant (un gérant, un P-DG ou DG) n’est pas, en cette qualité, dans un lien de subordination juridique à la société. La cause juridique de la rémunération n’est pas une prestation de travail subordonné. Plus généralement, la rémunération du dirigeant n’est pas de droit (art 1280 COC) et n’a pas une nature contractuelle. Un jugement du tribunal de Ben Arous (n°22097 du 23 avr. 2014) a cru faire application de l’art 835 COC mais la Cour d’appel de Tunis l’a censuré (n°81897 du 30 mars 2016). La rémunération procède plutôt d’un acte unilatéral de l’organe compétent au sein de la société (l’AG pour les SARL et le CA pour les SA), sa cause juridique est l’exercice d’un mandat social. N’étant pas contractuelle la rémunération autorisée n’est pas intangible. L’organe compétent peut, en cours du mandat, la baisser voire même la supprimer pour le futur. Le dirigeant mécontent peut démissionner mais ne peut agir en réparation du préjudice subi.

Il arrive qu’un salarié, généralement un haut cadre de l’entreprise, accède à une fonction de dirigeant. Le contrat de travail en cours est alors suspendu. Le salaire dû au titre du contrat de travail est remplacé, mais aussi revalorisé pour tenir compte des nouvelles charges et responsabilité, par une rémunération au titre de la fonction de dirigeant. Même s’il arrive que le dirigeant cumule son mandat social avec un contrat de travail (Imed Laribi, Le cumul de mandat social et d’un contrat de travail dans les sociétés anonymes, R.T.D. 2001, p. 1), il y a un dédoublement des statuts et application distributive des règles selon le statut en cause. Les jugements de rejet cités en haut témoignent d’une confusion regrettable. Les actions en justice mettant en cause un dirigeant sont de diverses sortes. Elles peuvent toucher la régularité de sa nomination, sa responsabilité et sa rémunération. Elles sont de la compétence des tribunaux de droit commun et non des conseils de prud’hommes.



Panorama de jurisprudence commerciale



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I- Sociétés commerciales.


Dans l’arrêt commenté (Cass. civ., 50759.2017 du 7 nov. 2018 inédit), la Cour de cassation a eu à répondre à deux questions inédites dans la jurisprudence tunisienne. 

A- L’ajournement de l’assemblée générale d’actionnaires.


L’assemblée générale ordinaire annuelle peut-elle continuer ses délibérations après que le président-directeur général qui la présidait ait déclaré, suite à un conflit survenu entre les actionnaires lors de l’examen d’une question à l’ordre du jour, la clôture de la séance et quitté les lieux ? On comprend par là que l’intéressé a agi en nullité des décisions prises par cette assemblée générale continuée. 

La Cour d’appel de Tunis (CA Tunis, n°76617 du 18 déc. 2015) a rejeté la demande de nullité en se référant à l’article 281 du Code des sociétés commerciales qui, dans sa version arabe qui fait foi, énonce que « l’assemblée générale est présidée par la personne désignée aux statuts. En cas d’empêchement, la présidence est confiée au président du conseil d’administration ou au président du directoire et, le cas échéant, à l’actionnaire choisi par les actionnaires. » Dans le cas d’espèce, les statuts désignent le président du conseil d’administration à la fonction de président de l’assemblée générale. La cour d’appel a estimé que le départ prématuré du président constitue un cas d’empêchement, justifiant la désignation par l’assemblée générale d’un nouveau président de séance et par suite la continuation des délibérations. 

La Cour de cassation tout en estimant que la notion d’empêchement doit être retenue dans le sens le plus général, tel qu’un départ prématuré du président, constate néanmoins, en la circonstance, que le président a déclaré avant qu’il ne quitte le lieux, la clôture de la séance de sorte que l’assemblée ne pouvait continuer ses travaux. 

Au plan conceptuel, on distingue deux notions: la suspension et l’ajournement de l’assemblée générale. 

La suspension est un arrêt momentané de la tenue de l’assemblée. « Les motifs d’une telle mesure sont soit d’ordre juridique, soit d’ordre politique pour permettre aux actionnaires de se concerter en vue d’une solution ou pour apaiser une tension. L’assemblée reprend ses délibérations après le temps de suspension. Le procès-verbal de l’assemblée doit faire mention de l’incident et de ses conséquences. » (Jean Paul Valuet, Le bureau de l’assemblée générale d’actionnaires, Revue des sociétés 2012, p. 543) 

L’ajournement entraîne la clôture de la séance. Il suppose que l’assemblée n’a pas fini de délibérer sur les questions inscrites à l’ordre du jour. L’ajournement peut intervenir avant la tenue même de l’assemblée ou en cours. L’assemblée qui sera convoquée ultérieurement, en respect avec le formalisme attaché à la procédure de convocation, est nouvelle, c’est-à-dire qu’elle ne peut être considérée comme une deuxième assemblée qui peut se tenir, lorsqu’elle est ordinaire, sans s’arrêter sans qu’aucun quorum ne soit réuni. 

La Cour de cassation sans utiliser la notion d’ajournement, l’admet implicitement du moment qu’elle constate que le président a déclaré, tel que mentionné dans le procès-verbal, la clôture de la séance. Elle en tire la conséquence qu’il faut procéder à une nouvelle convocation et que l’assemblée générale ne pouvait pas continuer. 

B- Le bureau de l’assemblée.


Dans sa réplique en défense, la société n’a pas invoqué l’irrégularité de la décision du président de clôturer la séance. En effet, on peut se demander s’il peut décider seul l’ajournement de l’assemblée générale. Ne faut-il pas que la décision soit prise par le bureau ou du moins après consultation des membres du bureau ? En effet, selon l’article 281 al. 2 du Code des sociétés commerciales, « le président de l’assemblée est assisté de deux scrutateurs, et d'un secrétaire, désignés par les actionnaires présents. Ils forment le bureau de l'assemblée. » Selon une doctrine autorisée (Lamy Sociétés commerciales 2018, n°3812), « le président ne peut, sans consulter ses assesseurs, lever la séance avant d'avoir épuisé l'ordre du jour et fait voter sur les résolutions. Dans le cas contraire, l'assemblée aurait le droit de continuer ses délibérations après avoir reconstitué son bureau. » 

On peut s’étonner que la Cour de cassation n’ait pas soulevé d’office cette règle ou du moins qu’elle n’ait pas remarqué une sorte d’incohérence dans la motivation de l’arrêt lorsqu’elle a répondu au deuxième moyen du pourvoi qui critique la composition du bureau de l’assemblée générale continuée où une seule personne avait occupé la fonction de président de la séance et de scrutateur. La Cour de cassation énonce que « la désignation du bureau de l’assemblée a pour but d’assurer le bon déroulement de la séance, et ses membres ont pour fonction de vérifier la feuille de présence, la réunion du quorum et l’établissement d’un procès-verbal résumant les débats et le résultat du vote. Une personne ne peut cumuler la qualité de scrutateur et de président. Ces deux fonctions ne peuvent être cumulées sauf si la répartition des participations l’impose. » L’arrêt d’appel est censuré en ce qu’il n’a pas vérifié si le bureau ne pouvait être autrement composé. 

La motivation de la Cour de cassation relative au rôle, en quelque sorte collégial du bureau de l’assemblée générale, aurait dû la conduire à un examen plus serré des conditions dans lesquelles le président de l’assemblée a décidé l’ajournement de l’assemblée générale et la clôture de la séance. Peut-être qu’elle n’avait pas pensé le faire du moment que le moyen n’avait pas été soulevé par la défenderesse. En tout cas, il est important de souligner que si l’assemblée générale souhaite continuer ses délibérations, elle doit procéder à la reconstitution de son bureau (T. com. Seine, 30 juill. 1948, Gaz. Pal. 1948, II, p. 117). Une personne ne peut cumuler la fonction de président et de scrutateur qu’exceptionnellement. 

II- Règlement judiciaire


Les deux arrêts de la Cour de cassation n°67865 et 67866 du 17 mai 2018 bien que rendus à propos des faits jugés sous l’empire l’ancienne loi du 17 avril 1995, relative au redressement des entreprises en difficultés économiques, gardent leur actualité sous la nouvelle loi n°2016-36 du 29 avril 2016, relative aux procédures collectives. Les arrêts commentés traitent de l’incidence de l’éviction des dirigeants sociaux sur l’exercice des voies de recours dans la procédure de règlement judiciaire. 

A- L’éviction des dirigeants


Quand une entreprise fait l’objet d’une décision d’ouverture d’une procédure de règlement judiciaire, le président du tribunal peut, de manière exceptionnelle en vertu d’une décision motivée, charger l’administrateur judiciaire -chargé en principe de préparer un plan de redressement- de prendre la direction totale ou partielle de l'entreprise, avec ou sans le concours du débiteur (art 443 nouveau du Code de commerce). 

En la circonstance, deux sociétés appartenant au même groupe étaient soumises à une procédure de règlement judiciaire où le tribunal, lors de l’adoption du plan de continuation, avait décidé l’éviction des dirigeants et la désignation d’un administrateur judiciaire pour diriger les entreprises pendant la période d’exécution du plan. 

Au plan des principes, l’éviction du dirigeant d’une société soumise à une procédure de règlement judiciaire n’est prévue par la loi que pour une durée limitée correspondant à la période d’observation où un administrateur judiciaire est nommé pour faire le diagnostic des difficultés de l’entreprise et chercher les moyens de son redressement. Si le tribunal homologue un plan de continuation de l’activité aucun texte ne lui donne pouvoir de décider l’éviction du dirigeant. 

En droit français comparé, il était possible au tribunal d’homologuer un plan de continuation sous condition de remplacement des dirigeants. C’est donc en vertu d’une disposition légale que le tribunal se décidait avec cette précision que la mesure conduisait au remplacement des dirigeants et qu’il ne pouvait être décidé par le juge mais par les associés. On comprend bien le fondement de la solution. En effet, pendant le plan de continuation, la société doit fonctionner normalement pour pouvoir inspirer confiance à ses créanciers. Or seuls les dirigeants sont en mesure de le faire et, au besoin, ils seront amenés à négocier des garanties personnelles avec ces créanciers. Un administrateur judiciaire n’a pas un motif personnel à une implication d’une telle ampleur et les dirigeants évincés pareillement. Le droit français a évolué en écartant la possibilité pour les tribunaux de décider d’un plan de continuation sous réserve de changement des dirigeants. 


B- L’exercice des voies de recours par les dirigeants évincés


Dans les deux espèces soumises à l’examen de la Cour de cassation, l’administrateur judiciaire a échoué dans sa mission d’exécuter les préconisations du plan et la situation des deux entreprises qu’il a dirigées a bien empiré. Il a présenté une demande de résolution du plan et le tribunal a homologué un plan de cession de l’entreprise à un tiers. Les jugements ainsi rendus ont fait l’objet d’appel formé par les dirigeants évincés. La Cour d’appel de Tunis a rejeté les appels en la forme en estimant que les dirigeants évincés n’ont pas pouvoir de représenter les sociétés en justice. Ces jugements sont censurés par la Cour de cassation avec une longue motivation qu’on ne peut qu’approuver. Elle précise que l’éviction des dirigeants n’emporte pas leur révocation et encore moins leur dessaisissement. Elle est au surplus limitée dans son étendue et sa finalité et ne se prolonge pas après la résolution du plan. Elle ne porte pas en tout cas atteinte aux « droits propres » de la société d’exercer les recours dans le cadre de la procédure collective. Les recours exercés par eux ne préjudicient en rien à la bonne exécution du plan et sont dans le prolongement du droit de propriété qui ne subit de limitation qu’en vertu d’une disposition légale. L’éviction des dirigeants étant exceptionnelle elle est d’interprétation stricte. Un très récent arrêt de la Cour de cassation (Cass civ., 68256.2018 du 4 fév. 2019, inédit) s’inscrit dans la même lignée mais sa motivation est de portée moindre car il se présente comme un cas d’espèce.

L’art de mal écrire une loi A propos de l’al 2 de l’art 4 de la loi n° 2018-36 du 6 juin 2018



L’art de mal écrire une loi

A propos de l’al 2 de l’art 4 de la loi n° 2018-36 du 6 juin 2018



Les créances douteuses des banques publiques. La littérature spécialisée a établi un diagnostic peu reluisant des banques publiques tunisiennes. Elles souffrent de plusieurs maux dont un actif affichant le plus fort taux de créances douteuses et un taux de provisionnement très faible. 

Une banque peut recouvrer ses créances échues et impayées en exerçant des poursuites individuelles ou collectives de recouvrement. Mais le résultat pratique est faible en raison de la lenteur des procédures contentieuses et d’exécution et l’évolution de la société tunisienne où le droit positif devient complexe et les débiteurs, plus avertis, invoquent un droit à la renégociation des crédits ou des manquements du banquier poursuivant. 

La négociation de la dette bancaire. Les difficultés de l'emprunteur comme la fluctuation des taux d'intérêt peuvent motiver des tentatives de modification du contrat de crédit initial. Il a été suggéré de fonder l’obligation de renégociation sur la notion d’exécution de bonne foi du contrat, voire sur une forme de solidarisme contractuel ou sur la théorie de l’imprévision dans la mesure où la relation bancaire est nécessairement évolutive et caractérisée par une certaine incomplétude contractuelle. On a pensé aussi ne faire peser sur la banque qu’une simple obligation de moyens, une obligation d’engager des négociations sans qu’il soit nécessaire qu’elles aboutissent. Toutes ces justifications n’ont pas été reçues par les tribunaux. En principe, une banque est libre d’accepter ou de refuser la renégociation ou la restructuration de la dette. « La liberté de renégocier est le corollaire, en général, de la liberté contractuelle et de la force obligatoire des conventions, mais aussi, plus particulièrement, de la liberté reconnue au banquier de consentir ou non un crédit. Sur le fondement général, il suffit de rappeler que personne, même un banquier, ne peut être contraint de contracter contre son gré. Peu importe que ce soit un nouveau contrat, ou une modification d’un précédent contrat. Il n’y a, en outre, aucune faute à demander l’application d’un contrat légalement conclu »[1] Mais tout récemment certains emprunteurs ont cru pouvoir forcer la main des banques à la renégociation en invoquant les avantages fiscaux qui leur sont accordés par des lois fiscales admettant la déductibilité sous condition des remises de dette. Dans une espèce, la Cour de cassation a été sensible à une telle thèse et a cassé un arrêt d’appel qui a considéré que la remise de dette est facultative pour les banques quand bien même le législateur leur accorde des avantages fiscaux. La cour d’appel de renvoi a maintenu la première position et un second pourvoi est actuellement pendant devant la Cour de cassation saisie en chambres réunies. 

La palette des mesures de traitement amiable de la défaillance de paiement est large. Il peut par exemple être envisagé un nouvel aménagement des délais de paiement (l’accord sur ce point peut être conclu avant ou après la survenance du terme), une révision, à la baisse, du taux d’intérêt rémunératoire, une novation par création d’une obligation nouvelle (ce que le jargon bancaire désigne par la consolidation) ou par changement de débiteur, accepté (selon la technique de la délégation parfaite) ou non (délégation imparfaite). La banque peut faire apport de sa créance au capital de la société débitrice et libérer par compensation. Elle peut accepter un paiement par la remise d'une chose (ce que le jargon juridique désigne par l'expression dation en paiement). Souvent, ces mesures se combinent. 

La problématique de l’abandon des créances. Mais les banques peuvent être amenées à consentir des abandons partiels de créances, généralement cantonnés aux intérêts de retard dont le montant augmente d’une manière vertigineuse en raison de l’écoulement du temps et l’effet conjugué des règles d’imputation des paiements partiels, du taux élevé de l’intérêt légal de retard et des clauses de capitalisation des intérêts non payés, légalisées depuis 2000. 

L’abandon de créance peut avoir aussi pour objet les intérêts rémunératoires du crédit. Plus rarement, les banques consentent des abandons de créance sur le principal. Le terrain d’élection d’un abandon du principal de la dette est le solde provisoire ou définitif d’un compte courant bancaire en raison de la règle de l'indivisibilité du compte courant. 

Pour une banque publique, la question de l’abandon des créances pose en premier lieu la question du pouvoir de la direction générale à consentir une remise de dette sans autorisation préalable du conseil d’administration. Il pose également la question du risque pénal auquel s’exposent les dirigeants sur le fondement du fameux article 96 du Code pénal qui punit gravement tout directeur d'une société dans laquelle l'État détient directement ou indirectement une part quelconque du capital… qui use de sa qualité et de ce fait …procure à un tiers un avantage injustifié, cause un préjudice à l'administration … » Pour ne retenir que ce dernier aspect, les banques privées disposent d’une sorte d’avantage concurrentiel par rapport aux banques publiques. 

Le dispositif exceptionnel de l’abandon. Conscient de cette délicate question, le législateur est intervenu pour encadrer la pratique de l’abandon des créances des banques publiques. La loi n°2018-36 du 6 juin 2018, modifiant et complétant la loi n° 2015-31 du 21 août 2015, relative au renforcement de la solidité financière de la banque de l’habitat et la société tunisienne de banque a prévu un régime de droit commun et un régime plus avantageux pour les débiteurs mais limité dans le temps. Ce régime exceptionnel retiendra notre attention en raison de son intérêt pratique immédiat et de son ambigüité rédactionnelle. 

L’article 4 de la loi n° 2018-36 du 6 juin 2018, modifiant et complétant la loi n° 2015-31 du 21 août 2015, relative au renforcement de la solidité financière de la banque de l’habitat et la société tunisienne de banque énonce à l’alinéa 1er que : « nonobstant toutes dispositions contraires, les banques publiques peuvent procéder à l’abandon partiel, dans la limite de 20% et de manière exceptionnelle de leurs créances en principal classées 4 au 31 décembre 2017 et consenties avant le 31 décembre 2011, et ce, à la condition de régler le reliquat de la créance dans un délai maximum de six mois à compter de la date de la conclusion de la convention de conciliation. » Il ajoute au deuxième alinéa que : « Les dispositions du présent article sont applicables jusqu’au 31 décembre 2018, prorogeable une seule fois pour une durée d’une année. » 

Le second alinéa pose une difficulté d’interprétation en ce qu’il prévoit que le régime dérogatoire de l’abandon des créances des banques publiques, limité dans le temps, jusqu’au 31 décembre 2018, est susceptible « d’être prorogé une seule fois pour une durée d’une année ». Comment proroger un délai posé par la loi ? La question est de dire qui décide de la prorogation ? Faut-il une intervention législative ou suffit-il que la banque concernée décide d’elle-même la prorogation ? (1) Il s’agit aussi de dire qu’est-ce qu’on proroge (2) et quand (3). 

1) Qui décide la prorogation ? Une loi exceptionnelle ou d’expérimentation est destinée à n’avoir qu’un effet limité dans le temps. Mais il arrive qu’elle soit prorogée, cela n’a rien d’étonnant ni d’illégal. Le législateur est souverain et peut décider de proroger un délai qu’il a instauré. A plusieurs reprises, le législateur était intervenu pour proroger le délai de certaines mesures souvent de nature fiscale. 

La prorogation dans le temps d’une loi ancienne en vertu d’une nouvelle loi intervient sans qu’elle soit prévue dans la loi d’origine. Il ne peut en être autrement, car, au plan de la politique législative, il est déconseillé de prévoir qu’un délai exceptionnel sera prorogé ou est susceptible d’être prorogé : soit que les destinataires de la règle ne se sentent pas la nécessité d’agir avec promptitude, et de là les effets escomptés de la loi ne seront pas atteints, soit qu’ils s’exposent à une incertitude sur la volonté définitive du législateur et ça sera une atteinte à la prévisibilité de la loi. Donc pour ce qui concerne l’al. 2 de l’article 4 précité, il est exclu que le législateur ait pensé intervenir par une loi subséquente pour proroger le délai du 31/12/2018. D’ailleurs, la charge du Parlement n’autorise pas une telle solution. 

Quand une disposition de la loi est ambiguë on recourt aux travaux préparatoires de la loi pour chercher quelle est la volonté du législateur. Les travaux préparatoires sont ceux qui ressortent des débats au sein des commissions parlementaires et de l’exposé des motifs de la loi. 

En la circonstance, l’article 4 de la loi 36-2018 objet de nos commentaires ne figure ni dans le projet de loi présenté par le Gouvernement ni encore dans le projet de loi transmis par la Commission des finances, plan et développement de l’ARP à l’assemblée plénière. Il est en réalité proposé par quelques députés le jour de la discussion en assemblée plénière. Dans son intervention pour défendre le projet d’ajout, le député Mohamed Fadhel Ben Omrane s’exprime en ces termes : « une banque a une créance classée et il est possible d’en abandonner une partie dans la limite de 20% du principal. Quand ça sera ? Quand le client exprime sérieusement sa prédisposition de la régler dans un délai qui n’excède pas une année susceptible de prorogation une seule fois. Qui décide de la prorogation ? Le conseil. On leur donne un délai qui expire le 31 décembre 2018 car ces dossiers nécessitent du temps pour qu’ils soient prêts car il faut négocier avec les clients. On a voulu procurer aux banques une trésorerie dans un délai ne dépassant pas le 31 décembre 2018. ….»[2]

Il découle de ce qui précède, que le pouvoir de décider de la prorogation du délai du 31 décembre 2018 revient au conseil d’administration de la banque publique concernée. 

2) Qu’est-ce qu’on proroge ? L’intervention du député pour expliquer les motifs du projet d’ajout demeure confuse car on ne sait pas exactement si la prorogation s’applique au délai donné au client de régler sa dette, en application de l’accord conclu avec la banque avant le délai du 31 décembre 2018 ou elle s’applique à la possibilité pour la banque de conclure des nouveaux accords, après la date du 31 décembre 2018, en vertu d’une prorogation qu’elle a décidée. 

La première interprétation trouve appui dans l’affirmation du député selon laquelle « un client exprime sérieusement sa disposition de régler la créance dans un délai qui n’excède pas une année susceptible de prorogation une seule fois. » La deuxième interprétation trouve par contre appui dans l’affirmation selon laquelle, « ces dossiers (transactionnels) nécessitent du temps pour qu’ils soient prêts car il s’agit de négocier avec les clients ». Dans cette logique, le délai du 31 décembre 2018 parait étroit et ne permet pas à la banque de clôturer les négociations qu’elle mène avec des clients en difficultés. 

En réalité, il faut retenir les deux interprétations en même temps en faisant la distinction suivante : 

- Pour toutes les opérations dans lesquelles la banque a conclu un accord avec des clients (que ce soit dans le délai du 31 décembre 2018 ou dans le délai de prorogation qu’elle a décidé), ces derniers s’obligent à payer dans un délai de six mois à compter de la date de l’accord ; ce délai ne peut être prorogé par la banque qu’une seule fois six mois au plus. 

- La banque publique peut décider la prorogation du délai du 31 décembre 2018 une seule fois pour une seule année. 

3) Quand proroger ? S’il est donc possible au conseil d’administration de la banque de proroger le délai du 31 décembre 2018 pour permettre la conclusion des accords transactionnels après le délai du 31 décembre 2018, se pose la question de savoir si la décision du conseil d’administration doit intervenir avant l’expiration de ce délai. La question est cruciale car le verbe « proroger » signifie une modification du terme, par son report. La prorogation doit dès lors intervenir avant l’expiration du terme. Car une fois le terme arrive, le délai expire et il ne peut être prorogé, c’est-à-dire reporté. 

Il ne semble pas qu’il faille s’attacher à une interprétation littérale du texte. Car de toute façon, il est mal écrit et par conséquent il faut en faire une interprétation téléologique. Le conseil d’administration peut décider, dans l’exercice des pouvoirs qu’il détient en vertu de l’article 1 bis de la loi n°31-2015 du 21 août 2015, tel qu’ajouté par l’article 3 de la loi 36-2018, de faire application du régime dérogatoire institué par la loi même après la date du 31 décembre 2018. Car il faut disposer de temps pour examiner les résultats des accords conclus avant le 31 décembre 2018 et pour évaluer les perspectives d’une action future. En tout cas, passé le délai du 31 décembre 2019, aucune prorogation n’est plus possible et on revient au régime normal de l’abandon de créances organisé par l’article 1 bis de la loi du 21 août 2015. 




[1] Nicolas Mathey, La renégociation des crédits bancaires, Revue Lamy droit des affaires, n°31, 1er oct. 2008. 


[2] Travaux préparatoires de l’assemblée des représentants du peuple, audience du 22 mai 2018, p. 3749. L’intervention du député n’a pas donné lieu à une discussion. Le ministre des finances observe toutefois, comme pour exprimer son accord, que « la difficulté de recouvrement des créances bancaires ne concerne pas les créances nouvelles mais celles anciennes. »